Séance du
jeudi 10 juin 2004 à
20h
55e
législature -
3e
année -
9e
session -
46e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Luc Barthassat, René Desbaillets, Jacqueline Pla et Pierre Schifferli, députés.
Le président. Mme Diane Kronbichler et M. Dario Zanni sont assermentés. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes à diverses commissions:
Pétition: Les policiers défendent la loi les concernant ( P-1483)
à la commission judiciaire;
Pétition pour le maintien de l'unicité du collège ( P-1484)
à la commission de l'enseignement et de l'éducation;
Pétition concernant les "voitures ventouses" ( P-1487)
à la commission des transports.Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Mark Muller : Publication du rapport comparatif sur les salaires de la fonction publique ( IUE-99)
Interpellation urgente écrite de Mme Alexandra Gobet Winiger : Loi fédérale sur le financement des hôpitaux ( IUE-100)
Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Accords bilatéraux : Effets sur la structure de la population et l'évolution du chômage à Genève en 2003 et 2004 ( IUE-101)
Interpellation urgente écrite de M. Gabriel Barrillier : Pourquoi la CIA devrait-elle construire des logements en France voisine? ( IUE-102)
Interpellation urgente écrite de M. Yvan Galeotto : Autoroute de contournement : un goût de bouchon ( IUE-103)
Interpellation urgente écrite de M. Gabriel Barrillier : Autorisation de procédure accélérée (APA) : le 2e A a-t-il encore un sens ? ( IUE-104)
Interpellation urgente écrite de M. Jacques Follonier : Place aux tricheurs ( IUE-105)
Interpellation urgente écrite de Mme Sylvia Leuenberger : Mais où en est et que fait le Conseil d'Etat pour imposer des standards HPE (haute performance énergétique) de type Minergie dans les constructions de nouveaux bâtiments publics s'il veut faire face à l'augmentation des prix du pétrole, ainsi qu'appliquer tout l'arsenal légal en la matière dont on dispose dans notre canton ? ( IUE-106)
Interpellation urgente écrite de Mme Sylvia Leuenberger : A quand l'interdiction des gros 4x4 en ville de Genève ? Les changements climatiques eux, n'attendront pas... ( IUE-107)
Interpellation urgente écrite de Mme Ariane Wisard-Blum : La profession d'hygiéniste dentaire : quel avenir? ( IUE-108)
IUE 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle de fin juin.
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement préciser l'objet de ce rapport, qui est en fait beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. Ce projet de loi veut simplement supprimer la possibilité - qui existe actuellement - de financer la fondation de valorisation autrement que par des crédits auprès de la BCGe ou auprès de l'Etat. La majorité des commissaires pense que c'est une possibilité qu'il faut laisser subsister parce qu'elle permet une certaine souplesse.
Au fond, je vous engage vraiment à refuser ce projet de loi parce qu'il est inutile. Peut-être que M. Kunz aurait bien fait de le retirer.
Le président. Avant que vous lanciez cette petite pique finale, Madame, je pensais que nous pourrions voter l'entrée en matière assez rapidement parce qu'il n'y avait pas d'autres personnes inscrites...
Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de majorité est fort bien fait. La seule chose est qu'il ne traite pas de la problématique posée par le projet de loi qui nous intéresse.
En mai 2000, ce Grand Conseil a pris, en votant la loi 8194 au sujet du sauvetage de la BCGe, la décision fondamentale suivante : rétablir l'équilibre du bilan de la BCGe, non pas en comblant les pertes en bloc, comme cela s'est fait dans le canton de Vaud, mais en comblant régulièrement les pertes au fur et à mesure de leur réalisation. Ce rééquilibrage interviendra avec le temps, grâce à la cession de 5 milliards de créances - que certains appellent: «créances pourries», d'autres: «casseroles». Ce comblement, ce rétablissement de la structure bilancielle effective de la BCGe, interviendra donc au fur et à mesure des ventes effectuées par la fondation de valorisation. Le tout, et c'est cela qui était important à l'époque, avec la garantie de l'Etat.
Au plan comptable, la perte totale dans le bilan de l'Etat estimée à environ 2,7 milliards, et je vous demande de souvenir de cela parce que c'est très important, sera provisionnée, et cette provision sera utilisée au fur et à mesure des remboursements du crédit BCGe, c'est-à-dire au fur et à mesure des ventes réalisées par la fondation.
On sait aujourd'hui que, comme l'Etat n'a pas tout simplement lui-même les moyens de ces remboursements, il est amené à emprunter au fur et à mesure des ventes de la fondation, sous réserve des accumulations qu'il fait dans certains comptes. C'est alors que, simultanément avec la diminution de la provision, la dette qui figure au bilan de l'Etat augmentera. Je sais, c'est un problème ennuyeux comme tout. C'est un problème bêtement comptable, c'est un problème technique, mais, en l'occurrence, il s'agit, Mesdames et Messieurs, de 500 millions.
Ce que je viens de vous dire, c'est l'esprit de la loi 8194 et le but est que, petit à petit, les conséquences de la calamité BCGe soient agrégées à la dette publique avec les années.
Ainsi donc, tout remboursement du crédit BCGe qui intervient à un rythme plus rapide - et c'est là le coeur du problème - et de manière anticipée par rapport aux ventes dont je parlais tout à l'heure est contraire à l'esprit de la loi 8194. Un tel remboursement devrait donc faire l'objet d'une approbation par le Grand Conseil. En l'an 2000 en effet, vous avez voté, Mesdames et Messieurs - moi, je n'y étais pas, mais j'aurais fait comme vous, je serais tombé dans le panneau - une disposition prévoyant que le remboursement du crédit BCGe se ferait proportionnellement et au même rythme que les ventes des immeubles repris avec les créances par la Fondation.
Or, Mesdames et Messieurs, cela n'a pas été le cas pour les 500 millions empruntés par l'Etat, car c'est lui qui a emprunté, à travers la fondation de valorisation, à fin 2001. Pourtant, il s'agissait bien d'un remboursement anticipé qui ne correspond pas à des ventes réalisées par la fondation. Comme l'ont relevé aussi bien Mme Calmy-Rey, lors de son audition, que le représentant de la fondation, le 21 avril 2003, la BCGe avait besoin de cet argent. En effet, la banque avait, dans son portefeuille, une trop grande part de ses crédits immobilisés à la fondation de valorisation. Je vous rappelle qu'à ce moment-là, à fin 2001, la BCGe avait pour 18% de ses crédits entre les mains de la fondation de valorisation et à des taux manifestement incompatibles avec un équilibre bilanciel et de gestion.
Alors, pour sauver la BCGe, il fallait procéder à ce que j'appelle une deuxième opération de sauvetage, c'est-à-dire rembourser de manière anticipée, indépendamment du rythme des ventes de la fondation, ces 500 millions. Cet emprunt de 500 millions aurait donc dû être approuvé par vous, Mesdames et Messieurs, au même titre que vous avez approuvé le projet de loi 8194. ce qui s'est passé là, c'est simplement que le Conseil d'Etat a emprunté 500 millions de francs de manière non compatible avec l'esprit de la loi 8194. Si l'Etat avait emprunté cette somme lui-même, les principes de clarté, d'intégralité et de transparence fixés par la LGAF auraient été respectés. Cela, c'est M. Bordogna, directeur de l'ICF qui l'a relevé.
De plus - et ce n'est pas tout à fait négligeable - ce crédit aurait coûté moins cher aux citoyens puisqu'il aurait pu être contracté à un taux inférieur, légèrement certes, à celui obtenu par la fondation de valorisation. Mais enfin, sur dix ans, cela fait tout de même entre 2,5 et 3,5 millions de francs.
Conclusion : en agissant comme elle l'a fait, Mme Calmy-Rey n'a pas triché. Elle a utilisé une faille de la loi 8194, mais, cette faille, il faut le dire, elle l'avait sciemment introduite dans la loi, en toute connaissance de cause, au nez et à la barbe de ce parlement.
Le but du projet de loi 8754 que nous vous avons soumis, Mesdames et Messieurs, est de faire qu'à l'avenir ce genre d'exercice ne soit plus possible. Ce n'est pas un exercice théorique dont je vous parle... Mme Brunschwig Graf - je sais qu'elle ne le fera pas, n'est-ce pas ? - pourrait, dès demain, emprunter sur les marchés, par l'intermédiaire de la fondation de valorisation, les fonds nécessaires à l'Etat pour rembourser le crédit BCGe. Donc, elle pourrait emprunter sur les marchés 500 millions ou 1 milliard, par l'intermédiaire de la fondation, pour éviter de faire augmenter la dette publique tout en remboursant la dette de la BCGe qui pourrait en avoir besoin. Je sais que Mme Brunschwig Graf ne le fera pas, elle. Elle est honnête; pourtant, comme elle part dans une année et demie, je me méfie. Elle pourrait emprunter sur les marchés, par exemple, les fonds nécessaires au remboursement du prêt BCGe en l'absence, Mesdames et Messieurs, de toute vente de la fondation de valorisation. Et cela, Mesdames et Messieurs, ça nous pend au nez !
Il est bien possible que dans deux ans, dans un an, le marché immobilier s'effondre à cause d'une hausse massive des taux d'intérêts. La BCGe aurait alors vraiment besoin de récupérer ses capitaux. Et à ce moment-là, si nous n'y prenons garde, il se pourrait que le Conseil d'Etat, pour éviter de gonfler la dette publique, emprunte, par l'intermédiaire de la fondation, en expliquant - comme Mme Künzler le fait - que c'est la même chose puisque, de toute façon, la BCGe est un débiteur comme un autre. Eh bien, non ! La fondation de valorisation a été chargée d'une mission : rembourser la BCGe, avec l'accord et l'aide du Conseil d'Etat, au fur et à mesure des ventes. Or, les emprunts qui ont été faits et ceux qui pourraient encore être faits contreviennent à la décision que vous avez prise à l'époque.
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, depuis le début de la législature, nous siégeons ensemble, avec M. Kunz, à la commission de contrôle de la fondation de valorisation, et nous partageons pour l'essentiel un certain nombre d'analyses, en particulier celle qu'il fait dans son projet de loi. Nous considérons effectivement que la dette de la fondation fait partie de la dette de l'Etat. On ne peut pas simplement dire que la dette de l'Etat est de 11,4 milliards à l'heure actuelle, on doit tenir compte d'autres dettes publiques qui résident à d'autres niveaux et notamment de celle inhérente à l'existence même de la fondation de valorisation. Sur ce point, nous avons toujours été d'accord avec M. Kunz. Pourtant, Mme Calmy-Rey, à l'époque, se battait bec et ongles pour nous convaincre du contraire; elle n'y est pas parvenue.
Nous sommes également d'accord sur un autre élément: il faut que la fondation vende rapidement les biens immobiliers qu'elle détient, soit en tant que propriétaire, soit à titre de gage, pour atteindre son objectif qui est de valoriser les actifs de la BCGe et d'assainir la situation. Il faut que les choses aillent vite , il faut profiter d'un marché immobilier extrêmement porteur, avec des prix élevés. Il faut en profiter pour vendre ces immeubles au meilleur prix, de manière à réduire la facture - payée par le contribuable - de l'assainissement de la banque cantonale.
En revanche, là où nous ne pouvons plus suivre M. Kunz, c'est sur les solutions qu'il propose aux préoccupations que nous avons légitimement au sujet de la fondation. Le projet de loi dont nous parlons revient tout simplement à interdire à la fondation d'emprunter de l'argent ailleurs qu'à la BCGe. Et très honnêtement, nous ne voyons pas pourquoi on devrait priver la fondation de cette possibilité. Au contraire, s'il est possible d'emprunter à de meilleures conditions ailleurs qu'auprès de la banque cantonale, je considère qu'on doit le faire. Moi, je n'irais pas jusqu'à faire un procès d'intention à la fondation ou à l'Etat s'agissant de la possible utilisation de celle-là par celui-ci pour emprunter de l'argent qui servira à financer autre chose que l'activité de la fondation. Je ne crois pas que nous ayons, à l'heure actuelle, des éléments concrets qui nous permettent de nourrir de tels doutes.
Sur la base de ces éléments, pour tenir compte du fait que nous sommes d'accord sur le fond avec les radicaux, mais que les solutions proposées ne nous paraissent pas adéquates, le groupe libéral s'abstiendra.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Le projet de loi déposé par M. Kunz a été examiné par la commission de contrôle de la fondation à l'époque où j'en étais le président. Le débat qui s'était engagé en commission à l'époque a montré que, si certaines préoccupations de M. Kunz étaient à prendre en considération, les solutions proposées sont complètement contraires à l'objectif visé par le même M. Kunz.
Il disait tout à l'heure que le fait d'emprunter ailleurs qu'à la banque cantonale pourrait entraîner la fondation à emprunter à un taux plus élevé. M. Kunz fait référence à la loi sur le sauvetage de la banque cantonale qui, rappelons-le, avait précisément pour but de sauver la banque cantonale. Autrement dit, il s'agissait d'éviter à l'Etat de devoir couvrir toutes les pertes occasionnées par la débâcle de la banque cantonale, débâcle causée, comme chacun sait, par l'ardoise laissée à l'Etat par un certain nombre de spéculateurs immobiliers.
Alors, que propose M. Kunz ? Que les seules sources de financement soient la banque cantonale d'un côté et l'Etat de l'autre. Mais si la banque cantonale doit être l'unique source d'emprunt et si seul l'Etat peut emprunter ailleurs, on rencontre l'inconvénient suivant: si l'Etat emprunte, la dette va encore s'accroître alors qu'il n'y a pas de nécessité immédiate d'accroître la dette et, donc, les conditions d'emprunt pourraient être péjorées. Pourtant, dans la loi sur le sauvetage de la banque cantonale, il est prévu qu'un certain nombre de frais devront être payés par la banque cantonale quand elle sera revenue à meilleure fortune. Or, mettre la banque cantonale en difficulté, emprunter des sommes aussi importantes que celles dont il s'agit pour la fondation, signifient que, si la banque ne dispose pas des réserves suffisantes, elle se trouvera en grandes difficultés et sera contrainte d'emprunter à son tour et d'imposer à la fondation des taux très élevés. On voit bien le problème, si la banque est la seule source de financement de la fondation, on aura donc perdu sur deux niveaux : d'une part, le sauvetage de la banque cantonale est mis en péril; d'autre part, la fondation de valorisation pourrait être obligée de devoir emprunter à des taux supérieurs.
