Séance du
jeudi 22 avril 2004 à
14h
55e
législature -
3e
année -
7e
session -
38e
séance
RD 495-B
Débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. J'ai tout d'abord une petite rectification à faire. Il y a une faute de frappe à la page 4 de mon rapport. A la troisième ligne de cette page, il faut lire «118 millions» et non pas «188 millions».
La difficulté de ce rapport complémentaire réside dans la diversité des points de vue. Cela avait déjà été relevé dans le premier rapport qui portait sur les effets sur la législation cantonale et sur les finances cantonales de ce paquet fiscal fédéral. A l'époque, cette mission avait été remplie, mais certains avaient prétendu que l'intégration des effets au niveau fédéral aurait une incidence favorable pour tous contribuables genevois.
Effectivement, si l'on ne regarde que la diminution au niveau des impôts fédéraux, la plupart des contribuables seraient gagnants, sauf les personnes très endettées. Mais en fait, ce qui est problématique, ce sont les effets de l'harmonisation fédérale qui impose aux cantons une manière de récolter l'argent et qui fixe des barèmes - ce qui est contraire à la Constitution - et qui a une incidence sur le contribuable genevois.
Eh bien, non ! Contrairement à ce qui a été prétendu lors de notre précédent débat, la prise en compte des effets du paquet fiscal sur l'impôt fédéral n'inverse pas la proportion des gagnants. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Le résultat, c'est que pour 15% des personnes, cela ne change rien, mais, pour la plupart, ce sont celles qui ne paient pas d'impôts... D'une manière ou d'une autre, ils n'en paieront pas.
Ce que l'on constate par contre, c'est que pour 47% des contribuables, effectivement, vu globalement, l'introduction du paquet fiscal entraînerait une baisse d'impôts. Pour 37% d'entre eux, ce paquet fiscal signifie une augmentation des impôts. Même parmi les personnes soi-disant favorisées par ces mesures, comme les familles, ce sont tout de même 28% des contribuables qui verraient leur situation péjorée.
Ce qui a changé par rapport aux premiers calculs, c'est l'incidence des diminutions pour les familles. En réalité, pour les familles dont le revenu se trouve au-dessous de 150 000 F, le paquet fiscal entraînera, la plupart temps, une augmentation d'impôts. Cela est dû à l'incidence des déductions, qui ne pourront pas être modifiées dans le cadre d'une future révision de l'impôt cantonal. Il y a en effet des domaines où, si le paquet fiscal est accepté, les déductions seront fixées de manière très claire. Par exemple, on ne pourra plus déduire l'entier des primes d'assurance-maladie. On ne pourra plus déduire les primes d'assurance-vie. On ne pourra plus déduire les intérêts des dettes. On ne pourra plus déduire le travail du conjoint. Ces points se chiffrent à 33 millions pour le premier, 33 millions pour le second et 19 millions d'augmentation d'impôt. Si l'on regarde globalement les choses, ce paquet fiscal produit une augmentation d'impôts pour les familles et notamment pour les familles à bas ou moyen revenu. Pour la tranche des contribuables constituée par les familles dont le revenu est en dessous de 150 000 F, il y a une augmentation de 13 millions. Parallèlement, les contribuables qui gagnent plus de 150 000 F de revenu brut auront une baisse d'impôts de 115%. C'est véritablement une injustice dans la mesure où l'on aggrave les disparités entre les hauts et les bas revenus. Je crois que c'est un choix de société qu'il faut souligner. Le fossé entre les bas et moyens revenus d'une part et les hauts revenus d'autre part sera aggravé par ce paquet.
Par ailleurs, l'autre élément extrêmement grave, c'est l'ingérence des députés fédéraux dans les finances cantonales. Cela n'a pas été assez souligné. Ils ont outrepassé leur mandat. J'ai indiqué dans mon rapport les dispositions constitutionnelles à ce sujet. C'est pour cette raison que les cantons se sont ligués contre ce paquet fiscal; ils n'ont plus ou peu de marge de manoeuvre. Plus on ira en avant, moins ils auront de marge de manoeuvre. C'est tout de même aux cantons de décider comment ils répartissent les richesses sur leur propre territoire. Les cantons doivent tout de même pouvoir choisir quelles sont les incidences qui sont acceptables et quels sont les investissements qu'ils veulent faire. Si les cantons n'ont plus cette marge de manoeuvre, eh bien, nous sommes pieds et poings liés à des décisions fédérales, et je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Pierre Guérini (S). Le groupe socialiste tient tout d'abord à remercier la rapporteuse pour la qualité de son ou plutôt de ses rapports puisque, comme il est justement rappelé dans le RD 495-B, le RD 495-A avait été renvoyé en commission par cette assemblée. Je tiens à remercier également les fonctionnaires qui ont oeuvré pour fournir les informations indispensables aux travaux de la commission. La qualité de plusieurs documents a été remise en cause au prétexte que les chiffres qu'ils contenaient ne correspondaient pas aux attentes de certains commissaires.
Si, au début des travaux de la commission, on a pu avoir l'impression que le paquet fiscal pouvait présenter un certain intérêt; très rapidement, l'évidence de l'arnaque qu'il contenait est apparue, justifiant tout à fait pour le Conseil d'Etat la possibilité de s'associer au référendum cantonal en recommandant d'accepter le projet de résolution R 478.
En quoi le paquet fiscal est-il une arnaque ? Le parti socialiste a trouvé quatre raisons, mais il y en a certainement d'autres, cachées.
La première raison, c'est que ce paquet entraîne encore plus d'injustice. Plus de la moitié des ménages ne profiteront pas des baisses d'impôts ou gagneront moins de 60 F par année. Les classes moyennes, qui ont vraiment besoin d'un allégement, ne bénéficieront que d'une décharge inférieure à la moyenne. Ainsi, les ménages dont le revenu brut annuel oscille entre 70 000 et 120 000 représentent 29% des contribuables, mais ne se voient octroyer que 14% des baisses d'impôt. 5% des contribuables bénéficient en revanche de 61% des diminutions. Seuls les couples riches et les propriétaires de villas sont vraiment avantagés.
La deuxième raison, c'est la hausse des taxes, des impôts cantonaux et communaux. Les collectivités publiques cantonales et communales ne peuvent assumer les pertes de recettes fiscales qui leur sont dictées par la Confédération. Il faut aussi remarquer que vingt gouvernements cantonaux se sont déclarés opposés à ce paquet fiscal.
La troisième raison, c'est la politique des caisses vides. Tout le monde passe à la caisse pour financer les rabais accordés à la minorité des plus riches : augmentation du nombre d'élèves par classe, diminution des bourses d'études, fermetures d'écoles, fermetures de lignes régionales de chemin de fer et de bus, diminution des rentes AVS, augmentation des cotisations d'assurance-maladie - les cantons ayant moins d'argent pour en réduire les coûts - réduction des moyens destinés à une véritable politique familiale, augmentation de la dette des cantons et des communes.
La quatrième raison, ce sont les avantages concédés aux propriétaires de villas. L'Etat ne saurait subventionner les rénovations de villas en accordant aux propriétaires des rabais fiscaux pouvant atteindre 40% des coûts. Les locataires - largement majoritaires dans notre canton - ne retireront absolument rien de la réforme de l'imposition de la propriété du logement, mais ce sont eux qui la paieront. Genève compte environ 16% de propriétaires donc 84% de locataires. Environ 10% des objets immobiliers sont des villas et 81% de ces 10% sont habités par leurs propriétaires. En d'autres termes, ce sont environ 28 000 ménages sur 178 000 qui pourront bénéficier des déductions fiscales. Où est l'équité ?
Ce paquet fiscal a par ailleurs deux effets pervers et cumulatifs. Premièrement, le transfert de charge de la Confédération aux cantons et deuxièmement, la perte du revenu fiscal cantonal et communal à hauteur de 150 millions par an.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que la suppression de l'impôt sur les successions - qui entrera en vigueur au mois de juin - entraîne une perte fiscale d'environ 60 millions par ans. Les taxes sur les transactions immobilières entraîneront une autre perte d'environ 40 millions par an. Ainsi, au total, nous arrivons à une diminution de recette de plus de 200 millions qui s'ajoutera à la perte générée par le paquet fiscal. Dans ces conditions, c'est la fonction redistributive de l'Etat qui est en grand péril, de même que la fonction publique dont le seul but est d'être au service de la population.
Les socialistes vous demandent donc de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). Il est fort intéressant de voir revenir après examen plus approfondi de la commission ce rapport de Mme Künzler. Je n'ai pas pu, pour des motifs de procédure, m'exprimer lors du débat sur le premier rapport il y a quelques semaines, ce dernier ayant tout de suite été renvoyé en commission, ce dont je me félicite au vu du résultat d'aujourd'hui. Pour ma part, je ne trouve pas le rapport meilleur qu'avant.
Permettez-moi en préambule de constater que le Conseil d'Etat qui, dans la presse, se manifeste unanimement contre le paquet fiscal, n'a trouvé bon d'être représenté pour ce débat que par un seul conseiller d'Etat, son président. Je ne sais pas, Monsieur, si vous avez sept petits chapeaux à la fois, mais je constate que l'accord que vos collègues affichent ne va pas jusqu'à supporter dans cette salle la contradiction. Cela, c'est bien intéressant.
Mon argumentation portera sur deux volets. Tout d'abord le volet technique : l'objectif du second rapport était d'obtenir une évaluation des conséquences globales du paquet fiscal pour le contribuable, et notamment le contribuable genevois. Les conséquences globales, ce sont bien entendu celles qui nous importent, puisque la poche du contribuable est la même qu'il doive donner de l'argent au canton, à la Confédération ou à une commune. C'est donc bien seule cette estimation globale qui compte. Or, qu'est-ce que nous constatons ? C'est que, contrairement aux assertions du Conseil d'Etat, contrairement aux assertions presque mensongères qui nous ont été faites, le nombre des gagnants grâce au paquet fiscal est beaucoup plus grand qu'auparavant. D'ailleurs, nous le savons bien : à partir du moment où il y a davantage d'argent pour le contribuable, nous ne voyons pas comment les gens paieraient plus d'impôts. Il y a là toute une argumentation qui est un véritable sophisme de la part des autorités.
