Séance du
jeudi 10 juin 2004 à
20h
55e
législature -
3e
année -
9e
session -
46e
séance
R 481
Débat
La présidente. La parole est-elle demandée? (Brouhaha.)
Plusieurs voix. Non !
La présidente. Je donne la parole à M. Mouhanna.
Des voix. Oh non!
M. Souhail Mouhanna. Je comprends que les députés assis sur les bancs de la droite voudraient que personne ne prenne la parole à ce sujet...
Ce que nous proposons à ce Grand Conseil se trouve dans le dernier alinéa: nous voudrions que le Grand Conseil décide de «soutenir le Conseil d'Etat dans son refus du paquet fiscal fédéral soumis en votation populaire en mai prochain.» De toute façon, le Conseil d'Etat avait manifestement tardé... Ou plutôt, n'a pas soutenu l'idée que le Grand Conseil se prononce sur cet objet suffisamment longtemps à l'avance. Quoi qu'il en soit, le peuple, lui, a exprimé ce refus avec une netteté extraordinaire. Par conséquent, le peuple nous a donné raison et le Conseil d'Etat a aussi exprimé son refus quant à ce paquet fiscal. C'est pourquoi le dernier alinéa a trouvé une réponse positive.
Maintenant de quoi s'agit-il, Mesdames et Messieurs les députés ? Comme vous le savez, la droite de ce parlement a initié une baisse des impôts - notamment les impôts cantonaux - de 12%, ce qui a essentiellement profité aux plus riches de ce canton, privant l'Etat de Genève de recettes de l'ordre de 400 millions de francs par année. D'autres allégements fiscaux ont coûté quelque chose de l'ordre de 100 millions. Et nous attendons les effets de la suppression des droits de succession, qui va coûter quelques dizaines de millions supplémentaires... (L'orateur est interpellé.)Oui, bien sûr, le peuple, Monsieur Luscher ! Mais le peuple a aussi rejeté le paquet fiscal que vous avez soutenu de toutes vos forces avec une campagne de centaines de milliers de francs ! Et vous avez, vous tous sur les bancs de la droite, reçu une très belle gifle ! (La présidente agite la cloche.)Par conséquent...
La présidente. Monsieur Mouhanna, veuillez vous adresser à moi, et non aux personnes vous faisant face ! Je vous remercie.
M. Souhail Mouhanna. D'accord ! Par conséquent, Madame la présidente, la droite est très mal placée pour parler au nom du peuple !
Cela étant dit, ce qui est demandé dans ce projet de résolution que nous vous soumettons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'au vu des résultats des finances publiques - que certains trouvent calamiteux; au vu des besoins de la population - qui sont en augmentation; et au vu de l'ampleur de la dette, il est temps qu'on arrête de nous dire: «Plus nous baisserons les impôts, plus nous relancerons l'économie, et plus les millionnaires viendront habiter ici, plus les caisses de l'Etat seront renflouées.» Tout cela n'est que mensonge et hypocrisie ! Et comme on le sait, il y a maintenant dans le «pipeline des projets de loi» de nouvelles intentions de baisser encore les impôts, au profit des plus riches et au détriment de la population. Et au détriment des prestations sociales, éducatives et sanitaires à la population ! Il s'agit d'un certain nombre de projets de lois, les impôts sur les grandes fortunes, sur les sociétés, le capital, etc.
La présidente. Monsieur Mouhanna, voulez-vous... (M. Souhail Mouhanna se retourne et s'adresse à la présidente.)
M. Souhail Mouhanna. Eh bien, si la droite est conséquente avec ce qu'elle prétend faire - à savoir rééquilibrer les finances publiques - nous proposons qu'il y ait un moratoire pendant trois ans sur l'ensemble de ces projets de lois. Par ailleurs, nous proposons un impôt, limité dans le temps, sur les grandes fortunes et sur les gros bénéfices. D'ailleurs, la population avait d'ailleurs accepté notre initiative et c'est le projet de loi la concrétisant qui a été refusé. Aussi il y a de quoi, par exemple, introduire un certain nombre de modifications à ce niveau-là pour aboutir à ce que les caisses de l'Etat retrouvent un certain nombre de recettes indispensables à son fonctionnement et pour que l'Etat puisse répondre aux besoins de la population.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'être cohérents avec ce que les uns et les autres disent vouloir obtenir au niveau des finances publiques et d'accepter ce projet de résolution.
M. Pierre Guérini (S). Qu'on le veuille ou non, il n'y a rien de plus têtu que la réalité.
Quelle réalité ? Tout d'abord, celle des chiffres. Nos comptes sont dans le rouge, pire: dans le rouge vif - pour ne pas dire dans le rouge sang.
Quelle réalité ? La mauvaise conjoncture - qui a fait que les entreprises ont payé moins d'impôts du fait de leurs mauvaises affaires.
Quelle réalité ? Le passage d'un système fiscal praenumerando au système fiscal postnumerando a fait que Genève a vécu, durant une certaine période, avec des chiffres supposés et non réels.
Quelle réalité ? Que, contrairement à ce qui a été soutenu par la droite de ce parlement, la diminution des impôts n'a pas amené les rentrées fiscales escomptées.
Quelle réalité ? Celle qui fait qu'aujourd'hui la droite n'a rien trouvé de mieux que d'attaquer la fonction publique en lui coupant une partie des moyens nécessaires à son bon fonctionnement.
Quelle réalité ? Celle qui fait qu'aujourd'hui la droite coupe dans les subventions destinées aux plus faibles, au travers des associations qui remplissent une partie des devoirs de l'Etat - soit un devoir qui est justement de protéger ces mêmes plus faibles.