C'est pourquoi je trouve que restreindre le champ des possibilités d'emprunt de la fondation de valorisation, c'est véritablement donner à la banque cantonale le monopole des crédits à la fondation. Et si la banque doit augmenter ses taux, eh bien, on se trouvera une fois de plus dans une situation où des pertes importantes supplémentaires pourraient être causées à l'Etat à travers la fondation de valorisation.
Ainsi, je trouve que ce projet de loi n'a rien à voir avec les objectifs à moitié exprimés par M. Kunz, notamment quand il prétend qu'il s'agit d'obtenir des crédits à meilleurs taux. Le résultat est exactement le contraire, Monsieur, et c'est pourquoi nous voterons contre votre projet de loi.
M. Claude Marcet (UDC). Nous, groupe UDC, n'avons pas soutenu le projet de loi de M. Kunz pour les raisons suivantes.
Comme cela a été expliqué justement par M. Muller, je ne vois pas pourquoi, dès lors que la fondation pourrait emprunter sur le marché des capitaux à des taux d'intérêts qui seraient très favorables, elle devrait être empêchée de le faire. Je ne comprends pas en quoi cela va à l'encontre des intérêts de cet Etat. Je rappelle que, de toute manière, que ce soit l'Etat ou la banque cantonale, cette opération représentera un coût qui retournera à l'Etat sous une forme ou sous une autre. Manifestement, si la fondation a la capacité d'emprunter à meilleur marché, nous disons : qu'elle y aille !
J'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs, un passage de la loi sur la «fondation des casseroles». Cet extrait stipule clairement que la banque cantonale devra rembourser la totalité des frais de fonctionnement dès lors qu'elle réalisera des bénéfices. Et le débat de ce soir ne porte pas sur la façon dont cela sera effectué. Par contre, cela signifie que, si l'Etat emprunte pour financer la fondation, cela revient à dire que c'est l'Etat qui se chargera d'intérêts avant même de pouvoir effectivement prendre en charge la totalité de la dépense correspondant à une perte effective - cela, M. Mouhanna l'a très bien dit. En d'autres termes, nous aurons une charge complémentaire dans les comptes de l'Etat alors que cette charge devrait figurer dans les comptes de la fondation. Je vous rappelle que les intérêts des emprunts sont compris dans les frais de fonctionnement. Finalement, c'est la banque cantonale elle-même qui devra assumer cette charge au moment opportun, plus tard et à des conditions à définir.
Dire maintenant à l'Etat : «Tu finances, tu prends en charge les intérêts des emprunts de la fondation dont les frais seront couverts ensuite par la banque cantonale !», c'est accepter de créer une situation qui péjore les comptes de l'Etat, avec un système qui ne convient pas au groupe UDC. C'est pour cette raison que nous disons que, si la fondation a la capacité d'emprunter à meilleur marché que l'Etat ou que la banque cantonale pourraient le faire, eh bien, qu'elle le fasse, cela ne sera que bénéfice pour l'Etat et la banque cantonale !
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. Monsieur Kunz, vous auriez dû avoir des doutes : quand des personnalités aussi diverses que M. Marcet, M. Mouhanna, M. Gautier ou M. Muller - maintenant - vous disent que vous avez tort, moi, à votre place, j'aurais des doutes... C'est vrai que, si cela vient de moi, vous pensez que j'ai tort de toute façon ! C'est une autre histoire... En l'occurrence, vous avez quand même là trois hommes, compétents, qui vous disent que vous avez tort !
Il y a un réel problème. Au fond, vous faites une confusion: vous avez l'impression, Monsieur, que ces 500 millions, qui ont été empruntés à une banque allemande, viennent en plus des 5 milliards. Ce n'est pas du tout le cas ! Ce sont les mêmes 5 milliards qui ont été partagés en plusieurs parts !
De plus, quand vous dites que c'est plus cher, excusez-moi, mais un emprunt de 250 millions à 1,1% d'intérêt jusqu'en 2012, je ne vois pas ce que vous pouvez vouloir de plus... Vous voulez qu'on vous le donne, cet argent ?
Votre projet de loi, Monsieur, n'arrange pas les choses ! Il enlève une souplesse qui peut être nécessaire.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. Je ferai simplement remarquer à Mme Künzler qu'en 1996, 1997, quand j'étais tout seul dans ce parlement à refuser le budget, j'étais également en minorité. Cela ne m'a pas empêché de persister et d'avoir raison aujourd'hui ! (Rires.)
Cela dit, vous me faites un procès d'imbécile que je ne mérite pas. J'ai bien compris, Madame Künzler, que les 500 millions ne viennent pas s'ajouter aux 5 milliards. D'ailleurs, si vous lisez mon texte, vous le comprendrez, mais je crois que vous ne l'avez pas lu, et c'est bien égal.
J'aimerais d'abord rappeler à M. Marcet que le problème que nous traitons ici n'est absolument pas celui des intérêts et des frais de fonctionnement de la fondation. cela n'a strictement rien à voir ! Evidemment, toute cette affaire est tellement complexe et mélangée que même les grands spécialistes finissent pas s'y perdre.
Il n'est pas question de supprimer à la fondation le droit d'emprunter ailleurs qu'à la BCGe; la fondation pourrait très bien emprunter à l'Etat, et je vous garantis, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est bien auprès de l'Etat que la fondation obtiendra les meilleures conditions de refinancement ! (Commentaires.)Mais bien sûr ! Parce que, Madame Brunschwig Graf, même si vous n'êtes plus que «A», vous valez encore un peu plus que la fondation de valorisation !
Cela dit, je n'aimerais pas allonger les débats - parce que c'est manifestement peine perdue - mais si, à la fin de cette soirée, nous obtenons de Mme la conseillère d'Etat la garantie que jamais, à l'avenir, l'Etat n'empruntera par l'intermédiaire de la fondation de valorisation de la même manière qu'il l'a fait voici quelques années, eh bien, j'en serai ravi.
Le but, je le répète, c'est d'éviter que la fondation de valorisation soit utilisée comme société écran par l'Etat de Genève qui - qu'on le veuille ou non - a un devoir à l'égard des citoyens : dire la vérité sur l'ampleur de sa dette publique.
M. Claude Marcet (UDC). Je suis un tout petit expert... Excusez-moi, Monsieur Kunz, vous ne voulez pas parler d'intérêts, d'accord ! Mais il faudrait remettre l'église au milieu du village. Il faut savoir que l'Etat, garant du paiement de la dette de la fondation vis-à-vis de la banque cantonale, paie la fondation au moment où la perte est réalisée. De cette manière, la fondation peut payer l'entier de ce qu'elle doit à la banque cantonale sur un objet considéré en remboursement de celui-ci. Correct ? On est d'accord !
Cela revient à dire que l'Etat voit son endettement monétaire augmenter au moment où intervient effectivement le paiement de la perte. Alors, à partir de ce moment-là - et seulement à partir de ce moment-là ! - les intérêts sont pris en charge par l'Etat dans le cadre de son compte d'exploitation. Il y a alors une augmentation de l'endettement, puisque l'Etat a dû payer la fondation. Nous sommes d'accord, Monsieur Kunz?
Si l'Etat finance la fondation de manière anticipée, c'est-à-dire si l'Etat se substitue à la banque cantonale ou à X, Y ou Z avant même qu'il soit légalement obligé de payer la fondation pour un déficit constaté, de manière à lui permettre de rembourser la banque cantonale, alors l'Etat assume une charge de la dette avant même d'être légalement obligé de l'assumer. J'aimerais savoir pourquoi, Monsieur Kunz, vous me dites que les intérêts n'ont aucune incidence dans ce débat, alors même que ces intérêts, s'ils sont pris en compte par la fondation, devront, au sens de la loi, être pris en charge ultérieurement par la banque cantonale et non pas par l'Etat. A partir de là, je reconnais que je suis un tout petit expert et que je n'ai pas votre science, Monsieur, au niveau de votre expertise financière !
Je me permets de dire que je vous comprends sur un point : manifestement, certains confondent endettement monétaire - qui est le montant effectif dont tout le monde parle ici - et endettement global de l'Etat de Genève. La provision pour risque avéré - nous savions en effet que nous devrions payer demain une certaine somme - a été passée correctement à raison de 2,7 milliards; nous ne prenons malheureusement pas en compte ce montant dans le débat, puisque nous avons l'habitude de ne traiter généralement que l'endettement monétaire de l'Etat. Et c'est là-dessus, Monsieur, je vous rejoins, quand vous dites que vous souhaiteriez voir l'entier de ce que nous devrons payer ! C'est peut-être uniquement là que je pourrais vous comprendre, quand vous dites que l'Etat doit financer la fondation.
Je pense cependant qu'il y a un tout petit problème en ce qui concerne les intérêts, puisque c'est l'Etat, et non plus la banque cantonale, qui, selon la loi, les prend en charge par la suite. C'est tout !
La présidente. Je vous remercie, Monsieur Marcet, et vous rappelle que c'est à la présidence que vous devez vous adresser lors de vos interventions. Je donne la parole à M. Kunz.
M. Pierre Kunz (R). Je suis content d'entendre M. Marcet parce qu'il vient de reconnaître que vous avez voté, Mesdames et Messieurs, une loi qui prévoyait le remboursement du crédit BCGe au fur et à mesure des liquidations d'actifs. Implicitement, c'est ce que vous dites, Monsieur ! Le fait que vous reconnaissiez cela induit la constatation que les 500 millions constituent un remboursement anticipé qui est à la charge de l'Etat et non pas de la fondation. Voilà ! (Remarques. Brouhaha.)
La présidente. Monsieur Marcet, c'est la troisième fois que vous demandez la parole...
M. Claude Marcet. Trente secondes, s'il vous plaît ! Quand la fondation emprunte à quelqu'un, ce n'est pas un remboursement anticipé de quoi que ce soit, c'est un remboursement de la dette contractée auprès de la banque cantonale... (L'orateur est interpellé.)Oui, mais ce n'est pas la prise en charge de la perte que devra couvrir l'Etat ultérieurement. (L'orateur est encore interpellé.)Eh bien, oui ! Mais que constatons-nous à ce niveau-là ? C'est qu'effectivement le fait d'emprunter n'a aucune incidence dans le cadre de ce débat-ci et...
La présidente. Messieurs, je vous prie de ne pas poursuivre ce débat à deux !
M. Claude Marcet. ... Et l'on peut s'arrêter là !
Une voix. Je suis d'accord !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suis désolée de m'immiscer dans cette conversation... (Rires.)Fort intéressante !
J'aimerais dire une chose à M. Kunz au sujet des emprunts de l'Etat. Vous avez raison d'attendre de l'Etat qu'il soit correct et transparent dans sa façon d'emprunter. D'ailleurs, il y a quelques sécurités oubliées puisqu'on se concentre aujourd'hui sur la fondation de valorisation. Ainsi, les autorisations d'emprunt de l'Etat sont clairement stipulées dans les lois budgétaires... Ce qui devrait d'ailleurs vous engager à voter le prochain budget qu'on vous présentera, parce que vous pourriez vous prononcer sur l'article 14 ! Qui traite des emprunts et qui vous indique clairement dans quelles situations il est possible d'emprunter. L'alinéa 1 se réfère à l'article 11 de la loi budgétaire, c'est-à-dire les besoins de financement qui y sont énumérés. Et lorsque vous votez le budget - pour autant que vous le votiez, mais les autres le votent pour vous le reste du temps - vous pouvez vous prononcer sur ces montants.
L'alinéa 2 porte sur l'autorisation de renouveler des emprunts ou de les anticiper lorsqu'il s'agit d'obtenir des taux plus avantageux. L'alinéa 3 quant à lui autorise à emprunter pour la fondation de valorisation pour assurer les avances de trésorerie et les remboursements des pertes sur réalisation d'actifs. Cela signifie que les sécurités que vous réclamez existent, puisque les autorisations d'emprunt autres que celles-ci concernent des acquisitions de terrains et se présentent sous la forme de projets de loi du DAEL dont vous vous souvenez certainement, Mesdames et Messieurs.
Pour tout autre autorisation d'emprunt - et je réponds à votre souci général - est cadrée par la loi et il est hors de question - je peux le dire pour le Mémorial - que l'Etat utilise la fondation pour emprunter à d'autres fins que celles décrites ici. Cela est clair, d'autant plus que l'article 14 de la loi budgétaire est soumis à référendum, et c'est le seul ! Si vous étiez très fâché, Monsieur Kunz, vous pourriez encore attaquer l'article sur les emprunts... S'il vous plaît, oubliez cette remarque. (L'oratrice est interpellée.)Je vous déconseille vivement l'exercice mais, si vous voulez vous lancer, on peut toujours essayer.
Cela dit, les députés qui sont intervenus le disent, Monsieur Kunz, et vous le savez bien: ce que vous proposez n'a pas grand-chose à voir avec votre préoccupation. Et j'ai pris votre intervention comme un signal - vous l'avez dit à la fin de cette dernière - dans le sens qu'il faut donner des garanties au sujet des emprunts de l'Etat, garanties que je vous ai indiquées en vous lisant la loi.
Pour le reste, je crois qu'il est effectivement raisonnable de laisser des possibilités en matière d'emprunts pour les buts décrits de remboursement à la banque cantonale, parce qu'il est très important d'avoir ensuite la liberté de choisir les taux.
Vous prenez l'Etat pour un saint, Monsieur Kunz, mais il n'a pas nécessairement comme premier objectif de prêter à n'importe quel taux ! Il est possible que, finalement, il ne soit pas nécessairement intéressé de prêter à un taux que d'autres pratiqueraient; tout dépend des conditions, tout dépend des besoins et aussi des intérêts de l'Etat à devoir se réassurer par rapport aux emprunts ou aux prêts qu'il ferait.
En résumé, premièrement, votre préoccupation principale, exprimée par ce projet de loi, est prise en compte dans la loi budgétaire annuelle de façon extrêmement claire. Je vous dis qu'il n'est pas possible de violer cette loi sans être attaqué, et vous auriez raison de le faire.
Deuxièmement, votre projet de loi ne répond pas à votre préoccupation.
