Séance du
jeudi 22 avril 2004 à
14h
55e
législature -
3e
année -
7e
session -
38e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Claude Aubert, Janine Berberat, Claude Blanc, Gilles Desplanches, Robert Iselin, Georges Letellier, Guy Mettan, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Correspondance
Le président. La correspondance suivante a été adressée au Grand Conseil:
Courrier de l'Avivo nous transmettant un complément de 14 507 signatures pour la pétition 1448 "concernant la suppression du tarif réduit des TPG pour les retraités" (ce supplément de signatures est transmis à la commission des transports qui étudie cet objet) ( C-1789)
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous poursuivons dans notre liste d'urgences. Nous allons traiter conjointement de trois motions et d'une proposition de résolution relatives à Palexpo. Il s'agit du point 34 de l'ordre du jour.
Débat
Le président. Nous sommes en présence de quatre textes traitant d'un sujet commun, puisqu'ils concernent tous Palexpo. Nous évoquerons la problématique du centre de congrès, l'avenir de Palexpo ainsi que celui de Telecom. Je vous demande d'être attentifs, car je ne voudrais pas que, ne m'ayant pas écouté, vous exprimiez par la suite votre désaccord avec la procédure que je vous propose.
Ces quatre projets étant en étroite relation les uns avec les autres, il me paraît approprié de procéder à un débat groupé: chaque intervenant s'exprimera sur l'ensemble de ces textes, après quoi nous voterons successivement chacun de ces textes de manière à gagner un peu de temps. C'est la raison pour laquelle je donnerai la parole aux auteurs dans l'ordre où ils s'inscriront. Il se pourrait donc que l'un des auteurs du projet inscrit au point 119 ter s'exprime, par exemple, avant l'un des auteurs inscrits au point 119 bis. Etes-vous d'accord que l'on procède ainsi ? (Approbation de l'ensemble des députés.)Il en sera donc fait ainsi. La première personne inscrite est M. le député Blaise Matthey, à qui je donne la parole.
M. Blaise Matthey (L). Conformément aux voeux et directives que vous venez d'exprimer, mon intervention portera sur la proposition de résolution 486. Ce texte se veut davantage prospectif que rétrospectif ou introspectif. Je m'explique: nous savons ce qui s'est produit s'agissant de Telecom 2006. Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance des problèmes rencontrés. Certains d'entre eux ont, manifestement, été exagérés. Il ne s'agit évidemment pas de nier ces problèmes, mais d'en faire la liste et d'attribuer à chacun d'entre eux le poids réel qui est le leur. Si l'on évoque par exemple les problèmes d'hôtellerie, il faut savoir que ces derniers n'ont joué, dans cette affaire, qu'un rôle mineur. Il faut en l'occurrence bien savoir de quoi l'on parle puisque, comme on le sait, il existe des intermédiaires - et ces intermédiaires sont peu scrupuleux. La cellule mise en place l'année dernière à l'occasion de Telecom 2003 avait dénombré 19 cas d'abus dans ce secteur dont, précisément, une majorité de cas concernant des intermédiaires. On ne peut donc pas accuser les hôteliers genevois d'être responsables du départ de Telecom.
Cela dit, des problèmes il y en a. Des problèmes, il y en a eu dans le passé. Je suis, depuis les premières éditions de Telecom, bien placé pour les connaître puisque j'ai eu l'occasion de me pencher sur la question des transports. Cette problématique ayant été largement traitée en concertation avec les milieux professionnels, nous étions parvenus à répondre aux demandes émises en son temps par l'UIT - demandes parfaitement fondées. Il y a certainement une série d'autres éléments à prendre en compte. L'exercice possède sans doute, de ce point de vue, un caractère quelque peu rétrospectif et introspectif.
Ne se livrer à la catharsis n'a toutefois de sens que si l'on se projette dans l'avenir. Or, l'avenir, c'est, avec le départ de Telecom, la possibilité d'accueillir d'autres expositions - car il y aura des plages disponibles et que le marché des expositions a considérablement évolué. Comme vous le savez, ce marché est, à l'heure actuelle, davantage un marché d'expositions spécialisées. Nous disposons, à cet égard, d'infrastructures que l'on nous envie ailleurs en Europe. Croyez-moi ! Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais c'est un spécialiste anglais avec lequel j'ai récemment eu l'occasion de discuter. Ce spécialiste a relevé que les infrastructures dont nous disposions étaient extraordinaires - qu'il s'agisse du centre d'exposition, de l'aéroport, des chemins de fer, des autoroutes ou encore des infrastructures en matière d'accueil. Nous avons donc cette chance, et la pire des choses serait de la galvauder en ne permettant pas l'utilisation, dans le futur, de cette infrastructure pour d'autres expositions. Je sais pertinemment que l'on y travaille, mais il est temps de faire le point sur cette problématique. C'est à cela que vous invite cette résolution.
Cette résolution ne s'arrête cependant évidemment pas aux seules expositions: elle s'intéresse également à la réalisation du centre de congrès. Comme vous le savez, ce centre de congrès n'est pas lié à la seule exposition Telecom, mais il s'adresse également à une série d'autres manifestations, répondant ainsi à des besoins qui ne sont actuellement pas couverts dans la cité s'agissant d'un certain nombre de grands congrès. Il s'agit, là aussi, de faire le point sur la situation et de réfléchir aux manifestations que nous pourrions accueillir. Genève n'est pas la seule à vouloir attirer des congrès. Nous savons que des centres de congrès se sont construits ailleurs en Europe. Nous connaissons notamment les centres de Barcelone et de Valence, qui sont extrêmement bien conçus. Ceci étant, je vous assure que, si on les compare à celles des autres villes, Genève n'a pas à rougir de ses infrastructures ! Il nous manque cependant une partie de cette infrastructure - infrastructure qui ne pourrait que renforcer une Genève internationale que l'Entente appelle à faire preuve d'une plus grande dynamique et d'une meilleure coordination dans ses actions. Vous serez très prochainement saisis d'un rapport de commission à ce sujet.
Il faut aller de l'avant par rapport à ce centre de congrès; il faut achever le travail commencé en toute connaissance de cause. Il ne s'agit évidemment pas de nier les problèmes susceptibles d'être rencontrés, ni de cacher les chiffres - cela n'a jamais été l'intention ni des uns ni des autres. Mais il faut se donner les moyens de continuer à jouer le rôle qui est le nôtre sur le plan international. Sinon, alors oui, il est certain que nous ferons des centres de foires locales à Genève - ce que personne ne souhaite !
Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à renvoyer la proposition de résolution 486 au Conseil d'Etat. Je vous invite à faire de même s'agissant de la proposition de motion 1582 déposée par les députés socialistes, car ce texte va également dans le sens de la réalisation du centre de congrès. Nous ne pourrons en revanche pas appuyer les motions 1584 et 1559, car ceux qui les ont déposées ne souhaitent pas la réalisation de ce centre de congrès. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Bien que nous traitions simultanément l'ensemble de ces points, je m'efforce, dans la mesure du possible, de donner en premier lieu la parole aux auteurs de ces divers projets. C'est la raison pour laquelle je donnerai la parole à M. le député Sami Kanaan, puis à M. le député Christian Grobet, de sorte que tous les auteurs auront pu s'exprimer. Voyez comme je respecte les droits démocratiques des députés ! Nous reprendrons ensuite la liste telle qu'elle s'inscrit sur vos écrans. La parole est à M. le député Sami Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Merci, Monsieur le président. Le climat printanier vous réussit ! Je m'inscris, sur de nombreux points, dans la prolongation des propos tenus à l'instant par notre collègue Blaise Matthey. Le fait que ce débat n'ait lieu qu'aujourd'hui - et non le 1er ou le 2 avril - possède un avantage: la passion est quelque peu retombée - ce qui est salutaire. Concernant Telecom 2006, personne ne conteste que des facteurs n'étant pas spécifiquement liés à Genève ont certainement pesé lourd dans la balance. Je pense en particulier aux perspectives offertes par les marchés asiatiques. Toutefois, attribuer l'entière responsabilité de la non-attribution de Telecom 2006 à des facteurs externes serait tout aussi hâtif, car des facteurs locaux ont certainement aussi joué un rôle.
Notre motion demande simplement que l'on nous fournisse quelques explications à ce sujet. A ce stade, on n'accuse personne. Au vu de la taille microscopique de Genève par rapport à d'autres agglomérations qui tentent d'attirer petites ou grandes conférences, il est néanmoins évident que, si nous ne tirons pas tous à la même corde, nous diminuons nettement nos chances.
M. Gabriel Barrillier. Ah ben ça, c'est bien dit !
M. Sami Kanaan. Or, l'on ne peut s'empêcher d'avoir l'impression que, dans ce dossier, nous n'avons pas tous tiré avec la même énergie, avec le même enthousiasme et avec la même franchise à la même corde. Cela mérite une explication car, si le secteur économique du marché des congrès et des séminaires est porteur pour Genève - et je suis d'accord avec ce point - on ne peut gagner sur ce marché que s'il existe une véritable unité de doctrine de la part de l'ensemble des secteurs concernés. Le hasard veut que la commission des transports ait le grand plaisir de traiter la problématique des taxis, ce qui nous enseigne une foule de choses sur certaines pratiques douteuses. Lorsqu'un homme d'affaires se retrouve avec une facture de 200 francs pour un trajet entre son hôtel cinq étoiles et l'aéroport, il ne discute pas le prix car il doit prendre son avion mais, il a beau en avoir des moyens, il quitte Genève et n'y revient plus. Il y a là deux ou trois éléments que nous aurions tous intérêt à ajuster.
S'agissant de Telecom 2006, on a parlé de drame et d'une perte de 250 millions. Nous aimerions disposer d'éléments plus objectifs permettant, au-delà des déclarations émotionnelles faites sur le moment, de mesurer ce que représente réellement la non-attribution de Telecom 2006. Cette non-attribution est-elle vraiment aussi grave - et, le cas échéant, pourquoi ? Les vieux problèmes liés à l'hôtellerie ont-ils été réglés ou non dans le dossier genevois ? Y a-t-il eu des manquements ? On a réellement besoin d'obtenir des réponses à ces questions, non pour régler des comptes, mais pour en tirer des leçons pour l'avenir.
Il est également possible que l'on ne discute pas suffisamment de politique économique dans ce Grand Conseil. En fin de compte, quel est notre intérêt ? Est-ce d'accueillir une mégaexposition comme Telecom qui, outre les bénéfices qui en sont retirés sur certains plans, génère également de nombreuses nuisances compte tenu de la petite taille de la collectivité genevoise ? Cet événement génère, par exemple, beaucoup de trafic - dont la gestion est toujours difficile, et ce sur tous les plans. Ou est-ce, comme l'a indiqué M. Matthey, de recevoir une succession de congrès et de séminaires professionnels qui attirent certes moins de monde, mais qui reviennent régulièrement ? Cela assurerait une certaine régularité dans l'utilisation de cette infrastructure et serait également symbolique du fonctionnement de l'économie genevoise: on serait moins dépendant des gros sous de l'économie mondiale si l'on assurait une plus grande stabilisation et une plus grande diversification de l'économie genevoise plutôt que de chercher à obtenir des grands raouts qui nous dépassent. Je ne fais là que poser une question dont je ne détiens pas forcément la réponse. Il est en tout cas certain que l'on doit développer une stratégie globale. Je vous donne un autre exemple: nous savons que notre offre hôtelière souffre d'une faiblesse chronique au niveau intermédiaire - niveau correspondant plus ou moins à des hôtels trois étoiles. Certaines chaînes commencent à s'établir à Genève - et c'est heureux -, mais il ne faut pas oublier qu'une bonne partie des participants à ces congrès et séminaires ne peuvent pas se payer le luxe d'hôtels cinq étoiles. Bref, il y a du travail dans ce domaine !
Nous souhaitons que le Conseil d'Etat nous fournisse les bases d'une discussion approfondie sur cette question. D'où notre motion, qui demande simplement un rapport circonstancié sur ces divers aspects. Nous pouvons également accepter le renvoi au Conseil d'Etat de la résolution de l'Entente. Cette résolution ne nous pose aucun problème à ce stade puisque nous sommes, a priori et sous réserve du projet qui sera présenté, favorables à la réalisation d'un centre de congrès. Nous ne sommes pas, non plus, opposés aux chiffres demandés par l'Alliance de gauche: il est légitime qu'avant de voter la construction d'un nouveau centre de congrès, on dispose de chiffres détaillés sur la situation actuelle. Je répète toutefois que nous sommes, a priori, favorable au principe de la réalisation de ce centre de congrès.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Ce débat est évidemment en relation avec Telecom 2006. Certains s'étonnent que cet événement n'ait pas lieu à Genève. On évoque des arguments qui, selon moi, prêtent à sourire. Même si les hôteliers crachent quelque peu dans la soupe et que d'autres personnes ont profité de cette exposition, il faut cesser de divaguer: il est déjà miraculeux que cette exposition soit restée aussi longtemps à Genève ! Il ne faut pas s'étonner que cette exposition ait aujourd'hui lieu en Asie, et plus particulièrement en Chine.
