Séance du jeudi 10 juin 2004 à 20h
55e législature - 3e année - 9e session - 46e séance

M 1568
Proposition de motion de Mme et MM. Pierre Froidevaux, Jean-Marc Odier, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, John Dupraz, Marie-Françoise De Tassigny, Jacques Follonier, Hugues Hiltpold, Pierre Kunz, Louis Serex visant à épurer le droit fiscal genevois, la loi générale sur les contributions publiques en particulier, à actualiser et améliorer les normes servant de base à la perception des impôts

Débat

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical propose à notre Grand Conseil cette motion qui comprend deux volets essentiels. Le premier consiste dans le voeu, déjà exprimé par l'ensemble des députés de la commission fiscale lorsque nous avions étudié les différents volets de la LIPP, de réunir en une seule loi l'ensemble des lois fiscales. La proposition faite consiste en un véritable code fiscal, dans le but d'obtenir une déclaration d'impôts la plus claire possible.

Beaucoup d'efforts ont été faits par le département, on a maintenant rendu des parois informatiques par voie numérique - différentes possibilités pour faciliter le travail du citoyen - mais, malgré tout, le fait de percevoir l'impôt et de faire une déclaration fiscale restent très complexes pour une majorité de citoyens. On souhaiterait donc avoir un vrai code fiscal, une loi simple - plus simple que celle qui existe.

Ce sujet est attendu par la population genevoise. Nous le savons délicat et c'est pourquoi nous lançons d'abord une motion qui permettra de l'étudier à la commission fiscale. En effet, nous ne souhaitons pas qu'à l'occasion d'un tel débat nous revoyons l'ensemble des principes qui ont prévalu à l'élaboration de la LIPP, mais qu'il y ait un accord commun de tous les groupes politiques pour simplifier le travail des citoyens. C'est donc un appel à tous ceux qui sont de bonne volonté... (L'orateur est interpellé.)Oui ! Eh bien, on compte sur vous notamment, cher Monsieur Vaucher ! Nous espérons ainsi avoir une présentation claire parce que, nécessairement, toute modification de la LIPP, en raison de l'IN 112, sera soumise, on le craint, au vote populaire. C'est donc dans cet esprit-là que la première invite, que nous proposons d'étudier à la commission fiscale, est adressée au Conseil d'Etat.

La deuxième invite est un peu plus complexe. Il s'agit d'étudier différents scenariide perception de l'impôt. Mme la présidente était au courant de cette motion radicale et m'a déjà donné la réponse de l'administration sur ce point. Il faut savoir, en résumé, que la CEPP a procédé à une étude permettant de faire comprendre que la population était intéressée par une perception généralisée de l'impôt à la source: 65% des personnes interrogées se sont déclarées «pour». J'ai aussi senti que, même dans un parti comme le mien, qui y était très opposé au départ, les choses étaient en train de changer et que l'esprit public allait dans le sens d'une révision de la notion de la perception et de la conception d'un système de perception d'impôts à la source.

Vous m'avez déjà donné la réponse, Madame la présidente - ce sera illégal. Malgré tout, cette invite est maintenue avec l'idée suivante: vous devez parfois, Madame la présidente, faire des abattements d'impôts parce que les personnes n'arrivent pas à les régler. Et la question de savoir si l'on ne pourrait pas obtenir une condition se pose. En effet, on vous propose un impôt, mais à condition qu'il soit directement prélevé à la source puisqu'il s'agit de mauvais payeurs et que ce sont les autres qui finissent par payer. Il faudrait donc avoir plus d'équité fiscale puisque cet impôt est dû... Il faudrait avoir une petite «arme» à votre disposition, Madame la présidente, pour que l'équité fiscale soit mieux reconnue.

Je vous remercie donc, chers collègues, d'accepter cette motion, qui nécessite un long travail en commission fiscale - soit un rapport que j'ai déjà en partie sous les yeux et qui mériterait d'être public - et je vous recommande d'envoyer cela à la commission fiscale.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Pierre Guérini (S). Cette question pose un certain nombre de bonnes questions, particulièrement celles qui suggèrent de revoir les modes de perception de l'impôt. Une des pistes qui est actuellement en vigueur aux Hôpitaux universitaires consiste à retirer les mensualités d'impôts directement du salaire. Cette possibilité permet de diminuer la subvention du montant des impôts retenus, entraînant des économies non négligeables, simplement parce qu'il n'aura pas fallu emprunter les sommes nécessaires pour payer les salaires des employés.