En réalité, la majorité des contribuables genevois verra son enveloppe fiscale globale - canton et Confédération - diminuer. Je le dis rien que sur le plan technique : non seulement ont intérêt à voter en faveur du paquet fiscal ceux qui verront leurs impôts diminuer, mais également ceux qui à l'heure actuelle déjà ne paient pas d'impôt fédéral direct par exemple. En réalité, cela fait beaucoup plus de personnes qu'on ne le croit. J'en profite ici pour m'étonner publiquement d'une affirmation extraordinaire qui a été faite par Mme Brunschwig Graf il y a deux ou trois semaines et qui n'a pas été relevée. Elle jugeait inacceptable que les petits propriétaires «économisent» parce qu'on supprimait cet impôt inique sur la valeur locative. J'ai relu le Mémorial, cela représentait 120 millions ! Mme Brunschwig Graf, elle, disait que ce paquet n'était pas favorable aux propriétaires lourdement endettés. Je pose la question : qui sont les propriétaires lourdement endettés ? Ce sont souvent un certain nombre de spéculateurs. Evidemment, ceux-là, eh bien c'est normal qu'ils ne bénéficient pas du paquet fiscal.
Je ne comprends pas comment un Conseil d'Etat, à majorité d'Entente, un Conseil d'Etat qui a pris des engagements, notamment pour favoriser l'accès à la propriété peut tenir des propos pareils.
Je constate donc que, selon les termes même de Mme Künzler, 47% des gens qui paient l'impôt fédéral direct et l'impôt cantonal verront leurs impôts baisser; 15% verront leur taxation maintenue. Cela fait donc près de 2/3 des contribuables qui trouveront un avantage à ce paquet fiscal.
Enfin, on nous dit, sur tous les bancs, qu'à Genève les effets du paquet fiscal seront quelque peu atténués quant à certaines déductions. Mais c'est parce que nos lois fiscales sont déjà extrêmement favorables. Sinon les gens sentiraient encore davantage l'effet du paquet fiscal. Je me souviens qu'au moment de la modification des fameuses LIPP tout d'un coup Mme la conseillère d'Etat Calmy-Rey s'était inquiétée d'un effet désastreux pour les familles. On nous a donc fait voter à toute allure une modification de cette loi. Seule Mme Grobet-Wellner, députée socialiste, avait dit tout de suite, je m'en souviens très bien, qu'en réalité il n'y avait pas d'erreur, que la loi était bien formulée et que si les gens connaissaient une augmentation d'impôt, c'est que leur revenu augmentait. Je regrette que l'on n'ait pas suivi Mme Grobet-Wellner et qu'on ait écouté Mme Calmy-Rey.
J'ajoute un dernier élément sur le volet technique : lorsqu'on veut ne pas donner une position claire, lorsque l'on s'appuie sur de mauvais arguments et qu'on est ensuite contraint sur le plan technique et scientifique de revenir dessus, eh bien, évidemment, on aboutit à un rideau de fumée. De ce point de vue là, sur les effets réels du paquet fiscal tels qu'on pourrait les calculer, je vous renvoie à la lettre de Mme Brunschwig Graf du 16 mars 2004 à la commission fiscale. Il y a six citations qui vous montrent qu'en réalité le département et ses experts sont dans le bleu, dans le vague le plus complet. Au premier paragraphe on lit à propos d'informations : «D'autres en revanche ne peuvent pas recevoir de réponses, car il est techniquement et déontologiquement impossible de les donner.» On lit plus loin : «En ce qui concerne les déductions pour ménages, il n'est pas possible d'intégrer les effets de cette déduction dans les projections.» On lit encore, s'agissant des familles monoparentales, qu'on ne peut pas calculer vraiment les effets sur ces contribuables. En ce qui concerne le nombre de contribuables, on lit: «Ce n'est pas possible, car l'administration ne possède pas les informations indispensables à ce calcul.» En ce qui concerne l'épargne logement, le revenu et le taux d'endettement de certains propriétaires, la lettre indique que «s'il peut être déterminé sur un cas type, il est impossible de le faire par catégories de revenus.» Enfin, à l'avant-dernier paragraphe, la conclusion, le coup de marteau final : «aller plus loin dans les estimations conduirait à produire des calculs pour le moins contestables.» Voilà ce à quoi le Conseil d'Etat aurait dû se tenir.
La présidente. Monsieur Lescaze, vous êtes bientôt à la fin de votre temps de parole.
M. Bernard Lescaze. Madame la présidente, je pense qu'il est important que nous puissions donner nos arguments...
La présidente. C'est une question d'équité, Monsieur le député.
M. Bernard Lescaze. Comme le disait un député... (Brouhaha.)Comme le disait un député radical de France voisine, Pierre Mendès-France : «gouverner, c'est choisir». On se demande si réellement on gouverne à Genève, car à l'évidence on ne choisit pas.
Le gouvernement actuel a été élu sur un programme que l'on retrouve dans le discours de Saint-Pierre. Ce programme était en faveur de l'égalité des couples mariés. Si nous refusons le paquet fiscal, le splitting disparaîtra et cette égalité ne reviendra pas avant longtemps. L'encouragement à la propriété est aussi un des objectifs de ce paquet fiscal. (Brouhaha.)
En conséquence, et même si les députés de gauche, toujours prêts à la dépense avec l'argent des autres, ne veulent pas l'entendre, les électrices et les électeurs doivent voter oui à ce paquet fiscal; c'est la seule bonne solution, pour leur porte-monnaie et pour l'Etat. (Applaudissements. Vif brouhaha.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Jacques François (AdG). Ce ne sont ni les batailles de chiffres, ni la valse des hypothèses et des contre-hypothèses, ni les calculs savants qui modifieront de manière fondamentale ce qu'il faut penser du paquet fiscal. Le complément de rapport qui a été demandé à Mme Künzler ne change rien à l'affaire profondément.
Le paquet fiscal n'est, en effet, qu'une étape parmi bien d'autres de la marche compulsive de la droite vers moins d'impôt, vers la diminution des ressources de l'Etat fédéral et cantonal, et vers les diminutions des prestations de l'Etat. Inutile de ratiociner une fois de plus que ce sont les contribuables aisés qui profiteront largement des diminutions d'impôt. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, même lorsque les familles sont appelées au secours pour donner un petit air social au projet, ce sont les familles aisées qui ramassent la donne et les familles qui le sont moins écopent d'impôts supplémentaires.
On le sait, Mesdames et Messieurs, la diminution des impôts constitue un des piliers de la stratégie politique de la droite qui repose sur deux mensonges. Premier mensonge : faire croire que les diminutions profitent à tout le monde. En ce qui concerne le paquet fiscal, le mensonge est encore plus difficile à faire passer, puisqu'on sait que le tiers des familles verra ses impôts augmenter. La droite pourra demander tous les calculs complémentaires qu'elle voudra et les économètres du département de Mme Brunschwig Graf pourront continuer à torturer leurs ordinateurs, les simulations donnent toujours les mêmes résultats. On pourra même demander à Mme Künzler un troisième rapport, les résultats seront identiques.
Alors, les libéraux et les radicaux sont à la recherche d'arguments devant cette résistance de l'arithmétique. Ils essaient de tordre le cou aux faits avérés. On a vu M. Muller essayer de nous faire comprendre que les familles comptaient au moins deux personnes et que, par conséquent, les individus qui devaient être satisfaits du paquet fiscal étaient au moins le double de ce que l'on imaginait. Encore quelques instants et M. Muller comptera les chats, les chiens et les poissons rouges...
Je ne devrais d'ailleurs pas parler de gens satisfaits du paquet fiscal, je devrais parler, pour utiliser le langage des tenants du moins d'impôt, des bénéficiaires. Vous savez très bien, Mesdames et Messieurs, que ce mot «bénéficiaires» est le pilier du premier mensonge du moins d'impôt.
Dans cette saga du paquet fiscal, tout le monde le sait, effectivement, un tiers des familles verra ses impôts augmenter. Comme par hasard, les impôts diminueront pour les familles qui ont un revenu supérieur à 140 000 ou 150 000 F.
Une voix. Menteur !
Une autre voix. C'est parfaitement vrai !
M. Jacques François. Mesdames et Messieurs, cela relève évidemment d'un simplisme absolu que de calculer le nombre des prétendus bénéficiaires en mettant dans le même sac des familles qui, avec un revenu de 50 000 F, verront leurs impôts annuels diminuer de quelques francs et d'autres familles qui, avec un revenu de 500 000 F, verront leurs impôts diminuer de plusieurs dizaines de milliers de francs. Pour le parti libéral, un bénéficiaire est un bénéficiaire, point à la ligne.
Le second mensonge de la politique du moins d'impôts consiste à oser parler de baisses d'impôts sans parler de la diminution des services et des prestations de l'Etat qui en découlera. En effet, les milliards qui manqueront à la Confédération et les centaines de millions qui manqueront aux cantons vont donner l'occasion et l'alibi pour la destruction des prestations sociales, de santé et de formation.
Croire, Mesdames et Messieurs, à la relance économique par ce type d'action, c'est simplement n'avoir pas dépassé la page 5 du Manuel d'économie de première année. C'est vrai que quand on lit M. Weiss ou qu'on écoute M. Muller, le diagnostic est confirmé...
Seule lueur d'espoir : ce qui s'est passé il y a trois semaines à Neuchâtel où les citoyens ont enfin fait le lien entre baisses d'impôts et baisse des prestations sociales. Les citoyens ont fait enfin le lien entre baisses des impôts et cadeaux faits aux plus riches.
Mesdames et Messieurs, la commission fiscale regorge de ces armes de destructions massives que sont les baisses d'impôts. Nous n'aurons de cesse de batailler pour les désamorcer. J'espère simplement que le résultat positif du référendum mettra un terme à cette politique irresponsable.
M. Mark Muller (L). M. François vient de nous décrire ce paquet fiscal comme s'il contenait des armes de destruction massive. Vous verrez, Monsieur François, que, comme en Irak, on ne les trouvera pas !
C'est la deuxième fois que nous parlons du paquet fiscal dans cette enceinte et je crois que l'on doit s'en féliciter puisque, enfin, nous avons des chiffres qui correspondent à la réalité. C'est pour cette raison que le groupe libéral prendra acte de ce rapport et ne demandera pas un nouveau renvoi en commission.