Je puis vous assurer que, lors de la prochaine édition de Telecom à Hong Kong, il y aura une affluence tout autre que celle qu'il peut y avoir à Genève ! Il nous faut ouvrir les yeux et prendre conscience du fait que ce genre de manifestation passera désormais d'une ville à l'autre. C'est comme les Jeux Olympiques: qui accepterait que les Jeux Olympiques se déroulent tous les quatre ans dans la même ville ?! Tous les pays, en particulier les pays asiatiques, tenteront de s'arracher Telecom; les pays ayant encore plus besoin que chez nous d'installations téléphoniques portables joueront désormais un rôle extrêmement important.
Cela me permet de rappeler qu'il y a cinq ans déjà, nous avions mis en garde le Conseil d'Etat et le Grand Conseil sur l'extrême danger qu'il y avait à miser sur Telecom et qu'il fallait considérer la venue de cette manifestation comme aléatoire. Il est à cet égard réconfortant d'avoir entendu en commission des finances, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la privatisation de Palexpo, un expert immobilier, qui n'est pas du tout de notre bord, relever que Telecom n'offrait qu'un équilibre financier extrêmement fragile pour Palexpo et qu'il fallait précisément tenter de sortir de cette dépendance. Je précise que cette remarque a été faite avant que la décision d'organiser la prochaine édition de Telecom à Hong Kong ne soit prise. On sait, du reste, que tout fournisseur de prestations qui ne compte qu'un seul gros client prend des risques considérables lorsque ce client vient à le quitter. Je vous annonce déjà que nous nous opposerons formellement au projet de loi sur la privatisation de Palexpo - le cas échéant, par voie de référendum. Contrairement à ce que l'on peut en dire, il s'agit bien d'un projet de privatisation.
Je persiste à dire, au nom de l'Alliance de gauche, qu'une grave erreur a été commise il y a cinq ans en réalisant, à un coût faramineux, une extension du Palais des expositions afin de tenter de conserver Telecom dans notre canton. Depuis vingt-cinq ans, les pressions de la part de l'UIT ont été considérables; tous les huit ans, on a agrandi Palexpo pour les besoins de Telecom. Le premier agrandissement était de nature à rendre service, puisqu'il s'agissait de l'achèvement du bâtiment. Ce premier agrandissement était compréhensible. Avec la halle 7, on se trouvait déjà à la limite du raisonnable. Ce bâtiment est, du reste, totalement sous-utilisé et non rentabilisé. Quant à la halle 6, elle constituera un fardeau financier important dont il s'agira de voir comment il pourra être assumé.
Je précise immédiatement que l'on ne retire aucune satisfaction, bien au contraire, d'avoir a posteriori eu raison sur la fuite en avant préconisée par les dirigeants de Palexpo. Ces derniers n'ont malheureusement pas eu - et n'ont toujours pas - les pieds sur terre. On nous a affirmé que de grandes expositions se tiendraient dans la halle 6 - car Orgexpo et la Fondation du Palais des expositions ont dû admettre que cette halle ne pourrait pas être rentabilisée sans la venue de deux ou trois grandes expositions. Or, depuis les promesses faites il y a cinq ans de cela, non seulement aucune nouvelle grande exposition ne s'est déroulée à Genève, mais il ne nous a été donné aucune perspective d'en accueillir une !
Il est évidemment extrêmement difficile d'attirer des grandes expositions, quelles qu'elles soient, dans une ville - et plus particulièrement à Genève. Il est vrai que cette dernière jouit d'une bonne situation géographique, mais il ne faut pas oublier que le potentiel de visiteurs y est beaucoup plus faible que pour certaines grandes villes d'Europe. Ne parlons pas des villes chinoises: Shanghai compte 25 millions d'habitants, Pékin 15 millions, Hong Kong 12 ou 15 millions. Comment voulez-vous que l'on prétende accueillir de grandes expositions ?! Il me semble que l'on a totalement perdu le sens de la réalité !
Il est maintenant temps de réfléchir aux mesures à prendre. Je pense notamment au maintien du centime additionnel - qui était limité dans le temps - afin d'assurer l'amortissement de la halle 6. Cela constitue pour nous la priorité des priorités. Quant à s'engager dans la construction d'un centre de congrès, cela nous paraît totalement irréaliste. Les promoteurs de cette idée ont, du reste, admis devant la commission des finances de ce Grand Conseil que cette salle ne serait pas rentable. Chacun sait que, lors de congrès, il faut quasiment mettre les salles gratuitement à disposition. Ce qu'Orgexpo espère, c'est qu'en disposant d'une salle de congrès, on attirera ces fameuses grandes expositions que l'on nous promet depuis cinq ans.
Eh bien, je pense pour ma part que nous ne pouvons absolument pas prendre ce risque. Le coût de cette salle - 130 millions de francs - est totalement démentiel. On a déjà commis l'erreur de construire une halle de 20 000 mètres carrés seulement qui a, de fait, coûté 200 millions. Aucun centre d'exposition en Europe, que ce soit ceux situés à proximité d'Orly ou de Hanovre, ne construit des bâtiments à ce prix-là, avec un coût d'amortissement aussi insupportable. Il faut maintenant savoir raison garder. C'est pourquoi nous nous opposerons fermement à cette fuite en avant qui consiste à réaliser une hypersalle de congrès.
Genève dispose déjà d'un nombre important de salles de congrès. Ces salles ne peuvent peut-être pas accueillir 10 000 personnes, mais je vous signale que l'Arena a notamment été conçue pour recevoir des congrès. Or, Orgexpo a fait preuve d'une rivalité ridicule à l'encontre de cette salle qui, je vous le rappelle, est gérée par une fondation indépendante. Il serait possible d'utiliser l'Arena pour accueillir des congrès, mais l'enfant gâté qu'est Orgexpo se refuse à cela et réclame sa propre salle - ce qui revient à dédoubler les investissements. Tout cela est totalement déraisonnable !
Nous nous battrons contre cela ! Comme nous l'avons déjà annoncé, l'Alliance de gauche lancera un référendum, et ce pour lutter tant contre la privatisation d'Orgexpo telle que proposée par le Conseil d'Etat, que contre la construction d'une salle de congrès à un prix pharaonique. Nous avons déjà eu l'occasion de lancer un certain nombre de référendums et, jusqu'à présent, nous avons toujours réussi à récolter des signatures. Je ne pense pas que nous aurons beaucoup de difficultés à en récolter s'agissant de l'objet dont on discute aujourd'hui !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Schmied.
M. Patrick Schmied (PDC). Je m'exprimerai plus particulièrement sur la motion 1582 du groupe socialiste concernant Telecom. Je ne doute pas que le Conseil d'Etat n'aura aucune peine à répondre à toutes les invites de cette motion. Je ne doute pas non plus qu'il n'oubliera pas d'évaluer l'impact qu'ont eu sur cette décision certains propos irresponsables au sujet d'esclavagistes et autres grèves de policiers le jour de la manifestation. Au-delà de cette motion, il faut, comme l'indique l'exposé des motifs, que cet échec remplisse une fonction pédagogique. En d'autres termes, il doit nous inviter à nous livrer à un examen de conscience collectif. Dans cette perspective, j'ai été heureux d'entendre mon collègue Kanaan appeler à tirer à la même corde. Cet examen de conscience doit nous permettre de déterminer si les Genevois veulent que leur ville reste une ville d'accueil internationale, s'ils sont prêts à regarder au-delà de la frontière française et à prendre conscience de ce qui se passe dans ce vaste et brutal monde. Il s'agit de savoir si les Genevois sont prêts à fournir un effort pour conserver cette vocation de ville internationale d'accueil ou s'ils veulent continuer de se comporter comme des enfants gâtés dont la réputation est de vouloir à la fois le beurre et l'argent du beurre.
Pour le PDC, il convient, après cet échec, non pas de s'asseoir sur son derrière et de réfléchir dans une attitude défaitiste, mais de redoubler d'efforts pour que notre canton reste ce lieu d'accueil de qualité supérieure, garant qu'il est du bien-être de la population. Quant à savoir si l'on aurait dû payer plus ou moins cher pour la halle 6, il faut se souvenir que les conditions de réalisation de cette halle avaient été établies sur la base d'une erreur précédente, qui avait consisté à ne pas étendre Palexpo à un emplacement qui aurait été moins onéreux.
Le PDC propose de renvoyer directement la motion 1582 au Conseil d'Etat. Il soutient par ailleurs bien évidemment la résolution 486, qui demande un centre d'accueil à la hauteur des ambitions de Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). La perte de Telecom était-elle prévisible ? Etait-elle inéluctable ? On nous avait assuré que Genève avait un dossier béton. Mais notre canton pouvait-il faire face aux marchés porteurs d'Asie ? On nous a également fait savoir que Genève souffrait d'un maillon faible, à savoir la fibre optique. Dans ce domaine, peut-être Hong Kong dispose-t-elle d'une technologie beaucoup plus pointue ? Pourtant, des erreurs énormes et inacceptables ont été commises. Mon collègue Sami Kanaan a évoqué le mouton noir que sont les taxis. Il y a également eu le mouton noir de l'hôtellerie. C'est ainsi qu'au Grand-Saconnex certaines chambres d'hôtel ont triplé au moment de l'ouverture de Telecom ! Il s'agit là de comportements inadmissibles qui portent une atteinte considérable à l'image de Genève.
Je souhaite revenir sur les propos qui nous ont été tenus il y a cinq ou six ans: on nous avait déclaré que la halle 6 devait être construite pour les besoins de Telecom. Mais avait-t-on imaginé, à l'époque, que l'on pourrait perdre Telecom - ce dont la preuve est aujourd'hui faite ? Et avait-on prévu de compenser la perte de Telecom par d'autres grandes manifestations ? M. Carlo Lamprecht nous a fait savoir que 2004 et 2005 seraient des années fastes pour Palexpo. Alors, quelles sont ces grandes manifestations prévues ? On sait, par exemple, que le Salon de l'horlogerie s'y déroule à l'heure actuelle. Dans le domaine de la médecine, plusieurs séminaires importants auront également lieu à Palexpo cette année. Giardina est en outre prévu pour 2005. Toutes ces grandes manifestations pourront-elle cependant combler la perte des 250 millions engendrée par le départ de Telecom ?
On vous l'a dit, le parti socialiste n'est pas opposé à la construction d'une salle de congrès. Au préalable, des questions pertinentes ont toutefois été posées, et par la motion socialiste, et par la motion de l'Alliance de gauche: quelle est la rentabilité de la halle 6 ? Et comment financera-t-on les 130 millions nécessaires à la construction de la salle de congrès, sachant que l'on veut réaliser des économies et que l'on doit veiller à la situation financière du canton ? Il n'y a pas péril en la demeure s'agissant de la construction de la salle de congrès, mais certaines questions méritent au préalable d'obtenir des réponses.
Cela dit, j'aimerais conclure sur une note positive. On dit qu'à tout malheur, bonheur est bon. Peut-être la claque reçue par Genève est-elle une chance, car elle lui permettra de mieux rebondir en tenant compte de toutes les fautes commises par le passé et des erreurs contenues dans le dossier présenté par Genève !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Sylvia Leuenberger.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai l'impression que l'on a, sous la pression économique, réalisé des projets très ambitieux dont la rentabilité a échoué parce que l'offre était trop ciblée par rapport à la clientèle. Je pense notamment à Telecom, qui n'a pas suivi. Dès lors, la prudence s'impose. Faut-il vraiment repartir immédiatement dans la réalisation de ce mégaprojet qu'est le centre de congrès ? Cela ne me paraît pas du tout judicieux. De peur que Genève ne soit pas compétitive sur le plan international, la droite veut foncer tête baissée en réalisant le plus rapidement possible ce centre de congrès. Or, comme l'a indiqué M. Grobet, il conviendrait plutôt de tirer un bilan de la situation actuelle et d'élaborer un véritable plan financier. Je rappelle qu'un projet de loi relatif à la restructuration juridique et financière du complexe Palexpo - halle 6 en vue de la construction d'un centre de congrès a été déposé l'an dernier par le Conseil d'Etat. Ce projet est actuellement à l'étude en commission de l'économie et, me semble-t-il, des finances. On ne pense pas que le fait de proposer une privatisation soit forcément la meilleure solution, mais cette proposition possède au moins le mérite d'ouvrir le débat et de fournir une base solide pour restructurer Palexpo - qui présente des problèmes depuis longtemps.