Il sera intéressant d'étudier les différentes pistes proposées en commission.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Cette motion est intéressante pour la première invite - au contraire de l'avis de M. Guerini qui, lui, privilégie la seconde.

En ce qui concerne la première invite, il était prévu de longue date de regrouper les différentes lois fiscales. Alors pourquoi ne pas déposer une motion pour demander que cela soit fait plus rapidement ?

Je pense qu'avant de regrouper les lois fiscales il faudra peut-être procéder à l'évaluation que nous allons recevoir des LIPP et que nous devrions traiter cet automne.

Concernant la troisième invite, je pense que, de toute façon, le délai de fin septembre est trop court pour que le Conseil d'Etat puisse nous présenter l'ensemble de ce travail, qui est gigantesque. Il faudra bien regrouper les différentes lois fiscales en un seul document, mais cela ne pourra se faire qu'une fois qu'on aura évalué l'impact des LIPP, votées il y a maintenant deux ou trois ans.

Concernant la deuxième invite, outre le fait qu'elle ne soit pas praticable, je regrette qu'elle figure dans le même texte que cette motion. J'aurais personnellement préféré que cela fasse l'objet d'un traitement différencié, parce qu'il me semble que ce sont deux objets différents.

Le groupe démocrate-chrétien est cependant d'accord de renvoyer le tout en commission fiscale où l'on verra ce qu'il est possible d'en faire.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Comme vous le savez, l'Alliance de gauche est pour la transparence fiscale. Nous sommes également en faveur de l'amélioration des recettes de l'Etat. Par conséquent, nous nous posons la question de savoir s'il s'agit vraiment d'une proposition de motion visant ces deux éléments. A la lecture des invites, on pourrait croire - à moitié - que c'est le but visé. Espérons que le complément de cette moitié sera également caractérisé par les objectifs des auteurs de cette motion. Nous attendons donc de voir quelle suite sera donnée à cela.

Néanmoins, nous maintenons qu'il est essentiel que la perception des impôts soit améliorée, pour une égalité entre citoyens ou contribuables et pour les recettes de l'Etat. Et s'il y a transparence fiscale en plus, nous en serons enchantés !

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC accueille favorablement cette motion du groupe radical, il l'en félicite d'ailleurs. Nous soutenons donc son renvoi en commission fiscale.

Il est vrai qu'à Genève la perception de l'impôt est assez ardue et qu'entre le moment où l'on reçoit la déclaration fiscale, le temps de la remplir dans le délai imparti - que beaucoup ne respectent pas - et le moment où l'on reçoit effectivement la taxation, il s'est écoulé grosso modo onze mois, ce qui, manifestement, est beaucoup trop.

On pourrait imaginer que lors du débat en commission on regarde ce qui se passe au niveau d'un canton comme Bâle-Ville. En effet, de nombreuses personnes viennent d'autres cantons sur Genève et ce qui les choque particulièrement, c'est que, sur la base de critères fiscaux et fédéraux identiques, nous avons un système de taxation extrêmement compliqué - d'où une énorme perte d'énergie pour le contribuable et pour l'Etat. Par conséquent, des mesures de simplification sont probablement possibles. Il est vrai qu'à Bâle-Ville le fonctionnement de l'Etat est beaucoup plus simple et convivial pour le citoyen. Ainsi, il y a peut-être des enseignements à tirer en observant ce qui se passe dans les autres cantons de cette Confédération.

Je le répète: nous soutiendrons cette motion. Le groupe UDC, sur le principe, n'est pas favorable au principe de l'impôt à la source parce que ce dernier déresponsabilise quelque peu le citoyen. En revanche, indépendamment d'un problème légal, on sait que la perception à la source coûte deux fois moins cher que le système de perception actuel. Voilà donc des pistes de réflexion possible... (L'orateur est interpellé.)Le coût de la perception est moins élevé pour l'Etat, mais plus pour l'entreprise. Et pour une certaine catégorie de revenus, cette piste est possible. Je vois assez peu la nécessité d'envoyer vingt formulaires à des personnes qui n'ont aucune déduction à faire, si ce n'est leur AVS, leur deuxième pilier et leur caisse maladie.

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral retiendra des trois invites de cette motion... (L'orateur est interpellé.)Non ! J'en compte trois, Monsieur Froidevaux ! Il est déjà tard, mais j'arrive encore à compter jusqu'à trois.