On nous dit, de façon très globale, que 97 000 contribuables verront leurs impôts diminuer et que 77 000 - donc nettement moins - verront leurs impôts augmenter. Nous acceptons ces chiffres, même s'ils sont faux. (Approbation bruyante de M. Froidevaux.)Ils sont totalement faux, Mesdames et Messieurs, ces chiffres ! Ils ne reflètent pas la réalité. Malheureusement, suite aux déclarations de Mme Brunschwig Graf, nous admettons qu'en l'état il n'est pas possible de nous fournir des chiffres plus précis. C'est pour cette raison que nous ne nous acharnerons pas. (Rires.)
Pourquoi ces chiffres sont-ils faux ? Madame le rapporteur l'admet dans son rapport lorsqu'elle considère par exemple que les estimations des frais de garde sont nettement surévaluées. Ces chiffres sont faux, tout d'abord parce qu'ils sont basés sur les barèmes fiscaux genevois actuels. Or, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, si le paquet fiscal passe, nous devrons modifier complètement tous les barèmes fiscaux. Par conséquent, les chiffres que l'on nous a fourni correspondent à une réalité qui n'aura plus cours si le paquet fiscal est accepté.
Ensuite, plusieurs déductions n'ont pas été prises en compte dans les estimations du département. Deux déductions nouvelles tout d'abord - et la cheffe du département des finances le reconnaît dans le courrier qu'elle nous a adressé - la déduction pour ménages et la déduction pour familles monoparentales.
On nous dit qu'il faudra faire un arbitrage sur l'impact de ces déductions, mais ce sont tout de même des déductions, donc elles viendront augmenter le bénéfice de l'adoption du paquet fiscal pour les citoyens genevois.
Deux autres déductions existent déjà aujourd'hui et sont comprises dans le rabais d'impôt, mais nous devrons les redéfinir et il nous appartiendra de les redéfinir ensemble dans l'intérêt de nos concitoyens.
Effectivement, Monsieur François, je persiste et je signe : un contribuable, lorsqu'il s'agit d'un couple, comprend deux personnes. Nous pouvons être d'accord sur ce point, je pense... Un couple avec enfant comprend au moins trois personnes, voire quatre, voire cinq... Or, ce sont les familles qui gagnent avec ce paquet fiscal. Par conséquent, le rapport entre gagnants et perdants en terme de contribuables est trompeur et l'écart entre gagnants et perdants est nettement plus favorable aux Genevois que l'on veut bien nous le dire.
J'aimerais cependant quitter cette bataille de chiffres parce, comme je l'ai dit, ces derniers ne veulent pas dire grand-chose et amènent certains à dire absolument n'importe quoi. Monsieur Guérini, quand vous venez nous dire que tous les propriétaires du canton seront gagnants, laissez-moi rire. Certes la valeur locative est supprimée, mais la déduction des intérêts hypothécaires l'est également. Vous pouvez voir dans le rapport que l'exercice est parfaitement neutre, il n'y a qu'un million de différence, je ne sais même plus dans quel sens. Toujours est-il que, parmi les propriétaires, il y a des gagnants et des perdants en sorte que l'exercice est neutre. Alors ne venez pas nous dire, Monsieur, que tous les propriétaires seront gagnants; c'est ridicule.
Sur le fond, que proposent les Chambres fédérales, Mesdames et Messieurs ? Quel est l'objectif de ce paquet fiscal ? C'est cela qu'il faut garder à l'esprit au-delà des batailles de chiffres de bas étage. On nous propose en fait de rétablir l'égalité fiscale entre les couples mariés et les concubins. On nous propose que le mariage ne soit plus sanctionné fiscalement. Il me semble que nous devrions tous - et surtout le PDC - soutenir cette politique familiale.
J'aimerais donner ici un seul exemple chiffré pour contredire ce que prétend la gauche, à savoir que seuls les riches gagneraient et que les familles moins riches ou moins aisées perdraient. Si vous prenez, Mesdames et Messieurs, le tableau qui concerne les couples avec enfants et que vous regardez la ligne des contribuables qui gagnent entre 60 et 70 000 F - c'est-à-dire des couples qui sont dans la moyenne des revenus du canton - vous constatez qu'il y a beaucoup plus de familles dont les impôts baissent que de contribuables pour lesquels les impôts augmentent. (Brouhaha.)Cette baisse s'effectue même dans une mesure très importante. Alors ne venez pas, Mesdames et Messieurs, nous dire que seuls les riches gagnent; c'est absolument faux.
L'autre objectif fondamental du paquet fiscal, c'est l'encouragement de l'accession à la propriété. Je vous rappelle que le 18 février dernier, environ 60% de la population genevoise ont estimé qu'il fallait encourager l'accession à la propriété. Pourquoi voulez-vous refuser ces mesures ? Je ne sais pas, ou plutôt oui, je le sais très bien. C'est parce que vous êtes tout simplement contre les baisses d'impôts par principe, par dogme; et quelles que soient les raisons pour lesquelles on veut baisser les impôts, vous trouvez, Mesdames et Messieurs, toutes sortes de moyens pour vous y opposer en invoquant le fédéralisme ou en invoquant Dieu sait quel principe éculé. Ce qui compte, c'est que nous voulons aider les familles et encourager l'accession à la propriété.
Enfin, le dernier volet de ce paquet fiscal vise à favoriser et à dynamiser la place financière suisse. Nous devrions être sensibles à cela à Genève. Vous savez, Mesdames et Messieurs, que la place financière genevoise est un élément très important de notre économie et je ne pense pas que l'on doive la négliger.
Combien vont nous coûter ces objectifs, en réalité ? Si vous regardez ce que cela coûte en termes de rentrées fiscales pour Genève, le paquet fiscal représente 1% de nos recettes. Nous allons renoncer à 1% de nos recettes fiscales pour atteindre ces trois objectifs politiques d'importance qui devraient rassembler. Et vous, Mesdames et Messieurs, vous refusez cela au nom de votre dogme habituel du plus d'impôts et du plus d'Etat.
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits, MM. Claude Marcet et Patrick Schmied, Mme Michèle Künzler, rapporteure, à qui je passerai la parole à la fin comme c'est l'usage, MM. David Hiler, Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Jean Spielmann, Pierre Froidevaux, Souhail Mouhanna, Pierre Weiss, Pierre Guérini, Jean Rémy Roulet et Roger Deneys.
M. Claude Marcet (UDC). Je vais essayer d'être plus court que certains intervenants.
Il est clair que les cantons sont contre ce paquet fiscal, parce que, comme cela a été dit justement par Mme Künzler, ces modifications leur enlèvent un certain nombre de prérogatives. Est-ce que le fait d'enlever des prérogatives à des cantons va dans un sens contraire aux intérêts des habitants de ce canton ? Je ne le pense pas.
Ensuite, je crois que j'ai lu le premier article intéressant sur ce sujet il y a deux ou trois jours dans la «Tribune de Genève». L'édito disait que toutes les parties quelles qu'elles soient tiraient dans leur sens, en fonction de leurs intérêts, et que manifestement personne n'était capable de dire exactement ce que demain sera.
J'aimerais s'il vous plaît que les députés du PDC arrêtent de parler sans arrêt, ils pourront s'exprimer après.
Je voudrais dire merci à M. Muller, parce que, si nous nous étions basés sur les premiers éléments transmis par le Conseil d'Etat, nous aurions pu croire que deux tiers à trois quarts des habitants de ce canton seraient perdants. Manifestement, cela n'était pas vrai parce que le Conseil d'Etat a simplement oublié de prendre en compte le principe de l'IFD qui, cette fois, était très favorable aux intérêts de l'ensemble des habitants de ce canton. Force est donc de constater, maintenant, que nous n'avons plus une majorité de perdants, mais une majorité de gagnants.
J'en viens maintenant au problème récurrent de la gauche avec les propriétaires de villas. J'aimerais simplement rappeler que la majorité des propriétaires de villas ont travaillé pour amasser les 20 ou 30% de fonds propres qui leur ont permis d'acheter la maison. Ils ont été taxés là-dessus. Ils sont également taxés sur le capital. On leur prend l'impôt immobilier complémentaire et on les taxe encore sur une valeur locative totalement inique. Je vais tout à fait dans le sens de M. Muller et du parti radical, pour dire que, manifestement, la majorité des propriétaires de villas seront simplement taxés avec un peu plus d'équité et non pas d'iniquité comme le parti socialiste l'a dit.
En ce qui concerne le splitting et la famille, j'indiquerai simplement que les mesures proposées sont fortement favorables aux familles et aux couples mariés de ce canton. Cela devrait aussi aller dans le sens des intérêts que certains défendent ici.
En ce qui concerne le droit de timbre, je voudrais souligner qu'il y a un certain temps déjà qu'il est appliqué. J'aimerais rappeler également que c'est une problématique internationale. Il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, lorsque nous avons refusé d'aller dans le sens de la conception européenne de ce droit de timbre, un certain nombre de fonds sont partis au Luxembourg et d'autres en Angleterre. Si vous voulez continuer, allons-y !
Moi j'adore les chiffres; certains peut-être aussi. Simplement, lorsque j'entends des gens qui confondent valeur relative et valeur absolue, je dois répondre qu'en valeur relative il est certes exact que nous avons les mêmes réductions; en valeur absolue, il est également exact qu'un certain nombre de contribuables gagneront plus. Cela est vrai. Il faut pourtant savoir que ceux qui gagneront plus en réduction d'impôts sont aussi ceux qui payent plus en fonction des taux que d'aucuns n'ont pas.
Finalement, j'indiquerai - pour aller dans le sens de ce que dit Mme Künzler - qu'il est exact qu'un nombre considérable d'habitants de ce canton ne bénéficieront pas de diminutions d'impôts. Affirmer cela, c'est oublier un peu rapidement que nous sommes le canton de ce pays qui a le plus grand nombre de contribuables qui ne paient pas d'impôt. Ne pas payer d'impôts et avoir moins d'impôts à ne pas payer sur les impôts qu'on ne paye pas, c'est toujours zéro !
Sous forme de boutade à l'attention de Mme Künzler, j'aimerais examiner à fond votre système de calculation parce que, pour moi, une réduction de 115%, c'est toujours zéro. (L'orateur est interpellé.)Ah si ! Cela équivaut à un remboursement d'impôt, mais j'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'on vous rembourse si vous n'en payez pas. Vous m'expliquerez le calcul.