Je me demande par ailleurs, en tant que Verte, si ce n'est pas l'occasion de s'interroger sur ces mégaprojets. Sont-ils encore économiquement rentables ? Ecologiquement soutenables ? Et socialement indispensables ? Ne devrait-on pas commencer à réfléchir de façon novatrice, en se basant sur le principe de la diversité ? N'est-il pas préférable d'attirer un plus grand nombre d'expositions de taille plus modeste mais variées, qui tiendront le coup sur la durée, qui résisteront aux aléas économiques et qui relèvent du développement durable ? C'est dans cette direction que les Verts s'orienteront. Nous estimons qu'il n'y a, en l'état, aucune urgence à réaliser ce centre de congrès. Comme l'ont relevé mes préopinants, il convient d'analyser la situation financière de Palexpo et d'établir un plan financier quadriennal. Si l'on parvient à rentabiliser cette halle 6, on pourra, dans un deuxième temps, s'interroger sur la nécessité d'un centre de congrès et sur son éventuelle réalisation avec des partenaires multiples et variés.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pierre Kunz.
M. Pierre Kunz (R). La perte de Telecom est certes un coup dur mais, pour tous ceux qui savent ce qu'est la concurrence, ce n'est pas une surprise colossale. Seuls les naïfs pouvaient en effet croire qu'il suffisait de construire la halle 6 pour que Genève garde Telecom pour toujours - au même titre que seuls les naïfs peuvent croire qu'il suffit de construire une université pour accumuler les prix Nobel... Et seuls les aveugles peuvent imaginer que nous ne subirons pas d'autres échecs, d'autres défaites, dans l'énorme redistribution qui se produit sous nos yeux depuis quelques décennies sur cette planète entre les pays nantis du Nord, les pays en développement du Sud et les pays émergents à l'Est. Comme l'a relevé M. Grobet et fort heureusement pour eux, le développement de ces pays, favorisé par la mondialisation - mais cela, il ne l'a pas dit - se poursuivra et continuera, il faut que nous l'acceptions, à bouleverser nos certitudes et à remettre en cause ce que certains s'évertuent à appeler encore nos «droits acquis». Le départ de Telecom constitue une démonstration éclatante du fait que c'est par leur travail, par leur ingéniosité et par leurs compétences que ces pays améliorent les conditions d'existence de leurs populations - souvent à notre détriment - bien plus que grâce à nos aides charitables. Le temps est bien fini où, grâce à notre protectionnisme, grâce à nos cartels, grâce à notre corporatisme, nous pouvions tout prévoir, tout calculer, tout accumuler et tout garder !
M. Pierre Weiss. A notre manque de libéralisme !
M. Pierre Kunz. Absolument ! Mais refusons de nous lamenter, de rechercher des coupables à tout prix et de nous focaliser sur les calculs d'apothicaire auxquels nous invitent les textes de l'Alliance de gauche ! Ces calculs et ces interrogations ne sont certes pas totalement inutiles, mais ils ne constituent pas une politique pour construire l'avenir de Genève - pas plus, d'ailleurs, que le pessimisme qui les entoure et qui a été exprimé par plusieurs des préopinants.
Palexpo et la halle 6 ne sont pas des erreurs ! Au même titre que notre infrastructure routière, que nos bâtiments scolaires, que notre université, que notre patrimoine historique, que notre cathédrale, ce sont des atouts dont les collégiens peuvent certes chiffrer la valeur comptable, mais dont la véritable valeur réside dans ce que nous voulons vraiment en faire, dans la manière dont nous entendons construire notre avenir. Elle réside dans la somme d'efforts et d'ingéniosité que nous sommes prêts à mettre en oeuvre pour cela.
S'agissant de cet avenir et de sa formulation, je ne peux m'empêcher de déplorer une fois de plus, au nom du groupe radical, le rôle quasiment inexistant du Conseil d'Etat. Depuis près de quinze ans, ce dernier s'est montré incapable de comprendre ce qui dans le monde change et nous chahute, d'en tirer les conséquences sociales, économiques et financières ainsi que les choix qui s'imposaient et de nous montrer pourquoi et comment nous devions rompre avec nos égoïsmes et nos faiblesses de nantis et, comme l'a dit M. Schmied, d'enfants gâtés.
La perte de Telecom n'est ni un drame, ni une catastrophe: c'est une épreuve. A nous de trouver des manifestations et des revenus de substitution, en retroussant nos manches et en continuant d'investir dans ce que nous savons mieux faire que d'autres - en particulier dans l'accueil des grands congrès. Les grandes épreuves, disait le poète, quand on n'en meurt pas, nous grandissent. Et de cette épreuve, Genève ne mourra pas. A nous et au Conseil d'Etat de faire en sorte que Genève en sorte encore plus forte et plus attrayante qu'avant ! Voilà pourquoi le groupe radical vous invite à adresser la résolution 486 ainsi que la motion 1582 au Conseil d'Etat et à rejeter les deux autres textes.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je m'exprimerai sur la motion 1582 et sur la résolution 486. Concernant la proposition de motion 1582, le groupe UDC soutiendra son renvoi au Conseil d'Etat. Ce dernier risque toutefois d'être emprunté pour répondre à certaines des questions qui lui sont adressées dans la mesure où il est à la fois juge et partie.
A partir du moment où vous êtes candidat et que vous vous trouvez en concurrence avec d'autres villes, il faut accepter la défaite - et il ne suffit pas, comme l'a démontré Sion 2006, de posséder le meilleur dossier technique pour remporter la mise. Pour ceux qui connaissent Hong Kong, la démonstration sera rapidement faite que cette ville ne soutient pas forcément la comparaison avec Genève sur le plan technique. Les problèmes d'hôtellerie qui se sont posés à Genève risquent, au demeurant, de se poser également à Hong Kong. Je ne pense donc pas qu'il faille chercher là un facteur essentiel dans le choix de Hong Kong pour l'organisation de Telecom 2006. D'autres pistes devraient, en revanche, être explorées. Je crois savoir que le chef du département de l'économie s'est récemment rendu dans l'entreprise de production d'un grand groupe mondial de micro-électronique, STMicroelectronics. Vous savez que ces grandes entreprises sont très actives dans le domaine des télécommunications; STMicroelectronics fabrique, par exemple, des microprocesseurs - notamment pour les téléphones portables. On sait d'ailleurs que ce parlement n'est pas très favorable en matière de téléphonie mobile... Cette production, qui avait auparavant majoritairement lieu en Occident, s'est déplacée ces dernières années - notamment depuis l'an dernier - en Asie du Sud-Est, et ce pour une raison très simple: indépendamment de l'évolution favorable du marché dans cette région, toutes ces grandes entreprises facturent en dollars. Or, lorsque vous examinez le taux de change entre le dollar et l'euro - puisque ces entreprises produisent en euros -, cela commence à faire mal ! Il est probable que la cherté de l'euro - et, partant, du franc suisse, puisqu'il est calqué sur l'euro - ait pesé dans la balance. Je vous rappelle que la valeur de l'euro a considérablement augmenté ces deux dernières années. Or, on n'a, jusqu'à présent, pas voulu tenir compte de ce facteur.
Nous soutiendrons donc le renvoi de la motion 1582 au Conseil d'Etat, même si le Conseil d'Etat ne pourra probablement y répondre que de façon partielle. Je doute que l'UIT donnera les raisons de son choix en faveur de Hong Kong. Je ne pense donc pas que le Conseil d'Etat disposera de tous les éléments pour répondre aux questions qui lui sont posées dans cette motion. Il faut toutefois accepter le choix qui a été fait, et ne pas forcément l'interpréter comme un échec: on s'est mis sur les rangs et on a fait le maximum pour obtenir Telecom 2006, mais on n'a pas été choisi. Cela ne doit pas nous empêcher d'envisager une nouvelle candidature pour 2010.
Quant à la résolution 486, le groupe UDC la soutiendra, puisqu'il en est l'un des signataires. Le centre de congrès est un objet dont le coût tourne autour de 115 000 000 F. Or, ce parlement a voté des objets d'une importance financière beaucoup plus grande. Je pense notamment au CEVA, dont on sait qu'il sera déficitaire et dont on n'est même pas certain que la liaison ferroviaire sera fréquentée par un certain nombre de passagers. On souhaite néanmoins, à l'unanimité, réaliser ce projet - et ce alors qu'il nous faudra y consacrer au moins 400 000 000 F. On pourrait également imaginer que, si l'on repoussait le projet CEVA d'un ou deux ans, on pourrait construire en parallèle le centre de congrès.
Ceci mis à part, je rappelle que la réalisation d'un centre de congrès constitue un projet régional. Nous menons une politique régionale; on nous demande de penser régional, de penser international. La France étant intéressée par ce projet, peut-être devrions-nous intensifier les contacts avec nos voisins français de manière à permettre la réalisation de ce centre de congrès. Je rappelle également qu'une partie de l'infrastructure hôtelière liée à l'organisation de ces foires profite à la France. Il n'est que d'observer l'ensemble de l'infrastructure hôtelière qui s'est construite ces trois, quatre ou cinq dernières années autour de la couronne genevoise, dans la zone frontalière. Je pense que la France est tout aussi intéressée que Genève à la construction d'un centre de congrès. Le canton de Vaud l'est certainement également, car un tel centre aurait des répercussions positives sur son territoire. Je m'étonne toujours que l'on se borne à chercher des financements sur Genève alors que, dans le cas présent - comme cela avait été le cas pour la halle 6 - on pourrait s'adresser à la Ville de Genève, à la commune du Grand-Saconnex et à d'autres communes voisines, au canton de Vaud et, éventuellement, à la France puisque l'on dispose de structures permettant le développement de projets transfrontaliers. Ce projet doit, à mon sens, être considéré comme un projet transfrontalier d'importance régionale.
Je rappelle que Genève possède quatre pôles de compétence: la chimie, l'horlogerie, les banques et l'organisation de manifestations et de congrès. Il s'agit là d'un pôle d'excellence que nous devons développer - ou, du moins, maintenir. Pour cela, nous devons innover, nous devons entreprendre. Or, entreprendre signifie également prendre des risques. Il est clair que l'on ne peut pas forcément jouer gagnant. Je conviens que l'on n'est pas certain de pouvoir amortir le coût de ce centre de congrès. C'est pourquoi le groupe UDC sera très attentif au mode de financement de ce projet. Je rappelle toutefois que le CEVA n'est pas un projet rentable non plus. On le mène néanmoins à bien, car il possède un intérêt majeur au niveau de la politique des transports. Or, il existe également, en matière de politique économique, un intérêt majeur à la réalisation de ce centre de congrès. Efforçons-nous donc de nous rassembler autour de ce projet et de trouver diverses sources de financement afin de le faire aboutir et d'élargir notre offre ! Dans le cadre d'une candidature 2010, nous serions d'ailleurs certainement tous heureux de disposer de l'argument supplémentaire que constituerait un centre de congrès digne de ce nom.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Stéphanie Ruegsegger.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). M. Kunz l'a dit: la perte de Telecom est une épreuve pour Genève. Il ne s'agit toutefois pas seulement d'une épreuve. Il s'agit, peut-être, également d'une chance: une chance que de constater que rien n'est acquis et qu'il nous faut évoluer pour nous adapter. Le groupe démocrate-chrétien acceptera le renvoi de la motion socialiste - motion qui demande, en substance, que nous procédions à notre autocritique - au Conseil d'Etat. Nous demanderons toutefois à ce dernier de prendre cette motion dans un sens un peu plus large en procédant à une large autocritique. Il est certes nécessaire d'examiner les dysfonctionnements au niveau des acteurs économiques. Je pense notamment aux hôteliers et aux chauffeurs de taxis, qui auraient exagéré sur les prix. Comme M. Schmied l'a rappelé tout à l'heure, il est cependant également important de se pencher sur les dysfonctionnements relatifs à d'autres conditions-cadres. Je pense par exemple aux grèves de la police, qui n'offrent pas précisément une image positive de notre canton et qui ont perturbé la manifestation.
Nous ne sommes évidemment pas favorables à l'image décrite tout à l'heure par Christian Grobet, selon lequel nous devrions renoncer à toute manifestation d'envergure. Est-ce que, parce que nous avons perdu Telecom pour une édition, nous devons renoncer à tout ?! Nous ne le croyons pas ! Nous vous rappelons que les congrès... (Discussion sur les bancs des Verts.)Je remercie les Verts de se taire, car il n'est pas très agréable de parler lorsqu'il y a du brouhaha... Nous vous rappelons donc que les congrès se déroulant sur notre territoire engendrent un certain nombre de retombées pour Genève. Je pense non seulement à des retombées économiques et à des retombées en termes d'images, mais également à des retombées fiscales. Renoncerons-nous à ces retombées fiscales ainsi qu'à toutes les dépenses qu'elles permettent ? Souhaitez-vous vraiment que Genève, qui est certes une petite ville, soit considérée comme une ville de province qui ne compte plus - avec la politique de ville de province, et notamment les prestations sociales de ville de province, que cela implique ? Je ne pense pas que vous pourriez rejoindre une telle conception de notre ville ! Genève dispose d'atouts que nous devons exploiter. C'est pourquoi nous sommes favorables à la construction d'un centre de congrès. De même que M. Grobet, nous sommes opposés à la monoculture. Or, cette salle de congrès permettra, précisément, de se diversifier.