Face à ces réalités, il est important de repenser de manière globale les recettes de l'Etat. Tout d'abord, en arrêtant l'hémorragie causée par toutes les demandes de réduction d'impôts, dont les projets de lois sont en attente de traitement.
Cette résolution nous offre cette opportunité. Les socialistes ne peuvent que vous encourager, Mesdames et Messieurs les députés, à traiter de cette problématique en commission !
M. Mark Muller (L). Décidément, ce soir l'Alternative veut «castrer» le Grand Conseil ! Après avoir proposé de soumettre au référendum obligatoire toute modification des tâches de l'Etat, toute privatisation des services publics - c'est-à-dire dessaisir le Grand Conseil d'une partie de ses prérogatives - vous voudriez maintenant que le Grand Conseil s'interdise de voter des baisses d'impôts... Qu'est-ce que ce sera, après ? Que le Grand Conseil s'interdise de déposer des projets de loi ? J'imagine que cela vous conviendrait, parce qu'il semble que nos projets de loi ne vous plaisent pas ! (L'orateur est interpellé.)Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le Grand Conseil est ici pour voter des projets de loi, c'est son rôle de par la constitution. Alors, puisque nous en sommes aux grandes institutions, proposez cette modification-ci de la constitution, et nous pourrons en reparler !
Toujours est-il que, pour l'instant, nous avons un certain nombre de prérogatives. Nous avons tout à l'heure refusé de nous soumettre au verdict automatique et obligatoire du peuple dès que l'on touche à une tâche de l'Etat; il n'est pas question, ici, de se priver de la possibilité de modifier la fiscalité du canton, et encore moins de l'abaisser. D'autant que, vous le savez bien, toute modification de la fiscalité à Genève est d'ores et déjà soumise au référendum obligatoire. Alors, je ne sais pas ce que vous voudriez de plus que cela ! Quoi qu'il en soit, votre proposition est manifestement abusive.
Par ailleurs - et je sais que les aspects juridiques ne vous intéressent guère, sauf lorsque cela vous arrange, on l'a vu encore tout récemment... (Protestations.)Un moratoire tel que celui-là n'aurait aucune valeur ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)On voit donc assez mal pourquoi on se joindrait à vous pour adopter un texte qui, d'un point de vue juridique, n'est qu'un simple chiffon. (Exclamations.)
Maintenant, j'aimerais vous rassurer. Quand avons-nous, dans ce Grand Conseil, voté une baisse d'impôts pour la dernière fois ? Cela fait plus d'un an ! C'était la baisse des droits de succession, plébiscitée par le peuple en votation populaire en février dernier. Ce qui revient à dire que, dans les faits, vous avez déjà obtenu un moratoire de plus d'un an en matière fiscale et, à ma connaissance, la commission fiscale du Grand Conseil n'a pas adopté d'autres baisses d'impôts depuis ! Par conséquent, dans les faits, nous sommes dans une période de moratoire en matière de baisse d'impôts, ce qui peut présenter une certaine logique, vu la situation de nos finances. Cela étant, nous n'entendons évidemment pas nous priver de la possibilité, à un moment donné, lorsque nous l'estimerons nécessaire, de baisser les impôts à un endroit judicieux.
Je voudrais par ailleurs vous rappeler que l'une des dernières baisses d'impôts que nous avons votées, eh bien, nous l'avons votée à l'unanimité ! Elle représentait 60 millions de francs de pertes de recettes fiscales, c'était un projet de loi faisant suite au «couac» - le premier ou le deuxième - de Mme Calmy-Rey - ou même le troisième, je ne m'en souviens plus - toujours est-il que c'était un des «couacs» de Mme Calmy-Rey que vous avez allègrement accepté de sauver en votant une baisse d'impôts de 60 millions, qui a ensuite été avalisée par le peuple. Donc, arrêtez de nous donner des leçons en matière de baisse d'impôts: vous les votez quand ça vous arrange !
Nous sommes face à une crise des dépenses dans ce canton, nous avons pris des mesures, tout récemment... (Exclamations.)... pour réduire l'augmentation des dépenses - non pas pour réduire les dépenses, mais pour réduire l'augmentation des dépenses, sans licenciements ! C'est un pas dans la bonne direction, et c'est dans cette dernière que nous entendons poursuivre notre action. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Gilbert Catelain (UDC). La résolution proposée n'est pas infondée. Nous sommes confrontés à deux politiques: une politique de réduction de la croissance des dépenses - puisque ces dernières continuent de toute manière d'augmenter - et une autre politique, qui consiste à maintenir un taux élevé de croissance de dépenses et, par conséquent, à trouver les recettes correspondantes, donc à s'opposer à toute baisse d'impôts.
Là où l'Alliance de gauche a raison, c'est lorsqu'elle dit que, si ce parlement continue à voter un certain nombre de dépenses, sans avoir de contrôle sur l'effet de ces dépenses sur le bilan, il faut introduire un moratoire sur les baisses fiscales - puisqu'une baisse fiscale devrait être compensée par une réduction de dépenses, qui n'est pas avérée à ce jour. Il n'empêche que, en tant que parlementaires, nous sommes aussi ici pour représenter les intérêts de la population...
Une voix. Ha, ha, ha !