M. Patrick Schmied (PDC). Je vais essayer d'être un peu plus bref que mon péremptoire préopinant. Pour le PDC genevois, c'était de toute façon une fausse bonne idée d'avoir regroupé ces trois objets complètement séparés. L'expérience du marchandage autour de l'initiative Avanti aurait dû servir de leçon.
Il est évident que le PDC est favorable à la suppression de l'inégalité de traitement qui frappe les couples mariés. Pourtant, à Genève, le volet famille du paquet fiscal risque d'entraîner une augmentation de la fiscalité pour une partie des familles contribuables de la classe moyenne. C'est la raison pour laquelle nous n'entrons pas en discussion sur des moyennes, parce que - pour reprendre la leçon arithmétique que nous venons de recevoir - une moyenne c'est joli, mais ce qui est intéressant, c'est de savoir si les familles de la classe moyenne sont prétéritées ou non et c'est la raison pour laquelle nous sommes contre cette nouvelle imposition.
Une autre question importante est le décalage entre la Confédération et les cantons. Il est pour nous assez cohérent, au moment où nous demandons au canton de faire des économies et où nous prétendons diminuer les dépenses de l'Etat, de ne pas laisser passer un changement de fiscalité qui contribuerait à reporter les charges de la Confédération sur le canton.
Enfin, en ce qui concerne le volet immobilier, on a de nouveau parlé des familles. On nous dit que les nouvelles dispositions favoriseraient les gens qui sont très endettés. Bien sûr, il y a quelques grosses sociétés qui sont très endettées, mais il y a aussi de jeunes familles qui essayent d'acquérir un logement. Pour nous, cela a été un élément déterminant.
Voilà pourquoi le PDC genevois a décidé de s'opposer à ce paquet fiscal.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur deux points qui sont essentiels dans la discussion : le volet relatif à l'imposition de la propriété de son propre logement et le splitting.
En ce qui concerne la propriété du logement. Il y a, grosso modo, dans tous les pays du monde, deux systèmes possibles. L'un part du principe qu'en quelque sorte on se loue son propre logement et qu'en conséquence on peut déduire les intérêts hypothécaires, mais il y a alors une valeur locative. L'autre système considère la propriété du logement comme celle d'un autre bien et alors la logique veut qu'il n'y ait pas de déduction d'entretien et pas de déduction des dettes hypothécaires.
Le problème du système qui a été choisi, c'est que c'est l'un, plus un morceau de l'autre. C'est-à-dire qu'on a décidé de revenir - ce à quoi je suis favorable - à l'abolition de la valeur locative et à l'impossibilité de déduire les dettes. Mais on a réussi à ajouter à cela la possibilité de déduire les frais d'entretien. Et pas n'importe comment, pardon ! Ces frais d'entretien ne seront pas plafonnés ! Ce serait dommage pour ceux qui ont des objets immobiliers d'un certain poids. On a mis en revanche un plancher; de cette façon, on est sûr que ceux qui ont un trois ou un quatre-pièces ne pourront rien déduire du tout. C'est la réalité de ce qui a été choisi. En revanche, quelle que soit l'ampleur des travaux effectués, ils pourront être déduits. Ce qui - je vous prie de m'excuser - est forcément favorable à ceux qui ont du cash, parce que ce sont eux qui pourront faire ce type de travaux.
Si l'on examine ces nouvelles dispositions seulement à partir de leurs effets sur les propriétaires entre eux, on se rend compte qu'elles sont fondamentalement injustes. En plus, elles coûtent un milliard aux cantons suisses. Un milliard pour avoir un système qui n'est pas équitable entre locataires et propriétaires et qui ne favorise même pas l'accès à la propriété, puisque celui-ci passe par un certain taux d'endettement pendant un temps, c'est absurde. Le fait d'avoir lié cette réforme à d'autres aspects qui pouvaient être intéressants, notamment les déductions familiales, nous oblige et oblige le peuple genevois à rejeter ce paquet afin de pouvoir voter sur les différents points, les uns après les autres.
En ce qui concerne le splitting, et au contraire de ce que dit M. Muller, il n'est pas équitable de prendre simplement l'enveloppe de la famille et de la diviser, en l'occurrence par 1,9 ou par 2. Pourquoi ? Parce que l'impôt est progressif, de sorte qu'un couple qui a un revenu de 200 000 F sur une seule personne payera comme s'il avait deux revenus de 100 000 F. Cela veut dire que, pour cette catégorie, la progressivité de l'impôt est supprimée. Il n'y a aucune raison de faire cela. Ce n'est simplement pas juste. Il n'y a aucune raison de pénaliser les familles comme c'est le cas actuellement - ce n'est pas admissible - mais il n'y a pas de raison non plus de les avantager. Si on doit les aider, c'est sur un seul point, celui des charges de familles, des enfants. C'est là le drame du ce paquet fiscal, c'est qu'il faut le rejeter afin de revenir à ce que tout le monde souhaite, c'est-à-dire des déductions ciblées en faveur des enfants. Il ne faut pas se laisser enfiler un volet propriété qui est une pure absurdité, une pure absurdité, Mesdames et Messieurs, au motif qu'il y a une ou deux bonnes choses dans le paquet. Il ne s'agit donc pas de notre part, et cela doit être clair, d'une aversion pour la propriété, il s'agit simplement de dire que la solution retenue en ce qui concerne le volet propriété pouvait difficilement être plus injuste, en tous cas socialement.
Vraiment, perdre autant d'argent pour des avantages qui sont si faibles du point de vue de la croissance économique, cela n'a aucun sens. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Jean Spielmann (AdG). Beaucoup de choses ont été dites, je me contenterai donc d'évoquer quelques points particuliers à Genève par rapport à ce paquet fiscal.
Si, lors de sa présentation aux Chambres fédérales, le projet semblait équilibré, il a été successivement modifié par les groupes des Chambres fédérales jusqu'à le rendre totalement inacceptable. Pourquoi ? Il y a tout de même un transfert de charges et une réduction des impôts sur l'ensemble des cantons. C'est un point très important.
Certains distribuent des tracts à la population qui sont bien sûr tous anonymes. La population serait bien inspirée d'examiner comment ces tracts sont faits, qui les signe et qui prend la responsabilité de ce qui s'y trouve. Ces tracts sont une addition de mensonges et de contre-vérités ou d'explications qui ne tiennent pas debout. Un exemple tout simple : M. Muller disait tout à l'heure que la proportion de ceux qui verraient leurs impôts baisser serait incroyable tandis que ceux qui subiraient des désagréments seraient une petite minorité. Ce qu'il faut dire à la population, c'est que tous ceux qui voient leurs impôts diminuer dans les petits revenus, c'est de 30 F par année ! A partir de 100 000 ou 150 000 F, c'est entre 6000 et 9000 F d'impôts en moins. C'est donc une modification de l'assiette fiscale, une de plus !
Je voudrais dire quand même ici que les décisions qui ont été prises en matière de fiscalité au cours de ces quinze dernières années ont entraîné un changement considérable de l'assiette fiscale. On fait peser plus d'impôts sur les petits revenus tandis que la charge se réduit considérablement sur les revenus plus importants et plus encore sur les revenus des banques et des gros financiers de ce pays. On n'a toujours pas dans ce pays de véritable loi qui prévoie l'imposition des avoirs fiduciaires, qui prévoie l'imposition des tractations en banque. Tout cela, tout ce qui est spéculatif, tout ce qui fait gagner de l'argent sans travailler, on le favorise et on baisse la charge fiscale. C'est tout simplement inacceptable !
Ce projet qui prévoit, comme vous le dites, Mesdames et Messieurs, de réduire les impôts pour les familles - mais seulement de 30 F pour ceux qui ont des revenus inférieurs à 100 000 F et de plus de 9000 F, voire plus, pour ceux qui ont un revenu supérieur à 100 000 F - ce projet, donc, est inacceptable parce que c'est un changement de l'assiette fiscale et parce qu'il revient à favoriser les nantis au détriment des autres.
Je voudrais dire ensuite que pendant des années - et ces cinq dernières années on a eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises en France voisine et dans ce pays - on a utilisé comme argument que la baisse d'impôts allait assurer une relance économique. (L'orateur est interpellé.)C'est tellement vrai Monsieur, que la situation économique, depuis que vous avez baissé les impôts n'a fait que s'aggraver. Les emplois n'ont pas augmenté, ils ont diminué. Pourquoi ? Parce que vous baissez les impôts de ceux qui spéculent et vous augmentez les impôts de ceux qui travaillent. Cette réalité-là fait que l'assiette fiscale actuelle favorise ceux qui vivent du travail des autres et défavorise ceux qui n'ont que leur force de travail à offrir en échange d'un salaire. C'est inacceptable, c'est injuste et c'est pour cela qu'il faut rejeter ce paquet fiscal.
J'aimerais encore m'exprimer sur la démocratie. Pour la première fois dans ce pays, les cantons se sont exprimés par un référendum cantonal contre une décision des Chambres fédérales. Particularité de Genève : grâce à l'ancien président du Grand Conseil, le parlement n'a pas pu se prononcer sur son adhésion au référendum cantonal. On a violé le règlement de ce Grand Conseil de manière qu'on ne puisse pas se prononcer. Vous avez, Monsieur l'ancien président, empêché les auteurs des motions de se prononcer et donné la parole à vos petits amis politiques qui ont tout renvoyé en commission de manière que le canton de Genève ne puisse pas se prononcer dans les délais constitutionnels.
M. Bernard Lescaze. C'est faux ! Tu mens !
M. Jean Spielmann. Il s'agit d'une forfaiture démocratique.
Les Chambres fédérales doivent contrôler l'activité des cantons et les personnes comme vous, Monsieur, qui empêchent la démocratie de s'exercer correctement doivent être sanctionnées.
C'est un cas unique en Suisse. Tous les cantons, qu'ils soient pour ou contre ce paquet fiscal, ont pu se prononcer. La Constitution prévoit que les cantons puissent se prononcer sur un éventuel référendum cantonal; le canton de Genève n'a pas pu le faire et la responsabilité en incombe au président de son Grand Conseil et à l'organisation des débats de ce parlement.
M. Bernard Lescaze. Tout est faux ! Tu mens ! J'ai été mis en cause. Je n'accepte pas cela. Je demande qu'on me donne la parole après.
M. Jean Spielmann. Je vais préciser ce qui s'est passé afin que vous puissiez répondre de manière cohérente, Monsieur Lescaze.
