Séance du
vendredi 25 juin 2004 à
8h
55e
législature -
3e
année -
10e
session -
52e
séance
PL 9266-A
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. J'aimerais simplement insister, alors que je n'y ai fait qu'une brève allusion pour le projet de loi précédent, sur l'adoption de l'indice suisse des prix à la consommation. Alors que les collaborateurs de l'Etat qui s'établissent en France, mais aussi dans le canton de Vaud, sont de plus en plus nombreux, il est quand même paradoxal que l'indice utilisé pour l'adaptation de leur traitement soit l'indice genevois.
Cette situation est de factode plus en plus étonnante aujourd'hui. Elle deviendra, de par la loi, de plus en plus inacceptable demain si nous acceptons, comme je le souhaite, le projet de loi concernant la liberté du choix de l'établissement des collaborateurs de l'Etat, déposé par le groupe UDC et actuellement examiné par notre commission. C'est à ce titre que je fais mention de cette incongruité en ce qui concerne l'adaptation des salaires. Il serait bon qu'elle soit corrigée.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. En écoutant M. Weiss, on croirait que même l'indexation sur l'indice suisse est payée. Monsieur, les salaires n'ont été indexés ni sur l'indice genevois ni sur l'indice suisse depuis pas mal d'années. Mme la présidente du département des finances a donné le chiffre de 9%... On ne va pas entrer dans une bataille de chiffres, admettons ces 9%. On voit bien qu'on est loin du compte, même pour le payement de l'indexation sur l'indice suisse !
Mme la cheffe du département des finances a dit que si l'on renonçait à l'indexation semestrielle, c'était justement pour garantir l'indexation annuelle. Elle a dit également que, s'agissant des annuités et des primes de fidélités, ce ne serait qu'un décalage de six mois et que les annuités et les primes de fidélité seraient garanties. Alors, j'aimerais bien que les choses soient claires: comment, Madame la conseillère d'Etat, pouvez-vous affirmer ce que vous venez de dire et déposer, en même temps, un plan quadriennal qui prévoit une évolution telle des charges du personnel que les salaires pourraient au mieux augmenter de l'ordre de 1,3% tout compris ?
Or les annuités représentent 1%, les primes de fidélité 0,3%, soit 1,3% au total. Aujourd'hui, l'indexation semestrielle, que vous auriez dû payer - dû payer ! - est de 1,5%. Donc, vous allez la supprimer selon votre projet de loi, Madame ! Donc, 1,5% d'un salaire de 6000 francs, c'est 90 francs pour l'éternité. Pour toute l'année 2004, il est fort probable que l'inflation sur six mois est plus proche de 2% que du 1,5% actuel. Comment pouvez-vous affirmer, Madame la cheffe du département des finances, que vous allez respecter les mécanismes salariaux concernant les annuités et les primes de fidélité - 1,3% pour 2005 - et payer en 2005 l'indexation de l'année 2004, selon ce que prévoit ce projet de loi ? On arrive à un total de 3,3 ou 3,4%, alors que vous vous êtes fixé une limite, Madame, de 1,3 ou 1,6% selon la manière de voir les choses !
Ces éléments sont véritablement des informations destinées à la consommation politicienne et ne sont pas du tout conformes à la réalité. En fait, Madame, vous affirmez des choses et vous faites autre chose, et c'est toujours le personnel qui trinque ! Ce 1,5% d'indexation semestrielle représente 25 à 27 millions de francs. A cela s'ajoutent les annuités et les primes de fidélité: on approche des 50 millions, rien que pour les salaires des gens. Lorsqu'on regarde encore les amendements qui ont été déposés, on s'aperçoit que ce sont des sommes considérables. Qui est-ce qui trinque en premier ? C'est le personnel, toujours le personnel, parce que, selon M. Catelain, les gens sont trop payés et trop nombreux. Et il n'y a que lui qui fait bien son boulot et qui est payé à sa juste valeur...