Troisièmement, vous avez raison sur un point : nous aurions pu choisir un autre mode dans la loi votée en 2000. Il n'a pas été choisi pour des raisons qui, à l'époque, étaient parfaitement justifiées. Ce que je peux dire, c'est que nous avons conclu depuis le début 2003 une convention tripartite entre la fondation, la banque et l'Etat. Cette convention règle tous les flux financiers concernant ces entités. Nous avons négocié pendant plusieurs mois, parce que j'ai souhaité qu'à mon départ - que vous évoquez avec bonheur ! - tout cela soit formalisé et qu'on ne discute pas des processus financiers au gré de la conjoncture, ceci est très important.
Quatrièmement, par souci légitime, nous étudions la conclusion d'une convention avec la banque concernant le remboursement des avances: une règle claire doit être établie quant à la façon dont ces dernières seront remboursées, ce qui évitera l'arbitraire et permettra à la banque, de manière transparente, de montrer qu'elle est capable de rembourser et à l'Etat de savoir sur quoi il peut compter.
Je pense avoir répondu à vos questions, Monsieur le député, et vous avoir rassuré. Et il est encore possible de retirer ce projet de loi.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix ce projet de loi en premier débat. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 53 non contre 8 oui et 8 abstentions.
Premier débat
M. Patrick Schmied (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je n'ai strictement rien à ajouter à l'excellent rapport du député Claude Blanc.
M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, bien que j'aie le plus grand respect pour notre collègue M. Schmied, je regrette infiniment d'avoir été privé d'avoir comme adversaire M. Blanc. C'était toujours... (Commentaires.)Parce que c'était toujours un plaisir de rompre une lance avec lui.
Je voudrais relever - cela m'est désagréable de le dire à mon propos - qu'il faut dans cette illustre assemblée un certain toupet pour s'opposer à Médecins sans frontières. Effectivement, cela m'a tellement inquiété que j'ai rendu visite à Médecins sans frontières. L'impression qui m'a été laissée est que le travail de cette organisation est absolument admirable.
Pourtant, cela posé, c'est une fondation ou une association qui, grâce à ses efforts bénéficie d'une aura telle que le public suisse a fait preuve à son égard d'une générosité extraordinaire... (Brouhaha.)Alors, pour simplifier le débat, puisque je constate que vous êtes intéressés par beaucoup d'autres questions, je ne vois pas très bien pourquoi un Etat - qui est presque en faillite - irait donner des fonds à une association ou à une fondation, si honorable soit-elle, qui dispose de suffisamment de ressources financières pour se tirer d'affaire toute seule pour l'instant.
Au premier stade, MSF a d'ailleurs utilisé ses propres ressources. Cela a mis à forte contribution ses liquidités; depuis lors, elles sont remontées très sensiblement et, si ma mémoire est bonne - je n'arrive pas à retrouver mes notes dans mon dossier - en 2003, les revenus attendus de la générosité du peuple suisse sont de l'ordre de 35 à 40 millions de francs suisses.
Dans de telles conditions, un Etat qui «s'arrache les cheveux» à cause de sa situation financière n'a pas à faire une «avance», perdue d'ailleurs, parce que c'est plutôt une sorte de don, de 1,5 million de francs suisses ! Le jour où Médecins sans frontières - parce que cette association aura dû intervenir dans telle ou telle partie du globe - n'aura plus de liquidités, alors l'Etat de Genève - ce qui se fait, et ce dernier contribue à d'autres titres aux activités de Médecins sans frontières, de même, si je ne me trompe pas, que la Confédération... Alors, l'Etat de Genève pourra sauter dans la brèche pour un projet bien défini - l'Ethiopie, le Ghana ou Dieu sait où - mais pas simplement pour acheter un immeuble à Genève, où, au surplus, Médecins sans frontières a un intérêt particulier à rester et à s'établir.
Le président. Je mets aux voix la prise en considération de ce projet de loi. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 38 oui contre 21 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai un petit souci: l'année indiquée à l'article 2 est-elle exacte ? S'agit-il bien de 2003 ou allez-vous me présenter un petit amendement ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suis désolée - ce sont plutôt les députés qui ont voté cette loi qui devraient l'être - cette subvention ne peut pas prendre fin à l'échéance comptable 2003, mais à l'échéance comptable 2004, compte tenu du temps écoulé depuis le 12 août 2003. Sauf si vous m'obligez à présenter un amendement écrit, je veux bien proposer un amendement pour le compte du rapporteur de majorité.
Le président. Cet amendement porte sur l'article 2 et sur l'article 6. Il s'agit de remplacer chaque fois 2003 par 2004. Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 3 à 5.
M. Gilbert Catelain (UDC). Pour approuver ce qu'a dit le rapporteur de minorité au début de ce débat, indépendamment du bien-fondé de cette subvention, il convient de respecter notre règlement. Et la présidente du département des finances nous a clairement mis devant nos responsabilités, lors du débat d'entrée en matière sur le budget 2004, en disant qu'à de multiples reprises l'ensemble des partis, y compris l'UDC, a enfreint le règlement en votant des dépenses qui ne sont pas financées. Dans le cas qui nous occupe, nous sommes précisément dans le cas de figure d'une dépense non financée, puisque l'article 3 de ce projet, comme d'habitude, stipule que, si l'on ne peut pas financer le crédit par une ligne budgétaire, on fera appel à l'emprunt... (L'orateur est interpellé.)Cela m'est égal ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, je vous renvoie à notre règlement : cette dépense n'est pas financée, que vous le vouliez ou non ! Nous n'arrivons déjà pas à nous mettre d'accord sur le budget 2004, on risque d'y arriver encore plus difficilement...
Certains partis dans cette enceinte ont pris devant leurs électeurs des engagements par rapport à la santé financière de cet Etat, par rapport aux dépenses qui doivent être maîtrisées; pour certains, cela reste des belles paroles, sans suite dans les actes ! Pour nous, à l'UDC, il est clair, sur la base de cet article 3, que nous ne pouvons pas voter ce projet de loi. Et j'aimerais bien que le rapporteur de majorité nous explique concrètement comment ce projet sera financé: par une ressource financière ou par le recours à l'emprunt ? J'attends sa réponse.
M. Antoine Droin (S). J'aimerais seulement rappeler à M. Catelain que le budget 2004 a été voté en commission, par une majorité certes. En outre, le projet de loi dont il s'agit ici a été déposé par le Conseil d'Etat. Donc, votre argumentation tombe !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'avais attiré votre attention sur la question de la couverture financière sur d'autres sujets, c'est vrai. Il est clair qu'en réalité l'article 3 nous oblige à intégrer cela et, donc, à faire les choix qui s'imposent dans les investissements «nets-nets» fixés par le Conseil d'Etat.
Dans le cadre des investissements - et non pas dans le cadre du fonctionnement - nous sommes obligés de respecter l'enveloppe prévue dans le budget voté par votre Conseil. Ce qui est parfaitement clair, c'est que, si vous ne votez pas de budget - ce que je n'espère pas personnellement, ni le Conseil d'Etat - cela signifie que nous ne dépenserions pas ce montant en 2004 puisqu'il ne serait pas compris dedans. De toute façon, nous serions dans l'impossibilité de le faire en raison des douzièmes provisoires.
Dans l'hypothèse où il y a un budget, nous sommes obligés de l'intégrer, donc de faire un choix, dans le cadre de l'enveloppe qui nous est fixée et, donc, dans le cadre de la couverture financière concernée. Il est clairement indiqué que le recours à l'emprunt peut être assuré au besoin - nous sommes donc dans les investissements et non pas dans le fonctionnement. C'est la seule exception.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 6 consistant à remplacer 2003 par 2004.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 6 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 7 à 9.
Troisième débat
La loi 8784 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8784 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 42 oui contre 38 non et 5 abstentions.
Premier débat
M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de majorité. Je tiens simplement à dire, pour apporter une petite note pittoresque là au milieu, que j'ai eu le plaisir de faire les côtes de la Galice à la voile; elles sont superbes et les gens forts sympathiques.
Pourtant, je pense, comme dans le cas précédent, que ce n'est pas à l'Etat de Genève, même pour une petite somme, de manifester la sympathie que nous éprouvons tous pour des populations qui ne sont pas si éloignées de nous. Ce n'est pas à l'Etat de manifester de la sympathie en donnant de maigres 100 000 francs. D'ailleurs, les... «récipiendaires» ont eux-mêmes indiqué qu'ils ne tenaient pas à ce don.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. La date de dépôt du rapport est le 2 décembre 2003; le projet a été déposé bien avant. Nous avons donc mis presque une année pour pouvoir décider d'une subvention concernant une catastrophe survenue il y a bien des mois. C'est dire la célérité de ce Grand Conseil pour des affaires qui, à l'époque, étaient d'importance... Il aurait fallu voter ce crédit sur le siège, aujourd'hui ce rapport vient comme grêle après vendanges...
A l'époque, il aurait fallu que l'Etat de Genève fasse un geste en faveur de la communauté galicienne qui a, de longue date, participé à l'économie de ce canton - c'est une communauté importante, et ce pays qu'est la Galice nous est quand même, historiquement et culturellement, assez proche. Il donc est regrettable que nous n'ayons pas voté ces 100 000 francs à l'époque.
Il y a d'ailleurs eu un autre cas, vous le savez, Monsieur Iselin, c'était la commune de Gondo - que je connais très bien - qui a été victime d'une catastrophe. J'avais alors salué le projet de loi de l'UDC, dans le sens où nous aurions pu également faire un geste. Il est vrai que ce ne sont pas des gestes qui règlent toutes les conséquences d'une catastrophe, mais ils vont droit au coeur de ces petites populations. Gondo était une petite bourgade et peut-être avait-elle besoin, de même que les Galiciens, de la solidarité de Genève. Aussi je regrette, Monsieur Iselin, que l'on n'ait pas voté avec célérité - avec célérité, j'insiste - la subvention pour la commune de Gondo... Je le regrette beaucoup, il aurait fallu le faire au Grand Conseil, sur le siège.
Et aujourd'hui, le problème dont il est question - je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur - n'est pas d'une grande acuité. Pourtant, il est regrettable que ce Grand Conseil ait de telles attitudes.
M. Antoine Droin (S). J'aimerais répondre à M. Iselin en rappelant que le caractère international de Genève me semble être un argument ô combien important par rapport à la solidarité dont on doit faire preuve envers les peuples touchés par des catastrophes. Il n'y a pas que Gondo - puisque c'était un de vos arguments en commission - il y a aussi d'autres problématiques. Malheureusement - malheureusement ! - d'autres catastrophes ont lieu dans le monde, et on n'a pas pour autant à mettre en opposition celles qui surviennent en Espagne, au Mali, au Kamtchatka inférieur ou à Gondo... Nous devons être solidaires de toutes les catastrophes du monde entier.
Mme Loly Bolay (S). Monsieur le rapporteur de majorité, je suis d'accord avec vous sur un seul point: les côtes de Galice sont superbes, magnifiques. J'y suis née, il y a 53 ans... (Commentaires.)Seulement, les côtes de Galice ont été souillées, Monsieur le rapporteur de majorité, par le pétrole du Prestige ! Et ces 1500 kilomètres de côtes sont à jamais souillées parce que le pétrole du Prestige continue à les souiller encore !
J'aimerais tout simplement rappeler le contexte dans lequel certains d'entre nous ont déposé ce projet de loi: il s'agissait d'un signe de solidarité, surtout envers les Galiciens. Mesdames et Messieurs les députés, ces Galiciens sont venus ici depuis 30 à 40 ans, ils ont construit nos routes et nos écoles, ils ont réalisé un travail admirable... Et la diaspora galicienne qui vit à Genève est peut-être la plus importante de Galice. C'est peut-être aussi la première fois que le canton de Genève - ville internationale ! - aurait pu démontrer par ce projet de loi qu'il était prêt à accomplir un acte de solidarité.
Vous dites dans votre rapport de majorité, Monsieur Iselin, que la somme que nous avons prévue est modeste. C'était voulu ! Tout simplement parce que nous étions soucieux des finances du canton de Genève, mais que nous voulions tout de même montrer, par cette modeste somme justement, un élan de solidarité.
J'aimerais aussi rappeler l'implication de Genève dans le désastre du Prestige: la Banque cantonale de Genève tout comme la Banque cantonale vaudoise ont financé la cargaison du Prestige ! C'est important, car ce bateau à simple coque était considéré comme non affrétable par les compagnies BP et Total Fina Elf...
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi aurait dû être voté sur le siège, au moment où nous l'avons déposé - cette affaire-là s'est passée il y a près de deux ans - et vous n'avez pas eu cette délicatesse, vous n'avez pas eu cet élan de solidarité envers les Espagnols, envers le peuple de Galice. Je le regrette, là vous avez vraiment loupé une occasion de démontrer votre envergure et votre grand coeur. Je le regrette. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Rendez-vous compte que votre âge figurera au Mémorial...
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'approuve entièrement les arguments de Mme Bolay, mais les miens seront plus larges encore.
Verser 100 000 francs à une association qui a oeuvré pour assainir les côtes espagnoles suite au naufrage du pétrolier Le Prestige ne relève pas de l'émotionnel, Monsieur le rapporteur de majorité ! Cela relève de notre responsabilité. Que contenait ce cargo ? Du pétrole ! Et du pétrole, nous en consommons tous et beaucoup.
Le fait que des cargos qui ne répondent plus aux normes de sécurité naviguent encore relève d'une politique menée par des gens qui cherchent à tout prix à obtenir les prix les plus bas au niveau énergétique et qui, par là, entraînent des catastrophes.
Donc, ces dernières n'ont rien d'aléatoire, et, même si ce n'est pas directement, nous sommes tous concernés au premier plan. Si vous voulez faire des économies, il faut commencer par cesser de gaspiller l'énergie et développer les énergies renouvelables, ce qui éviterait ce genre de catastrophes. Il faut accepter des mesures en amont ! Qui coûtent peut-être plus cher dans un premier temps, mais qui, à long terme, sont beaucoup plus rentables. Elles permettront en effet d'éviter ce genre de catastrophes naturelles et financières.
C'est pourquoi les Verts voteront ce projet de loi.
M. Patrick Schmied (PDC). Ce projet de loi part évidemment d'un sentiment bien compréhensible : l'émotion suscitée par la catastrophe.