M. Gilbert Catelain. On peut sourire, mais la population est confrontée à des difficultés économiques. Et quelles sont-elles ? En douze ans, le taux de TVA est passé de 6,2% à 7,6%, soit une hausse de 1,4 point. Le deuxième pilier - sauf pour la fonction publique genevoise - est passé de 8% à 9%, soit une augmentation de prélèvement de 1 point. L'assurance sur les accidents non professionnels est passée de 0,4% à 0,8%: c'est une augmentation de 0,4 point. Ce qui fait déjà un total de 2,8 points. A cela s'ajoute l'assurance-maladie qui, pour la plupart des ménages de ce canton, a augmenté de 60% depuis son introduction, soit une augmentation qui correspond à 3 points. On arrive ainsi, en l'espace de douze ans, à un total de prélèvements sociaux supplémentaires de 5,8 points en moyenne. En parallèle, la réduction fiscale de 12%, qui a été votée dans le cadre de l'initiative libérale, correspond à une baisse de 1,5 point. En résumé, les citoyens de ce canton ont connu une baisse de leur pouvoir d'achat équivalant à plus de 4 points, ce qui représente, si l'on retire toutes les charges sociales et fiscales, une baisse de pouvoir d'achat comprise entre 6% et 8%, à revenu constant. Voilà donc la réalité !
La population de ce canton est confrontée à une baisse de son revenu suite à une augmentation des charges sociales, et vous voudriez que l'on continue à effectuer des prélèvements d'impôts équivalents ou supérieurs ! Dans le même temps, nous constatons que, dans ce canton, on dépense, par habitant, plus de 16'000 francs par an pour le fonctionnement de l'Etat. Soit un montant supérieur de 54% à la moyenne suisse et supérieur de 40% à ce qui se passe dans le canton de Zurich. Alors, pour des prestations plus ou moins identiques, par rapport à un canton-ville comme Zurich, nous dépensons 40% de plus, en francs constants - donc en déduisant l'impact de l'inflation.
Dans le canton de Genève, en l'espace de vingt ans nous sommes passés d'une dépense de 3500 francs à une dépense de plus de 5000 francs par habitant. Par conséquent, cet Etat s'est investi dans davantage de tâches, il a pris davantage de responsabilités et a engagé davantage de dépenses au détriment d'une bonne partie de la population. Et cela ne concerne pas seulement une catégorie, prétendument celle des «nantis» - il est clair qu'ils ont bénéficié davantage de l'économie fiscale - mais cela concerne aussi toute la classe moyenne... Il suffit de consulter les statistiques de l'Office cantonal de la population pour se rendre compte qu'une bonne partie de la population suisse de ce canton émigre sous des cieux fiscalement plus cléments. Il n'y a donc pas trente-six mille solutions ! Soit vous devez maintenir le cap des dépenses en constante augmentation... Ce qui nécessite des prélèvements fiscaux équivalents ou supérieurs - qui se traduisent en définitive par une perte de recettes fiscales puisque la population suisse quitte ce canton pour des raisons fiscales... Et l'an dernier, ce sont plus de mille personnes qui ont quitté ce canton.
M. Jean Spielmann (AdG). Il vient d'être fait allusion aux dépenses en francs constants avec un certain nombre de paramètres. Je vous renvoie aux documents adressés à tous les députés et qui mentionnent les comptes d'Etat et le futur budget. A cette lecture, vous pourrez constater un certain nombre d'éléments intéressants.
Ce qui vient d'être dit n'est pas complètement exact puisque, en ce qui concerne le fonctionnement, on dépensait en 1992, en francs constants et par habitant, 5005 francs - alors que l'on dépense aujourd'hui 5017 francs, soit relativement le même montant. En ce qui concerne les investissements, ces montants sont passés de 594 francs à 607 francs; encore une fois, c'est quasiment le même niveau en francs constants. Alors, qu'est-ce qui a été modifié ces douze dernières années ?
Premièrement, ce canton compte 44 000 habitants supplémentaires. Deuxièmement, le nombre des fonctionnaires a diminué de 25 000 à 23 000. On a donc déjà fait des efforts considérables dans ce secteur et, sur ce terrain-là, il faut dire que les dépenses n'ont pas augmenté en francs constants, elles ont même été stabilisées - elles ont augmenté pendant un moment pour rediminuer ensuite. L'autre réalité, c'est que vous verrez - si vous examinez les comptes avec soin - que, durant ces cinquante dernières années, et ces douze dernières années principalement, il y en a eu quatre pendant lesquelles les comptes ont non seulement été équilibrés, mais ont également connu des bonis qui ont permis de réduire la dette. Ces quatre années correspondent aux quatre années de majorité de la gauche au Grand Conseil - et malheureusement pas au Conseil d'Etat, nous aurions pu faire encore mieux si cela avait été le cas...
Donc, ces chiffres sont donnés par le Conseil d'Etat dans ses statistiques - et vous pouvez mentionner n'importe quels autres chiffres, ils ne correspondent pas à la réalité ou, alors, il vous faudrait venir avec des preuves... Or je me réfère aux documents remis à tous les députés.