Je reviens maintenant sur la cherté de la halle 6 et sur le manque de vision dont auraient fait preuve les supporteurs de cette halle il y a quelques années. Je rappellerai, comme l'a du reste fait M. Schmied tout à l'heure, que, si la halle 6 a coûté cher, c'est parce que nous avons dû la construire à cet endroit et, si nous avons dû la construire à cet endroit, c'est parce que l'on a autorisé la construction d'un hôtel à proximité de Palexpo - ce qui a, de fait, empêché le développement latéral de Palexpo. La personne ayant à l'époque autorisé cette construction possédait certainement une vision de Genève, mais cette vision consistait à ne rien développer sur le canton. Nous ne partageons pas cette vision !
J'aborde maintenant la motion de l'Alliance de gauche. Nous sommes d'accord avec certaines des invites, notamment avec celle demandant des éclaircissements concernant les finances de Palexpo. Certains éléments de cette motion sont, en revanche, inacceptables. Je pense notamment à l'état d'esprit de fond de cette motion - état d'esprit se retrouvant à l'invite 2, qui nous demande de renoncer à la réalisation d'un centre de congrès. On le voit: ce groupe fait preuve d'une certaine constance dans sa vision du développement de Genève. Cette vision consiste en un développement zéro d'une Genève ville de congrès et d'expositions. D'autres éléments contenus dans cette motion demandent également à être éclaircis. Je pense en particulier à la demande qui est faite que le Grand Conseil dispose du business plan de Palexpo pour les cinq prochains exercices. Je me demande dans quelle mesure nous ne dévoilerions pas, par le biais de la publicité de ce business plan, des objectifs stratégiques que nous n'avons pas à révéler à nos concurrents. Il conviendra, le cas échéant, d'étudier cela en commission. Quant à la troisième invite, nous en demanderons l'élargissement. Si la participation de certaines grandes expositions prévues à Palexpo n'a en effet pas été confirmée à ce jour, d'autres manifestations auraient en revanche souhaité venir à Genève mais ont, faute de place, dû y renoncer. Ce point me semble également important à souligner, car cela signifie que Genève est toujours attrayante en tant que ville de congrès.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Souhail Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je souhaite, en premier lieu, dire la chose suivante: ceux qui prétendent que le départ de Telecom de Genève est dû à des phénomènes tels que des courses en taxi à 200 francs, une majoration des séjours hôteliers ou je ne sais quoi d'autre font preuve d'une naïveté absolument déconcertante ! Je vous relaterai les propos tenus par une personne très connue du monde industriel, M. Kudelski. J'ai entendu les propos de ce dernier à la radio le jour même ou le lendemain de la décision par l'UIT d'organiser Telecom 2006 à Hong Kong. Selon M. Kudelski, cette décision est tout à fait normale si l'on compare la Chine avec l'Union européenne. Je l'ai notamment entendu dire que la production chinoise de portables dépassait déjà l'ensemble de la diffusion de portables dans l'Union européenne et que les perspectives étaient tout autres dans ce pays. Il y a beaucoup d'autres facteurs infiniment plus importants que ceux qui ont été évoqués et dont on essaie de nous faire croire qu'ils sont à l'origine de la décision de l'UIT d'attribuer l'organisation de Telecom 2006 à Hong Kong. On tente de nous faire croire que, si l'on offrait des chambres à 0 franc et que les taxis étaient gratuits, cela ferait venir Telecom à Genève. Mais arrêtons de rêver ! Il existe, sur le plan international, des rapports économiques qui dépassent de loin ces éléments, sans commune mesure avec les propos que je viens d'entendre pour expliquer le pourquoi et le comment du départ de Telecom de Genève ! Je ne crois pas que le représentant d'une grande entreprise qui se rendrait à une exposition comme celle-là avec, en guise de perspective, la réalisation de contrats se chiffrant en dizaines, voire en centaines de millions, trouverait que les 200 francs payés pour une course de taxi ne valaient pas la peine et préfèrerait perdre 100 millions ou 200 millions plutôt que de payer cette somme pour sa course en taxi ! C'est complètement ridicule !
Si j'interviens, c'est également parce que j'entends dans cette enceinte des discours absolument incroyables. D'une session à l'autre, d'un objet à l'autre, les contradictions fleurissent de tous côtés - sauf du côté de l'Alliance de gauche... (Rire.) ...puisque l'on vient de nous reprocher la constance de notre position. Nous avons au moins l'avantage, par rapport à d'autres groupes, de nous montrer cohérents... J'aimerais bien vous entendre vous exprimer tout à l'heure, Monsieur Marcet ! M. Catelain a par exemple déclaré: «Mais écoutez, on a fait ce qu'on a pu, et on est prêt à payer 130 millions ou 140 millions pour la construction du centre de congrès.» Il est prêt à payer le poisson avant que ce dernier n'ait été pêché et sans aucune garantie d'être remboursé si on ne lui donne pas le poisson ! En revanche, lorsqu'il s'agit du budget de l'Etat, les mêmes personnes n'arrêtent pas de nous dire que l'on dépense trop, que Genève vit au-dessus de ses moyens et qu'il faut absolument couper dans tous les secteurs... Certains ont déclaré: «Il faut que Genève fasse ce qu'elle sait le mieux faire». Or, je crois que l'on a, jusqu'à présent, très bien su le faire dans le domaine de l'éducation. Certains imaginent que l'argent investi dans le domaine de l'éducation, de la santé ou du social est de l'argent jeté par les fenêtres. Eh bien non: ce sont des investissements ! Mais vous montrez que vous n'êtes pas favorables à ce genre d'investissements ! Ce sont précisément une formation de qualité et une bonne qualité de vie qui permettront à Genève et à la Suisse de rester concurrentielles et de demeurer le centre d'attraction d'un certain nombre d'activités économiques à haute valeur ajoutée ! Mais il ne s'agit pas là de l'essentiel, pour vous. L'essentiel, à vos yeux, c'est de gagner, pendant un ou deux mois, une ou deux expositions et un certain nombre de millions - tant pis pour le reste ! Cependant, le jour où notre société aura tellement régressé sur le plan social et éducatif que la violence et d'autres problèmes sociaux très graves y apparaîtront, quelles que soient les conditions que vous ferez aux exposants éventuels, ils ne mettront pas les pieds chez nous ! L'investissement pour garantir l'avenir de Genève ne se trouve pas là où vous le prétendez, mais il se trouve ailleurs !
Quant à la motion l'Alliance de gauche, elle ne demande pas au Conseil d'Etat de renoncer définitivement à la réalisation d'un centre de congrès: elle propose simplement d'attendre un peu avant de se lancer dans ce projet. On applaudit par ailleurs à la proposition de M. Catelain de faire payer les Vaudois et la France voisine: apportez l'argent nécessaire, construisez le centre de congrès avec cet argent, et nous, nous vous applaudirons ! Nous verrons bien ce que vous êtes capables de faire !
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député David Hiler.
M. David Hiler (Ve). Je souhaite en premier lieu intervenir sur le départ de Telecom de notre canton. Il me semble qu'il y a, sur ce point, une grosse dose d'hypocrisie dans ce débat. Il y a cinq ans, lorsque nous avons dû trouver une solution pour la halle 6, les personnes appartenant à Orgexpo ou les personnes intéressées par ce projet avec lesquelles j'ai eu des contacts m'ont toutes déclaré que l'on perdrait Telecom tôt ou tard. Le plus tard était à leurs yeux le mieux, mais elles ont toutes déclaré que nous perdrions tôt ou tard cette manifestation, que cette dernière ne resterait pas éternellement à Genève. Vous le saviez, nous le savions - et je reviendrai par la suite sur le fait que, tout en le sachant, nous avons malgré tout accepté la construction de la halle 6.
Pourquoi demander - et je m'adresse là au groupe socialiste - toutes ces explications au Conseil d'Etat ? Si nous nous montrons de bonne foi et que nous nous mettons durant un instant à la place des gens qui ont dû décider de l'implantation future de Telecom, nous devons reconnaître que nous aurions tous opté pour Hong Kong, et non pour Genève. Je ne vois dès lors absolument pas l'intérêt des demandes d'explication socialistes. Il existe bien entendu des escrocs partout - y compris à Genève. Il existe des escrocs dans l'hôtellerie, il en existe dans d'autres secteurs. Et alors ?! Il y en aura à Hong Kong, non ?!
Arrêtons de débattre de cela et réfléchissons - je m'adresse là au groupe démocrate-chrétien. N'oublions pas que Genève est une ville internationale, et non une métropole internationale. Nous pouvons, grâce à son image de marque, viser un certain nombre de manifestations; d'autres sont, en revanche, trop importantes pour nous. Le fait d'accueillir Telecom nous a aidés; cela a payé une partie de la halle 6. Mais cette manifestation était trop grosse pour nous. Les enjeux dépassaient très largement ceux du marché européen. Genève dispose cependant - et, sur ce point, je suis d'accord avec un certain nombre d'intervenants - de réelles possibilités dans ce domaine.
Je souhaite maintenant revenir sur l'histoire de la halle 6 d'abord, sur la question du centre de congrès ensuite. Premier élément: lorsque nous avons décidé de la construction de la halle 6, selon les informations dont nous disposions, la Confédération ne paierait pas pour la construction de cette halle, mais elle paierait probablement une partie du centre de congrès. La situation n'a, semble-t-il, pas évolué dans ce sens. Il s'agit là d'un premier problème. En deuxième lieu, nous avions en son temps exigé la chose suivante - et nous étions, compte tenu de la situation politique de l'époque, en mesure de le faire: s'il était, sur le plan économique, si important de construire rapidement cette infrastructure, nous avions demandé qu'un certain nombre de milieux directement intéressés fassent un geste. Certains l'ont fait. Je pense, par exemple, à l'instauration du centime additionnel pour les entreprises. D'autres l'ont fait dans les milieux touristiques. Orgexpo a, quant à elle, refusé de faire un geste, de sorte qu'il a fallu revenir devant ce Grand Conseil pour faire savoir qu'Orgexpo ne parvenait pas à se financer. Cela pose un léger problème de crédibilité...
Comme cela figure dans les déclarations de l'époque, nous avions pour notre part accepté la construction de la halle 6, car nous voyions un intérêt à faire tourner rapidement des petites et des moyennes expositions pour lesquelles Genève offre un cadre et un tissu économique idéaux. Comme il y a un temps pour montrer, un temps pour monter et un temps pour démonter, il est bien de disposer de davantage de surface que la simple addition des expositions afin de pouvoir procéder à une rotation rapide. Compte tenu de la situation actuelle de Genève, cette stratégie s'inscrit sans aucun doute dans une perspective de développement durable.
Le problème est le suivant. On réclame des business plans. Mais on les a vus, ces business plans ! On les a vus, puisqu'ils ont été présentés à deux commissions ! Or, ce qu'il en est très clairement ressorti, c'est que cette stratégie d'accueil d'une multitude de petits et moyens événements - voire de deux ou trois grandes expositions - n'avait, en quatre ou cinq ans d'activité, pas été concrétisée ! Directement après cela, interruption des travaux et licenciement d'un responsable - chose assez rare. Qu'il s'agisse d'une bonne ou d'une mauvaise décision, je l'ignore. Je sais, en revanche, qu'avec la perte - non pas dans deux ou trois ans, mais immédiatement - de Telecom et compte tenu du nombre actuel d'expositions, si le centre de congrès est immédiatement lancé, on paiera, en tant que collectivité publique, l'intérêt et l'amortissement de l'ensemble - et ceci, même si l'on s'arrange pour que cette somme ne figure pas dans l'enveloppe des investissements. On peut toujours prétendre que cette somme ne sera pas comprise dans les 390 millions d'investissements - car on est bien d'accord sur le fait que cette somme ne peut figurer dans les investissements, puisqu'il s'agit d'un leasing selon la méthode américaine. Il n'en demeure pas moins que, les charges, on les paiera !
Je suis surpris que nous ayons débattu ce matin pendant deux heures à propos d'un montant de 80 000 F et que chacun vienne ensuite faire un article de foi pour se déclarer en faveur ou opposé à la construction de ce centre de congrès alors qu'il s'agit, dans le fond, d'une affaire essentiellement économique qu'il convient de traiter de manière rationnelle. Qu'on doive construire ce centre de congrès, cela me paraît évident. Qu'on doive le construire demain, cela ne me paraît, en revanche, pas si évident que cela du tout. Comme on l'a dit auparavant, il y aurait eu urgence si Genève s'était vu attribuer Telecom 2006. Comme cela n'est pas le cas, il n'y a pas d'urgence. Il nous faut maintenant avoir une idée très claire du financement et des perspectives concernant ce centre de congrès. Ce dernier a aujourd'hui changé de direction. Il changera, peut-être, de stratégie. Je pense, pour ma part, que la stratégie adoptée n'était pas si bête que cela: compte tenu de la difficulté pour Genève à faire venir un certain nombre de manifestations, cette stratégie consistait à les coorganiser.