Il se trouve que, pour des raisons professionnelles, je me trouve assez souvent en Espagne - pas seulement pour y faire de la voile, comme le député Iselin. Je vous avoue franchement que je n'ai pas même osé raconter à mes collègues espagnols que la République et canton de Genève, du haut de sa prétention, allait accorder une aumône de 100 000 francs au grand Etat espagnol, qui est aujourd'hui un des pays majeurs de l'Europe. L'économie de ce pays peut nous faire envie et fonctionne extrêmement bien, et notre petite République prétend lui faire l'aumône de 100 000 francs...
Je vous enjoins de refuser ce projet de loi, que je trouve à la limite du décent.
M. André Reymond (UDC). Effectivement, la Genève internationale a un rôle important à jouer dans le monde dans lequel nous vivons, et c'est sûr que je comprends la générosité dont certains d'entre nous aimeraient faire preuve. Moi aussi, j'aimerais être généreux, non seulement pour l'Espagne et la France dans ce cas précis, mais, comme quelqu'un l'a dit, pour des pays - et ils sont nombreux - victimes de catastrophes et en faveur desquels nous devrions également faire un geste humanitaire.
Alors, 100 000 francs, ce n'est peut-être pas beaucoup, c'est peut-être de la provocation pour certains, mais c'est un geste - je pense que dans la situation où nous nous trouvons financièrement, c'est déjà quelque chose. Quand il s'agit de ses 100 000 francs à soi, c'est beaucoup; et 100 000 francs de l'Etat, ce n'est pas grand chose, c'est vrai ! Mais cela nous concerne tous. Et si nous voulons respecter notre engagement politique afin réaliser des économies - même si la France et l'Espagne ont été touchées par notre geste - je crois qu'il est de notre devoir de dire que nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'aimerais dire à M. Schmied qu'il ne faut pas prendre ce projet de loi pour une aumône - l'aumône est vraiment détestable, la charité est détestable dans ce cas-là. C'est, au contraire, un acte de solidarité ! Parce qu'il y a un certain nombre d'organisations, ONG ou autres, qui travaillent pour essayer d'améliorer l'état de ces côtes, ce sont de petites organisations - parfois des bénévoles - et ce montant de 100 000 francs représente un geste assez important pour elles.
Alors, peut-être que c'est effectivement une somme dérisoire pour le gouvernement espagnol, mais il ne s'agit pas de donner cette dernière au gouvernement ! Et l'on pourrait très bien imaginer que ce montant soit le bienvenu pour une ONG qui se consacre au nettoyage des côtes galiciennes et qui remédie à la destruction environnementale. Mois après mois, des bénévoles travaillent: des collégiens, des étudiants, des milliers de gens sont allés là-bas bénévolement; des personnes ont mis leur maison à disposition pour pouvoir loger ces bénévoles - et le gouvernement espagnol n'a pas pu loger tous ces gens, financièrement parlant, même s'il est riche... (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur ! Puisque Mme Bolay a dû mettre sa maison à disposition, voyez-vous !
Alors, je trouve qu'on ne doit pas parler d'aumône aujourd'hui: on parle d'un geste de solidarité, qui se traduit effectivement par de la monnaie - sonnante et trébuchante - monnaie qui pourra très bien être versée à une ONG qui accomplit concrètement une mission sur place.
Je vous encourage donc à accepter ce projet de loi, non seulement pour redorer le blason de notre République, mais par solidarité avec bien des pêcheurs qui, à l'époque, se sont retrouvés sans travail chez eux et sont venus chez nous pour aider à bâtir - en partie - de nombreux logements. Ce qui mérite que l'on vote ce projet de loi.
M. Robert Iselin (UDC), rapporteur. J'aimerais en premier lieu dire à mon collègue Velasco à quel point j'apprécie l'amitié avec laquelle il a présenté ses remarques - cette amitié date bientôt de deux ans et demi, à l'époque où nous nous sommes rencontrés pour les premières fois dans ce Grand Conseil.
Ensuite, étant donné le faible non dissimulé que j'ai pour le beau sexe, j'ai été un peu peiné d'entendre les accusations de deux députées de ce Grand Conseil à mon encontre. Je ne répondrai pas - j'ai été élevé dans une tradition où la réserve est érigée en principe qu'on ne peut pas casser - je ne répondrai pas à ces accusations, car je pourrais dire que, dans le silence - comme beaucoup de mes coreligionnaires - et dans le secret, ceux-là font beaucoup pour les autres.
Troisièmement, j'ajoute pour M. Droin, qui s'est tu à la commission des finances, que je trouve son attitude inadmissible. Inadmissible ! Parce que, lorsque j'ai annoncé que mon collègue Catelain renonçait à sa demande concernant les remontrances qui lui ont été adressées par la commission des finances, M. Droin n'a pas bougé. Alors, je trouve que ses remarques sont inadmissibles ! (Exclamations.)
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je pense que ce débat devrait maintenant se terminer. J'aimerais vous rappeler que, tous dans cette enceinte, nous nous sommes sentis solidaires et même révoltés par ce qui s'est passé. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs eu l'occasion de l'exprimer au moment des événements. A ce moment-là, il a pris contact... (Brouhaha.)Monsieur le président, puis-je vous demander d'actionner votre merveilleuse sonnette ?
Le président. Je l'ai déjà fait plusieurs fois, ce n'est pas très efficace... Laissons rentrer tout ce monde, cela devrait aller ! (Le président agite la cloche.)
Mme Martine Brunschwig Graf. Le Conseil d'Etat s'est donc adressé au Consulat d'Espagne et au Consulat de France dès la catastrophe connue. Il a offert ses services, ces derniers peuvent être particulièrement précieux dans le domaine de la dépollution et dans d'autres assistances de nature civile. A ce moment-là, les deux consulats nous ont fait savoir qu'ils étaient très reconnaissants de la démarche, mais que, pour l'heure, ils ne souhaitaient pas d'appui complémentaire.
Par ailleurs, j'ai eu l'occasion d'adresser à Mme la députée Bolay, suite à son interpellation quant à la responsabilité de la Banque cantonale, une longue lettre que m'avait laissée répondre ma prédécesseure - courrier dans lequel j'expliquais qu'en termes objectifs on ne pouvait pas reprocher à la banque cantonale sa décision, mais qu'en revanche la banque cantonale s'engageait, dans le futur et en bonne gouvernance, à être encore plus attentive à la façon de gérer ses affaires.
Enfin, j'aimerais vous rendre attentifs à un autre élément: ce projet de loi est totalement illégal, il ne peut être appliqué. Bien sûr, il fait référence aux comptes 2003 dont nous avons bouclé l'exercice, même si vous ne les avez pas votés, et il est hors de question de le rouvrir, quoi qu'en pense l'inspection cantonale des finances. En l'occurrence, il ne serait pas possible d'appliquer ce projet de loi et il ne serait pas non plus possible, s'agissant cette fois du compte de fonctionnement, de prendre en charge cette dépense pour 2004 - et en tout cas pas sous le régime des douzièmes - ni même ensuite, compte tenu du budget que vous avez adopté en commission des finances. Ce projet de loi ne peut donc être pris en compte.
Dès lors, je n'ai qu'une recommandation: il serait regrettable que, pour cette région, ce débat finisse par une discussion entre minorité et majorité, avec un refus qui n'aurait d'autre objectif, finalement, que de procéder à une forme de démonstration politique - mais qui, dans la réalité, est une mauvaise façon de répondre à une préoccupation que vous avez tous émise. Pour ma part, je regretterais beaucoup que ce qui reste à l'esprit des personnes habitant en Galice, mais aussi de celles vivant ici et venant de Galice, soit le refus du parlement - alors que ce refus est raisonnable maintenant. Parce qu'aujourd'hui cela serait véritablement ressenti comme une gifle, quelle que soit votre décision. C'est pourquoi, raisonnablement, je suggère aux auteurs de cette démonstration de proposer le rejet de ce projet de loi - après avoir reconnu que le débat en valait la peine et qu'il a permis de prendre conscience des nuisances entraînées par cette catastrophe.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons nous prononcer, par vote électronique, sur l'entrée en matière de ce projet de loi. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 46 non contre 41 oui et 1 abstention.
Premier débat
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Monsieur le président, je vous remercie infiniment d'avoir lu le titre de ce projet de loi; vous avez pu constater la complexité du problème. Votre attention doit être grande, puisque ce projet de loi sera soumis au vote populaire.
La commission fiscale a étudié ce projet de loi, nous l'avons appelé affectueusement «projet de loi aspirine», tellement... (L'orateur est interpellé.)Evidemment pas pour vous, Madame la présidente ! Mais, pour les députés, le sujet était si ardu que nous avons dû pratiquement médicaliser la commission pour pouvoir essayer de tout comprendre...
Le rapport est assez complet. J'espère, en tant que rapporteur, avoir répondu techniquement à toutes les interrogations. Il s'agit en résumé d'empêcher une triple, voire multiple imposition qui pouvait encore subsister pour des cas particulier, donc de mettre la loi genevoise en conformité avec la loi d'harmonisation de l'imposition directe des personnes morales.
Il faut savoir que ce projet de loi a déjà été mis en pratique avec la majorité de gauche et avec Mme Calmy-Rey - il n'avait suscité à cette époque aucune opposition. Il n'y a donc même pas d'étude potentielle sur la modification de l'assiette fiscale qui pourrait être prise en compte par le Grand Conseil. Le seul problème réel de ce projet de loi, c'est l'obligation que nous avons, en raison de l'initiative 112 acceptée par le peuple, de soumettre à ce dernier tous les projets de loi de ce type. Toute la difficulté est de rendre compréhensible un projet qui techniquement est déjà très difficile.
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je suis très frustrée de ne pas avoir pu expliquer dans son essence et sa substance ce projet de loi, que nous avons qualifié de «projet de loi aspirine» en commission fiscale... M. Froidevaux s'en est chargé, et cela me soulage un peu parce que c'était effectivement un projet de loi extrêmement technique, mais qui n'apporte en fait pas grand-chose par rapport à la pratique actuelle. Il se borne à codifier cette pratique et à permettre au canton de Genève de s'aligner sur l'ensemble des autres cantons suisses qui ont utilisé une disposition du droit fédéral, évitant les multiples impositions.
Ce projet de loi ne va pas changer grand-chose, il permettra simplement au droit genevois d'être en conformité avec l'ensemble des pratiques cantonales et avec ce que lui permet de faire le droit fédéral. Nous vous proposons donc d'accepter ce projet, technique avant tout. Il est néanmoins nécessaire dans la mesure où nous pouvons être ainsi plus au net, plus au clair avec notre législation.
M. Pierre Guérini (S). Le PL 8969 a été qualifié par certains, à juste titre, de «projet de loi aspirine» - ce produit est adapté pour permettre une étude attentive de ce projet d'une complexité technique certaine.
Avoir l'esprit clair grâce à l'aspirine permet de dégager deux choses. Premièrement une particularité genevoise: notre canton est en effet le dernier à adapter une partie de sa législation fiscale à un droit supérieur. Deuxièmement, il convient de s'interroger pour savoir pourquoi ce projet de loi émane de députés établis à la demande des milieux économiques et non d'un projet de loi du Conseil d'Etat.
Si l'incidence fiscale de ce projet de loi est, à l'heure actuelle, pratiquement nulle, elle ne l'était pas lorsque la loi fédérale sur la réforme des sociétés est entrée en vigueur il y a sept ans. C'est à cette époque qu'aurait dû avoir lieu le débat politique relatif à ce projet de loi. Celui-ci permet aussi de codifier une pratique de l'administration fiscale qui applique déjà les conséquences de cette loi fédérale de 1997.
Il nous a été expliqué que cette manière de pratiquer était destinée à éviter un tourisme fiscal de la part des sociétés, tourisme qui serait bien entendu défavorable à Genève. Mais voilà, instaurer une pratique administrative au lieu d'appliquer une loi va à l'encontre du bon sens. Ce n'est sain ni pour l'administration concernée, ni pour les administrés. On ne peut donc qu'inviter le Conseil d'Etat à être plus rapide et percutant dans ses réactions lorsque des modifications du droit supérieur interviennent avec des conséquences prévisibles au niveau de la pratique administrative du canton.
Enfin, on nous a expliqué en long et en large, avec force tableaux et schémas à l'appui, qu'il ne s'agissait que de supprimer une strathe d'imposition qui n'avait pas ou plus sa raison d'être et qu'il fallait revoir un phénomène de surimposition préjudiciable à l'installation de sociétés à Genève. Je n'en suis malheureusement pas convaincu... Cette modification de loi impliquant une perte de rentrées fiscales sans compensation et vu l'état de nos finances, le groupe socialiste s'est abstenu en commission et s'abstiendra en plénière. (Brouhaha.)
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et j'aimerais que les groupes qui discutent dans la salle aillent le faire ailleurs !
Mme Michèle Künzler (Ve). Comme les socialistes, les Verts s'abstiendront. Il est exact qu'il s'agit d'un débat complexe... (Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)Mais nous regrettons qu'il n'y ait pas eu une discussion politique au moment même où la décision a été prise. C'est cela que nous regrettons ! En fait, de fil en aiguille, une modification de la loi fédérale s'est propagée au niveau des cantons et, finalement, on vient déposer un projet de loi pour codifier une pratique qui existe déjà. Nulle part il n'y a eu une réelle décision. C'est regrettable ! Nous n'avons jamais pu vérifier si, effectivement, la triple imposition - ou la double imposition, selon comment on la comprend - était plus ou moins juste. En réalité, on ne fait que courir derrière les autres cantons qui ont déjà pris leur décision.
Il est vrai qu'actuellement cela ne changera rien aux rentrées fiscales, mais peut-être que quelque chose aurait pu changer si l'on était intervenu il y a quatre ou cinq ans.
C'est pourquoi je vous invite à vous abstenir: dans ce contexte, je ne vois pas très bien ce que l'on pourrait faire d'autre.
Le président. Merci, Madame Künzler. Je le répète: je prie MM. Schmied, Weiss et Mettan d'aller parler ailleurs... Tout ce bruit est désagréable pour le député qui s'exprime.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Merci aux députés qui partent à la buvette...
Je comprends bien l'intervention de Mme Künzler lorsqu'elle dit qu'il est désagréable de devoir constater une pratique en vigueur alors que la législation n'a pas été adaptée. Ce type d'intervention me rappelle un peu le pasteur qui fait un sermon aux ouailles présentes en regrettant toutes celles qui ne sont pas là... En définitive, la mise à jour de cette loi permet au dernier canton suisse qui ne l'avait pas effectuée d'avoir une base légale pour sa pratique. J'ai trouvé particulièrement désagréable de mettre l'administration fiscale dans une situation où elle n'avait pas les normes légales pour appliquer ce qu'elle avait été autorisée à faire depuis des années.