On parle beaucoup de l'évolution économique de notre canton: il y a, en effet, une série de mesures à prendre. Il faut bien dire que ce qui a changé au niveau de la fiscalité au cours des douze dernières années, c'est l'introduction de la TVA - M. Catelain en a parlé, il n'a cependant pas tout dit, parce qu'il faut savoir que la TVA est un impôt fédéral et que les sommes encaissées retournent dans la caisse de la Confédération et non dans celle du canton. Par conséquent, la Confédération a opté pour une politique de transfert des charges, de réduction fiscale, de cadeaux fiscaux aux banques et aux gros revenus, et de réduction de la pression fiscale. Lorsque cela n'a plus suffit, le Conseil national et le Conseil des Etats - ce qui est d'ailleurs plus surprenant - ont proposé des modifications de la législation fiscale des cantons, en intervenant dans un domaine qui est du ressort des cantons pour obliger ces derniers à modifier leur système fiscal. Il y a été fait allusion tout à l'heure, par l'intermédiaire d'un représentant libéral qui s'est bien gardé de dire que cela avait pour conséquence une modification de la recette fiscale, dont les personnes âgées et les petits revenus paient aujourd'hui les pots cassés. Il a aussi été fait allusion au respect de la Constitution, au respect des résultats des votations populaires et au respect de la démocratie... On a également vu au cours de cet exercice, et pour la première fois dans ce pays, que les cantons avaient pu faire valoir leur droit d'initiative... Et un seul canton, le nôtre, n'a pas pu s'exprimer sur la question du référendum cantonal, parce que vous avez fait obstruction et parce que le président de l'époque n'a pas respecté le règlement du Grand Conseil ! Ce sont des réalités. Alors, ne venez donc pas faire référence à l'évolution des coûts, à la Constitution ou au droit populaire, ce n'est pas de cela qu'il s'agit !
Le problème de fond, le problème politique - et le peuple l'a bien compris quand a il refusé ce paquet fiscal - c'est que la politique que vous préconisez - et qui était, à un moment donné, crédible pour une partie de la population - consistait à dire: «On baisse les impôts de manière à relancer l'économie, parce qu'en baissant la pression fiscale on relancera la consommation et le pouvoir d'achat des citoyens.» Là, il fallait effectivement faire des baisses d'impôts, mais pas là où vous les avez pratiquées ! Parce que les secteurs où vous pratiquez des baisses d'impôts et les personnes que vous voulez privilégier rendent la situation plutôt critique... On l'a constaté dans les médias ces derniers temps. En effet, certains responsables de grandes banques, ceux qui donnent ensuite aux autres des instructions sur la manière de conduire la politique économique, gagnent des salaires s'élevant à 18 millions de francs par année ! Et des milliards de francs de bénéfices sont réalisés dans les banques aujourd'hui ! Il y a de l'argent dans ce pays... Beaucoup plus qu'ailleurs ! (Remarque.)Parfaitement, Monsieur Lescaze ! Je sais de combien de temps je dispose, je sais que cela vous gêne...
M. Bernard Lescaze. Veuillez respecter le règlement ! Vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Jean Spielmann. Je sais que cela vous dérange ! Et vous aimez bien faire obstruction ! Et vous violez même la loi... Vous n'êtes plus président, fort heureusement ! (Exclamations. Huées. Le président agite la cloche.)
Simplement, Mesdames et Messieurs les députés, votre politique est un fiasco complet ! Aujourd'hui, le canton de Genève, sous la conduite de la majorité, monocolore pendant un temps, puis sous votre conduite actuelle, connaît le plus fort taux de chômage de Suisse; aujourd'hui, la politique de baisse fiscale donne lieu à des résultats concrets, dans le sens qu'on se trouve dans les pires difficultés économiques. (Exclamations.)Et cela ne vous suffit pas ! Parce que dans le présent budget vous coupez dans les secteurs où l'on pourrait principalement investir afin de relancer l'économie. Par exemple, Monsieur Lescaze, quand vous faites votre dada d'attaquer le département de l'instruction publique, vous attaquez les filières de formation dans le domaine informatique du «design» et de la modernité... Vous voulez couper ces filières alors que nous avons besoin de ces activités pour le futur ! Mesdames et Messieurs les députés, il est nécessaire de revoir cette politique ! Si nous ne la modifions pas à temps...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. ... le peuple nous donnera l'occasion de le faire. C'est par là qu'il faudra sans doute passer, et cela ira beaucoup plus vite que vous ne le pensez. (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! Afin de couper court à toute polémique, je précise que M. Spielmann n'a pas dépassé son temps de parole...
Une voix. Non !
Le président. Eh oui, le chronomètre est formel !
M. Pierre Froidevaux (R). Je souhaiterais revenir sur le fond de la résolution, qui pose un problème malgré tout intéressant, puisqu'elle nous propose un extraordinaire conservatisme de la société en refusant toute modification de la fiscalité. C'est un problème d'actualité puisque, depuis le vote de l'IN 112, toute modification, même minime, de l'assiette fiscale est soumise au vote populaire et paralyse réellement les travaux de la commission fiscale. On a donc bien ce problème devant nous.
Si nous devions l'étudier dans son esprit, chers collègues de l'Alliance de gauche qui avez proposé cette résolution, nous devrions voter la notion d'une fiscalité optimale. Vous dites: «S'il y a une baisse d'impôts, il y a nécessairement une baisse de revenus.» C'est une réflexion qui n'est pas plausible en matière de fiscalité. L'expression populaire «L'impôt tue l'impôt» illustre une réflexion fondamentale: plus la fiscalité augmente, pour certaines catégories en particulier, plus ces catégories trouvent des solutions pour ne plus payer l'impôt. Cela entraîne ainsi une baisse d'impôts.
L'effet avait été bien vu lorsque le président Reagan - qui vient de décéder - avait décidé une baisse fiscale: vous aviez vu arriver une augmentation des revenus pour l'Etat américain. L'IN 111, qui avait prévu cette baisse fiscale, a montré une efficacité encore plus rapide que prévue par les auteurs: il a fallu mettre en place non seulement les 4%, mais aussi les 12% en un temps record, simplement en améliorant la compétitivité de Genève.