Je trouve, Madame Brunschwig Graf, que votre manière de faire est véritablement inadmissible. Ce que vous dites est faux, et vous le savez: vous n'allez pas payer les annuités et les primes de fidélité en 2005. Sinon, acceptez, Madame, de vous engager aujourd'hui sur le fait qu'en 2005 il y aura les annuités, les primes de fidélité et l'indexation du salaire selon l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation 2004 ! Engagez-vous dans ce sens et, là, vous serez crédible ! Arrêtez de nous dire n'importe quoi et d'affirmer que le paiement est seulement différé et que l'Etat paiera finalement l'indexation annuelle ! Vous savez que ce ne sera pas possible avec votre plan quadriennal.
M. Jean Spielmann (AdG). J'aimerais faire deux observations, dont une première à M. Weiss. Monsieur, vous introduisez effectivement une idée qui semble nouvelle et moderne, c'est-à-dire qu'on prendrait comme référence l'indice suisse pour régler le problème de l'indice genevois. L'argument pour ce changement, c'est que beaucoup de gens vivent à l'extérieur et qu'il n'est pas normal qu'ils profitent de l'indice genevois.
Je voudrais vous rendre attentif, Monsieur Weiss, à deux éléments. Il y a effectivement, à Genève, une situation paradoxale. On trouve 53'000 employés de plus que le nombre d'emplois qu'il y a effectivement à Genève; cela signifie qu'il y a 53'000 personnes qui se déplacent pour venir travailler à Genève, dont beaucoup de frontaliers - de plus en plus ces derniers temps, d'ailleurs. Genève jouit d'une situation privilégiée au niveau du statut fiscal de ceux qui viennent de l'extérieur du canton. Or, toutes les normes en Suisse, notamment dans les autres cantons frontaliers, sont ainsi faites que l'imposition s'effectue sur le lieu de domicile. Genève a réussi, jusqu'à présent, à accepter que l'imposition se fasse sur le lieu de travail pour ceux qui travaillent à Genève et qui sont domiciliés en France. C'est un exemple unique en Suisse. Il suffirait, Mesdames et Messieurs, qu'un certain nombre de ces gens contestent cette réalité devant les tribunaux pour que vous soyez obligés de revenir en arrière. Vous perdriez ainsi des dizaines de milliers de contribuables à Genève, qui paieraient leurs impôts sur le lieu de leur domicile. Ce serait effectivement très grave pour l'économie genevoise. Monsieur Weiss, vous êtes en train de mettre en route un processus extraordinairement dangereux, en voulant justifier le non-respect des engagements et des contrats que vous avez signés, que l'Etat a signés, et que le Conseil d'Etat a signés avec ses employés ! Remettre en cause des principes aussi fondamentaux que ceux-là peut conduire à une situation très grave et très préjudiciable pour Genève. Je vous rends attentifs à la manipulation des indices et aux conséquences qu'elle peut avoir.
Ensuite, nous avons dit - avec l'ensemble des partis de l'Alternative qui ont écrit au Conseil d'Etat - que nous souhaitions une discussion et une négociation avec la fonction publique. Je le répète encore une fois ici: il n'y aura ni réforme, ni amélioration, ni recherche de meilleures performances, sans discussion avec le personnel.
Je ne connais pas d'employeur qui ne discute pas avec les employés quand il y a des difficultés comme celles dans lesquelles se trouvent les finances de l'Etat de Genève. Alors, refuser le dialogue, refuser le débat, ne pas entrer en matière pour discuter avec les gens, est une erreur que l'on paiera beaucoup plus cher que ce que nous aurions peut-être dû accepter pour entrer en négociation ! Je suis persuadé qu'en négociant avec le Cartel, qu'en discutant avec la fonction publique, qu'en mettant en place des structures permettant le débat et la discussion, on arrivera à une situation bien meilleure. On y arrivera aussi dans la gestion et l'administration des affaires publiques.
On ne peut pas gérer des entités comme l'hôpital, comme les TPG, comme d'autres activités de l'Etat, sans discuter avec le personnel et sans le faire participer aux décisions prises. Vous êtes en train, Mesdames et Messieurs, de refuser la discussion, de revenir sur les engagements pris, de mépriser ceux qui travaillent pour la collectivité publique. Et à travers ces projets de lois, vous aliénez aussi une bonne partie du crédit politique que vous pourriez avoir en présentant un meilleur budget que celui que vous proposez. Nous vous avons dit, Mesdames et Messieurs, que nous n'entrerions pas en matière sur le budget si ces projets de lois étaient maintenus et si l'attitude que vous avez adoptée à l'égard de la fonction publique était maintenue.