Aujourd'hui, alors que la commission est saisie d'un dossier architechnique qui tient dans deux classeurs fédéraux, chacun a l'intention de faire un acte de foi ! Il ne s'agit pas là de la bonne méthode; les demandes d'explications adressées au Conseil d'Etat ne revêtent en outre aucun intérêt, car chacun connaît les réponses. Il nous faut revenir à un plan purement rationnel: quand aurons-nous les moyens de mener cette opération, avec quelles perspectives et, en toute transparence, quel en sera le coût ? Si cette opération coûte, en termes d'amortissement et de charge des intérêts, 2 ou 3 millions à l'Etat de Genève, pourquoi pas. En revanche, si elle lui coûte 15 à 20 millions, on peut, vous me l'accorderez, se poser la question au vu du plan financier quadriennal du Conseil d'Etat... En tout cas, je vous mets en garde: bien qu'il ne figure pas dans la rubrique usuelle du budget, il s'agit d'un investissement comme les autres - avec des conséquences analogues.
On ralentit actuellement la construction et la rénovation de bâtiments scolaires et hospitaliers, et l'on ne dispose même pas, dans nos plans, de l'agrandissement de la prison de Champ-Dollon. Je pense que l'on devrait, à un moment donné, revenir à une question de planification. On devrait attendre que l'on nous ait communiqué les chiffres qui se trouvent à la base de l'exploitation commerciale qu'est Orgexpo. On devrait, tranquillement et en toute transparence, définir les mesures que l'on est prêt à prendre par rapport à cette organisation probablement déficitaire ainsi que les échéances que l'on se donne. On devrait supprimer le montage épouvantable que l'on connaît aujourd'hui, non pour procéder à une privatisation, mais pour distinguer clairement, d'une part la gestion des murs, d'autre part la gestion commerciale du site. Cette dernière pourrait être confiée à n'importe quelle grande multinationale dont le boulot est d'organiser des expositions. Il s'agissait à l'époque de l'avis de Bernard Clerc, et il s'agit également du mien. Ce n'est pas forcément la peine de garder les copains locaux sur un coup comme cela...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. David Hiler. C'est de ce point de vue que nous estimons qu'il y a urgence à résoudre la question de la structure et à déterminer qui paie l'insuffisance de financement de la halle 6. Après ce travail d'un à deux ans, nous pourrons travailler sur les nouveaux business plans qui nous seront proposés par la direction renouvelée d'Orgexpo et parvenir à des choix de nature politique.
C'est la raison pour laquelle nous refusons, à ce stade, de nous engager sur l'une ou l'autre des voies qui nous sont proposées. Nous voulons nous donner le temps de réfléchir. Nous signalons par ailleurs à ceux qui l'auraient oublié que cette réflexion est nourrie par deux classeurs fédéraux de documentation qui ont été lus par trente commissaires. Je vous rappelle également que l'une des raisons pour lesquelles nous avons arrêté, c'est que M. Gautier, président de la commission des finances, avait, dans le cadre de l'étude de ce dossier, très rapidement déclaré que...
Le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. David Hiler. ... la structure actuelle ne convenait pas et qu'il fallait la retravailler afin d'instaurer un firewallentre les bâtiments et la gestion. Retravaillons ! Pour notre part, nous ne voyons aucun intérêt à prendre des décisions avant d'avoir étudié la question. Si c'est ce que vous souhaitez, vous pouvez... Cela ne nous gêne pas. Cela n'aura, de toute façon, aucune conséquence ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Sami Kanaan.
M. Sami Kanaan (S). Nous partageons toute l'analyse faite par notre collègue David Hiler. Ce dernier en tire cependant des conclusions quelque peu surprenantes. Nous ne sommes pas en train de décider de voter un crédit pour la réalisation de ce centre de congrès: nous sommes simplement en train de tirer des leçons de la décision de l'UIT concernant Telecom 2006. M. Hiler en a apparemment déjà tiré ses propres conclusions - et tant mieux s'il disposait des éléments nécessaires à cela. Plusieurs intervenants l'ont souligné, et nous le répétons: certains paramètres nous échappent dans la décision de l'UIT car ils ne sont nullement liés à Genève, mais ils ont trait à des enjeux macro-économiques. D'autres éléments concernent, en revanche, spécifiquement Genève et joueront à nouveau un rôle le jour où notre ville accueillera d'autres congrès. Si nous ne mettons pas à jour les faiblesses des dossiers genevois - que ce soit pour des mégaexpositions ou pour des expositions locales -, nous n'améliorerons pas la compétitivité de Genève sur le marché des congrès. Ces faiblesses ne sont pas uniquement liées à la structure, aux murs ou à la gestion commerciale du site, mais elles ont trait à l'ensemble des conditions d'accueil de Genève. Si nous ne clarifions pas ces non-dits, ces abus de situations et ces erreurs, on aura beau élaborer tous les plans commerciaux que l'on veut et régler tous les problèmes de structures existants, on ne règlera pas la qualité et la compétitivité de Genève sur le marché des congrès. Nos questions sont donc légitimes. Je suppose que M. Hiler a probablement mal lu notre motion.
S'agissant de la résolution de l'Entente, nous sommes prêts à la renvoyer au Conseil d'Etat. Nous avons toutefois également déclaré que les demandes de l'Alliance de gauche concernant les chiffres étaient légitimes et nécessaires. C'est pourquoi nous plaidons pour un renvoi de tous les textes au Conseil d'Etat. Il nous faut clarifier un certain nombre de points avant de poursuivre. Il n'est pas question d'accorder un feu vert définitif au centre de congrès: nous ne faisons que reconnaître la nécessité d'étudier et de planifier cette infrastructure. Nous ne sommes toutefois, nous non plus, pas prêts à voter aujourd'hui 130 millions la tête dans un sac.
Sur un plan plus large, il conviendrait, en matière de politique économique dans ce canton, de procéder un peu plus fréquemment à des bilans entre les apports positifs et négatifs de la stratégie actuelle - stratégie qui consiste à accueillir des mégaévénements et des multinationales. Je ne suis pas certain que les résultats de ces bilans seraient forcément favorables aux avantages. Nous préférons une stratégie qui consisterait à accueillir plusieurs éléments ponctuels et diversifiés. Il nous paraît important de renvoyer ces textes au Conseil d'Etat afin d'obtenir une réponse globale de sa part. C'est pourquoi je plaide pour le renvoi de tous les textes dont nous discutons au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Marcet.
M. Claude Marcet (UDC). Je pense que notre collègue M. Mouhanna sera très heureux de m'entendre car, si je siégeais sur les bancs de la gauche, je pourrais, pour une fois, tenir exactement le même discours que lui ! J'ai écouté avec attention le discours de M. Grobet; j'ai écouté avec attention le discours de M. Mouhanna; j'ai écouté avec attention le discours de M. Hiler. Je dois dire que je suis à 80% d'accord avec eux. En ce qui concerne Telecom 2006, il est clair qu'il ne s'agit ni d'un problème hôtelier ni d'un problème relatif aux taxis. Il ne s'agit là que de raisons anecdotiques. La véritable raison, c'est que la Chine est un marché émergent et que ce marché émergent attire bien évidemment vers lui les décideurs du monde entier - alors que nous nous trouvons, au milieu de l'Europe, dans un marché sursaturé du point de vue technologique. Il faut donc également vous attendre, Mesdames et Messieurs, à voir disparaître de Genève d'autres expositions qui iront, précisément, vers ces marchés émergents.
Je suis également entièrement d'accord sur le fait qu'il ne faut pas jouer à la grenouille qui veut devenir aussi grosse que le boeuf. La question est d'actualité. Si l'on veut un centre de congrès, il faut savoir pour qui et comment il sera financé. Sur ce sujet, je rejoins entièrement M. Hiler. Nous ne connaissons rien quant au retour sur investissement de ce financement, ni quant à son coût d'exploitation. Or, j'aimerais bien connaître le coût réel d'exploitation, de financement et de retour sur investissement avant de pouvoir me décider. C'est également ainsi qu'agira le groupe UDC: il ne prendra une décision qu'au moment où il sera certain que la construction rapide de ce centre de congrès fournira une réelle utilité et que l'on nous aura prouvé avec force probante et réaliste qu'il n'y aura aucune dépense additionnelle inutile dans ce canton !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est fermement attaché à la construction du centre de congrès. Je vous rappellerai, dans le cadre de l'histoire du développement de Palexpo, que, lors des débats au cours desquels nous avions décidé de construire la halle 6, plusieurs personnes avaient observé que le centre de congrès était plus intéressant et plus important que la halle. Si nous avions inversé l'ordre des constructions, c'était précisément afin de renforcer la qualité de notre offre pour Telecom 2003. Mais à ce moment-là déjà, on avait précisé que l'on ne construisait pas la halle 6 uniquement pour Telecom 2003 - ce qui aurait été parfaitement idiot. Les arguments de M. Hiler sont exacts: le tournus, la rapidité de montage et de démontage, la possibilité d'accueillir plusieurs expositions sont les arguments qui avaient été invoqués. Il est également exact que l'engagement de la Confédération dans la construction d'un centre de congrès - engagement qui avait, en son temps, pris la forme d'une lettre - est aujourd'hui très fortement remis en cause. Si le développement des activités de Palexpo ne répond à certains égards pas totalement à nos attentes, il est en revanche vrai, s'agissant des congrès, que huit demandes de congrès ont été refusées au cours de l'année 2002 à Genève. La possibilité de développer ces congrès existe donc bel et bien. Je pense en particulier aux congrès business to business -autrement dit, aux congrès entre spécialistes, et non aux congrès destinés au grand public. Sur ce dernier point, il est évidemment exact que le bassin de population genevois n'est pas tel qu'il justifie des manifestations d'une ampleur considérable. En revanche, lorsqu'il s'agit de congrès entre milieux intéressés, la qualité de l'offre joue un rôle décisif.
Vous avez déclaré, Monsieur Mouhanna, qu'il fallait se rapprocher des marchés et que c'est pour cela que Telecom 2006 se déroulerait à Hong Kong. Vous avez évidemment raison - avec la limite qu'un certain nombre d'affaires importantes ne se traitent pas forcément là où l'on vend les objets; avec la limite, également, que celui qui gagne 200 millions ne tient pas forcément pour autant à payer 5 000 F une chambre d'hôtel qui n'en vaut que 1 000 F. Il convient donc de pondérer quelque peu ce genre d'argumentation.
A partir de là, des textes qui nous sont soumis - et, en particulier, de la résolution - nous comprenons que vous voulez que le Conseil d'Etat aille de l'avant. Oui, le Conseil d'Etat veut aller de l'avant. Comme la résolution elle-même - que nous acceptons - le précise, il va cependant de soi que nous ne pouvons aller de l'avant qu'à la condition qu'un certain nombre de questions soient étudiées. Je pense, en particulier, aux questions posées par M. Hiler.
Ma position diverge en revanche de celle de M. Hiler concernant la motion du groupe socialiste. Je ne comprends pas pourquoi celui-ci la critique. Cette motion demande la mise à plat d'informations qui, pour certaines, n'ont pas encore été données - même s'il est vrai que d'autres transparaissent des dossiers qui se trouvent devant la commission des finances. Le Conseil d'Etat est donc prêt à accepter cette motion.
S'agissant des deux motions de l'Alliance de gauche, il tombe sous le sens que toutes les demandes d'informations qui y sont contenues sont parfaitement légitimes et qu'il devra être répondu à toutes ces questions. Il me semble néanmoins qu'il serait préférable qu'il y soit répondu en commission plutôt que par le biais d'un rapport du Conseil d'Etat, ne serait-ce que pour les raisons rappelées par Mme Ruegsegger: nous n'avons pas très envie de publier noir sur blanc des éléments de stratégie qui pourraient ensuite être utilisées par des villes concurrentes. Mais soyez rassurés, Mesdames et Messieurs les motionnaires de l'Alliance de gauche: il faudra forcément répondre aux questions que vous posez.
Que convient-il de faire dans l'immédiat ? Il convient de réfléchir à la question cruciale du mode de financement du centre de congrès. Un financement par le biais de l'enveloppe ordinaire des investissements, c'est exclu; un financement par le biais d'une enveloppe annexe qui ne serait que du camouflage, c'est exclu; quant à un financement par le biais d'une privatisation pure et simple, ce n'est politiquement pas raisonnable. Tout autre est la question de la distinction du firewallentre la propriété de l'infrastructure - qui doit rester en mains publiques - et sa gestion - qui, elle, peut parfaitement se retrouver en d'autres mains.
Vous avez là, dans les grandes lignes, la position unanime du Conseil d'Etat. Nous entendons aller de l'avant. Nous entendons, pour ce faire, poursuivre les travaux de restructuration juridique et financière en tenant compte des différentes remarques et critiques formulées en son temps en commission des finances. Nous entendons également fournir des explications aux questions parfaitement légitimes contenues dans tous les textes qui nous sont soumis. Sur cette base, j'apporterai une dernière appréciation personnelle: je suis très heureux de ce débat, qui démontre que vous estimez de manière très large qu'une fois convenablement pesé il vaut la peine pour Genève de prendre un risque. Un développement futur n'a en effet de sens que si l'on prend un certain risque - faute de quoi l'on se trouve dans une situation de repli.