Vous devez donc, chers collègues - si vous souhaitez faire une résolution dans l'esprit de Genève, si vous voulez vraiment le bien commun - parler d'«optimisation fiscale» et, à ce stade-là, effectivement baisser les impôts dans certains domaines, les réactualiser dans d'autres, avoir l'esprit novateur, ce que vous n'avez pas aujourd'hui ! (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). J'aimerais relever deux choses quant à cette résolution. La première - que chacun peut comprendre avec la situation que nous connaissons actuellement sur le plan budgétaire - consiste à dire que, si nous devons subir de nouvelles diminutions d'impôts dans les trois, quatre ou cinq prochaines années, nous ne nous en sortirons tout simplement pas ! Le plan financier quadriennal du Conseil d'Etat est d'ores et déjà fichu. Cela, chacun peut le comprendre. Nous avons désormais besoin de quelques années pour revenir à un niveau d'équilibre et pour estimer, si possible ensemble, quel est le niveau admissible de la dette.
Par ailleurs, il n'y a pas de contrainte dans une résolution; tout ce que j'ai entendu de M. Muller et d'autres députés n'a pas lieu d'être. Il se pourrait - nous l'avons espéré - que sur le premier point de la résolution une majorité de députés dise effectivement: «Nous décidons, politiquement - nous qui sommes ici - de présenter un moratoire sur les baisses fiscales, parce que nous n'entendons pas, aux yeux de l'extérieur, aux yeux des banques ou aux yeux des instituts de cotation, continuer à abaisser le crédit de l'Etat de Genève. Et nous n'entendons pas, non plus, continuer le «cirque» auquel nous avons assisté depuis quelques semaines.» On peut rêver - ce ne sera pas le cas ! Mais ce n'est pas là se lier les mains; c'est là prendre une décision.
En ce qui concerne la dernière intervention de M. Froidevaux, si vous voulez véritablement faire de la «Reagan's Economic», faites-la ! Mais alors, laissez tranquillement les dépenses filer ! Parce que ce qui caractérise les politiques tant de Reagan que de Bush, ce sont des déficits abyssaux ! C'est une sorte de keynésianisme à l'envers: on réduit les recettes, on change la nature des dépenses - c'était la Guerre des étoiles, c'étaient des investissements militaires - et on pense que le gapcrée la demande supplémentaire pour relancer l'économie... Mais sous Reagan, le déficit était abyssal ! C'est sous Clinton que le déficit s'est réduit - et vous savez ce qu'il en est aujourd'hui.
Pour cette raison, je pense qu'avant de vous référer à ces systèmes vous devriez être prudents, parce que le vôtre est assez différent. Vous dites: «On baisse les impôts, on espère que le Conseil d'Etat va couper partout, parce que nous aimerions mieux qu'il le fasse à notre place - parce que nous ne sommes pas toujours très courageux - et puis on recommence.» C'est M. Weiss qui nous avait expliqué cela... Ce n'est pas raisonnable ! Je pense qu'aujourd'hui - et je suis sûr qu'une majorité de gens le savent pertinemment - il ne faut pas baisser les recettes fiscales pendant les quatre ou cinq prochaines années et que l'intérêt général est de digérer celles qui ont lieu. De ce point de vue-là, j'ai pensé que nous aurions pu étudier cette résolution en commission pour n'en garder au moins que la première invite - parce que je me rappelle que le PDC, il y a quelques mois, par la voix de Mme Ruegsegger, nous disait: «Maintenant, il faut un temps de pause dans les baisses fiscales.»
Etudions donc cette résolution et voyons si vous êtes prêts à déposer ce moratoire de quatre ou cinq ans - vous avez même la possibilité en commission de supprimer d'autres invites qui ne vous conviendraient pas ! (Applaudissements.)
Le président. Les représentants de chaque parti politique se sont exprimés sur la demande de renvoi en commission de cette résolution. Nous nous prononçons sur cette demande de renvoi. Le vote électrique est lancé.
Mis aux voix, le renvoi en commission de la résolution 481 est rejeté par 45 non contre 41 oui.
Le président. Le renvoi en commission étant rejeté, nous poursuivons notre débat.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout à l'heure, M. Catelain a aligné un certain nombre de contre-vérités, notamment lorsqu'il a prétendu... (Remarque.)Vous allez être servi tout de suite, Monsieur Catelain, attendez quelques secondes ! M. Catelain a prétendu que les dépenses par habitant se sont accrues; il a mis en cause un certain nombre d'éléments... Vous connaissez ce document-là, Monsieur Catelain, vous voyez ce qu'il y a d'inscrit en noir: ce sont les dépenses par habitant en francs constants. Vous voyez aussi qu'elles n'ont pas augmenté. Et ce document, Monsieur Catelain, c'est celui de l'UDC, que j'ai reçu aujourd'hui par la poste ! Vous dites donc une contre-vérité.
Deuxième élément que je tiens à relever, Monsieur Catelain: vous vous permettez de comparer le canton de Genève à d'autres cantons suisses... Vous comparez Genève à un canton de la Suisse centrale, qui n'a pas de frontières. Si Genève n'avait pas de frontières, il n'y aurait pas besoin de garde-frontières à Genève, vous le savez très bien. Par conséquent, vos comparaisons ne servent strictement à rien.