Le règlement du Grand Conseil prévoit, quand une proposition de motion est déposée, que le président donne la parole aux auteurs de la proposition. Vous n'avez pas, Monsieur, donné la parole aux auteurs de la proposition.
M. Bernard Lescaze. Mais si ! Vous avez parlé trois heures.
M. Jean Spielmann. Vous avez donné la parole à votre collègue - qui est bien sûr absent maintenant - qui a proposé le renvoi en commission et vous avez empêché les autres de parler. Le renvoi en commission a été refusé et vous avez à nouveau donné la parole à un libéral qui a proposé derechef le renvoi en commission sans que le Grand Conseil puisse s'exprimer sur le fond. C'est une forfaiture démocratique dont vous êtes responsable. Je pense que les Chambres fédérales et la Constitution de ce pays doivent être respectées. Il n'est pas acceptable qu'on ne puisse pas discuter démocratiquement des projets comme celui-ci. Il n'est pas acceptable que le canton de Genève n'ait pas pu se prononcer sur un référendum cantonal. Fort heureusement, d'autres cantons ont pu le faire qui se sont prononcés pour une grande partie d'entre eux. C'est ce qui fait que le peuple aura le dernier mot.
Les tracts anonymes n'étaient pas une pratique habituelle en politique. Or, ce sont les partis d'en face qui distribuent maintenant des tracts non signés à la population, des tracts qui contiennent des mensonges, qui affirment que les familles vont gagner et qu'il n'y aura que des baisses d'impôts, alors que vous savez bien que ce n'est pas vrai. C'est faux !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Jean Spielmann. Le peuple aura donc le dernier mot. Il donnera la réponse qui convient à ce paquet fiscal qui est tout simplement inacceptable, parce qu'il baissera les revenus des cantons en favorisant les plus riches habitants de ces cantons. C'est une loi inacceptable, une loi que les gens doivent refuser. La population serait bien inspirée de lire davantage les textes et les contenus plutôt que d'écouter la propagande massive que vous faites à coup de centaines de milliers de francs. Cette propagande n'arrivera pourtant pas à détourner la population qui refusera ce paquet et qui lui donnera le sort qu'il mérite.
La présidente. Je vous fais remarquer, Monsieur, que vous avez aussi dépassé votre temps de parole. Je vous ai laissé faire pour que vous ayez le temps de vous exprimer. M. Lescaze pourra rétorquer par la suite.
M. Pierre Froidevaux (R). Je suis opposé à tous les propos tenus par M. Spielmann, sauf sur un point. M. Spielmann a raison : nous débattons d'un rapport du Conseil d'Etat qui date d'une année et qui porte sur la question de savoir si nous allons nous joindre au référendum cantonal. A cette question, la réponse de notre Grand Conseil est non.
Le rapport, sous la forme qu'il a actuellement, nous ne pouvons qu'en prendre acte. Nous ne pouvons même pas voter pour ou contre. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de rapport de majorité et de minorité. Ce rapport sert, à chacun d'entre nous, à s'assurer que, lorsque le peuple aura dit oui au paquet fiscal fédéral, les éventuelles inégalités de traitement qui se trouvent dans notre loi seront gommées.
Je vous rappelle, Monsieur Spielmann, que les principes qui prévalent dans le paquet fiscal fédéral n'ont fait l'objet d'aucune discussion ni d'aucune remise en cause. On voit des effets qui sont parfois difficiles, qui ne sont pas acceptables et qui doivent être corrigés. Cependant, le fait d'imposer correctement la famille, de ne pas favoriser les individus, mais le couple, les familles qui ont des enfants et les familles monoparentales, tout cela n'a fait l'objet d'aucune discussion de la part d'aucun groupe parlementaire, ni à Berne, ni dans les cantons.
La modification de l'imposition sur les biens immobiliers n'est pas l'objet d'une grande discussion à Genève, puisque la population genevoise n'est que peu propriétaire.
L'essentiel du débat porte sur les chiffres qui ont été donnés qui laissent supposer que 75% seulement de la population genevoise pourraient bénéficier d'allégements grâce au paquet fédéral.
Cela est certainement totalement faux. Je vous rappelle que nous avons déjà eu ce que l'on a appelé un «couac» du département des finances. Lorsque nous les avons étudiées une année plus tard, les prétendues conséquences de la révision de la LIPP V se sont révélées totalement inexistantes. La présidente actuelle du département se plaint d'ailleurs des 65 millions qui manquent dans les caisses.
Il ne faut pas faire dire à ces chiffres autre chose qu'une intention. Il faut signaler que ce rapport sert à la commission pour travailler à l'adaptation de la LIPP, travail qui de toutes façons doit avoir lieu, car il se trouve que notre LIPP n'est pas tout à fait conforme au droit fédéral.
Maintenant, le peuple doit-il voter oui ou non au paquet fiscal ? Il faut comprendre qu'actuellement nous avons un système économique qui est en steady state, qui est véritablement sans aucune progression. La seule progression que nous avons pour établir un meilleur budget pour l'année 2004 sont les recettes générées par les affaires bancaires. Nous avons augmenté les revenus de l'Etat de 2,5% et cela uniquement à travers les affaires bancaires. Or, le paquet fiscal prévoit précisément une réduction du droit de timbre qui permettra à la place financière genevoise d'être efficace et d'être en concurrence avec le Luxembourg et avec Londres.
Une voix. De toute façon la révision du droit de timbre aura lieu !
M. Pierre Froidevaux. Vous le voyez bien, Mesdames et Messieurs, introduire une baisse de la fiscalité, une fiscalité plus juste, permet d'augmenter les revenus de l'Etat, notamment à Genève. Cela ne vous plaît pas, Mesdames et Messieurs, mais ce sont des chiffres et ce sont des chiffres qui ne sont pas contestés.
Il faut maintenant comprendre aussi quel est le poids des impôts et du coût global de l'Etat. Nous sommes passés progressivement, durant les dix dernières années, des environs de 31% à 38% de quote-part fiscale. A cette quote-part fiscale, il faut y ajouter tous les frais obligatoires: l'assurance-maladie - nous avons eu un long débat sur le sujet et j'ai montré que l'essentiel des augmentations des primes d'assurance-maladie allaient directement dans les établissements subventionnés - l'assurance-maladie est donc un impôt; le deuxième pilier est un impôt; les taxes communales, comme les déchets. Tout cela représente globalement près de 18% pour les ménages suisses. 31 plus 18, on arrive à une quote-part fiscale de près de 50%. C'est de nature à bloquer toute l'économie. Il vous faut absolument trouver maintenant une solution, Mesdames et Messieurs. La solution est de dire aux citoyens: on vous redonne 4 milliards. C'est sûr que les citoyens sauront mieux utiliser ces 4 milliards que nous, puisque jusqu'à présent, nous n'avons que créé des déficits, créé des difficultés pour nos enfants.
Je vous en prie, votons oui au paquet fiscal et prenons acte de ce rapport.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Il y a eu plusieurs fois une bataille de chiffres sur la question de savoir combien de personnes auraient une baisse d'impôts et quelle serait l'ampleur des hausses. Je crois que le problème est beaucoup plus simple à résoudre. Pour savoir ce qu'il se passe, il suffit de regarder les colonnes qui correspondent au solde. Regardons le solde et on comprendra ! Lorsque les impôts baissent de 12% suite à l'initiative libérale, on peut penser théoriquement que tout le monde a bénéficié de 12% de réduction d'impôt. Bien sûr tout le monde, sauf ceux qui n'ont pas de quoi payer des impôts parce que leur revenu est quasi nul une fois déduit ce qu'il y a à déduire. Evidemment, pour eux, 12% de réduction, c'est zéro ! parce qu'ils ont déjà été pénalisés. Quand on met les gens au chômage, quand ils arrivent en fin de droit, quand ils se trouvent dans des situations extrêmement difficiles suite à l'irresponsabilité de certains responsables d'entreprises qui font des milliards de bénéfice et qui mettent les gens à la porte, eh bien on les a déjà taxés avant : on a saccagé leurs vies, ce qui est beaucoup plus grave.
Si je prends les contribuables dont le revenu est inférieur ou égal à 75 000 F - ce qui représente à peu près 80% des contribuables - le gain est de quelques dizaines ou quelques centaines de francs par mois au maximum; alors que les impôts de ceux qui gagnent un million - ce calcul n'a jamais été contesté - baisseront de plus de 300 000 F, sur les cinq premières années après l'entrée en vigueur. A ceux qui ont déjà trop, on fait des cadeaux somptueux. C'est d'ailleurs comme cela que ça se passe : quand on gagne des millions, on ne peut pas offrir un petit bouquet de fleur, ce n'est pas assez, il faut offrir un bouquet en or.
J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait examiner le solde de cette opération. Si je prends, par exemple, la colonne des personnes seules avec un enfant, de 1 à 10 000 F de revenu annuel, le solde entre ceux qui gagnent et ceux qui perdent est de quatre francs par année. Je donne comme ça quelques chiffres, afin qu'on comprenne de quoi il s'agit. Entre 10 000 F et 20 000 F, il y a une augmentation d'impôts de quatre francs; entre 20 000 F et 30 000, il y a une augmentation de 34 F. Entre 60 000 F et 70 000 F, il y a une augmentation de 61 F; dans la tranche suivante, il y a une augmentation de 44 F, après quoi la baisse commence. Pour ceux qui gagnent plus d'un million, c'est 27 574 F de diminution d'impôts.
Effectivement, il y a des baisses d'impôts pour certains, mais elles ne sont pas uniformément réparties.
Je prends d'autres chiffres encore. Pour les couples sans enfants, la situation est à peu près la même sauf qu'à partir de 50 000 F vous avez une augmentation d'impôts 135; 368; 497 pour 70 000 à 80 000 F; 590 F de 80 000 à 90 000 F. J'arrive à 413 entre 100 et 150 000 F, mais pour les revenus supérieurs à 1 million, il y a une diminution de 18 374 F. Après on vient nous raconter encore des salades par rapport aux baisses d'impôt ! Il faut arrêter de nous raconter n'importe quoi.