Il ne s'agit pas là de défendre les privilèges de la fonction publique, il s'agit simplement de se faire respecter comme employeur auprès de ses employés, de conduire une négociation - ce que font à peu près toutes les entreprises respectables. La fonction publique doit trouver face à elle des gens capables de discuter et de fournir des réponses cohérentes.
Je suis persuadé que les employés sont beaucoup plus capables de discuter, de trouver des solutions pour réduire des coûts et d'améliorer les prestations à la population, que vous ne l'imaginez. Alors, vous faites fausse route sur ce terrain-là. Vous faites fausse route parce que vous vous aliénez une partie de ceux qui auraient pu voter un budget. Je ne sais pas aujourd'hui avec quelle majorité vous arriverez à obtenir un budget à la fin de ces débats. Vous avez fait un choix, Mesdames et Messieurs ! Ce choix n'est pas le nôtre. Nous ne respectons pas cette décision et nous prendrons toutes les mesures qui s'imposent pour vous faire corriger le tir.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous avons affaire ici à un projet de loi jumeau du précédent. Il s'inscrit dans sa continuité, dans une même logique. J'aimerais rappeler aux membres de l'Alliance de gauche que le canton de Genève n'est pas le seul canton à connaître un système d'annuités. Même la Confédération connaît ce type de traitement. La différence, c'est qu'il n'engendre pas les mêmes effets, puisque dans d'autres cantons et à la Confédération il est neutre du point de vue des coûts. Autrement dit, les annuités n'engendrent pas une augmentation de la masse salariale année après année; ce mécanisme est absolument neutre au niveau des coûts.
Si vous observez les comptes de la Confédération, vous constaterez que la masse salariale n'a pas augmenté au cours des dernières années, elle a suivi l'inflation.
Il faudrait peut-être défendre les intérêts vitaux de la fonction publique. Si j'étais fonctionnaire cantonal, j'attendrais de la gauche qu'elle défende plutôt mon droit à la retraite. J'accepterais un sacrifice, limité dans le temps, sur l'indexation, plutôt que de prendre des risques sur le long terme au niveau du financement des caisses de retraite - dont on ne parle pas aujourd'hui, d'ailleurs. On aurait pu imaginer que le Conseil d'Etat nous présente un projet de loi rétablissant la parité entre les cotisations employeur et employés, comme c'est le cas dans la plupart des cantons et dans la plupart des entreprises. Il s'agirait donc d'une simple égalité de traitement entre le fonctionnaire cantonal et le citoyen de ce canton.
Pour l'UDC, l'indexation semestrielle est une anomalie. Il faut la corriger, non pas seulement pour l'année 2004, mais également à long terme. Je ne vois pas pourquoi dans ce canton une partie de la population aurait le droit à une indexation semestrielle, tandis que la majorité des citoyens n'auraient le droit qu'à une indexation annuelle - encore faut-il qu'ils la touchent !
Pour mémoire, selon les chiffres du Conseil d'Etat, l'indexation semestrielle était à 0,78%. Certains cantons ont renoncé à toute indexation annuelle pour le personnel de la fonction publique. Je crois donc que, dans ce domaine, on n'a pas trop à se plaindre. L'effort demandé à la fonction publique est acceptable. Il n'a pas besoin d'être négocié parce que nous sommes dans une situation d'urgence.
M. Alberto Velasco (S). Nous sommes de nouveau confrontés à un projet de loi qui s'attaque aux intérêts de la fonction publique et, concrètement, aux travailleurs. Monsieur Catelain, vous dites qu'il faudrait que l'indexation soit annuelle... Le problème, c'est que, même annuelle, elle n'est pas garantie dans ce projet de loi. La preuve, c'est que le rapporteur de minorité a proposé un amendement pour garantir cette indexation annuellement. Cet amendement figure à la page 8 du rapport qui nous est soumis et se formule ainsi: «Les traitements sont adaptés chaque année pour l'année suivante, proportionnellement à l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation.» Cet amendement a été refusé par l'Entente et, évidemment, par votre parti, Monsieur Catelain ! Vous n'avez donc pas accepté en commission la proposition que vous venez de faire en plénière. Je pense que le rapporteur de minorité soumettra à nouveau son amendement. J'espère qu'à ce moment-là vous pourrez voter avec nous.