Par ailleurs, on nous a servi le fait... Enfin, M. Muller a commencé à nous donner des leçons de rigueur budgétaire et, surtout, on nous a parlé de la décision du peuple qui aurait plébiscité les baisses d'impôts. Mais je n'aurai pas la cruauté, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, de dire que le peuple nous a plébiscités ! En effet, je pourrais le faire si j'utilisais les mêmes arguments que vous... Et cela, concernant le vote du peuple, le 16 mai, à propos du paquet fiscal, de la onzième révision et de la TVA, alors que nous étions le seul groupe politique représenté au Grand Conseil à Genève à recommander les trois «non». Eh bien, je ne ferai pas cela ! Vous faites et dites n'importe quoi, et le peuple aura encore beaucoup d'occasions de vous infliger des sanctions, vous le verrez ! (Exclamations.)
Maintenant, concernant l'évolution des finances publiques: à écouter les uns et les autres, on dirait qu'ils n'y sont pour rien. J'ai sous les yeux l'évolution de la dette brute de l'Etat de Genève depuis 1970. On a commencé à 778 millions de francs de dettes. Et cela continue d'augmenter tous les ans, il n'y a pas une année où cela n'a pas augmenté, jusqu'à l'arrivée de l'Alternative en majorité au Grand Conseil. Et c'est seulement pendant cette période qu'il y a eu diminution de la dette. Quant au déficit dont vous parlez, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.)Comment, Monsieur ? Dans le document du Conseil d'Etat ! C'est le gros document dont j'ai fait une photocopie. Lisez vos documents, Monsieur Reymond, et vous verrez ! Non, je n'invente rien, ce n'est pas un document AdG, il est dans l'armoire, vous pourrez le consulter.
Je reprends. Pendant toutes les années du déficit, c'est vous qui étiez au pouvoir. Ensuite, pendant les années nonante, vous aviez l'écrasante majorité au Grand Conseil - vous aviez la totalité des sièges du Conseil d'Etat pendant la période monocolore - et chaque année on s'en est pris à la fonction publique ! On a réduit les dépenses, on a supprimé deux mille emplois, on a réduit les salaires des gens, on a violé les lois sur les traitements ! Et l'on voit que pendant toutes ces années, plus on s'en est pris à la fonction publique, plus le déficit s'est creusé; plus on a coupé dans les prestations, plus la situation s'est aggravée. Parce que la précarité, la pauvreté et le chômage que vous générez s'étendent et coûtent encore plus d'argent à l'Etat ! Vous nous donnez des leçons de rigueur budgétaire, alors que vous ne cherchez qu'une seule chose: faire toujours plus de cadeaux aux plus riches ! Pour vous en prendre encore davantage aux prestations à la population et au personnel des services publics ! (Brouhaha.)
Mais je vous réserve encore une petite surprise la prochaine fois que l'on parlera du plan financier quadriennal. Pour le moment, je crois que vous en avez assez reçu ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Bernard Lescaze (R). Mesdames et Messieurs les députés... «La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe»... (Huées. Applaudissements.)
Les attaques personnelles répétées d'un ancien chef du Parti du travail ne m'atteignent pas ! Il ne connaît pas véritablement son règlement, et je vais en rester là parce que ses propos, monotones, qui m'ont paru durer un siècle, même s'ils n'ont, paraît-il, pas duré cinq minutes - car c'est cinq minutes, le renvoi en commission - ne m'importent pas.
En revanche, sur le fond du débat, je pense que la rigueur intellectuelle, que nous devrions attendre de la part de tous ceux qui réclament une rigueur budgétaire ainsi qu'une rigueur financière, devrait faire remarquer à M. le député Mouhanna que c'est dans tous les cantons suisses que, pendant les quatre ans où, par hasard, vous aviez une majorité dans ce Grand Conseil, les déficits ont diminué (Manifestation dans la salle.)Cela doit tout à la conjoncture et rien à votre politique ! (Applaudissements.)
Ce que l'on peut en revanche constater, c'est que, si la situation s'est véritablement détériorée aujourd'hui, c'est parce que, contrairement à ce qui se dit, il n'y a eu aucun démantèlement de l'Etat social... (Huées. Exclamations.)Aucun démantèlement des prestations, bien au contraire ! Entre le budget 1998 et le budget 2004 présenté par le Conseil d'Etat - que nous avons, si peu, tenté d'améliorer - il y a eu 3400 postes créés entre le petit et le grand Etat. 3400 nouveaux postes ! Et vous osez parler de démantèlement ! Cela n'est pas honnête, c'est même de la malhonnêteté intellectuelle ! (Applaudissements nourris.)
M. Pierre Kunz (R). Il faut savoir si nous voulons continuer le jeu de l'avion ou si nous voulons assurer la croissance et l'avenir de ce canton. Dans ce contexte, je voudrais rappeler quelques constats tirés de l'histoire.
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays qui a amélioré la richesse commune en augmentant les impôts !
Une voix. Ah bon ?
M. Pierre Kunz. Il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays qui a accru le niveau de satisfaction et le bonheur de sa population en augmentant les impôts. (Remarques.)Il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays devenu riche grâce à la multiplication des dépenses publiques et grâce au gonflement des administrations publiques ! (Applaudissements.)En revanche, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, l'histoire montre qu'à chaque baisse massive de la fiscalité a correspondu... (Exclamations. Applaudissements.)... une croissance de l'économie et des revenus des pays qui l'ont décidée. (L'orateur est interpellé.)Mais oui ! C'est comme ça, vous ne voulez pas le voir, mais c'est la vérité ! Et cela a été notamment le cas à Genève, Bernard Lescaze vient de le démontrer.
Vous feriez bien, avant de lancer ce genre de textes légaux, de réfléchir à ces réalités ! (Applaudissements. Sifflets.)