Je n'interviendrai pas sur le fond, si ce n'est pour dire qu'effectivement les pratiques actuelles n'entraînent pas de perte fiscale au sens réel du terme ou, du moins, pas de perte fiscale qui viendrait aggraver le déficit de l'Etat. Je voudrais pourtant vous dire que, selon ma vision des choses, une administration doit pouvoir s'appuyer sur des bases légales; elle doit pouvoir en tout temps savoir que sa pratique est constante et qu'elle ne relève pas d'assentiments tacites. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de faire en sorte que, politiquement, le projet de loi vous soit soumis. Il sera également soumis au vote populaire, avec les risques que cela comporte, mais aussi avec la transparence que vous réclamez souvent.
C'est pourquoi je vous demande de voter ce projet de loi qui permet à notre administration d'asseoir sa pratique sur des normes légales partagées par vingt-cinq autres cantons et demi-cantons.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi. Le vote électronique est lancé.
La loi 8969 est adoptée en premier débat par 45 oui contre 8 non et 18 abstentions.
La loi 8969 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8969 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 37 oui contre 8 non et 21 abstentions.
Débat
M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical propose à notre Grand Conseil cette motion qui comprend deux volets essentiels. Le premier consiste dans le voeu, déjà exprimé par l'ensemble des députés de la commission fiscale lorsque nous avions étudié les différents volets de la LIPP, de réunir en une seule loi l'ensemble des lois fiscales. La proposition faite consiste en un véritable code fiscal, dans le but d'obtenir une déclaration d'impôts la plus claire possible.
Beaucoup d'efforts ont été faits par le département, on a maintenant rendu des parois informatiques par voie numérique - différentes possibilités pour faciliter le travail du citoyen - mais, malgré tout, le fait de percevoir l'impôt et de faire une déclaration fiscale restent très complexes pour une majorité de citoyens. On souhaiterait donc avoir un vrai code fiscal, une loi simple - plus simple que celle qui existe.
Ce sujet est attendu par la population genevoise. Nous le savons délicat et c'est pourquoi nous lançons d'abord une motion qui permettra de l'étudier à la commission fiscale. En effet, nous ne souhaitons pas qu'à l'occasion d'un tel débat nous revoyons l'ensemble des principes qui ont prévalu à l'élaboration de la LIPP, mais qu'il y ait un accord commun de tous les groupes politiques pour simplifier le travail des citoyens. C'est donc un appel à tous ceux qui sont de bonne volonté... (L'orateur est interpellé.)Oui ! Eh bien, on compte sur vous notamment, cher Monsieur Vaucher ! Nous espérons ainsi avoir une présentation claire parce que, nécessairement, toute modification de la LIPP, en raison de l'IN 112, sera soumise, on le craint, au vote populaire. C'est donc dans cet esprit-là que la première invite, que nous proposons d'étudier à la commission fiscale, est adressée au Conseil d'Etat.
La deuxième invite est un peu plus complexe. Il s'agit d'étudier différents scenariide perception de l'impôt. Mme la présidente était au courant de cette motion radicale et m'a déjà donné la réponse de l'administration sur ce point. Il faut savoir, en résumé, que la CEPP a procédé à une étude permettant de faire comprendre que la population était intéressée par une perception généralisée de l'impôt à la source: 65% des personnes interrogées se sont déclarées «pour». J'ai aussi senti que, même dans un parti comme le mien, qui y était très opposé au départ, les choses étaient en train de changer et que l'esprit public allait dans le sens d'une révision de la notion de la perception et de la conception d'un système de perception d'impôts à la source.
Vous m'avez déjà donné la réponse, Madame la présidente - ce sera illégal. Malgré tout, cette invite est maintenue avec l'idée suivante: vous devez parfois, Madame la présidente, faire des abattements d'impôts parce que les personnes n'arrivent pas à les régler. Et la question de savoir si l'on ne pourrait pas obtenir une condition se pose. En effet, on vous propose un impôt, mais à condition qu'il soit directement prélevé à la source puisqu'il s'agit de mauvais payeurs et que ce sont les autres qui finissent par payer. Il faudrait donc avoir plus d'équité fiscale puisque cet impôt est dû... Il faudrait avoir une petite «arme» à votre disposition, Madame la présidente, pour que l'équité fiscale soit mieux reconnue.
Je vous remercie donc, chers collègues, d'accepter cette motion, qui nécessite un long travail en commission fiscale - soit un rapport que j'ai déjà en partie sous les yeux et qui mériterait d'être public - et je vous recommande d'envoyer cela à la commission fiscale.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Pierre Guérini (S). Cette question pose un certain nombre de bonnes questions, particulièrement celles qui suggèrent de revoir les modes de perception de l'impôt. Une des pistes qui est actuellement en vigueur aux Hôpitaux universitaires consiste à retirer les mensualités d'impôts directement du salaire. Cette possibilité permet de diminuer la subvention du montant des impôts retenus, entraînant des économies non négligeables, simplement parce qu'il n'aura pas fallu emprunter les sommes nécessaires pour payer les salaires des employés.
Il sera intéressant d'étudier les différentes pistes proposées en commission.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Cette motion est intéressante pour la première invite - au contraire de l'avis de M. Guerini qui, lui, privilégie la seconde.
En ce qui concerne la première invite, il était prévu de longue date de regrouper les différentes lois fiscales. Alors pourquoi ne pas déposer une motion pour demander que cela soit fait plus rapidement ?
Je pense qu'avant de regrouper les lois fiscales il faudra peut-être procéder à l'évaluation que nous allons recevoir des LIPP et que nous devrions traiter cet automne.
Concernant la troisième invite, je pense que, de toute façon, le délai de fin septembre est trop court pour que le Conseil d'Etat puisse nous présenter l'ensemble de ce travail, qui est gigantesque. Il faudra bien regrouper les différentes lois fiscales en un seul document, mais cela ne pourra se faire qu'une fois qu'on aura évalué l'impact des LIPP, votées il y a maintenant deux ou trois ans.
Concernant la deuxième invite, outre le fait qu'elle ne soit pas praticable, je regrette qu'elle figure dans le même texte que cette motion. J'aurais personnellement préféré que cela fasse l'objet d'un traitement différencié, parce qu'il me semble que ce sont deux objets différents.
Le groupe démocrate-chrétien est cependant d'accord de renvoyer le tout en commission fiscale où l'on verra ce qu'il est possible d'en faire.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Comme vous le savez, l'Alliance de gauche est pour la transparence fiscale. Nous sommes également en faveur de l'amélioration des recettes de l'Etat. Par conséquent, nous nous posons la question de savoir s'il s'agit vraiment d'une proposition de motion visant ces deux éléments. A la lecture des invites, on pourrait croire - à moitié - que c'est le but visé. Espérons que le complément de cette moitié sera également caractérisé par les objectifs des auteurs de cette motion. Nous attendons donc de voir quelle suite sera donnée à cela.
Néanmoins, nous maintenons qu'il est essentiel que la perception des impôts soit améliorée, pour une égalité entre citoyens ou contribuables et pour les recettes de l'Etat. Et s'il y a transparence fiscale en plus, nous en serons enchantés !
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC accueille favorablement cette motion du groupe radical, il l'en félicite d'ailleurs. Nous soutenons donc son renvoi en commission fiscale.
Il est vrai qu'à Genève la perception de l'impôt est assez ardue et qu'entre le moment où l'on reçoit la déclaration fiscale, le temps de la remplir dans le délai imparti - que beaucoup ne respectent pas - et le moment où l'on reçoit effectivement la taxation, il s'est écoulé grosso modo onze mois, ce qui, manifestement, est beaucoup trop.
On pourrait imaginer que lors du débat en commission on regarde ce qui se passe au niveau d'un canton comme Bâle-Ville. En effet, de nombreuses personnes viennent d'autres cantons sur Genève et ce qui les choque particulièrement, c'est que, sur la base de critères fiscaux et fédéraux identiques, nous avons un système de taxation extrêmement compliqué - d'où une énorme perte d'énergie pour le contribuable et pour l'Etat. Par conséquent, des mesures de simplification sont probablement possibles. Il est vrai qu'à Bâle-Ville le fonctionnement de l'Etat est beaucoup plus simple et convivial pour le citoyen. Ainsi, il y a peut-être des enseignements à tirer en observant ce qui se passe dans les autres cantons de cette Confédération.
Je le répète: nous soutiendrons cette motion. Le groupe UDC, sur le principe, n'est pas favorable au principe de l'impôt à la source parce que ce dernier déresponsabilise quelque peu le citoyen. En revanche, indépendamment d'un problème légal, on sait que la perception à la source coûte deux fois moins cher que le système de perception actuel. Voilà donc des pistes de réflexion possible... (L'orateur est interpellé.)Le coût de la perception est moins élevé pour l'Etat, mais plus pour l'entreprise. Et pour une certaine catégorie de revenus, cette piste est possible. Je vois assez peu la nécessité d'envoyer vingt formulaires à des personnes qui n'ont aucune déduction à faire, si ce n'est leur AVS, leur deuxième pilier et leur caisse maladie.
M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral retiendra des trois invites de cette motion... (L'orateur est interpellé.)Non ! J'en compte trois, Monsieur Froidevaux ! Il est déjà tard, mais j'arrive encore à compter jusqu'à trois.
Le groupe libéral retiendra donc ces trois invites. En fait, la première lui semble la plus intéressante à traiter en commission, étant entendu - et je n'aimerais pas ôter la valeur de cette motion - que nous avions déjà eu des débats sur l'opportunité d'avoir à Genève cinq tomes de la LIPP et que, en fait, la réponse est tombée un peu d'elle-même lorsque nous avons pris connaissance du rapport des experts qui ont analysé cette loi. Ce rapport avait été commandité par les députés et le Grand Conseil.
En commission, il faudra se focaliser sur ces cinq tomes de la LIPP et rien d'autre. Vouloir traiter les deux autres problématiques de la motion me paraît un peu hasardeux, cela d'autant plus que, comme l'a rappelé mon collègue Catelain, l'imposition à la source pose un véritable problème. Non seulement pour l'Etat, mais surtout pour les employeurs qui seront responsables de percevoir cette imposition.
Je suggère donc que l'on renvoie cette motion à la commission fiscale, que l'on se focalise sur le regroupement technique de la LIPP, mais qu'on n'oublie pas, non plus - et je crois qu'il est prévu de procéder de la sorte lors de nos futurs débats sur la LIPP - de traiter tous les projets de lois ayant trait à la fiscalité des personnes physiques. Il n'y a pas seulement les lois fiscales sur les personnes physiques qui sont un peu compliquées à Genève, il y a aussi la loi sur les successions et sur les droits d'enregistrement qui mériterait un «toilettage»... Mais rassurez-vous, Madame la présidente, les libéraux ne déposeront pas une motion pour demander ce travail, car ils savent que votre département s'y emploie de près.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La motion radicale était, bien sûr, visionnaire - puisqu'elle a été déposée le 17 novembre 2003. Nous avons eu l'occasion en commission fiscale d'en examiner les enjeux.
Je vous rappelle que cette motion a certainement été améliorée dans le courant des réflexions du groupe radical, parce qu'il n'y est plus fait mention d'impôts à la source, mais d'une version beaucoup plus large qui permet justement de tenir compte de l'esprit citoyen dans lequel nous devons payer nos impôts ! Elle laisse donc une porte grande ouverte au débat. Et la deuxième invite peut être acceptable pour tout le monde dans le cadre du débat, cela pour une raison: de toute façon, la loi de perception doit être instaurée, elle n'existe pas encore. Dans ce sens-là, les interventions, notamment du groupe libéral, sont importantes; celles du groupe UDC aussi, et le groupe radical dans son état d'esprit a également évolué sur ce point.
Cela signifie que le débat en commission fiscale peut avoir lieu sans trop de problèmes. Je vous rappelle qu'un mandat préliminaire a été donné pour déterminer les suites au rapport sur la LIPP - pour n'avoir qu'une seule loi fiscale au sens de la LIPP, pour étudier aussi d'autres composantes ayant trait à d'autres éléments et pour vous faire rapport sur l'organisation du travail, que ce soit pour les pans «Successions» ou pour d'autres encore. Ainsi, nous devrons faire le point à fin septembre.
Il est clair que votre invite au point 3, Monsieur le député qui défendez cette motion, demandant un rapport à fin septembre 2004, n'est pas raisonnable ! (Mme Martine Brunschwig Graf est interpellée.)Vous pouvez ! J'ai fait le compte... Vous pouvez ajouter dorénavant dix mois à vos exigences, et je vous proposerai, si c'est le cas, d'admettre que le Conseil d'Etat ne peut répondre dans les délais. Cependant, comme vous renvoyez de toute façon ce projet en commission, vous l'amenderez à ce moment-là.
Pour le reste - et ce sera ma petite chute personnelle sur ce point - les lois sont aussi compliquées que les députés l'ont voulu. Je dois dire que dans ce canton, que ce soit sur le plan fiscal, social, ou sur d'autres plans encore, on a eu l'art de vouloir tout régler - et souvent dans le moindre détail, c'est vrai. Cela aboutit aussi à des déclarations très compliquées.
Le défi sera donc de savoir si, entre la volonté de précision de notre législateur et la nécessité de simplification exigée par nos citoyens contribuables, nous pourrons trouver dans les années futures le bon compromis. J'espère y contribuer pour la part que j'aurai à y apporter, j'espère également que le résultat, ultérieurement, sera conforme aux voeux et aux attentes des citoyens de notre canton.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets aux voix le renvoi de la motion 1568 à la commission fiscale. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission fiscale par 75 oui et 1 abstention.
Débat
La présidente. La parole est-elle demandée? (Brouhaha.)
Plusieurs voix. Non !
La présidente. Je donne la parole à M. Mouhanna.
Des voix. Oh non!
M. Souhail Mouhanna. Je comprends que les députés assis sur les bancs de la droite voudraient que personne ne prenne la parole à ce sujet...