Le groupe libéral retiendra donc ces trois invites. En fait, la première lui semble la plus intéressante à traiter en commission, étant entendu - et je n'aimerais pas ôter la valeur de cette motion - que nous avions déjà eu des débats sur l'opportunité d'avoir à Genève cinq tomes de la LIPP et que, en fait, la réponse est tombée un peu d'elle-même lorsque nous avons pris connaissance du rapport des experts qui ont analysé cette loi. Ce rapport avait été commandité par les députés et le Grand Conseil.

En commission, il faudra se focaliser sur ces cinq tomes de la LIPP et rien d'autre. Vouloir traiter les deux autres problématiques de la motion me paraît un peu hasardeux, cela d'autant plus que, comme l'a rappelé mon collègue Catelain, l'imposition à la source pose un véritable problème. Non seulement pour l'Etat, mais surtout pour les employeurs qui seront responsables de percevoir cette imposition.

Je suggère donc que l'on renvoie cette motion à la commission fiscale, que l'on se focalise sur le regroupement technique de la LIPP, mais qu'on n'oublie pas, non plus - et je crois qu'il est prévu de procéder de la sorte lors de nos futurs débats sur la LIPP - de traiter tous les projets de lois ayant trait à la fiscalité des personnes physiques. Il n'y a pas seulement les lois fiscales sur les personnes physiques qui sont un peu compliquées à Genève, il y a aussi la loi sur les successions et sur les droits d'enregistrement qui mériterait un «toilettage»... Mais rassurez-vous, Madame la présidente, les libéraux ne déposeront pas une motion pour demander ce travail, car ils savent que votre département s'y emploie de près.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La motion radicale était, bien sûr, visionnaire - puisqu'elle a été déposée le 17 novembre 2003. Nous avons eu l'occasion en commission fiscale d'en examiner les enjeux.

Je vous rappelle que cette motion a certainement été améliorée dans le courant des réflexions du groupe radical, parce qu'il n'y est plus fait mention d'impôts à la source, mais d'une version beaucoup plus large qui permet justement de tenir compte de l'esprit citoyen dans lequel nous devons payer nos impôts ! Elle laisse donc une porte grande ouverte au débat. Et la deuxième invite peut être acceptable pour tout le monde dans le cadre du débat, cela pour une raison: de toute façon, la loi de perception doit être instaurée, elle n'existe pas encore. Dans ce sens-là, les interventions, notamment du groupe libéral, sont importantes; celles du groupe UDC aussi, et le groupe radical dans son état d'esprit a également évolué sur ce point.

Cela signifie que le débat en commission fiscale peut avoir lieu sans trop de problèmes. Je vous rappelle qu'un mandat préliminaire a été donné pour déterminer les suites au rapport sur la LIPP - pour n'avoir qu'une seule loi fiscale au sens de la LIPP, pour étudier aussi d'autres composantes ayant trait à d'autres éléments et pour vous faire rapport sur l'organisation du travail, que ce soit pour les pans «Successions» ou pour d'autres encore. Ainsi, nous devrons faire le point à fin septembre.

Il est clair que votre invite au point 3, Monsieur le député qui défendez cette motion, demandant un rapport à fin septembre 2004, n'est pas raisonnable ! (Mme Martine Brunschwig Graf est interpellée.)Vous pouvez ! J'ai fait le compte... Vous pouvez ajouter dorénavant dix mois à vos exigences, et je vous proposerai, si c'est le cas, d'admettre que le Conseil d'Etat ne peut répondre dans les délais. Cependant, comme vous renvoyez de toute façon ce projet en commission, vous l'amenderez à ce moment-là.

Pour le reste - et ce sera ma petite chute personnelle sur ce point - les lois sont aussi compliquées que les députés l'ont voulu. Je dois dire que dans ce canton, que ce soit sur le plan fiscal, social, ou sur d'autres plans encore, on a eu l'art de vouloir tout régler - et souvent dans le moindre détail, c'est vrai. Cela aboutit aussi à des déclarations très compliquées.

Le défi sera donc de savoir si, entre la volonté de précision de notre législateur et la nécessité de simplification exigée par nos citoyens contribuables, nous pourrons trouver dans les années futures le bon compromis. J'espère y contribuer pour la part que j'aurai à y apporter, j'espère également que le résultat, ultérieurement, sera conforme aux voeux et aux attentes des citoyens de notre canton.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de la motion 1568 à la commission fiscale. Le vote électronique est lancé.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission fiscale par 75 oui et 1 abstention.