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Un tout petit peu de calme, s'il vous plaît ! Vous serez bientôt rentrés chez vous mais, de grâce, faites preuve d'une plus grande qualité d'écoute ! Je donne la parole à M. le député Weiss. (Chahut.)
De nombreuses voix.Ah! Allez, Pierrot !
M. Pierre Weiss (L). Parfois, il faut se rendre compte que l'on peut être historien et en même temps dépourvu de mémoire... M. Hiler, lorsqu'il a cité mes propos, tout à l'heure, a fait une confusion et s'est même trompé: en réalité, lorsque nous avons adopté des dispositions concernant la suppression de l'imposition pour les successions en ligne directe, j'ai précisément dit - et je me réfère au mémorial pour ce point - qu'il s'agissait de raison garder et que, après ce vote, sur le plan cantonal, il conviendrait que nous donnions la priorité à la réduction de la dette. Certainement que la mémoire lui reviendra, notamment à mon écoute.
En ce qui concerne les paroles de notre excellent collègue Mouhanna, qui parle le «Mouhanna» comme d'autres parlent le français... (Manifestation dans la salle.)... ses propos nous ont donné, une fois de plus, l'illustration de ce qu'est une propension à répéter des slogans qui ne correspondent que de loin à la réalité.
Il y a un point essentiel que je voudrais mentionner - et je m'en voudrais si M. Mouhanna voyait ici une marque de non-respect par rapport à son raisonnement. La proposition de résolution qui nous est faite nous indique deux choses: d'abord, implicitement, que l'Alliance de gauche préfère le blocage du fonctionnement de l'Etat et de son appareil aux intérêts de la population. Elle nous propose une deuxième chose, encore plus importante: que, pour trois ans, il faut supprimer tout espoir aux citoyens de voir la fiscalité diminuer.
Nous nous refusons à être du côté de ceux qui détruisent l'espoir pour la majorité de la population genevoise. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Le bureau, unanime... Calmez-vous, Monsieur Mouhanna, écoutez avant de manifester; écoutez ce que j'ai à vous dire ! Le bureau, unanime, considère que vous avez été mis en cause et vous accorde bien volontiers la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je ne dirai qu'une phrase: entre vice et vertu, M. «W(e)iss» a choisi le premier. (Rires.)
M. Jean Spielmann (AdG). Je comprends mieux l'ineptie des arguments et des amendements déposés par la droite... (Exclamations.)Parce que, quand on arrive à présenter des amendements tels que les vôtres en commission des finances, on se demande quels documents vous avez bien pu lire ! On s'aperçoit, lorsqu'on brandit devant vous des documents fournis par le département pour vous permettre de faire une analyse sérieuse de la situation financière, que vous ne les connaissez même pas ! Vous demandez des citations... Si vous ne lisez pas les documents que l'on vous remet et que vous ne voyez pas les courbes de dépenses et l'évolution de la dette, je comprends mieux que vous déposiez des amendements pour réduire les dépenses en vous en prenant à celles qui sont autofinancées ! Pour pourvoir faire plus ridicule, il faut déjà aller loin...
Si l'on regarde l'ensemble des argumentations que vous avez développées, il faut faire deux corrections. La première, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse plus particulièrement à M. Lescaze - consiste à reconnaître que ce n'est sûrement pas par hasard que les dettes ont augmenté de cette façon-là ! C'est peut-être par hasard que nous avons réussi à faire mieux que vous - je laisse ses vertus au hasard - mais ce n'est en tout cas pas par hasard que la dette a gonflé le plus quand vous étiez au gouvernement monocolore. Et ce n'est pas par hasard que, durant cette période, l'assiette fiscale s'est modifiée ! Et ce n'est pas par hasard, non plus, que, lorsque vous parlez de baisse d'impôts, ceux qui nous écoutent pensent qu'il s'agit de baisses pour tout le monde... Or, Mesdames et Messieurs les députés, les petits revenus ont vu leurs impôts augmenter, alors que les gros et les très gros revenus ont quasiment été exemptés d'impôts ! L'assiette fiscale a été changée... (Commentaires.)Vous avez révisé les lois fiscales qui modifient l'assiette fiscale elle-même !
M. Christian Luscher. N'importe quoi !
M. Jean Spielmann. Non, je ne dis pas n'importe quoi, Monsieur Luscher ! Ces constatations sont basées sur des chiffres et des textes que vous feriez bien de lire avant de parler.
Les documents démontrent que l'assiette des recettes fiscales, aujourd'hui, repose beaucoup plus sur les impôts des personnes physiques que sur les autres impôts. Cela est dû au fait que vous avez constamment accordé des cadeaux fiscaux dans ce secteur. Lorsque vous parlez de baisses d'impôts, vous ne dites pas la vérité à la population ! Elle le découvre petit à petit en recevant ses impôts. Parce qu'il s'agit de baisses pour certains de vos amis ou pour ceux pour qui vous travaillez ici - car ceux qui gagnent autant ne viennent pas perdre leur temps ici; ce n'est que ceux dont vous léchez les bottes et pour qui vous travaillez qui gagnent cet argent-là ! (Exclamations.)
Une voix. C'est une honte !