Ce que nous proposons à ce Grand Conseil se trouve dans le dernier alinéa: nous voudrions que le Grand Conseil décide de «soutenir le Conseil d'Etat dans son refus du paquet fiscal fédéral soumis en votation populaire en mai prochain.» De toute façon, le Conseil d'Etat avait manifestement tardé... Ou plutôt, n'a pas soutenu l'idée que le Grand Conseil se prononce sur cet objet suffisamment longtemps à l'avance. Quoi qu'il en soit, le peuple, lui, a exprimé ce refus avec une netteté extraordinaire. Par conséquent, le peuple nous a donné raison et le Conseil d'Etat a aussi exprimé son refus quant à ce paquet fiscal. C'est pourquoi le dernier alinéa a trouvé une réponse positive.
Maintenant de quoi s'agit-il, Mesdames et Messieurs les députés ? Comme vous le savez, la droite de ce parlement a initié une baisse des impôts - notamment les impôts cantonaux - de 12%, ce qui a essentiellement profité aux plus riches de ce canton, privant l'Etat de Genève de recettes de l'ordre de 400 millions de francs par année. D'autres allégements fiscaux ont coûté quelque chose de l'ordre de 100 millions. Et nous attendons les effets de la suppression des droits de succession, qui va coûter quelques dizaines de millions supplémentaires... (L'orateur est interpellé.)Oui, bien sûr, le peuple, Monsieur Luscher ! Mais le peuple a aussi rejeté le paquet fiscal que vous avez soutenu de toutes vos forces avec une campagne de centaines de milliers de francs ! Et vous avez, vous tous sur les bancs de la droite, reçu une très belle gifle ! (La présidente agite la cloche.)Par conséquent...
La présidente. Monsieur Mouhanna, veuillez vous adresser à moi, et non aux personnes vous faisant face ! Je vous remercie.
M. Souhail Mouhanna. D'accord ! Par conséquent, Madame la présidente, la droite est très mal placée pour parler au nom du peuple !
Cela étant dit, ce qui est demandé dans ce projet de résolution que nous vous soumettons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'au vu des résultats des finances publiques - que certains trouvent calamiteux; au vu des besoins de la population - qui sont en augmentation; et au vu de l'ampleur de la dette, il est temps qu'on arrête de nous dire: «Plus nous baisserons les impôts, plus nous relancerons l'économie, et plus les millionnaires viendront habiter ici, plus les caisses de l'Etat seront renflouées.» Tout cela n'est que mensonge et hypocrisie ! Et comme on le sait, il y a maintenant dans le «pipeline des projets de loi» de nouvelles intentions de baisser encore les impôts, au profit des plus riches et au détriment de la population. Et au détriment des prestations sociales, éducatives et sanitaires à la population ! Il s'agit d'un certain nombre de projets de lois, les impôts sur les grandes fortunes, sur les sociétés, le capital, etc.
La présidente. Monsieur Mouhanna, voulez-vous... (M. Souhail Mouhanna se retourne et s'adresse à la présidente.)
M. Souhail Mouhanna. Eh bien, si la droite est conséquente avec ce qu'elle prétend faire - à savoir rééquilibrer les finances publiques - nous proposons qu'il y ait un moratoire pendant trois ans sur l'ensemble de ces projets de lois. Par ailleurs, nous proposons un impôt, limité dans le temps, sur les grandes fortunes et sur les gros bénéfices. D'ailleurs, la population avait d'ailleurs accepté notre initiative et c'est le projet de loi la concrétisant qui a été refusé. Aussi il y a de quoi, par exemple, introduire un certain nombre de modifications à ce niveau-là pour aboutir à ce que les caisses de l'Etat retrouvent un certain nombre de recettes indispensables à son fonctionnement et pour que l'Etat puisse répondre aux besoins de la population.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'être cohérents avec ce que les uns et les autres disent vouloir obtenir au niveau des finances publiques et d'accepter ce projet de résolution.
M. Pierre Guérini (S). Qu'on le veuille ou non, il n'y a rien de plus têtu que la réalité.
Quelle réalité ? Tout d'abord, celle des chiffres. Nos comptes sont dans le rouge, pire: dans le rouge vif - pour ne pas dire dans le rouge sang.
Quelle réalité ? La mauvaise conjoncture - qui a fait que les entreprises ont payé moins d'impôts du fait de leurs mauvaises affaires.
Quelle réalité ? Le passage d'un système fiscal praenumerando au système fiscal postnumerando a fait que Genève a vécu, durant une certaine période, avec des chiffres supposés et non réels.
Quelle réalité ? Que, contrairement à ce qui a été soutenu par la droite de ce parlement, la diminution des impôts n'a pas amené les rentrées fiscales escomptées.
Quelle réalité ? Celle qui fait qu'aujourd'hui la droite n'a rien trouvé de mieux que d'attaquer la fonction publique en lui coupant une partie des moyens nécessaires à son bon fonctionnement.
Quelle réalité ? Celle qui fait qu'aujourd'hui la droite coupe dans les subventions destinées aux plus faibles, au travers des associations qui remplissent une partie des devoirs de l'Etat - soit un devoir qui est justement de protéger ces mêmes plus faibles.
Face à ces réalités, il est important de repenser de manière globale les recettes de l'Etat. Tout d'abord, en arrêtant l'hémorragie causée par toutes les demandes de réduction d'impôts, dont les projets de lois sont en attente de traitement.
Cette résolution nous offre cette opportunité. Les socialistes ne peuvent que vous encourager, Mesdames et Messieurs les députés, à traiter de cette problématique en commission !
M. Mark Muller (L). Décidément, ce soir l'Alternative veut «castrer» le Grand Conseil ! Après avoir proposé de soumettre au référendum obligatoire toute modification des tâches de l'Etat, toute privatisation des services publics - c'est-à-dire dessaisir le Grand Conseil d'une partie de ses prérogatives - vous voudriez maintenant que le Grand Conseil s'interdise de voter des baisses d'impôts... Qu'est-ce que ce sera, après ? Que le Grand Conseil s'interdise de déposer des projets de loi ? J'imagine que cela vous conviendrait, parce qu'il semble que nos projets de loi ne vous plaisent pas ! (L'orateur est interpellé.)Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le Grand Conseil est ici pour voter des projets de loi, c'est son rôle de par la constitution. Alors, puisque nous en sommes aux grandes institutions, proposez cette modification-ci de la constitution, et nous pourrons en reparler !
Toujours est-il que, pour l'instant, nous avons un certain nombre de prérogatives. Nous avons tout à l'heure refusé de nous soumettre au verdict automatique et obligatoire du peuple dès que l'on touche à une tâche de l'Etat; il n'est pas question, ici, de se priver de la possibilité de modifier la fiscalité du canton, et encore moins de l'abaisser. D'autant que, vous le savez bien, toute modification de la fiscalité à Genève est d'ores et déjà soumise au référendum obligatoire. Alors, je ne sais pas ce que vous voudriez de plus que cela ! Quoi qu'il en soit, votre proposition est manifestement abusive.
Par ailleurs - et je sais que les aspects juridiques ne vous intéressent guère, sauf lorsque cela vous arrange, on l'a vu encore tout récemment... (Protestations.)Un moratoire tel que celui-là n'aurait aucune valeur ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)On voit donc assez mal pourquoi on se joindrait à vous pour adopter un texte qui, d'un point de vue juridique, n'est qu'un simple chiffon. (Exclamations.)
Maintenant, j'aimerais vous rassurer. Quand avons-nous, dans ce Grand Conseil, voté une baisse d'impôts pour la dernière fois ? Cela fait plus d'un an ! C'était la baisse des droits de succession, plébiscitée par le peuple en votation populaire en février dernier. Ce qui revient à dire que, dans les faits, vous avez déjà obtenu un moratoire de plus d'un an en matière fiscale et, à ma connaissance, la commission fiscale du Grand Conseil n'a pas adopté d'autres baisses d'impôts depuis ! Par conséquent, dans les faits, nous sommes dans une période de moratoire en matière de baisse d'impôts, ce qui peut présenter une certaine logique, vu la situation de nos finances. Cela étant, nous n'entendons évidemment pas nous priver de la possibilité, à un moment donné, lorsque nous l'estimerons nécessaire, de baisser les impôts à un endroit judicieux.
Je voudrais par ailleurs vous rappeler que l'une des dernières baisses d'impôts que nous avons votées, eh bien, nous l'avons votée à l'unanimité ! Elle représentait 60 millions de francs de pertes de recettes fiscales, c'était un projet de loi faisant suite au «couac» - le premier ou le deuxième - de Mme Calmy-Rey - ou même le troisième, je ne m'en souviens plus - toujours est-il que c'était un des «couacs» de Mme Calmy-Rey que vous avez allègrement accepté de sauver en votant une baisse d'impôts de 60 millions, qui a ensuite été avalisée par le peuple. Donc, arrêtez de nous donner des leçons en matière de baisse d'impôts: vous les votez quand ça vous arrange !
Nous sommes face à une crise des dépenses dans ce canton, nous avons pris des mesures, tout récemment... (Exclamations.)... pour réduire l'augmentation des dépenses - non pas pour réduire les dépenses, mais pour réduire l'augmentation des dépenses, sans licenciements ! C'est un pas dans la bonne direction, et c'est dans cette dernière que nous entendons poursuivre notre action. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Gilbert Catelain (UDC). La résolution proposée n'est pas infondée. Nous sommes confrontés à deux politiques: une politique de réduction de la croissance des dépenses - puisque ces dernières continuent de toute manière d'augmenter - et une autre politique, qui consiste à maintenir un taux élevé de croissance de dépenses et, par conséquent, à trouver les recettes correspondantes, donc à s'opposer à toute baisse d'impôts.
Là où l'Alliance de gauche a raison, c'est lorsqu'elle dit que, si ce parlement continue à voter un certain nombre de dépenses, sans avoir de contrôle sur l'effet de ces dépenses sur le bilan, il faut introduire un moratoire sur les baisses fiscales - puisqu'une baisse fiscale devrait être compensée par une réduction de dépenses, qui n'est pas avérée à ce jour. Il n'empêche que, en tant que parlementaires, nous sommes aussi ici pour représenter les intérêts de la population...
Une voix. Ha, ha, ha !
M. Gilbert Catelain. On peut sourire, mais la population est confrontée à des difficultés économiques. Et quelles sont-elles ? En douze ans, le taux de TVA est passé de 6,2% à 7,6%, soit une hausse de 1,4 point. Le deuxième pilier - sauf pour la fonction publique genevoise - est passé de 8% à 9%, soit une augmentation de prélèvement de 1 point. L'assurance sur les accidents non professionnels est passée de 0,4% à 0,8%: c'est une augmentation de 0,4 point. Ce qui fait déjà un total de 2,8 points. A cela s'ajoute l'assurance-maladie qui, pour la plupart des ménages de ce canton, a augmenté de 60% depuis son introduction, soit une augmentation qui correspond à 3 points. On arrive ainsi, en l'espace de douze ans, à un total de prélèvements sociaux supplémentaires de 5,8 points en moyenne. En parallèle, la réduction fiscale de 12%, qui a été votée dans le cadre de l'initiative libérale, correspond à une baisse de 1,5 point. En résumé, les citoyens de ce canton ont connu une baisse de leur pouvoir d'achat équivalant à plus de 4 points, ce qui représente, si l'on retire toutes les charges sociales et fiscales, une baisse de pouvoir d'achat comprise entre 6% et 8%, à revenu constant. Voilà donc la réalité !
La population de ce canton est confrontée à une baisse de son revenu suite à une augmentation des charges sociales, et vous voudriez que l'on continue à effectuer des prélèvements d'impôts équivalents ou supérieurs ! Dans le même temps, nous constatons que, dans ce canton, on dépense, par habitant, plus de 16'000 francs par an pour le fonctionnement de l'Etat. Soit un montant supérieur de 54% à la moyenne suisse et supérieur de 40% à ce qui se passe dans le canton de Zurich. Alors, pour des prestations plus ou moins identiques, par rapport à un canton-ville comme Zurich, nous dépensons 40% de plus, en francs constants - donc en déduisant l'impact de l'inflation.
Dans le canton de Genève, en l'espace de vingt ans nous sommes passés d'une dépense de 3500 francs à une dépense de plus de 5000 francs par habitant. Par conséquent, cet Etat s'est investi dans davantage de tâches, il a pris davantage de responsabilités et a engagé davantage de dépenses au détriment d'une bonne partie de la population. Et cela ne concerne pas seulement une catégorie, prétendument celle des «nantis» - il est clair qu'ils ont bénéficié davantage de l'économie fiscale - mais cela concerne aussi toute la classe moyenne... Il suffit de consulter les statistiques de l'Office cantonal de la population pour se rendre compte qu'une bonne partie de la population suisse de ce canton émigre sous des cieux fiscalement plus cléments. Il n'y a donc pas trente-six mille solutions ! Soit vous devez maintenir le cap des dépenses en constante augmentation... Ce qui nécessite des prélèvements fiscaux équivalents ou supérieurs - qui se traduisent en définitive par une perte de recettes fiscales puisque la population suisse quitte ce canton pour des raisons fiscales... Et l'an dernier, ce sont plus de mille personnes qui ont quitté ce canton.
M. Jean Spielmann (AdG). Il vient d'être fait allusion aux dépenses en francs constants avec un certain nombre de paramètres. Je vous renvoie aux documents adressés à tous les députés et qui mentionnent les comptes d'Etat et le futur budget. A cette lecture, vous pourrez constater un certain nombre d'éléments intéressants.
Ce qui vient d'être dit n'est pas complètement exact puisque, en ce qui concerne le fonctionnement, on dépensait en 1992, en francs constants et par habitant, 5005 francs - alors que l'on dépense aujourd'hui 5017 francs, soit relativement le même montant. En ce qui concerne les investissements, ces montants sont passés de 594 francs à 607 francs; encore une fois, c'est quasiment le même niveau en francs constants. Alors, qu'est-ce qui a été modifié ces douze dernières années ?