Dernier élément: Madame Leuenberger, vous avez parlé de développement durable. Or, je vous rappelle que le centre de congrès possède cet extrême avantage qu'il sera situé sur une plate-forme déjà existante. Il ne gaspillera du terrain d'aucune manière puisque ce dernier est artificiel et, de surcroît, déjà existant.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous remercie de «tirer tous à la même corde», comme disait M. Kanaan, pour la construction d'un centre de congrès qui s'inscrit dans les pôles d'excellence de Genève ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant procéder au vote. Je vous propose de voter en premier lieu la motion 1559. Nous voterons ensuite la motion 1584, et non la motion 1582, puisque la première est complémentaire à la motion 1559. Nous voterons en troisième lieu la motion 1582 et, pour conclure, la résolution 486. Monsieur le député Grobet ?
M. Christian Grobet (AdG). Je propose que la motion 1559 et son complément, soit la motion 1584, soient renvoyées en commission. Les questions que nous avons posées au sujet du bilan financier de Palexpo pourront ainsi éventuellement être complétées par les questions d'autres députés.
Je suis quelque peu inquiet que le Conseil d'Etat ne veuille pas nous fournir un certain nombre de renseignements d'ordre financier. L'équilibre financier du Palais des expositions doit, à mon sens, être examiné de manière extrêmement précise.
Je réitère ma demande que la motion 1559 et son pendant, soit la motion 1584, soient renvoyées à la commission des finances - laquelle examine déjà le financement de la salle des congrès. Cela permettrait d'examiner de plus près les questions soulevées et, le cas échéant, de les compléter.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets aux voix votre proposition. Pour la bonne forme, nous procéderons à deux votes, puisqu'il s'agit de deux motions distinctes. Si les renvois en commission de ces deux motions de l'Alliance de gauche sont acceptés, nous passerons au texte suivant. En cas de refus, nous voterons sur l'acceptation de ces motions et sur leur renvoi au Conseil d'Etat. Nous votons en premier lieu sur le renvoi en commission des finances de la motion 1559. Nous procéderons par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1559 à la commission des finances est adopté par 45 oui contre 31 non et 1 abstention.
Le président. Nous votons maintenant sur le renvoi en commission des finances de la motion 1584. Nous procéderons également par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1584 à la commission des finances est adopté par 39 oui contre 38 non.
Le président. Nous passons maintenant... M. Grobet a demandé la parole ?
M. Christian Grobet. C'est une erreur !
Le président. Il revient dans la salle pour me dire qu'il s'agit d'une erreur ! (Ton amusé.)Nous votons maintenant sur le renvoi au Conseil d'Etat de la motion 1582. Nous procédons toujours par vote électronique.
Mise aux voix, la motion 1582 est adoptée par 67 oui et 11 abstentions.
Le président. Nous votons, en dernier lieu, sur le renvoi de la résolution 486 au Conseil d'Etat. Nous procédons, une fois encore, par vote électronique.
Mise aux voix, la résolution 486 est adoptée par 62 oui contre 12 non et 5 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. J'ai tout d'abord une petite rectification à faire. Il y a une faute de frappe à la page 4 de mon rapport. A la troisième ligne de cette page, il faut lire «118 millions» et non pas «188 millions».
La difficulté de ce rapport complémentaire réside dans la diversité des points de vue. Cela avait déjà été relevé dans le premier rapport qui portait sur les effets sur la législation cantonale et sur les finances cantonales de ce paquet fiscal fédéral. A l'époque, cette mission avait été remplie, mais certains avaient prétendu que l'intégration des effets au niveau fédéral aurait une incidence favorable pour tous contribuables genevois.
Effectivement, si l'on ne regarde que la diminution au niveau des impôts fédéraux, la plupart des contribuables seraient gagnants, sauf les personnes très endettées. Mais en fait, ce qui est problématique, ce sont les effets de l'harmonisation fédérale qui impose aux cantons une manière de récolter l'argent et qui fixe des barèmes - ce qui est contraire à la Constitution - et qui a une incidence sur le contribuable genevois.
Eh bien, non ! Contrairement à ce qui a été prétendu lors de notre précédent débat, la prise en compte des effets du paquet fiscal sur l'impôt fédéral n'inverse pas la proportion des gagnants. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Le résultat, c'est que pour 15% des personnes, cela ne change rien, mais, pour la plupart, ce sont celles qui ne paient pas d'impôts... D'une manière ou d'une autre, ils n'en paieront pas.
Ce que l'on constate par contre, c'est que pour 47% des contribuables, effectivement, vu globalement, l'introduction du paquet fiscal entraînerait une baisse d'impôts. Pour 37% d'entre eux, ce paquet fiscal signifie une augmentation des impôts. Même parmi les personnes soi-disant favorisées par ces mesures, comme les familles, ce sont tout de même 28% des contribuables qui verraient leur situation péjorée.
Ce qui a changé par rapport aux premiers calculs, c'est l'incidence des diminutions pour les familles. En réalité, pour les familles dont le revenu se trouve au-dessous de 150 000 F, le paquet fiscal entraînera, la plupart temps, une augmentation d'impôts. Cela est dû à l'incidence des déductions, qui ne pourront pas être modifiées dans le cadre d'une future révision de l'impôt cantonal. Il y a en effet des domaines où, si le paquet fiscal est accepté, les déductions seront fixées de manière très claire. Par exemple, on ne pourra plus déduire l'entier des primes d'assurance-maladie. On ne pourra plus déduire les primes d'assurance-vie. On ne pourra plus déduire les intérêts des dettes. On ne pourra plus déduire le travail du conjoint. Ces points se chiffrent à 33 millions pour le premier, 33 millions pour le second et 19 millions d'augmentation d'impôt. Si l'on regarde globalement les choses, ce paquet fiscal produit une augmentation d'impôts pour les familles et notamment pour les familles à bas ou moyen revenu. Pour la tranche des contribuables constituée par les familles dont le revenu est en dessous de 150 000 F, il y a une augmentation de 13 millions. Parallèlement, les contribuables qui gagnent plus de 150 000 F de revenu brut auront une baisse d'impôts de 115%. C'est véritablement une injustice dans la mesure où l'on aggrave les disparités entre les hauts et les bas revenus. Je crois que c'est un choix de société qu'il faut souligner. Le fossé entre les bas et moyens revenus d'une part et les hauts revenus d'autre part sera aggravé par ce paquet.
Par ailleurs, l'autre élément extrêmement grave, c'est l'ingérence des députés fédéraux dans les finances cantonales. Cela n'a pas été assez souligné. Ils ont outrepassé leur mandat. J'ai indiqué dans mon rapport les dispositions constitutionnelles à ce sujet. C'est pour cette raison que les cantons se sont ligués contre ce paquet fiscal; ils n'ont plus ou peu de marge de manoeuvre. Plus on ira en avant, moins ils auront de marge de manoeuvre. C'est tout de même aux cantons de décider comment ils répartissent les richesses sur leur propre territoire. Les cantons doivent tout de même pouvoir choisir quelles sont les incidences qui sont acceptables et quels sont les investissements qu'ils veulent faire. Si les cantons n'ont plus cette marge de manoeuvre, eh bien, nous sommes pieds et poings liés à des décisions fédérales, et je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Pierre Guérini (S). Le groupe socialiste tient tout d'abord à remercier la rapporteuse pour la qualité de son ou plutôt de ses rapports puisque, comme il est justement rappelé dans le RD 495-B, le RD 495-A avait été renvoyé en commission par cette assemblée. Je tiens à remercier également les fonctionnaires qui ont oeuvré pour fournir les informations indispensables aux travaux de la commission. La qualité de plusieurs documents a été remise en cause au prétexte que les chiffres qu'ils contenaient ne correspondaient pas aux attentes de certains commissaires.
Si, au début des travaux de la commission, on a pu avoir l'impression que le paquet fiscal pouvait présenter un certain intérêt; très rapidement, l'évidence de l'arnaque qu'il contenait est apparue, justifiant tout à fait pour le Conseil d'Etat la possibilité de s'associer au référendum cantonal en recommandant d'accepter le projet de résolution R 478.
En quoi le paquet fiscal est-il une arnaque ? Le parti socialiste a trouvé quatre raisons, mais il y en a certainement d'autres, cachées.
La première raison, c'est que ce paquet entraîne encore plus d'injustice. Plus de la moitié des ménages ne profiteront pas des baisses d'impôts ou gagneront moins de 60 F par année. Les classes moyennes, qui ont vraiment besoin d'un allégement, ne bénéficieront que d'une décharge inférieure à la moyenne. Ainsi, les ménages dont le revenu brut annuel oscille entre 70 000 et 120 000 représentent 29% des contribuables, mais ne se voient octroyer que 14% des baisses d'impôt. 5% des contribuables bénéficient en revanche de 61% des diminutions. Seuls les couples riches et les propriétaires de villas sont vraiment avantagés.
La deuxième raison, c'est la hausse des taxes, des impôts cantonaux et communaux. Les collectivités publiques cantonales et communales ne peuvent assumer les pertes de recettes fiscales qui leur sont dictées par la Confédération. Il faut aussi remarquer que vingt gouvernements cantonaux se sont déclarés opposés à ce paquet fiscal.
La troisième raison, c'est la politique des caisses vides. Tout le monde passe à la caisse pour financer les rabais accordés à la minorité des plus riches : augmentation du nombre d'élèves par classe, diminution des bourses d'études, fermetures d'écoles, fermetures de lignes régionales de chemin de fer et de bus, diminution des rentes AVS, augmentation des cotisations d'assurance-maladie - les cantons ayant moins d'argent pour en réduire les coûts - réduction des moyens destinés à une véritable politique familiale, augmentation de la dette des cantons et des communes.
La quatrième raison, ce sont les avantages concédés aux propriétaires de villas. L'Etat ne saurait subventionner les rénovations de villas en accordant aux propriétaires des rabais fiscaux pouvant atteindre 40% des coûts. Les locataires - largement majoritaires dans notre canton - ne retireront absolument rien de la réforme de l'imposition de la propriété du logement, mais ce sont eux qui la paieront. Genève compte environ 16% de propriétaires donc 84% de locataires. Environ 10% des objets immobiliers sont des villas et 81% de ces 10% sont habités par leurs propriétaires. En d'autres termes, ce sont environ 28 000 ménages sur 178 000 qui pourront bénéficier des déductions fiscales. Où est l'équité ?
Ce paquet fiscal a par ailleurs deux effets pervers et cumulatifs. Premièrement, le transfert de charge de la Confédération aux cantons et deuxièmement, la perte du revenu fiscal cantonal et communal à hauteur de 150 millions par an.
Pour conclure, il ne faut pas oublier que la suppression de l'impôt sur les successions - qui entrera en vigueur au mois de juin - entraîne une perte fiscale d'environ 60 millions par ans. Les taxes sur les transactions immobilières entraîneront une autre perte d'environ 40 millions par an. Ainsi, au total, nous arrivons à une diminution de recette de plus de 200 millions qui s'ajoutera à la perte générée par le paquet fiscal. Dans ces conditions, c'est la fonction redistributive de l'Etat qui est en grand péril, de même que la fonction publique dont le seul but est d'être au service de la population.
Les socialistes vous demandent donc de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
M. Bernard Lescaze (R). Il est fort intéressant de voir revenir après examen plus approfondi de la commission ce rapport de Mme Künzler. Je n'ai pas pu, pour des motifs de procédure, m'exprimer lors du débat sur le premier rapport il y a quelques semaines, ce dernier ayant tout de suite été renvoyé en commission, ce dont je me félicite au vu du résultat d'aujourd'hui. Pour ma part, je ne trouve pas le rapport meilleur qu'avant.
Permettez-moi en préambule de constater que le Conseil d'Etat qui, dans la presse, se manifeste unanimement contre le paquet fiscal, n'a trouvé bon d'être représenté pour ce débat que par un seul conseiller d'Etat, son président. Je ne sais pas, Monsieur, si vous avez sept petits chapeaux à la fois, mais je constate que l'accord que vos collègues affichent ne va pas jusqu'à supporter dans cette salle la contradiction. Cela, c'est bien intéressant.
Mon argumentation portera sur deux volets. Tout d'abord le volet technique : l'objectif du second rapport était d'obtenir une évaluation des conséquences globales du paquet fiscal pour le contribuable, et notamment le contribuable genevois. Les conséquences globales, ce sont bien entendu celles qui nous importent, puisque la poche du contribuable est la même qu'il doive donner de l'argent au canton, à la Confédération ou à une commune. C'est donc bien seule cette estimation globale qui compte. Or, qu'est-ce que nous constatons ? C'est que, contrairement aux assertions du Conseil d'Etat, contrairement aux assertions presque mensongères qui nous ont été faites, le nombre des gagnants grâce au paquet fiscal est beaucoup plus grand qu'auparavant. D'ailleurs, nous le savons bien : à partir du moment où il y a davantage d'argent pour le contribuable, nous ne voyons pas comment les gens paieraient plus d'impôts. Il y a là toute une argumentation qui est un véritable sophisme de la part des autorités.