Chaque fois que nous refusons les mesure proposées, nous sommes taxés, nous à gauche, d'égoïsme - en l'occurrence, on nous rabâche à chaque occasion la question de la dette. Hier, j'ai entendu quelque chose qui m'a tout de même surpris: le rapporteur de majorité du budget, M. Mettan, a dit que la dette était de 25'000 francs par jeune de moins de 20 ans. Ce calcul est totalement faux. Il est totalement faux parce que le paiement de la dette...
M. Bernard Lescaze. C'est plus cher ?
M. Alberto Velasco. Non, Monsieur Lescaze ! Il faut peut-être apprendre à calculer. Vous prétendez que moi, avec mon revenu, je dois payer la même part de la dette que M. Pictet, banquier, ou que certaines fortunes de ce canton... Cette dette est aussi répartie proportionnellement selon le revenu de chacun de nous. Conclusion: les jeunes défavorisés - ou qui ont moins de fortune que d'autres - paieront une part de la dette bien moindre que ceux qui ont une fortune; quelqu'un qui n'est pas fortuné aura à assumer quelques centaines de francs de cette dette et quelqu'un de fortuné assumera, proportionnellement à son revenu, une part plus importante. En l'occurrence, le calcul de 25'000 francs qu'on nous a balancé hier est totalement démagogique !
Hier, on nous a également dit que les allègements fiscaux avaient amené un certain nombre d'emplois; c'est peut-être vrai. M. le rapporteur a fait le calcul, mais c'est dommage qu'il ne nous ait pas donné le coût de ces emplois créés en infrastructures, en écoles, etc. Ce n'est pas forcément un bon nombre d'emplois; ces emplois sont importés dans le canton, et pas forcément créés.
Vous nous traitez d'égoïstes, Mesdames et Messieurs... J'aimerais que la droite, une fois pour toutes... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur ! J'aimerais que vous nous fassiez, une fois pour toutes, un calcul ou une démonstration qui corrobore le principe selon lequel les baisses d'impôts amènent une telle suractivité économique que des emplois sont créés et qu'on renfloue les caisses. Parce que, avec ce même raisonnement, on pourrait dire que, dans la crise actuelle, nous pourrions, baissant encore les impôts, améliorer les recettes fiscales et, par là, vivre mieux !
Une voix. Exactement !
M. Alberto Velasco. Donc, si je comprends bien, Messieurs les radicaux, Monsieur Froidevaux, vous allez proposer encore des baisses fiscales ! (Approbation de M. Pierre Froidevaux.)Voilà, il dit oui ! Alors que vous demandiez tout à l'heure des sacrifices pour 21 millions, plus maintenant d'autres sacrifices pour 13 millions, vous nous dites ici, en plénière, que vous allez encore demander des baisses fiscales ! (Commentaires.)C'est un discours totalement revanchard et absurde. (Vives protestations de M. Pierre Froidevaux.)
Le président. Monsieur Froidevaux, laissez parler M. Velasco !
M. Alberto Velasco. Monsieur Froidevaux, votre attitude est réactionnaire... et totalement ridicule ! Cela montre votre état d'esprit vis-à-vis de la fonction publique. Les radicaux veulent des baisses d'impôts sur le dos des travailleurs de la fonction publique. Cela, Monsieur Froidevaux, nous ne l'accepterons pas et nous rejetons ce projet de loi ! Nous, les socialistes, nous refuserons donc l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral acceptera l'entrée en matière sur ce projet de loi qui, contrairement au précédent, introduit une modification structurelle puisqu'il est ici question de passer d'une indexation semestrielle à une indexation annuelle. Cela paraît tout à fait normal. Ce qui est en réalité anormal, c'est l'indexation semestrielle. Je ne crois pas qu'un tel système existe ailleurs.