Ce qui est encore plus grave, c'est que l'on ne dit pas quelles sont les conséquences de ces baisses d'impôts. Il se trouve qu'en même temps que le paquet fiscal nous aurons à voter sur la onzième révision de l'AVS qui est également le résultat de la politique inique de la droite qui fait toujours des cadeaux à ceux qui en ont le moins besoin et qui s'attaque à ceux qui sont déjà en difficulté.
Quel est donc le résultat de ce paquet fiscal ? Le résultat c'est que les rentes AVS vont baisser à cause de la diminution de l'indexation des rentes, c'est-à-dire que les gens qui n'ont que cela pour vivre verront leurs revenus baisser. Vous voulez, Mesdames et Messieurs, supprimer la rente de veuve pour en tout cas une bonne partie des femmes qui se trouvent dans cette situation. Vous vous êtes attaqués à tous les investissements dans beaucoup de domaines. Lundi dernier, Mme Hagmann était avec moi à la commission parlementaire HES-SO; on nous a annoncé la décision du Conseil fédéral d'aller dans le sens d'une réduction de 15% de l'investissement dans le domaine de la formation professionnelle. En même temps, on nous dit que la TVA va augmenter. Pour la TVA, tout le monde paie la même chose, mais on a vu le différentiel quand on diminue les impôts directs.
On a vu le résultat des baisses d'impôts en France: ça a donné des déficits faramineux qui ont été reportés sur les modes d'imposition qui se caractérisent par un paiement égal et uniforme pour tout le monde. Alors là, on s'attaque à tout le monde; mais quand il s'agit de diminuer en pourcent, on fait des cadeaux à ceux qui possèdent le plus.
Ce paquet fiscal aura aussi un impact sur les cantons. Cet impact est de plusieurs milliards au niveau de la Confédération. M. Couchepin propose d'augmenter l'âge de la retraite et les radicaux sont pour le paquet fiscal. Il faut s'attendre à ce que, si ce paquet passe, la retraite à 67 ans proposée par M. Couchepin passera. Le même M. Couchepin veut notamment augmenter la participation des assurés aux frais des assurances-maladie.
Encore une fois, d'un côté on fait des cadeaux à ceux qui en ont le moins besoin et de l'autre, on s'en prend aux gens, dans leur immense majorité d'ailleurs, par des attaques contre les prestations sociales. Dans tous les domaines, Mesdames et Messieurs, vous vous attaquez à l'Etat social, vous pratiquez une politique de démantèlement social.
Au niveau des cantons, nous perdrons plusieurs centaines de millions de recettes. Combien pour Genève, on ne peut pas le chiffrer, mais il semble bien que ce soit au-delà de 100 millions. A cela s'ajoute le manque à gagner des communes.
Vous avez, Mesdames et Messieurs, renvoyé le budget au Conseil d'Etat parce que soi-disant il y a des déficits. Eh bien vous confirmez aujourd'hui par vos prises de position ce que nous avons toujours dit : vous êtes les pyromanes qui jouez aux pompiers. Vous voulez assécher les finances publiques pour pouvoir mieux démanteler l'Etat social. Sur cette voie-là, nous serons toujours face à vous, nous serons toujours contre vous. Nous sommes toujours pour l'Etat social et nous ferons tout pour faire échouer votre paquet fiscal et votre onzième révision de l'AVS. Nous dirons donc non trois fois lors des votations du 16 mai.
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais tout d'abord remercier sincèrement Mme Künzler. Je pense que c'était un exercice douloureux pour elle. (Commentaires.)C'est un exercice douloureux que de devoir procéder en quelque sorte à son autocritique publique. En effet, d'un rapport à l'autre, on passe de 75% de personnes dont la situation devrait être détériorée à une proportion diminuée de moitié. Effectivement, c'est pour le moins un changement radical au sens où nous l'entendons dans le dictionnaire.
J'aimerais ajouter que même le total des effets cantonaux, communaux et fédéraux a changé d'un rapport à l'autre. L'estimation des effets du paquet fiscal a fondu d'une trentaine de millions, passant de 233 millions à 207 millions. De ce point de vue là, un troisième rapport serait certainement instructif.
Ce rapport nous indique très clairement que le paquet fiscal favorise la majorité de notre population. Ce n'est toutefois pas suffisant de dire qu'il favorise la majorité de notre population, il faut aussi indiquer que lorsque l'on prend l'ensemble des contribuables - et je vous prie de m'excuser d'aller dans le sens de ce que M. Mouhanna a fait et qui n'était pas particulièrement didactique - il y a, jusqu'à 60 000 F de revenu brut, davantage de contribuables dont la situation s'améliore que de contribuables dont la situation se détériore.
En d'autres termes, je suis pour le moins étonné que ceux qui prétendent généralement avoir à coeur les intérêts des plus démunis et des plus basses classes de revenus soient ici favorables au statu quo, au non-changement, par la non-introduction d'un paquet fiscal qui avantagerait précisément les personnes gagnant moins de 60 000 F. (Brouhaha.)J'ajoute que si l'on prend les contribuables seuls, sans enfant, eh bien, jusqu'à 50 000 F il y a davantage de contribuables dont la situation s'améliore que de contribuables dont la situation se détériore. Je pourrais continuer avec cet exercice de chiffres, mais vous savez fort bien, Monsieur le président, combien cela est fastidieux pour nous, urbi et orbi.
Au fond, quand j'évoquais tout à l'heure un troisième rapport, je faisais allusion aux propos que M. le conseiller fédéral Merz a prononcés lundi soir à Genève, à l'invitation d'associations qui ne nous sont pas lointaines, devant plusieurs centaines de simples citoyens et d'un ancien président du Conseil d'Etat, ancien chef lui-même du département des finances. Probablement représentait-il le Conseil d'Etat en cette occasion. Qu'a dit M. Merz d'essentiel ? Il a dit que ce n'était pas l'effet statique qu'il fallait prendre en considération, mais bien l'effet dynamique du paquet fiscal. (Vif brouhaha.)Ce paquet va appeler les comportements à se modifier : aussi bien les banques que les assureurs, notamment, seront appelés à faire preuve de dynamisme et d'inventivité.
Il y a un point aussi que je vous conseille de prendre en considération, Mesdames et Messieurs, lorsque vous apprécierez ce rapport qui sert en quelque sorte à notre édification et doit aider à la formation de notre opinion pour prendre notre décision de vote. Ce point, c'est l'importance des zones d'ombre, des zones dans lesquelles un arbitrage est demandé, arbitrage auquel le Conseil d'Etat devra procéder le moment venu. En d'autres termes, nous ne savons pas encore de combien le paquet fiscal, de par les décisions du Conseil d'Etat, sera amélioré pour les citoyens.
J'aimerais terminer par deux points. Tout d'abord, je comprends le PDC qui relève - exagérément je crois - que le bateau était en quelque sorte trop chargé, mais pas surchargé. Pourtant, malgré les défauts à certains égards de ce paquet fiscal, une chose devrait emporter notre adhésion, c'est le fait que le principe d'équité envers les familles a été mis au premier plan.
Ensuite, j'ai deux regrets. D'abord, ce paquet fiscal n'entrera en vigueur qu'en 2008; c'est en 2005 déjà que j'aurais voulu, notamment pour les familles, que l'on puisse bénéficier des modifications du paquet fiscal. Le deuxième regret que j'ai est que ce paquet fiscal n'aura d'effet que pour 4 milliards. Il devrait avoir un effet pour beaucoup plus de milliards, afin que les citoyens reprennent possession des moyens que le fisc leur confisque !
Le président. La parole est à M. Guérini. (Le député ne prend pas la parole.)
M. Bernard Lescaze. C'est sans doute une erreur !
M. Pierre Guérini (S). Non, non, ce n'est pas une erreur, Monsieur Lescaze. A propos d'une question aussi importante que le paquet fiscal, je pense que personne ne peut parler d'erreur. Le sujet est important.
Si la «Tribune de Genève» dit que personne ne sait exactement quel serait le résultat de ce paquet fiscal, je dirais simplement que ce n'est pas une raison pour sauter dans le vide. Par ailleurs, M. Muller nous a donné l'exemple de familles qui gagnent entre 60 001 et 70 000 F; s'il était allé jusqu'au bout de cet exemple, il aurait dit que 1356 contribuables sont concernés, avec une augmentation moyenne des impôts de 102 F par an et non pas une diminution. Effectivement, 346 contribuables auraient une baisse de 457 F par an. En revanche, 1010 contribuables auraient une augmentation de 293 F.
Je voudrais maintenant revenir sur la question des propriétaires. Quand j'ai dit que ces derniers seraient touchés, c'est parce que les frais d'entretien ne pourront être déduits qu'à partir de 4800 F. Cela veut dire que, pour pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôt, il faudrait faire en tout cas 5000 F de travaux, voire 10 000 F pour que cela vaille la peine. Faire 10 000 F de travaux par année ! Qui a ces moyens-là ? Je pose la question...
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Rémy Roulet.
M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais partager avec vous une citation, tout en vous laissant le soin de deviner qui l'a prononcée. Il s'agit d'une philosophie du service et nous autres libéraux pourrons, si vous le souhaitez, Mesdames et Messieurs, remplacer le mot service par l'expression «baisse d'impôt».
La citation est la suivante : «Un client est le visiteur le plus important qui puisse passer votre porte. Il ne dépend pas de vous, c'est vous qui dépendez de lui. Il n'interrompt pas votre travail, il en constitue la raison d'être. Il n'est pas étranger à vos affaires, il en fait partie intégrante. Vous ne lui faites pas une faveur en le servant, c'est lui qui vous en fait une en vous permettant de le servir.» Cette citation serait, selon le journal «Le Temps» qui, je crois, cite correctement ses sources, du Mahatma Gandhi.
Permettez-moi alors de nous rapprocher un tout petit peu de cet homme célèbre en faisant le parallèle entre client et contribuables, entre client et familles, entre client et propriétaires. Mesdames et Messieurs, nous avons tous intérêt à bien servir nos clients. Nous avons tous intérêt à bien servir la famille. Nous avons tous intérêt à servir les propriétaires de ce pays. Je m'étonne et je regrette que le parti démocrate-chrétien ne nous rejoigne pas dans cette campagne en faveur du paquet fiscal. La secrétaire générale de Pro Familia - un mouvement qui n'est pourtant pas neutre dans ce pays - a calculé que les couples mariés et les familles ont payé un milliard d'impôts en trop chaque année depuis 1984. Cette secrétaire générale est PDC d'ailleurs. Il y a là une injustice criante à corriger et c'est notamment par l'acceptation de ce paquet fiscal que nous pourrons véritablement prôner une politique de la famille dans notre pays.