En réalité, la majorité des contribuables genevois verra son enveloppe fiscale globale - canton et Confédération - diminuer. Je le dis rien que sur le plan technique : non seulement ont intérêt à voter en faveur du paquet fiscal ceux qui verront leurs impôts diminuer, mais également ceux qui à l'heure actuelle déjà ne paient pas d'impôt fédéral direct par exemple. En réalité, cela fait beaucoup plus de personnes qu'on ne le croit. J'en profite ici pour m'étonner publiquement d'une affirmation extraordinaire qui a été faite par Mme Brunschwig Graf il y a deux ou trois semaines et qui n'a pas été relevée. Elle jugeait inacceptable que les petits propriétaires «économisent» parce qu'on supprimait cet impôt inique sur la valeur locative. J'ai relu le Mémorial, cela représentait 120 millions ! Mme Brunschwig Graf, elle, disait que ce paquet n'était pas favorable aux propriétaires lourdement endettés. Je pose la question : qui sont les propriétaires lourdement endettés ? Ce sont souvent un certain nombre de spéculateurs. Evidemment, ceux-là, eh bien c'est normal qu'ils ne bénéficient pas du paquet fiscal.
Je ne comprends pas comment un Conseil d'Etat, à majorité d'Entente, un Conseil d'Etat qui a pris des engagements, notamment pour favoriser l'accès à la propriété peut tenir des propos pareils.
Je constate donc que, selon les termes même de Mme Künzler, 47% des gens qui paient l'impôt fédéral direct et l'impôt cantonal verront leurs impôts baisser; 15% verront leur taxation maintenue. Cela fait donc près de 2/3 des contribuables qui trouveront un avantage à ce paquet fiscal.
Enfin, on nous dit, sur tous les bancs, qu'à Genève les effets du paquet fiscal seront quelque peu atténués quant à certaines déductions. Mais c'est parce que nos lois fiscales sont déjà extrêmement favorables. Sinon les gens sentiraient encore davantage l'effet du paquet fiscal. Je me souviens qu'au moment de la modification des fameuses LIPP tout d'un coup Mme la conseillère d'Etat Calmy-Rey s'était inquiétée d'un effet désastreux pour les familles. On nous a donc fait voter à toute allure une modification de cette loi. Seule Mme Grobet-Wellner, députée socialiste, avait dit tout de suite, je m'en souviens très bien, qu'en réalité il n'y avait pas d'erreur, que la loi était bien formulée et que si les gens connaissaient une augmentation d'impôt, c'est que leur revenu augmentait. Je regrette que l'on n'ait pas suivi Mme Grobet-Wellner et qu'on ait écouté Mme Calmy-Rey.
J'ajoute un dernier élément sur le volet technique : lorsqu'on veut ne pas donner une position claire, lorsque l'on s'appuie sur de mauvais arguments et qu'on est ensuite contraint sur le plan technique et scientifique de revenir dessus, eh bien, évidemment, on aboutit à un rideau de fumée. De ce point de vue là, sur les effets réels du paquet fiscal tels qu'on pourrait les calculer, je vous renvoie à la lettre de Mme Brunschwig Graf du 16 mars 2004 à la commission fiscale. Il y a six citations qui vous montrent qu'en réalité le département et ses experts sont dans le bleu, dans le vague le plus complet. Au premier paragraphe on lit à propos d'informations : «D'autres en revanche ne peuvent pas recevoir de réponses, car il est techniquement et déontologiquement impossible de les donner.» On lit plus loin : «En ce qui concerne les déductions pour ménages, il n'est pas possible d'intégrer les effets de cette déduction dans les projections.» On lit encore, s'agissant des familles monoparentales, qu'on ne peut pas calculer vraiment les effets sur ces contribuables. En ce qui concerne le nombre de contribuables, on lit: «Ce n'est pas possible, car l'administration ne possède pas les informations indispensables à ce calcul.» En ce qui concerne l'épargne logement, le revenu et le taux d'endettement de certains propriétaires, la lettre indique que «s'il peut être déterminé sur un cas type, il est impossible de le faire par catégories de revenus.» Enfin, à l'avant-dernier paragraphe, la conclusion, le coup de marteau final : «aller plus loin dans les estimations conduirait à produire des calculs pour le moins contestables.» Voilà ce à quoi le Conseil d'Etat aurait dû se tenir.
La présidente. Monsieur Lescaze, vous êtes bientôt à la fin de votre temps de parole.
M. Bernard Lescaze. Madame la présidente, je pense qu'il est important que nous puissions donner nos arguments...
La présidente. C'est une question d'équité, Monsieur le député.
M. Bernard Lescaze. Comme le disait un député... (Brouhaha.)Comme le disait un député radical de France voisine, Pierre Mendès-France : «gouverner, c'est choisir». On se demande si réellement on gouverne à Genève, car à l'évidence on ne choisit pas.
Le gouvernement actuel a été élu sur un programme que l'on retrouve dans le discours de Saint-Pierre. Ce programme était en faveur de l'égalité des couples mariés. Si nous refusons le paquet fiscal, le splitting disparaîtra et cette égalité ne reviendra pas avant longtemps. L'encouragement à la propriété est aussi un des objectifs de ce paquet fiscal. (Brouhaha.)
En conséquence, et même si les députés de gauche, toujours prêts à la dépense avec l'argent des autres, ne veulent pas l'entendre, les électrices et les électeurs doivent voter oui à ce paquet fiscal; c'est la seule bonne solution, pour leur porte-monnaie et pour l'Etat. (Applaudissements. Vif brouhaha.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Jacques François (AdG). Ce ne sont ni les batailles de chiffres, ni la valse des hypothèses et des contre-hypothèses, ni les calculs savants qui modifieront de manière fondamentale ce qu'il faut penser du paquet fiscal. Le complément de rapport qui a été demandé à Mme Künzler ne change rien à l'affaire profondément.
Le paquet fiscal n'est, en effet, qu'une étape parmi bien d'autres de la marche compulsive de la droite vers moins d'impôt, vers la diminution des ressources de l'Etat fédéral et cantonal, et vers les diminutions des prestations de l'Etat. Inutile de ratiociner une fois de plus que ce sont les contribuables aisés qui profiteront largement des diminutions d'impôt. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, même lorsque les familles sont appelées au secours pour donner un petit air social au projet, ce sont les familles aisées qui ramassent la donne et les familles qui le sont moins écopent d'impôts supplémentaires.
On le sait, Mesdames et Messieurs, la diminution des impôts constitue un des piliers de la stratégie politique de la droite qui repose sur deux mensonges. Premier mensonge : faire croire que les diminutions profitent à tout le monde. En ce qui concerne le paquet fiscal, le mensonge est encore plus difficile à faire passer, puisqu'on sait que le tiers des familles verra ses impôts augmenter. La droite pourra demander tous les calculs complémentaires qu'elle voudra et les économètres du département de Mme Brunschwig Graf pourront continuer à torturer leurs ordinateurs, les simulations donnent toujours les mêmes résultats. On pourra même demander à Mme Künzler un troisième rapport, les résultats seront identiques.
Alors, les libéraux et les radicaux sont à la recherche d'arguments devant cette résistance de l'arithmétique. Ils essaient de tordre le cou aux faits avérés. On a vu M. Muller essayer de nous faire comprendre que les familles comptaient au moins deux personnes et que, par conséquent, les individus qui devaient être satisfaits du paquet fiscal étaient au moins le double de ce que l'on imaginait. Encore quelques instants et M. Muller comptera les chats, les chiens et les poissons rouges...
Je ne devrais d'ailleurs pas parler de gens satisfaits du paquet fiscal, je devrais parler, pour utiliser le langage des tenants du moins d'impôt, des bénéficiaires. Vous savez très bien, Mesdames et Messieurs, que ce mot «bénéficiaires» est le pilier du premier mensonge du moins d'impôt.
Dans cette saga du paquet fiscal, tout le monde le sait, effectivement, un tiers des familles verra ses impôts augmenter. Comme par hasard, les impôts diminueront pour les familles qui ont un revenu supérieur à 140 000 ou 150 000 F.
Une voix. Menteur !
Une autre voix. C'est parfaitement vrai !
M. Jacques François. Mesdames et Messieurs, cela relève évidemment d'un simplisme absolu que de calculer le nombre des prétendus bénéficiaires en mettant dans le même sac des familles qui, avec un revenu de 50 000 F, verront leurs impôts annuels diminuer de quelques francs et d'autres familles qui, avec un revenu de 500 000 F, verront leurs impôts diminuer de plusieurs dizaines de milliers de francs. Pour le parti libéral, un bénéficiaire est un bénéficiaire, point à la ligne.
Le second mensonge de la politique du moins d'impôts consiste à oser parler de baisses d'impôts sans parler de la diminution des services et des prestations de l'Etat qui en découlera. En effet, les milliards qui manqueront à la Confédération et les centaines de millions qui manqueront aux cantons vont donner l'occasion et l'alibi pour la destruction des prestations sociales, de santé et de formation.
Croire, Mesdames et Messieurs, à la relance économique par ce type d'action, c'est simplement n'avoir pas dépassé la page 5 du Manuel d'économie de première année. C'est vrai que quand on lit M. Weiss ou qu'on écoute M. Muller, le diagnostic est confirmé...
Seule lueur d'espoir : ce qui s'est passé il y a trois semaines à Neuchâtel où les citoyens ont enfin fait le lien entre baisses d'impôts et baisse des prestations sociales. Les citoyens ont fait enfin le lien entre baisses des impôts et cadeaux faits aux plus riches.
Mesdames et Messieurs, la commission fiscale regorge de ces armes de destructions massives que sont les baisses d'impôts. Nous n'aurons de cesse de batailler pour les désamorcer. J'espère simplement que le résultat positif du référendum mettra un terme à cette politique irresponsable.
M. Mark Muller (L). M. François vient de nous décrire ce paquet fiscal comme s'il contenait des armes de destruction massive. Vous verrez, Monsieur François, que, comme en Irak, on ne les trouvera pas !
C'est la deuxième fois que nous parlons du paquet fiscal dans cette enceinte et je crois que l'on doit s'en féliciter puisque, enfin, nous avons des chiffres qui correspondent à la réalité. C'est pour cette raison que le groupe libéral prendra acte de ce rapport et ne demandera pas un nouveau renvoi en commission.
On nous dit, de façon très globale, que 97 000 contribuables verront leurs impôts diminuer et que 77 000 - donc nettement moins - verront leurs impôts augmenter. Nous acceptons ces chiffres, même s'ils sont faux. (Approbation bruyante de M. Froidevaux.)Ils sont totalement faux, Mesdames et Messieurs, ces chiffres ! Ils ne reflètent pas la réalité. Malheureusement, suite aux déclarations de Mme Brunschwig Graf, nous admettons qu'en l'état il n'est pas possible de nous fournir des chiffres plus précis. C'est pour cette raison que nous ne nous acharnerons pas. (Rires.)
Pourquoi ces chiffres sont-ils faux ? Madame le rapporteur l'admet dans son rapport lorsqu'elle considère par exemple que les estimations des frais de garde sont nettement surévaluées. Ces chiffres sont faux, tout d'abord parce qu'ils sont basés sur les barèmes fiscaux genevois actuels. Or, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, si le paquet fiscal passe, nous devrons modifier complètement tous les barèmes fiscaux. Par conséquent, les chiffres que l'on nous a fourni correspondent à une réalité qui n'aura plus cours si le paquet fiscal est accepté.
Ensuite, plusieurs déductions n'ont pas été prises en compte dans les estimations du département. Deux déductions nouvelles tout d'abord - et la cheffe du département des finances le reconnaît dans le courrier qu'elle nous a adressé - la déduction pour ménages et la déduction pour familles monoparentales.
On nous dit qu'il faudra faire un arbitrage sur l'impact de ces déductions, mais ce sont tout de même des déductions, donc elles viendront augmenter le bénéfice de l'adoption du paquet fiscal pour les citoyens genevois.
Deux autres déductions existent déjà aujourd'hui et sont comprises dans le rabais d'impôt, mais nous devrons les redéfinir et il nous appartiendra de les redéfinir ensemble dans l'intérêt de nos concitoyens.
Effectivement, Monsieur François, je persiste et je signe : un contribuable, lorsqu'il s'agit d'un couple, comprend deux personnes. Nous pouvons être d'accord sur ce point, je pense... Un couple avec enfant comprend au moins trois personnes, voire quatre, voire cinq... Or, ce sont les familles qui gagnent avec ce paquet fiscal. Par conséquent, le rapport entre gagnants et perdants en terme de contribuables est trompeur et l'écart entre gagnants et perdants est nettement plus favorable aux Genevois que l'on veut bien nous le dire.