Il est vrai que cette indexation n'est pas automatique, elle ne l'a d'ailleurs jamais été. Le Conseil d'Etat dispose de la faculté d'indexer les salaires; cela nous paraît également tout à fait normal, il n'y a pas là de rupture d'un engagement contractuel.
J'ai pu entendre M. Mouhanna dire tout à l'heure qu'il était inadmissible qu'on ne respecte pas les engagements envers la fonction publique. En réalité, il n'y a pas d'engagement envers la fonction publique consistant à indexer automatiquement les salaires, puisque la loi stipule clairement que le Conseil d'Etat est autorisé à indexer les salaires. Lorsque la personne qui s'engage dans la fonction publique prend connaissance de ses conditions de travail et de ses conditions salariales, elle prendra également connaissance de cette loi. Elle saura qu'il n'y a pas d'indexation automatique.
Quant au pouvoir d'achat, dont on nous rebat les oreilles depuis hier soir, il est maintenu. Le pouvoir d'achat se maintient puisque, précisément, on continue à permettre l'indexation des salaires. J'aimerais simplement vous rappeler que dans le budget du Conseil d'Etat la masse salariale augmentait d'environ 42 millions. A l'issue de nos débats probablement, si le budget est accepté tel qu'il sort de la commission des finances, la masse salariale augmentera encore d'environ 35 millions. Je crois que cet élément-là doit ramener un tout petit peu de modération dans le débat et nous permettre d'aller de l'avant.
Mme Anne Mahrer (Ve). J'ai bien écouté tout à l'heure Mme Brunschwig Graf. Elle nous dit que Conseil d'Etat compte sur la fonction publique pour mettre en oeuvre le fameux projet GE-Pilote en faisant appel à sa capacité d'engagement, à sa compétence. Le Conseil d'Etat serait soucieux de «l'épanouissement professionnel des collaboratrices et des collaborateurs». Pourtant, dans le même temps, il s'attaque à nouveau aux mécanismes salariaux. Je trouve cela assez surprenant.
Comme l'a rappelé tout à l'heure mon collègue David Hiler, on pourrait trouver un accord sur la suppression de l'indexation semestrielle, si le Conseil d'Etat s'engageait sur le versement effectif de l'indexation de novembre à novembre, pour arriver ensuite à une indexation annuelle.
Ce signal est désastreux pour mettre en oeuvre une réforme de l'Etat en profondeur. Aussi, les Verts n'entreront-ils pas en matière sur ce projet de loi.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve l'intervention de M. Muller un peu curieuse. D'une part, il dit que le Conseil d'Etat n'est pas obligé d'indexer les salaires - je partage ce point de vue avec lui - et, d'autre part, il ajoute tout de suite que les gens qui entrent dans la fonction publique savent que l'indexation n'est pas automatique. En même temps, le même M. Muller ou son groupe trouvent normal que des choses figurant dans la loi - par exemple les annuités et la prime de fidélité - soient supprimées. (L'orateur est interpellé.)Si ! C'est dans la loi, Monsieur Muller, puisque vous faites une dérogation à cette loi avec le projet de loi précédent ! Et vous trouvez normal dans ce cas, Monsieur, qu'on ne respecte même pas la loi qui constitue un contrat.