Je ferai encore une constatation, teintée peut-être d'une certaine amertume, au sujet du Conseil d'Etat. Rassurez-vous, Messieurs les membres du Conseil d'Etat, il n'y a pas besoin d'être libéral pour s'opposer à votre politique de campagne contre ce paquet fiscal. Je ne suis moi-même pas candidat à votre siège... (Brouhaha.)Je peux donc, en toute liberté, fustiger la position du Conseil d'Etat, qui utilise des arguments totalement fallacieux pour lutter contre ce paquet. Dire que ces modifications représentent une brèche dans le pacte confédéral et une attaque contre l'autonomie des cantons est une supercherie. C'est en 1991 que la LHID a été votée et c'est en 1991 qu'il eût fallu que l'ensemble des cantons dépose plainte ou lance un référendum cantonal pour lutter contre cette domination fédérale. Ce n'est pas aujourd'hui, sous prétexte qu'il y aurait violation de l'autonomie cantonale, qu'il faut monter au créneau.
Ce qui me chagrine également, c'est qu'en fait on utilise la LIPP genevoise pour démontrer à quel point le paquet fiscal est mal ficelé. En fait, nous avons une loi qui autorise une déduction maximale des primes maladies, mais qui est totalement indépendante du paquet fiscal. Travaillons plutôt nos propres lois plutôt que de renvoyer la faute sur le soi-disant adversaire du moment.
Enfin, j'aimerais poser une question au Conseil d'Etat. Vous devrez, Mesdames et Messieurs, vous prononcer bientôt sur un deuxième paquet fiscal qui a trait non aux personnes physiques mais aux personnes morales. Les députés fédéraux devront voter sur la suppression de la double imposition économique, qui touche les personnes morales, les sociétés en nom simple et toutes les entreprises de ce canton. Trois catégories de contribuables que l'on peut considérer comme étant séparées les unes des autres au même titre que les propriétaires ou que les familles. Conséquences de ce paquet fiscal bis : 1,5 à 2 milliards de pertes pour les cantons; des lois cantonales à retriturer. Alors, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, allez-vous comme aujourd'hui monter dans le wagon des cantons référendaires une deuxième fois. C'est la question que je me pose et, en tout état de cause, je vous demanderais d'être, à l'occasion de cette prochaine votation, un peu plus discrets dans la campagne que vous menez.
En guise de conclusion, je relèverais qu'il est évident que le parti libéral doit s'engager en faveur de ce paquet fiscal. Que le papet casse, non ! Que le paquet passe, oui !
Je demande donc à la population genevoise de suivre les radicaux, les libéraux et l'UDC et de ne pas suivre le Conseil d'Etat et le reste de ce parlement lors des votations du 16 mai prochain.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais ajouter une petite chose à tout ce qui a déjà été dit. C'est une évidence, tout le monde le sait : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Je pense que c'est une évidence pour tout le monde, sauf peut-être pour ceux qui croient au Père Noël... En l'occurrence, si la Confédération se prive de 4 milliards de recettes et le canton de 150 millions, je ne vois pas comment cet argent va tomber du ciel.
Alors, chers contribuables, que vous soyez pour ou contre, que vous pensiez que ce paquet va baisser vos impôts ou non, dans tous les cas, ce paquet ne changera pas grand-chose parce qu'il faudra payer quand même. Le résultat final n'aura rien en commun avec les promesses mirobolantes que l'on vous fait au sujet de ce paquet fiscal.
Une chose encore : ce paquet fiscal est un problème de fond, parce qu'il touche plusieurs lois qui ne forment pas un tout cohérent. Ce n'est pas un paquet fiscal, c'est une usine à gaz, dont personne ne peut mesurer les conséquences exactes, ce que prouve le rapport et les propos des uns et des autres au sujet des hausses et des baisses d'impôts selon les tranches de revenu et les situations personnelles.
Or, une usine à gaz, c'est une arme de destruction massive et il faut évidemment l'éliminer !
Pour conclure, je dirais, en tant que président d'un petit groupement d'entrepreneurs et d'indépendants, que nous avons, à l'unanimité, décidé de ne pas soutenir ce paquet fiscal pour la bonne et simple raison que nous doutons fortement qu'il puisse améliorer les conditions cadres de l'économie suisse.
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, je répondrai simplement sur les attaques inacceptables de M. Spielmann qui perd la mémoire. Je le renverrai simplement au Mémorial.
Une séance extraordinaire de ce Grand Conseil a été demandée pour débattre d'un rapport du Conseil d'Etat sur le paquet fiscal. Cette séance a duré plus de trois heures. Effectivement, la parole a d'abord été donnée à M. le député radical Jeannerat...
M. Jean Spielmann. Contre le règlement ! En violation du règlement !
Le président. Monsieur Spielmann, laissez parler M. Lescaze.
M. Bernard Lescaze. Monsieur Spielmann, j'espère que vous ne mentez pas partout et tout le temps à vos électeurs et à ceux qui vous écoutent comme vous le faites ici. (Vif brouhaha.)
M. Jeannerat a donc demandé le renvoi en commission qui a été refusé par la majorité du Grand Conseil. Après quoi tous les députés qui l'ont voulu ont pu s'exprimer pendant trois heures. (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur ! Et j'ai moi-même compté que, notamment, le conseiller national Vanek - qui ne l'était pas alors - a monopolisé la parole. L'Alternative a parlé deux fois plus que la droite : deux fois plus. (L'orateur est interpellé.)Vous ne savez même pas lire, Monsieur ! Vous perdez la mémoire !
Ce n'est qu'à la fin des débats que ce Grand Conseil a voté le renvoi en commission. Ce n'est pas de ma faute si la commission fiscale n'a donné son rapport que sept mois plus tard.
Monsieur Spielmann, vous avez perdu la mémoire. Je vous renvoie au Mémorial. Des dizaines de pages y sont consacrées à ce débat et votre collègue Vanek a, très longuement, pris la parole à plusieurs reprises. Je ne parle même pas des autres membres de votre groupe. Alors, Monsieur Spielmann, cessez de mentir ou allez chez un médecin, parce que vos pertes de mémoire me paraissent très graves.
Le président. Monsieur Spielmann va répondre. (Vif brouhaha.)
M. Jean Spielmann (AdG). Effectivement, il y a eu, à la demande des partis qui sont de ce côté-ci de cette salle, une demande de séance extraordinaire. Pourquoi fallait-il convoquer une séance extraordinaire ? Parce qu'il y avait un délai pour que le Grand Conseil puisse se prononcer sur une éventuelle adhésion au référendum cantonal.
M. Bernard Lescaze. Il n'a pas voulu y adhérer.
M. Jean Spielmann. Il y avait un délai. Si aujourd'hui cet objet vient à l'ordre du jour hors délai, c'est en grande partie de votre responsabilité, Monsieur. Pourquoi ? Parce que le règlement du Grand Conseil prévoit que les auteurs de la proposition ont la priorité pour la prise de parole. Vous n'avez pas respecté cette disposition et vous avez donné la parole à un ami radical qui, immédiatement, a demandé le renvoi en commission.
Je suis intervenu - cela figure au Mémorial - pour demander le respect du règlement et il n'en a pas été tenu compte. Les députés n'ont pu parler que du renvoi en commission comme le règlement le prévoit. Ensuite, vous avez mis aux voix le renvoi en commission qui a été refusé.
Non content d'avoir fait une première forfaiture, vous en avez commis une deuxième en donnant immédiatement la parole au député libéral M. Muller qui a reproposé le renvoi en commission. Ainsi, les députés auteurs de la proposition n'ont pas pu s'exprimer sur le fond, mais seulement sur le renvoi en commission. De cette manière-là, vous avez, Monsieur, empêché le canton de Genève de prendre position sur le référendum cantonal. C'est le seul canton de Suisse qui n'a pas pu s'exprimer démocratiquement et cela, c'est de votre responsabilité. (Applaudissements. Vif brouhaha. Exclamations de M. Lescaze.)
Le président. Messieurs, le point relatif au terrain de tennis est le point 24. Je vous demande de ne pas anticiper sur ce débat. Vos échanges sont un peu vifs et on a l'impression de se trouver à Roland-Garros.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. J'aimerais, pour conclure ce débat, réagir à deux ou trois propos qui ont été tenus. Les propos de M. Weiss m'ont fortement choquée. Dire que le fisc confisque est un scandale. Vous faites référence, Monsieur, non pas à une démocratie, mais à une monarchie. Nous sommes là, tous, citoyens et habitants et nous nous prononçons nous-mêmes sur les impôts. Chaque modification des lois fiscales sera votée par le peuple. C'est cela qui est important ! Nous sommes une société, nous sommes ensemble et nous avons quelque chose à construire ensemble. Nous ne sommes pas forcément d'accord, mais dire que le fisc confisque est un raccourci scandaleux. C'est notre argent, qui nous permet de payer ce dont nous avons collectivement besoin. Nous avons besoin d'avoir des écoles, des routes, et toutes sortes de choses encore. Nous avons besoin de les faire et nous devons les payer ensemble avec les impôts de chacun. C'est un scandale de parler de client et de confiscation. (Applaudissements.)Merci.
Je suis surprise par les discours consistant à dire que qu'il faut revenir aux objectifs du paquet fiscal. Eh bien, cela ressemble beaucoup au discours de l'ancien Conseil fédéral qui disait de voter et qu'on changera tout après. C'était, à peu près, la position de M. Villiger.
On ne peut pas procéder de cette façon : il faut bien se prononcer sur des réalités concrètes et actuelles. Il y a tout de même une différence entre les contribuables réels - c'est la notion des fiches que nous avons proposée - et les contribuables théoriques avec lesquels on peut faire toutes sortes d'arrangements. Il s'est agi dans ce débat de prendre position sur la situation des contribuables réels.
En fait, l'objectif visé, c'est-à-dire la justice entre concubins et mariés, n'est pas réalisé. J'aimerais donner un exemple : avec 100 000 F de revenu et deux enfants, si le couple vit en concubinage, il paiera 1500 F d'impôt; si le couple est marié avec un seul revenu, il paiera 371 F; s'il est marié avec deux revenus, il paiera 131 F... Je vous prie de m'excuser, mais il n'y a pas de justice ! Il faut qu'un couple avec deux enfants soit taxé de manière égale, quelle que soit la répartition des revenus au sein du couple. L'objectif est donc manqué sur ce point.