M. Jean Spielmann. Et ces gens-là, Mesdames et Messieurs les députés, ont non seulement vu leurs impôts diminués, mais supprimés ! (Le président agite la cloche.)Alors, pour revenir à ce que disait M. Kunz tout à l'heure, lorsqu'il parlait du jeu de l'avion, eh bien, dans ce pays nous avons vu les radicaux à l'oeuvre... Les radicaux - M. De Pury et sa nouvelle économie avec son «Livre Blanc», M. Honegger, M. Hensch et d'autres encore, tous des éminents radicaux - ont conduit Swissair là où elle est. Et ils s'y retrouvent très bien, aujourd'hui ! Mais ils ont occasionné la faillite la plus monumentale de toute l'histoire de la Suisse. Donc, si on ne veut pas faire le jeu de l'avion, il ne faut pas laisser le pouvoir aux radicaux, parce qu'ils nous conduisent à la faillite ! (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à... (Remarque.)Oui, Monsieur Luscher, vous avez l'air...
M. Christian Luscher. En pleine forme !
Le président. Mais si vous pouviez être en pleine forme et silencieux en même temps... ce serait sympathique.
Une voix. C'est impossible, Monsieur le président !
M. Gilbert Catelain (UDC). Revenons-en à cette proposition de résolution. L'Alliance de gauche n'a pas forcément écouté tout ce que j'ai dit. J'ai effectivement rendu à César ce qui était à César, à savoir que votre demande était cohérente par rapport à votre philosophie et à votre conception de l'Etat. En revanche, je n'ai jamais dit que l'UDC soutenait mordicus des baisses d'impôts. Nous avons toujours dit qu'une baisse d'impôts devait être accompagnée d'une diminution correspondante de dépenses. Il est donc clair que s'il n'y a pas de diminution de dépenses, il n'y aura pas de diminution d'impôts non plus.
Monsieur Mouhanna, vous avez dit que la politique de la droite, notamment celle menée ces dernières années, avait conduit à une diminution des prestations de l'Etat. Trente secondes plus tard, vous nous dites, en vous basant sur ce tableau, qu'on dépense autant qu'il y a dix ans - puisqu'on en est à 5017 francs et que, il y a douze ans, on en était à 5005 francs par habitant - mais l'on dépense tout de même 50% de plus qu'il y a vingt ans.
Par conséquent, je ne comprends pas ce raisonnement-ci: «On dépense toujours autant - voire plus - par habitant, mais on a moins de prestations.» Je me pose donc la question de savoir si, dans cet Etat, il y a eu, au cours de ces dix ou de ces vingt dernières années, des gains de productivité. Apparemment pas !
En revanche, je constate qu'en dix ans que l'assiette fiscale dans ce canton s'est réduite ! Le nombre de personnes qui paient des impôts s'est réduit; par contre la somme d'impôts récoltés au niveau des personnes physiques est toujours la même: c'est 3 milliards de francs, avec l'impôt sur la fortune.
Si nous reprenons l'exemple zurichois, où l'on dépense 5000 francs de moins par habitant, rapporté au canton de Genève, c'est 2 milliards. Ces 2 milliards, en termes d'imposition sur les personnes physiques, diminuent de deux tiers la perception fiscale sur ces dernières. Voilà la marge dont nous disposons sur les personnes physiques, et personne ne vous a dit qu'on introduirait une diminution fiscale de deux tiers ! Entre ces deux tiers de diminution possible pour obtenir une prestation plus ou moins équivalente et avoir un moratoire sur les rabais d'impôts, il y a tout de même une marge de manoeuvre.
Je vous donnerai deux exemples. Le premier, dont j'ai pris connaissance hier, est celui d'une greffière qui travaillait au pouvoir judiciaire. Alors, elle est embauchée, elle a sa place au pouvoir judiciaire... Or dans une période de difficultés budgétaires - lorsque le Conseil d'Etat pleure pour qu'on lui donne enfin un budget - on s'aperçoit que le pouvoir judiciaire peut, sans autres formalités, mettre une greffière en congé payé. Et en congé payé pendant plusieurs années pour qu'elle poursuive ses études et passe sa licence de juriste ! Quand j'entends cela, je me demande où se trouve la prestation au public, au citoyen ! Et cette greffière s'est vantée auprès de ses connaissances, devant son école, de ce qu'elle était en congé payé et que l'Etat lui payait sa licence... Congé payé pour passer sa licence en droit !
Voici un autre exemple... Parce que la politique que vous nous proposez est celle qui est menée à Cuba. Cuba, vous connaissez; Fidel Castro, c'est votre ami ! Et Fidel Castro engage de grands groupes occidentaux - Bouygues, pour ne pas le nommer - pour construire des complexes hôteliers de luxe. Bouygues paie les employés neuf ou dix dollars de l'heure; cet argent va dans la poche de Fidel Castro, qui paie lui-même ses ouvriers à raison de cinquante centimes par jour ! (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)J'ai un ami qui s'y trouve actuellement et qui construit ce projet... (Le président agite la cloche.)... et les livres comptables sont consultés chaque jour par les préposés du gouvernement ! Et 95% de ce qui est payé par l'entreprise Bouygues va dans les poches du gouvernement, alors que seuls 5% vont aux ouvriers, qui travaillent sept jours sur sept !
Donc, nous ne pouvons pas soutenir cette résolution. En revanche, nous sommes d'accord avec vous: il ne peut pas y avoir diminution d'impôts sans contrepartie. Il faut être cohérent, il faudra bien aller chercher cette dernière quelque part, notamment dans ces dépenses qui ne sont plus justifiées.
Le président. Merci, Monsieur Catelain. Deux députés se sont inscrits après la clôture de la liste, je ne leur donnerai donc pas la parole. Nous allons nous prononcer sur la proposition de résolution 481. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée par 43 contre 36 oui.