Ensuite, Monsieur Muller, vous oubliez que les gens qui travaillent dans la fonction publique sont quand même des êtres humains qui ont un certain nombre de droits. Et comme tous les travailleurs, Monsieur Muller, ils ont un patron, qui se trouve être le Conseil d'Etat ! Si, pour vous, les travailleurs n'ont rien à dire quand il s'agit de voir la compensation du renchérissement payée ou pas, alors je trouve que vous avez une drôle de manière de respecter les gens ou les travailleurs. Le Conseil d'Etat, c'est le patron de la fonction publique et il a l'obligation de négocier avec ses partenaires sociaux. A partir du moment où il ne négocie pas, il enfreint toutes les règles des pays démocratiques en matière de droit du travail. Genève, qui est le centre d'un certain nombre d'organisations internationales, notamment l'Organisation internationale du travail, est très mal placée pour donner des leçons à quiconque dès lors que son gouvernement enfreint les règles. Il appartient donc au Conseil d'Etat de respecter les règles élémentaires des rapports sociaux avec les travailleurs dont il a la charge, c'est-à-dire avec le personnel de la fonction publique. Et comme vous pouvez le constater, à aucun moment le Conseil d'Etat n'a négocié quoi que ce soit avec le personnel. Mme Brunschwig Graf a eu l'immense générosité de dire qu'elle avait envoyé une lettre pour fixer deux séances. C'est cela, la négociation... (L'orateur est interpellé.)Bon, trois séances - ou quatre peut-être - pour dire aux représentants du personnel que la situation est dramatique, qu'on ne peut rien faire, mais qu'ils sont formidables et que la qualité de leur travail est tellement reconnue qu'on va s'en prendre encore aux conditions de travail et aux salaires !
Enfin, Monsieur Muller, il faudrait arrêter de mélanger tout. Ne pas mélanger la masse salariale et les salaires ! La masse salariale, elle, est déterminée par le nombre de personnes qui travaillent. Et les dégâts de la politique que vous menez, Monsieur Muller, dans les domaines de la santé, du social et de l'éducation coûtent de l'argent ! Regardez ce qui se passe au niveau du recours à l'aide sociale, vous comprendrez alors que ce ne sont pas les salaires qui augmentent, mais que c'est la précarité qui nécessite plus de dépenses. Autrement dit, ce sont les dégâts de votre politique qui font augmenter les masses salariales.
Monsieur le président, pour bien montrer la sincérité des uns et des autres, et notamment du Conseil d'Etat, quand ils parlent d'indexation annuelle, je suppose que ce Grand Conseil acceptera à l'unanimité l'amendement déposé par M. Pagani sur ce projet de loi PL 9266-A.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Il va de soi que, lorsque je proposais tout à l'heure que l'on emploie l'indice suisse des prix pour procéder à l'indexation des salaires quand cela est possible, je ne proposais nullement une solution miracle, mais uniquement un instrument technique. De même, le Conseil d'Etat, en proposant cette solution, a aussi mis le doigt sur un des défauts techniques de l'indexation semestrielle, à savoir que l'adaptation du budget aux futurs comptes est rendue plus difficile parce que la prévisibilité est moindre.
J'aimerais ajouter deux points. Tout d'abord, je relève ce qu'a dit avec justesse M. Velasco. Il n'y a pas 24'000 ou 25'000 francs en moyenne de dette par contribuable, ce serait une illusion de le croire. Il y a près de 50'000 contribuables qui ne paient pas d'impôts. Ce sont les citoyens et les habitants de ce canton qui, pour différentes raisons, ne sont pas soumis à l'impôt, notamment en raison de barèmes particulièrement généreux. En revanche, Monsieur Velasco, 80% des impôts sont payés par 20% des contribuables. Ce qui signifie que sur 40'000 personnes pèse une dette virtuelle de 250'000 francs par tête contributive. Ce chiffre-là, nous le prenons en considération et nous visons à le réduire. Je serais heureux si vous nous rejoigniez, Monsieur, dans nos efforts pour diminuer ce poids sur les 40'000 contribuables en question. Ils font aussi partie du peuple, j'aimerais le souligner ici !
Enfin, certains se sont livrés à des comparaisons entre le privé et le public, notamment en ce qui concerne l'indexation ou non des salaires pour le public genevois au cours des années 1990. Ils ont oublié de rappeler qu'en ce qui concerne le privé suisse dans son ensemble la progression de son pouvoir d'achat, de 1992 à 2002, a été de seulement 0,5% globalement - avec une progression d'ailleurs plus élevée pour les hauts et les bas revenus. Il serait peut-être utile de voir que la progression des salaires pour la fonction publique genevoise a certainement atteint ce pourcentage.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 45 oui contre 38 non. (Commentaires.)
Suite des débats: Session 10 (juin 2004) - Séance 59 du 26.06.2004
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, essayez de conserver votre calme ! Nous passons maintenant au deuxième débat sur le budget en tant que tel, soit avec le livre bleu.