Quant au splitting, cette mesure est favorable aux contribuables qui disposent de plus de 130 000 F de revenu. On supprime en effet la déduction pour travail du conjoint. Il est clair que les catégories de personnes qui ont deux petits revenus ne pourront plus faire cette déduction. Le splitting ne les arrangera pas du tout parce que le taux d'imposition est totalement équivalent jusqu'à 130 000 F. Il y aura peut-être 1 ou 2 francs de différence, mais cette mesure n'aura pas d'incidence. Ces gens-là auront une augmentation d'impôt.
J'aimerais maintenant donner une explication à M. Marcet qui voulait savoir ce que signifiait le chiffre de 115%. En réalité, au-dessus de 150 000 F, la diminution d'impôts pour les contribuables, globalement, et la diminution de recettes pour l'Etat est beaucoup plus grande que ce qui est prévu. Pourquoi 115% ? Parce qu'en fait les gens qui ont entre 60 000 F et 150 000 F paieront 13 millions de plus d'impôt. Le paquet fiscal entraîne une diminution globale de 50 millions pour l'Etat, mais la diminution d'impôts est plus forte pour les hauts revenus et cette différence est compensée par la hausse sur les bas et moyens revenus. Cela aussi, c'est un scandale.
Venons-en maintenant aux propriétaires. Aucune formation politique ne s'est opposée à la suppression de la valeur locative, des intérêts hypothécaires et des frais d'entretiens. Tous les partis, et les Verts également, ont accepté cette modification. Pour Genève, cette proposition est totalement équivalente à la situation actuelle. Le problème vient de ce que des éléments ont été ajoutés hors de toute concertation. En ce qui concerne les modifications liées à l'épargne logement, le Conseil fédéral lui-même dit que c'est exagéré et inadmissible. Si les gens veulent bien se taire un instant...
M. Merz a dit à la radio l'autre jour que si quelqu'un avait une bonne idée à ce sujet, il fallait la lui indiquer et qu'il ferait des corrections après la votation. La réalité, c'est que l'épargne est favorisée par une disposition qui permet de créer un fonds de 24 000 F par année qui ne sera pas imposé. Ce fonds ne serait pas non plus imposé au moment de son retrait et la valeur locative ne serait également pas imposée. On sort donc du circuit économique jusqu'à 24 000 F par année. Cela, c'est inadmissible. Si les Verts n'ont jamais été contre l'accession à la propriété, je crois que dans ce canton il faut faire des choix. Nous avons déjà dit que les 20 millions pour l'accession à la propriété dans le cadre de Casatax étaient acceptables. En revanche, 60 millions supplémentaires par année pour l'accession à la propriété, non, c'est trop.
Le président. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat, Robert Cramer.
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de façon qu'il n'y ait aucune équivoque sur ce point, je dirai que le Conseil d'Etat est unanime à recommander de rejeter ce paquet fiscal. Il est unanime et les noms des sept conseillers d'Etat genevois figurent sur les documents qui sont établis par les cantons suisses aux côtés, il faut le dire, des noms de la plupart des conseillers d'Etat de Suisse. (Applaudissements.)
C'est dire que ce n'est pas un particularisme genevois qui s'exprime, mais une préoccupation beaucoup plus profonde de la plupart des magistrats cantonaux de ce pays. Les raisons de cette préoccupation résultent en partie des rapports que vous nous avez demandés et qui ont été rendus.
S'agissant de ces rapports, je dirai la chose suivante. Un certain nombre de simulations ont été effectuées à la demande du Grand Conseil. Elles ont encore été affinées à l'occasion des différents compléments que vous avez sollicités. Il en résulte que, du point de vue du contribuable, toutes les simulations ne concluent pas - pour employer cette litote - et loin s'en faut, à une baisse de la fiscalité pour tous. Au contraire, une majorité de contribuables genevois, si ce paquet fiscal était accepté, verraient leurs impôts cantonaux et communaux augmenter. Voilà ce qu'il en est pour une majorité des contribuables.
Dans le même temps, les collectivités publiques, c'est-à-dire aussi bien la Confédération que les cantons suisses, et les communes, supporteraient des conséquences financières qui sont loin d'être négligeables. C'est le cas à Genève, c'est le cas beaucoup plus lourdement dans bien d'autres cantons de notre pays. En ce qui concerne les communes, vous avez pu voir qu'hier la Ville de Genève a convoqué une conférence de presse pour indiquer que le manque à gagner, chiffré par cette collectivité publique, était de l'ordre de 10 millions par an.
Au-delà de cette perte de ressources fiscales pour le canton, ce qu'il faut mettre en évidence, et très fortement, c'est que nous sommes réellement dans une situation où la Confédération se montre généreuse, mais se montre généreuse avec l'argent des autres ! C'est cela qui a provoqué la révolte des magistrats cantonaux. Si l'on entend diminuer les impôts, eh bien, que l'on diminue les impôts fédéraux, mais que l'on ne vienne pas chercher l'argent dans la poche des cantons, car c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Contrairement à d'autres, et contrairement en particulier à ce que j'ai pu entendre tout à l'heure et dont j'espère que c'est un lapsus, le Conseil d'Etat genevois ne considère pas que le fédéralisme soit un principe éculé. Nous avions même le sentiment qu'il y avait encore dans ce Grand Conseil une large majorité pour défendre le fédéralisme.
Les critères, en matière de fiscalité, ont été harmonisés en Suisse, et nous avons soutenu ces modifications. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une harmonisation fiscale, il s'agit d'intervenir directement sur les prélèvements fiscaux des cantons et là, il y a une véritable tricherie qui est très inquiétante par rapport au prochain paquet fiscal, dont M. Roulet a parlé.
Pour reprendre la façon dont les choses se sont passées, au niveau de l'organisation de la fiscalité sur le plan fédéral, je rappellerai qu'on a commencé par lancer un programme de frein à l'endettement. Dans un second temps, on nous présente ce paquet fiscal, et, dans un troisième temps, on parlera de répartition de tâches entre la Confédération et les cantons - cela fera l'objet de débats à partir de l'année prochaine. Comme l'a relevé très justement tout à l'heure mon collègue Pierre-François Unger, dans un aparté que nous avions, on a fait les choses exactement à l'envers, à rebours du bon sens, à rebours de la méthode qui aurait dû être employée.
Dans un premier temps, c'est de répartition des tâches que l'on aurait dû parler. Dans un deuxième temps, une fois les tâches fixées, il aurait appartenu à la Confédération de savoir, dans le cadre des tâches qui sont les siennes, comment organiser sa fiscalité à elle. Dans un troisième temps, ayant organisé cette fiscalité, on aurait pu savoir quel est le genre de principe que l'on peut appliquer en matière de frein à l'endettement.
On a fait les choses à rebours du bon sens au détriment des cantons de ce pays. Voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat recommande de rejeter ce paquet fiscal. Les citoyennes et citoyens se prononceront d'ici quelques semaines, d'ici là on ne peut que prendre acte des informations que nous avons remises au Grand Conseil, à deux reprises et à votre demande.
Le président. Nous allons procéder, avant la pause, à deux votes. Tout d'abord une demande de renvoi au Conseil d'Etat a été formulée pour ce rapport. Je mets aux voix cette proposition. Si elle est refusée, je vous ferai voter pour savoir s'il y a lieu...
Monsieur Annen, vous voulez la parole ?
M. Bernard Annen (L). Je demande l'appel nominal, Monsieur le président.
Le président. Apparemment, vous êtes largement soutenu. Monsieur le député Froidevaux, je vous prie d'intervenir brièvement, car nous sommes en procédure de vote.
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, c'est bel et bien sur la question de la procédure que j'interviens pour rappeler qu'il n'y a pas de vote possible sur ce rapport. Il a été déposé par le Conseil d'Etat et qui date de l'année dernière. Cet objet vise à prendre position sur la question de savoir si oui ou non nous allons nous associer au référendum cantonal. Je ne vois pas comment nous pouvons, sur la base de ce rapport, dire oui ou non. Il n'y a pas d'objet. C'est pour cette raison que seul le débat est significatif. Nous l'avons eu. Monsieur le président, je vous propose de passer à l'objet suivant figurant à l'ordre du jour du Grand Conseil.
Le président. Bien, je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas demander la parole. Je vais répondre très brièvement à la remarque qui vient d'être faite : au chapitre 13 «Rapports divers» de notre règlement, l'article 174, que j'ai déjà eu l'occasion de vous lire aujourd'hui, dit ceci : «Un débat est ouvert sur chaque rapport, puis le Grand Conseil en prend acte à moins qu'il ne décide de le renvoyer en commission ou au Conseil d'Etat.»
Par conséquent, une demande de renvoi au Conseil d'Etat ayant été formulée, je suis obligé de la mettre aux voix. Là où je peux éventuellement vous suivre, c'est sur la question de savoir s'il y a lieu de voter sur le fait de prendre acte ou pas. Je préfère faire plus de votes que nécessaire pour éviter des informalités dans des débats quelque peu délicats. A titre personnel, je considère que le vote n'est pas indispensable, mais je le ferai quand même.
Une voix. Qui a demandé le renvoi ?
Le président. C'est M. Guérini. Je mets aux voix la proposition de renvoi du rapport divers 495-B au Conseil d'Etat.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi au Conseil d'Etat du rapport divers 495-B est rejeté par 74 non contre 5 oui.
Le président. Je mets maintenant aux voix la prise d'acte de ce rapport. (Le président est interpellé.)Monsieur Froidevaux, on ne va pas discuter. Il est 17h, tout le monde a envie de prendre une pause...
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, chers collègues, vous ne pouvez pas faire autre chose que de prendre acte de ce rapport... (Vif brouhaha.)
Le président. Monsieur Froidevaux, nous sommes en procédure de vote.
Je souhaite que l'on n'allume pas le micro des députés si je ne leur donne pas la parole. En effet, si je n'indique pas que je donne la parole à un député, cela ne sert à rien d'allumer son micro !
Je mets donc aux voix la prise d'acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport par 71 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Le président. Nous interrompons nos travaux jusqu'à 17h15. A tout à l'heure.