Premièrement, ce canton compte 44 000 habitants supplémentaires. Deuxièmement, le nombre des fonctionnaires a diminué de 25 000 à 23 000. On a donc déjà fait des efforts considérables dans ce secteur et, sur ce terrain-là, il faut dire que les dépenses n'ont pas augmenté en francs constants, elles ont même été stabilisées - elles ont augmenté pendant un moment pour rediminuer ensuite. L'autre réalité, c'est que vous verrez - si vous examinez les comptes avec soin - que, durant ces cinquante dernières années, et ces douze dernières années principalement, il y en a eu quatre pendant lesquelles les comptes ont non seulement été équilibrés, mais ont également connu des bonis qui ont permis de réduire la dette. Ces quatre années correspondent aux quatre années de majorité de la gauche au Grand Conseil - et malheureusement pas au Conseil d'Etat, nous aurions pu faire encore mieux si cela avait été le cas...
Donc, ces chiffres sont donnés par le Conseil d'Etat dans ses statistiques - et vous pouvez mentionner n'importe quels autres chiffres, ils ne correspondent pas à la réalité ou, alors, il vous faudrait venir avec des preuves... Or je me réfère aux documents remis à tous les députés.
On parle beaucoup de l'évolution économique de notre canton: il y a, en effet, une série de mesures à prendre. Il faut bien dire que ce qui a changé au niveau de la fiscalité au cours des douze dernières années, c'est l'introduction de la TVA - M. Catelain en a parlé, il n'a cependant pas tout dit, parce qu'il faut savoir que la TVA est un impôt fédéral et que les sommes encaissées retournent dans la caisse de la Confédération et non dans celle du canton. Par conséquent, la Confédération a opté pour une politique de transfert des charges, de réduction fiscale, de cadeaux fiscaux aux banques et aux gros revenus, et de réduction de la pression fiscale. Lorsque cela n'a plus suffit, le Conseil national et le Conseil des Etats - ce qui est d'ailleurs plus surprenant - ont proposé des modifications de la législation fiscale des cantons, en intervenant dans un domaine qui est du ressort des cantons pour obliger ces derniers à modifier leur système fiscal. Il y a été fait allusion tout à l'heure, par l'intermédiaire d'un représentant libéral qui s'est bien gardé de dire que cela avait pour conséquence une modification de la recette fiscale, dont les personnes âgées et les petits revenus paient aujourd'hui les pots cassés. Il a aussi été fait allusion au respect de la Constitution, au respect des résultats des votations populaires et au respect de la démocratie... On a également vu au cours de cet exercice, et pour la première fois dans ce pays, que les cantons avaient pu faire valoir leur droit d'initiative... Et un seul canton, le nôtre, n'a pas pu s'exprimer sur la question du référendum cantonal, parce que vous avez fait obstruction et parce que le président de l'époque n'a pas respecté le règlement du Grand Conseil ! Ce sont des réalités. Alors, ne venez donc pas faire référence à l'évolution des coûts, à la Constitution ou au droit populaire, ce n'est pas de cela qu'il s'agit !
Le problème de fond, le problème politique - et le peuple l'a bien compris quand a il refusé ce paquet fiscal - c'est que la politique que vous préconisez - et qui était, à un moment donné, crédible pour une partie de la population - consistait à dire: «On baisse les impôts de manière à relancer l'économie, parce qu'en baissant la pression fiscale on relancera la consommation et le pouvoir d'achat des citoyens.» Là, il fallait effectivement faire des baisses d'impôts, mais pas là où vous les avez pratiquées ! Parce que les secteurs où vous pratiquez des baisses d'impôts et les personnes que vous voulez privilégier rendent la situation plutôt critique... On l'a constaté dans les médias ces derniers temps. En effet, certains responsables de grandes banques, ceux qui donnent ensuite aux autres des instructions sur la manière de conduire la politique économique, gagnent des salaires s'élevant à 18 millions de francs par année ! Et des milliards de francs de bénéfices sont réalisés dans les banques aujourd'hui ! Il y a de l'argent dans ce pays... Beaucoup plus qu'ailleurs ! (Remarque.)Parfaitement, Monsieur Lescaze ! Je sais de combien de temps je dispose, je sais que cela vous gêne...
M. Bernard Lescaze. Veuillez respecter le règlement ! Vous avez dépassé votre temps de parole !
M. Jean Spielmann. Je sais que cela vous dérange ! Et vous aimez bien faire obstruction ! Et vous violez même la loi... Vous n'êtes plus président, fort heureusement ! (Exclamations. Huées. Le président agite la cloche.)
Simplement, Mesdames et Messieurs les députés, votre politique est un fiasco complet ! Aujourd'hui, le canton de Genève, sous la conduite de la majorité, monocolore pendant un temps, puis sous votre conduite actuelle, connaît le plus fort taux de chômage de Suisse; aujourd'hui, la politique de baisse fiscale donne lieu à des résultats concrets, dans le sens qu'on se trouve dans les pires difficultés économiques. (Exclamations.)Et cela ne vous suffit pas ! Parce que dans le présent budget vous coupez dans les secteurs où l'on pourrait principalement investir afin de relancer l'économie. Par exemple, Monsieur Lescaze, quand vous faites votre dada d'attaquer le département de l'instruction publique, vous attaquez les filières de formation dans le domaine informatique du «design» et de la modernité... Vous voulez couper ces filières alors que nous avons besoin de ces activités pour le futur ! Mesdames et Messieurs les députés, il est nécessaire de revoir cette politique ! Si nous ne la modifions pas à temps...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. ... le peuple nous donnera l'occasion de le faire. C'est par là qu'il faudra sans doute passer, et cela ira beaucoup plus vite que vous ne le pensez. (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! Afin de couper court à toute polémique, je précise que M. Spielmann n'a pas dépassé son temps de parole...
Une voix. Non !
Le président. Eh oui, le chronomètre est formel !
M. Pierre Froidevaux (R). Je souhaiterais revenir sur le fond de la résolution, qui pose un problème malgré tout intéressant, puisqu'elle nous propose un extraordinaire conservatisme de la société en refusant toute modification de la fiscalité. C'est un problème d'actualité puisque, depuis le vote de l'IN 112, toute modification, même minime, de l'assiette fiscale est soumise au vote populaire et paralyse réellement les travaux de la commission fiscale. On a donc bien ce problème devant nous.
Si nous devions l'étudier dans son esprit, chers collègues de l'Alliance de gauche qui avez proposé cette résolution, nous devrions voter la notion d'une fiscalité optimale. Vous dites: «S'il y a une baisse d'impôts, il y a nécessairement une baisse de revenus.» C'est une réflexion qui n'est pas plausible en matière de fiscalité. L'expression populaire «L'impôt tue l'impôt» illustre une réflexion fondamentale: plus la fiscalité augmente, pour certaines catégories en particulier, plus ces catégories trouvent des solutions pour ne plus payer l'impôt. Cela entraîne ainsi une baisse d'impôts.
L'effet avait été bien vu lorsque le président Reagan - qui vient de décéder - avait décidé une baisse fiscale: vous aviez vu arriver une augmentation des revenus pour l'Etat américain. L'IN 111, qui avait prévu cette baisse fiscale, a montré une efficacité encore plus rapide que prévue par les auteurs: il a fallu mettre en place non seulement les 4%, mais aussi les 12% en un temps record, simplement en améliorant la compétitivité de Genève.
Vous devez donc, chers collègues - si vous souhaitez faire une résolution dans l'esprit de Genève, si vous voulez vraiment le bien commun - parler d'«optimisation fiscale» et, à ce stade-là, effectivement baisser les impôts dans certains domaines, les réactualiser dans d'autres, avoir l'esprit novateur, ce que vous n'avez pas aujourd'hui ! (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). J'aimerais relever deux choses quant à cette résolution. La première - que chacun peut comprendre avec la situation que nous connaissons actuellement sur le plan budgétaire - consiste à dire que, si nous devons subir de nouvelles diminutions d'impôts dans les trois, quatre ou cinq prochaines années, nous ne nous en sortirons tout simplement pas ! Le plan financier quadriennal du Conseil d'Etat est d'ores et déjà fichu. Cela, chacun peut le comprendre. Nous avons désormais besoin de quelques années pour revenir à un niveau d'équilibre et pour estimer, si possible ensemble, quel est le niveau admissible de la dette.
Par ailleurs, il n'y a pas de contrainte dans une résolution; tout ce que j'ai entendu de M. Muller et d'autres députés n'a pas lieu d'être. Il se pourrait - nous l'avons espéré - que sur le premier point de la résolution une majorité de députés dise effectivement: «Nous décidons, politiquement - nous qui sommes ici - de présenter un moratoire sur les baisses fiscales, parce que nous n'entendons pas, aux yeux de l'extérieur, aux yeux des banques ou aux yeux des instituts de cotation, continuer à abaisser le crédit de l'Etat de Genève. Et nous n'entendons pas, non plus, continuer le «cirque» auquel nous avons assisté depuis quelques semaines.» On peut rêver - ce ne sera pas le cas ! Mais ce n'est pas là se lier les mains; c'est là prendre une décision.
En ce qui concerne la dernière intervention de M. Froidevaux, si vous voulez véritablement faire de la «Reagan's Economic», faites-la ! Mais alors, laissez tranquillement les dépenses filer ! Parce que ce qui caractérise les politiques tant de Reagan que de Bush, ce sont des déficits abyssaux ! C'est une sorte de keynésianisme à l'envers: on réduit les recettes, on change la nature des dépenses - c'était la Guerre des étoiles, c'étaient des investissements militaires - et on pense que le gapcrée la demande supplémentaire pour relancer l'économie... Mais sous Reagan, le déficit était abyssal ! C'est sous Clinton que le déficit s'est réduit - et vous savez ce qu'il en est aujourd'hui.
Pour cette raison, je pense qu'avant de vous référer à ces systèmes vous devriez être prudents, parce que le vôtre est assez différent. Vous dites: «On baisse les impôts, on espère que le Conseil d'Etat va couper partout, parce que nous aimerions mieux qu'il le fasse à notre place - parce que nous ne sommes pas toujours très courageux - et puis on recommence.» C'est M. Weiss qui nous avait expliqué cela... Ce n'est pas raisonnable ! Je pense qu'aujourd'hui - et je suis sûr qu'une majorité de gens le savent pertinemment - il ne faut pas baisser les recettes fiscales pendant les quatre ou cinq prochaines années et que l'intérêt général est de digérer celles qui ont lieu. De ce point de vue-là, j'ai pensé que nous aurions pu étudier cette résolution en commission pour n'en garder au moins que la première invite - parce que je me rappelle que le PDC, il y a quelques mois, par la voix de Mme Ruegsegger, nous disait: «Maintenant, il faut un temps de pause dans les baisses fiscales.»
Etudions donc cette résolution et voyons si vous êtes prêts à déposer ce moratoire de quatre ou cinq ans - vous avez même la possibilité en commission de supprimer d'autres invites qui ne vous conviendraient pas ! (Applaudissements.)
Le président. Les représentants de chaque parti politique se sont exprimés sur la demande de renvoi en commission de cette résolution. Nous nous prononçons sur cette demande de renvoi. Le vote électrique est lancé.
Mis aux voix, le renvoi en commission de la résolution 481 est rejeté par 45 non contre 41 oui.
Le président. Le renvoi en commission étant rejeté, nous poursuivons notre débat.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout à l'heure, M. Catelain a aligné un certain nombre de contre-vérités, notamment lorsqu'il a prétendu... (Remarque.)Vous allez être servi tout de suite, Monsieur Catelain, attendez quelques secondes ! M. Catelain a prétendu que les dépenses par habitant se sont accrues; il a mis en cause un certain nombre d'éléments... Vous connaissez ce document-là, Monsieur Catelain, vous voyez ce qu'il y a d'inscrit en noir: ce sont les dépenses par habitant en francs constants. Vous voyez aussi qu'elles n'ont pas augmenté. Et ce document, Monsieur Catelain, c'est celui de l'UDC, que j'ai reçu aujourd'hui par la poste ! Vous dites donc une contre-vérité.
Deuxième élément que je tiens à relever, Monsieur Catelain: vous vous permettez de comparer le canton de Genève à d'autres cantons suisses... Vous comparez Genève à un canton de la Suisse centrale, qui n'a pas de frontières. Si Genève n'avait pas de frontières, il n'y aurait pas besoin de garde-frontières à Genève, vous le savez très bien. Par conséquent, vos comparaisons ne servent strictement à rien.
Par ailleurs, on nous a servi le fait... Enfin, M. Muller a commencé à nous donner des leçons de rigueur budgétaire et, surtout, on nous a parlé de la décision du peuple qui aurait plébiscité les baisses d'impôts. Mais je n'aurai pas la cruauté, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, de dire que le peuple nous a plébiscités ! En effet, je pourrais le faire si j'utilisais les mêmes arguments que vous... Et cela, concernant le vote du peuple, le 16 mai, à propos du paquet fiscal, de la onzième révision et de la TVA, alors que nous étions le seul groupe politique représenté au Grand Conseil à Genève à recommander les trois «non». Eh bien, je ne ferai pas cela ! Vous faites et dites n'importe quoi, et le peuple aura encore beaucoup d'occasions de vous infliger des sanctions, vous le verrez ! (Exclamations.)
Maintenant, concernant l'évolution des finances publiques: à écouter les uns et les autres, on dirait qu'ils n'y sont pour rien. J'ai sous les yeux l'évolution de la dette brute de l'Etat de Genève depuis 1970. On a commencé à 778 millions de francs de dettes. Et cela continue d'augmenter tous les ans, il n'y a pas une année où cela n'a pas augmenté, jusqu'à l'arrivée de l'Alternative en majorité au Grand Conseil. Et c'est seulement pendant cette période qu'il y a eu diminution de la dette. Quant au déficit dont vous parlez, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.)Comment, Monsieur ? Dans le document du Conseil d'Etat ! C'est le gros document dont j'ai fait une photocopie. Lisez vos documents, Monsieur Reymond, et vous verrez ! Non, je n'invente rien, ce n'est pas un document AdG, il est dans l'armoire, vous pourrez le consulter.
Je reprends. Pendant toutes les années du déficit, c'est vous qui étiez au pouvoir. Ensuite, pendant les années nonante, vous aviez l'écrasante majorité au Grand Conseil - vous aviez la totalité des sièges du Conseil d'Etat pendant la période monocolore - et chaque année on s'en est pris à la fonction publique ! On a réduit les dépenses, on a supprimé deux mille emplois, on a réduit les salaires des gens, on a violé les lois sur les traitements ! Et l'on voit que pendant toutes ces années, plus on s'en est pris à la fonction publique, plus le déficit s'est creusé; plus on a coupé dans les prestations, plus la situation s'est aggravée. Parce que la précarité, la pauvreté et le chômage que vous générez s'étendent et coûtent encore plus d'argent à l'Etat ! Vous nous donnez des leçons de rigueur budgétaire, alors que vous ne cherchez qu'une seule chose: faire toujours plus de cadeaux aux plus riches ! Pour vous en prendre encore davantage aux prestations à la population et au personnel des services publics ! (Brouhaha.)
Mais je vous réserve encore une petite surprise la prochaine fois que l'on parlera du plan financier quadriennal. Pour le moment, je crois que vous en avez assez reçu ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Bernard Lescaze (R). Mesdames et Messieurs les députés... «La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe»... (Huées. Applaudissements.)
Les attaques personnelles répétées d'un ancien chef du Parti du travail ne m'atteignent pas ! Il ne connaît pas véritablement son règlement, et je vais en rester là parce que ses propos, monotones, qui m'ont paru durer un siècle, même s'ils n'ont, paraît-il, pas duré cinq minutes - car c'est cinq minutes, le renvoi en commission - ne m'importent pas.
En revanche, sur le fond du débat, je pense que la rigueur intellectuelle, que nous devrions attendre de la part de tous ceux qui réclament une rigueur budgétaire ainsi qu'une rigueur financière, devrait faire remarquer à M. le député Mouhanna que c'est dans tous les cantons suisses que, pendant les quatre ans où, par hasard, vous aviez une majorité dans ce Grand Conseil, les déficits ont diminué (Manifestation dans la salle.)Cela doit tout à la conjoncture et rien à votre politique ! (Applaudissements.)
Ce que l'on peut en revanche constater, c'est que, si la situation s'est véritablement détériorée aujourd'hui, c'est parce que, contrairement à ce qui se dit, il n'y a eu aucun démantèlement de l'Etat social... (Huées. Exclamations.)Aucun démantèlement des prestations, bien au contraire ! Entre le budget 1998 et le budget 2004 présenté par le Conseil d'Etat - que nous avons, si peu, tenté d'améliorer - il y a eu 3400 postes créés entre le petit et le grand Etat. 3400 nouveaux postes ! Et vous osez parler de démantèlement ! Cela n'est pas honnête, c'est même de la malhonnêteté intellectuelle ! (Applaudissements nourris.)
M. Pierre Kunz (R). Il faut savoir si nous voulons continuer le jeu de l'avion ou si nous voulons assurer la croissance et l'avenir de ce canton. Dans ce contexte, je voudrais rappeler quelques constats tirés de l'histoire.
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays qui a amélioré la richesse commune en augmentant les impôts !
Une voix. Ah bon ?
M. Pierre Kunz. Il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays qui a accru le niveau de satisfaction et le bonheur de sa population en augmentant les impôts. (Remarques.)Il n'y a, dans l'histoire, aucun exemple d'un pays devenu riche grâce à la multiplication des dépenses publiques et grâce au gonflement des administrations publiques ! (Applaudissements.)En revanche, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, l'histoire montre qu'à chaque baisse massive de la fiscalité a correspondu... (Exclamations. Applaudissements.)... une croissance de l'économie et des revenus des pays qui l'ont décidée. (L'orateur est interpellé.)Mais oui ! C'est comme ça, vous ne voulez pas le voir, mais c'est la vérité ! Et cela a été notamment le cas à Genève, Bernard Lescaze vient de le démontrer.
Vous feriez bien, avant de lancer ce genre de textes légaux, de réfléchir à ces réalités ! (Applaudissements. Sifflets.)
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Un tout petit peu de calme, s'il vous plaît ! Vous serez bientôt rentrés chez vous mais, de grâce, faites preuve d'une plus grande qualité d'écoute ! Je donne la parole à M. le député Weiss. (Chahut.)
De nombreuses voix.Ah! Allez, Pierrot !
M. Pierre Weiss (L). Parfois, il faut se rendre compte que l'on peut être historien et en même temps dépourvu de mémoire... M. Hiler, lorsqu'il a cité mes propos, tout à l'heure, a fait une confusion et s'est même trompé: en réalité, lorsque nous avons adopté des dispositions concernant la suppression de l'imposition pour les successions en ligne directe, j'ai précisément dit - et je me réfère au mémorial pour ce point - qu'il s'agissait de raison garder et que, après ce vote, sur le plan cantonal, il conviendrait que nous donnions la priorité à la réduction de la dette. Certainement que la mémoire lui reviendra, notamment à mon écoute.
En ce qui concerne les paroles de notre excellent collègue Mouhanna, qui parle le «Mouhanna» comme d'autres parlent le français... (Manifestation dans la salle.)... ses propos nous ont donné, une fois de plus, l'illustration de ce qu'est une propension à répéter des slogans qui ne correspondent que de loin à la réalité.
Il y a un point essentiel que je voudrais mentionner - et je m'en voudrais si M. Mouhanna voyait ici une marque de non-respect par rapport à son raisonnement. La proposition de résolution qui nous est faite nous indique deux choses: d'abord, implicitement, que l'Alliance de gauche préfère le blocage du fonctionnement de l'Etat et de son appareil aux intérêts de la population. Elle nous propose une deuxième chose, encore plus importante: que, pour trois ans, il faut supprimer tout espoir aux citoyens de voir la fiscalité diminuer.
Nous nous refusons à être du côté de ceux qui détruisent l'espoir pour la majorité de la population genevoise. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Le bureau, unanime... Calmez-vous, Monsieur Mouhanna, écoutez avant de manifester; écoutez ce que j'ai à vous dire ! Le bureau, unanime, considère que vous avez été mis en cause et vous accorde bien volontiers la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je ne dirai qu'une phrase: entre vice et vertu, M. «W(e)iss» a choisi le premier. (Rires.)
M. Jean Spielmann (AdG). Je comprends mieux l'ineptie des arguments et des amendements déposés par la droite... (Exclamations.)Parce que, quand on arrive à présenter des amendements tels que les vôtres en commission des finances, on se demande quels documents vous avez bien pu lire ! On s'aperçoit, lorsqu'on brandit devant vous des documents fournis par le département pour vous permettre de faire une analyse sérieuse de la situation financière, que vous ne les connaissez même pas ! Vous demandez des citations... Si vous ne lisez pas les documents que l'on vous remet et que vous ne voyez pas les courbes de dépenses et l'évolution de la dette, je comprends mieux que vous déposiez des amendements pour réduire les dépenses en vous en prenant à celles qui sont autofinancées ! Pour pourvoir faire plus ridicule, il faut déjà aller loin...
Si l'on regarde l'ensemble des argumentations que vous avez développées, il faut faire deux corrections. La première, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse plus particulièrement à M. Lescaze - consiste à reconnaître que ce n'est sûrement pas par hasard que les dettes ont augmenté de cette façon-là ! C'est peut-être par hasard que nous avons réussi à faire mieux que vous - je laisse ses vertus au hasard - mais ce n'est en tout cas pas par hasard que la dette a gonflé le plus quand vous étiez au gouvernement monocolore. Et ce n'est pas par hasard que, durant cette période, l'assiette fiscale s'est modifiée ! Et ce n'est pas par hasard, non plus, que, lorsque vous parlez de baisse d'impôts, ceux qui nous écoutent pensent qu'il s'agit de baisses pour tout le monde... Or, Mesdames et Messieurs les députés, les petits revenus ont vu leurs impôts augmenter, alors que les gros et les très gros revenus ont quasiment été exemptés d'impôts ! L'assiette fiscale a été changée... (Commentaires.)Vous avez révisé les lois fiscales qui modifient l'assiette fiscale elle-même !
M. Christian Luscher. N'importe quoi !
M. Jean Spielmann. Non, je ne dis pas n'importe quoi, Monsieur Luscher ! Ces constatations sont basées sur des chiffres et des textes que vous feriez bien de lire avant de parler.
Les documents démontrent que l'assiette des recettes fiscales, aujourd'hui, repose beaucoup plus sur les impôts des personnes physiques que sur les autres impôts. Cela est dû au fait que vous avez constamment accordé des cadeaux fiscaux dans ce secteur. Lorsque vous parlez de baisses d'impôts, vous ne dites pas la vérité à la population ! Elle le découvre petit à petit en recevant ses impôts. Parce qu'il s'agit de baisses pour certains de vos amis ou pour ceux pour qui vous travaillez ici - car ceux qui gagnent autant ne viennent pas perdre leur temps ici; ce n'est que ceux dont vous léchez les bottes et pour qui vous travaillez qui gagnent cet argent-là ! (Exclamations.)
Une voix. C'est une honte !
M. Jean Spielmann. Et ces gens-là, Mesdames et Messieurs les députés, ont non seulement vu leurs impôts diminués, mais supprimés ! (Le président agite la cloche.)Alors, pour revenir à ce que disait M. Kunz tout à l'heure, lorsqu'il parlait du jeu de l'avion, eh bien, dans ce pays nous avons vu les radicaux à l'oeuvre... Les radicaux - M. De Pury et sa nouvelle économie avec son «Livre Blanc», M. Honegger, M. Hensch et d'autres encore, tous des éminents radicaux - ont conduit Swissair là où elle est. Et ils s'y retrouvent très bien, aujourd'hui ! Mais ils ont occasionné la faillite la plus monumentale de toute l'histoire de la Suisse. Donc, si on ne veut pas faire le jeu de l'avion, il ne faut pas laisser le pouvoir aux radicaux, parce qu'ils nous conduisent à la faillite ! (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à... (Remarque.)Oui, Monsieur Luscher, vous avez l'air...
M. Christian Luscher. En pleine forme !
Le président. Mais si vous pouviez être en pleine forme et silencieux en même temps... ce serait sympathique.
Une voix. C'est impossible, Monsieur le président !
M. Gilbert Catelain (UDC). Revenons-en à cette proposition de résolution. L'Alliance de gauche n'a pas forcément écouté tout ce que j'ai dit. J'ai effectivement rendu à César ce qui était à César, à savoir que votre demande était cohérente par rapport à votre philosophie et à votre conception de l'Etat. En revanche, je n'ai jamais dit que l'UDC soutenait mordicus des baisses d'impôts. Nous avons toujours dit qu'une baisse d'impôts devait être accompagnée d'une diminution correspondante de dépenses. Il est donc clair que s'il n'y a pas de diminution de dépenses, il n'y aura pas de diminution d'impôts non plus.
Monsieur Mouhanna, vous avez dit que la politique de la droite, notamment celle menée ces dernières années, avait conduit à une diminution des prestations de l'Etat. Trente secondes plus tard, vous nous dites, en vous basant sur ce tableau, qu'on dépense autant qu'il y a dix ans - puisqu'on en est à 5017 francs et que, il y a douze ans, on en était à 5005 francs par habitant - mais l'on dépense tout de même 50% de plus qu'il y a vingt ans.
Par conséquent, je ne comprends pas ce raisonnement-ci: «On dépense toujours autant - voire plus - par habitant, mais on a moins de prestations.» Je me pose donc la question de savoir si, dans cet Etat, il y a eu, au cours de ces dix ou de ces vingt dernières années, des gains de productivité. Apparemment pas !
En revanche, je constate qu'en dix ans que l'assiette fiscale dans ce canton s'est réduite ! Le nombre de personnes qui paient des impôts s'est réduit; par contre la somme d'impôts récoltés au niveau des personnes physiques est toujours la même: c'est 3 milliards de francs, avec l'impôt sur la fortune.
Si nous reprenons l'exemple zurichois, où l'on dépense 5000 francs de moins par habitant, rapporté au canton de Genève, c'est 2 milliards. Ces 2 milliards, en termes d'imposition sur les personnes physiques, diminuent de deux tiers la perception fiscale sur ces dernières. Voilà la marge dont nous disposons sur les personnes physiques, et personne ne vous a dit qu'on introduirait une diminution fiscale de deux tiers ! Entre ces deux tiers de diminution possible pour obtenir une prestation plus ou moins équivalente et avoir un moratoire sur les rabais d'impôts, il y a tout de même une marge de manoeuvre.
Je vous donnerai deux exemples. Le premier, dont j'ai pris connaissance hier, est celui d'une greffière qui travaillait au pouvoir judiciaire. Alors, elle est embauchée, elle a sa place au pouvoir judiciaire... Or dans une période de difficultés budgétaires - lorsque le Conseil d'Etat pleure pour qu'on lui donne enfin un budget - on s'aperçoit que le pouvoir judiciaire peut, sans autres formalités, mettre une greffière en congé payé. Et en congé payé pendant plusieurs années pour qu'elle poursuive ses études et passe sa licence de juriste ! Quand j'entends cela, je me demande où se trouve la prestation au public, au citoyen ! Et cette greffière s'est vantée auprès de ses connaissances, devant son école, de ce qu'elle était en congé payé et que l'Etat lui payait sa licence... Congé payé pour passer sa licence en droit !
Voici un autre exemple... Parce que la politique que vous nous proposez est celle qui est menée à Cuba. Cuba, vous connaissez; Fidel Castro, c'est votre ami ! Et Fidel Castro engage de grands groupes occidentaux - Bouygues, pour ne pas le nommer - pour construire des complexes hôteliers de luxe. Bouygues paie les employés neuf ou dix dollars de l'heure; cet argent va dans la poche de Fidel Castro, qui paie lui-même ses ouvriers à raison de cinquante centimes par jour ! (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)J'ai un ami qui s'y trouve actuellement et qui construit ce projet... (Le président agite la cloche.)... et les livres comptables sont consultés chaque jour par les préposés du gouvernement ! Et 95% de ce qui est payé par l'entreprise Bouygues va dans les poches du gouvernement, alors que seuls 5% vont aux ouvriers, qui travaillent sept jours sur sept !
Donc, nous ne pouvons pas soutenir cette résolution. En revanche, nous sommes d'accord avec vous: il ne peut pas y avoir diminution d'impôts sans contrepartie. Il faut être cohérent, il faudra bien aller chercher cette dernière quelque part, notamment dans ces dépenses qui ne sont plus justifiées.
Le président. Merci, Monsieur Catelain. Deux députés se sont inscrits après la clôture de la liste, je ne leur donnerai donc pas la parole. Nous allons nous prononcer sur la proposition de résolution 481. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée par 43 contre 36 oui.
Le président. Bonne nuit et à demain, 15h ! Faites de beaux rêves !
La séance est levée à 23h15.