J'aimerais cependant quitter cette bataille de chiffres parce, comme je l'ai dit, ces derniers ne veulent pas dire grand-chose et amènent certains à dire absolument n'importe quoi. Monsieur Guérini, quand vous venez nous dire que tous les propriétaires du canton seront gagnants, laissez-moi rire. Certes la valeur locative est supprimée, mais la déduction des intérêts hypothécaires l'est également. Vous pouvez voir dans le rapport que l'exercice est parfaitement neutre, il n'y a qu'un million de différence, je ne sais même plus dans quel sens. Toujours est-il que, parmi les propriétaires, il y a des gagnants et des perdants en sorte que l'exercice est neutre. Alors ne venez pas nous dire, Monsieur, que tous les propriétaires seront gagnants; c'est ridicule.
Sur le fond, que proposent les Chambres fédérales, Mesdames et Messieurs ? Quel est l'objectif de ce paquet fiscal ? C'est cela qu'il faut garder à l'esprit au-delà des batailles de chiffres de bas étage. On nous propose en fait de rétablir l'égalité fiscale entre les couples mariés et les concubins. On nous propose que le mariage ne soit plus sanctionné fiscalement. Il me semble que nous devrions tous - et surtout le PDC - soutenir cette politique familiale.
J'aimerais donner ici un seul exemple chiffré pour contredire ce que prétend la gauche, à savoir que seuls les riches gagneraient et que les familles moins riches ou moins aisées perdraient. Si vous prenez, Mesdames et Messieurs, le tableau qui concerne les couples avec enfants et que vous regardez la ligne des contribuables qui gagnent entre 60 et 70 000 F - c'est-à-dire des couples qui sont dans la moyenne des revenus du canton - vous constatez qu'il y a beaucoup plus de familles dont les impôts baissent que de contribuables pour lesquels les impôts augmentent. (Brouhaha.)Cette baisse s'effectue même dans une mesure très importante. Alors ne venez pas, Mesdames et Messieurs, nous dire que seuls les riches gagnent; c'est absolument faux.
L'autre objectif fondamental du paquet fiscal, c'est l'encouragement de l'accession à la propriété. Je vous rappelle que le 18 février dernier, environ 60% de la population genevoise ont estimé qu'il fallait encourager l'accession à la propriété. Pourquoi voulez-vous refuser ces mesures ? Je ne sais pas, ou plutôt oui, je le sais très bien. C'est parce que vous êtes tout simplement contre les baisses d'impôts par principe, par dogme; et quelles que soient les raisons pour lesquelles on veut baisser les impôts, vous trouvez, Mesdames et Messieurs, toutes sortes de moyens pour vous y opposer en invoquant le fédéralisme ou en invoquant Dieu sait quel principe éculé. Ce qui compte, c'est que nous voulons aider les familles et encourager l'accession à la propriété.
Enfin, le dernier volet de ce paquet fiscal vise à favoriser et à dynamiser la place financière suisse. Nous devrions être sensibles à cela à Genève. Vous savez, Mesdames et Messieurs, que la place financière genevoise est un élément très important de notre économie et je ne pense pas que l'on doive la négliger.
Combien vont nous coûter ces objectifs, en réalité ? Si vous regardez ce que cela coûte en termes de rentrées fiscales pour Genève, le paquet fiscal représente 1% de nos recettes. Nous allons renoncer à 1% de nos recettes fiscales pour atteindre ces trois objectifs politiques d'importance qui devraient rassembler. Et vous, Mesdames et Messieurs, vous refusez cela au nom de votre dogme habituel du plus d'impôts et du plus d'Etat.
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits, MM. Claude Marcet et Patrick Schmied, Mme Michèle Künzler, rapporteure, à qui je passerai la parole à la fin comme c'est l'usage, MM. David Hiler, Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Jean Spielmann, Pierre Froidevaux, Souhail Mouhanna, Pierre Weiss, Pierre Guérini, Jean Rémy Roulet et Roger Deneys.
M. Claude Marcet (UDC). Je vais essayer d'être plus court que certains intervenants.
Il est clair que les cantons sont contre ce paquet fiscal, parce que, comme cela a été dit justement par Mme Künzler, ces modifications leur enlèvent un certain nombre de prérogatives. Est-ce que le fait d'enlever des prérogatives à des cantons va dans un sens contraire aux intérêts des habitants de ce canton ? Je ne le pense pas.
Ensuite, je crois que j'ai lu le premier article intéressant sur ce sujet il y a deux ou trois jours dans la «Tribune de Genève». L'édito disait que toutes les parties quelles qu'elles soient tiraient dans leur sens, en fonction de leurs intérêts, et que manifestement personne n'était capable de dire exactement ce que demain sera.
J'aimerais s'il vous plaît que les députés du PDC arrêtent de parler sans arrêt, ils pourront s'exprimer après.
Je voudrais dire merci à M. Muller, parce que, si nous nous étions basés sur les premiers éléments transmis par le Conseil d'Etat, nous aurions pu croire que deux tiers à trois quarts des habitants de ce canton seraient perdants. Manifestement, cela n'était pas vrai parce que le Conseil d'Etat a simplement oublié de prendre en compte le principe de l'IFD qui, cette fois, était très favorable aux intérêts de l'ensemble des habitants de ce canton. Force est donc de constater, maintenant, que nous n'avons plus une majorité de perdants, mais une majorité de gagnants.
J'en viens maintenant au problème récurrent de la gauche avec les propriétaires de villas. J'aimerais simplement rappeler que la majorité des propriétaires de villas ont travaillé pour amasser les 20 ou 30% de fonds propres qui leur ont permis d'acheter la maison. Ils ont été taxés là-dessus. Ils sont également taxés sur le capital. On leur prend l'impôt immobilier complémentaire et on les taxe encore sur une valeur locative totalement inique. Je vais tout à fait dans le sens de M. Muller et du parti radical, pour dire que, manifestement, la majorité des propriétaires de villas seront simplement taxés avec un peu plus d'équité et non pas d'iniquité comme le parti socialiste l'a dit.
En ce qui concerne le splitting et la famille, j'indiquerai simplement que les mesures proposées sont fortement favorables aux familles et aux couples mariés de ce canton. Cela devrait aussi aller dans le sens des intérêts que certains défendent ici.
En ce qui concerne le droit de timbre, je voudrais souligner qu'il y a un certain temps déjà qu'il est appliqué. J'aimerais rappeler également que c'est une problématique internationale. Il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, lorsque nous avons refusé d'aller dans le sens de la conception européenne de ce droit de timbre, un certain nombre de fonds sont partis au Luxembourg et d'autres en Angleterre. Si vous voulez continuer, allons-y !
Moi j'adore les chiffres; certains peut-être aussi. Simplement, lorsque j'entends des gens qui confondent valeur relative et valeur absolue, je dois répondre qu'en valeur relative il est certes exact que nous avons les mêmes réductions; en valeur absolue, il est également exact qu'un certain nombre de contribuables gagneront plus. Cela est vrai. Il faut pourtant savoir que ceux qui gagneront plus en réduction d'impôts sont aussi ceux qui payent plus en fonction des taux que d'aucuns n'ont pas.
Finalement, j'indiquerai - pour aller dans le sens de ce que dit Mme Künzler - qu'il est exact qu'un nombre considérable d'habitants de ce canton ne bénéficieront pas de diminutions d'impôts. Affirmer cela, c'est oublier un peu rapidement que nous sommes le canton de ce pays qui a le plus grand nombre de contribuables qui ne paient pas d'impôt. Ne pas payer d'impôts et avoir moins d'impôts à ne pas payer sur les impôts qu'on ne paye pas, c'est toujours zéro !
Sous forme de boutade à l'attention de Mme Künzler, j'aimerais examiner à fond votre système de calculation parce que, pour moi, une réduction de 115%, c'est toujours zéro. (L'orateur est interpellé.)Ah si ! Cela équivaut à un remboursement d'impôt, mais j'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'on vous rembourse si vous n'en payez pas. Vous m'expliquerez le calcul.
M. Patrick Schmied (PDC). Je vais essayer d'être un peu plus bref que mon péremptoire préopinant. Pour le PDC genevois, c'était de toute façon une fausse bonne idée d'avoir regroupé ces trois objets complètement séparés. L'expérience du marchandage autour de l'initiative Avanti aurait dû servir de leçon.
Il est évident que le PDC est favorable à la suppression de l'inégalité de traitement qui frappe les couples mariés. Pourtant, à Genève, le volet famille du paquet fiscal risque d'entraîner une augmentation de la fiscalité pour une partie des familles contribuables de la classe moyenne. C'est la raison pour laquelle nous n'entrons pas en discussion sur des moyennes, parce que - pour reprendre la leçon arithmétique que nous venons de recevoir - une moyenne c'est joli, mais ce qui est intéressant, c'est de savoir si les familles de la classe moyenne sont prétéritées ou non et c'est la raison pour laquelle nous sommes contre cette nouvelle imposition.
Une autre question importante est le décalage entre la Confédération et les cantons. Il est pour nous assez cohérent, au moment où nous demandons au canton de faire des économies et où nous prétendons diminuer les dépenses de l'Etat, de ne pas laisser passer un changement de fiscalité qui contribuerait à reporter les charges de la Confédération sur le canton.
Enfin, en ce qui concerne le volet immobilier, on a de nouveau parlé des familles. On nous dit que les nouvelles dispositions favoriseraient les gens qui sont très endettés. Bien sûr, il y a quelques grosses sociétés qui sont très endettées, mais il y a aussi de jeunes familles qui essayent d'acquérir un logement. Pour nous, cela a été un élément déterminant.
Voilà pourquoi le PDC genevois a décidé de s'opposer à ce paquet fiscal.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur deux points qui sont essentiels dans la discussion : le volet relatif à l'imposition de la propriété de son propre logement et le splitting.
En ce qui concerne la propriété du logement. Il y a, grosso modo, dans tous les pays du monde, deux systèmes possibles. L'un part du principe qu'en quelque sorte on se loue son propre logement et qu'en conséquence on peut déduire les intérêts hypothécaires, mais il y a alors une valeur locative. L'autre système considère la propriété du logement comme celle d'un autre bien et alors la logique veut qu'il n'y ait pas de déduction d'entretien et pas de déduction des dettes hypothécaires.
Le problème du système qui a été choisi, c'est que c'est l'un, plus un morceau de l'autre. C'est-à-dire qu'on a décidé de revenir - ce à quoi je suis favorable - à l'abolition de la valeur locative et à l'impossibilité de déduire les dettes. Mais on a réussi à ajouter à cela la possibilité de déduire les frais d'entretien. Et pas n'importe comment, pardon ! Ces frais d'entretien ne seront pas plafonnés ! Ce serait dommage pour ceux qui ont des objets immobiliers d'un certain poids. On a mis en revanche un plancher; de cette façon, on est sûr que ceux qui ont un trois ou un quatre-pièces ne pourront rien déduire du tout. C'est la réalité de ce qui a été choisi. En revanche, quelle que soit l'ampleur des travaux effectués, ils pourront être déduits. Ce qui - je vous prie de m'excuser - est forcément favorable à ceux qui ont du cash, parce que ce sont eux qui pourront faire ce type de travaux.
Si l'on examine ces nouvelles dispositions seulement à partir de leurs effets sur les propriétaires entre eux, on se rend compte qu'elles sont fondamentalement injustes. En plus, elles coûtent un milliard aux cantons suisses. Un milliard pour avoir un système qui n'est pas équitable entre locataires et propriétaires et qui ne favorise même pas l'accès à la propriété, puisque celui-ci passe par un certain taux d'endettement pendant un temps, c'est absurde. Le fait d'avoir lié cette réforme à d'autres aspects qui pouvaient être intéressants, notamment les déductions familiales, nous oblige et oblige le peuple genevois à rejeter ce paquet afin de pouvoir voter sur les différents points, les uns après les autres.
En ce qui concerne le splitting, et au contraire de ce que dit M. Muller, il n'est pas équitable de prendre simplement l'enveloppe de la famille et de la diviser, en l'occurrence par 1,9 ou par 2. Pourquoi ? Parce que l'impôt est progressif, de sorte qu'un couple qui a un revenu de 200 000 F sur une seule personne payera comme s'il avait deux revenus de 100 000 F. Cela veut dire que, pour cette catégorie, la progressivité de l'impôt est supprimée. Il n'y a aucune raison de faire cela. Ce n'est simplement pas juste. Il n'y a aucune raison de pénaliser les familles comme c'est le cas actuellement - ce n'est pas admissible - mais il n'y a pas de raison non plus de les avantager. Si on doit les aider, c'est sur un seul point, celui des charges de familles, des enfants. C'est là le drame du ce paquet fiscal, c'est qu'il faut le rejeter afin de revenir à ce que tout le monde souhaite, c'est-à-dire des déductions ciblées en faveur des enfants. Il ne faut pas se laisser enfiler un volet propriété qui est une pure absurdité, une pure absurdité, Mesdames et Messieurs, au motif qu'il y a une ou deux bonnes choses dans le paquet. Il ne s'agit donc pas de notre part, et cela doit être clair, d'une aversion pour la propriété, il s'agit simplement de dire que la solution retenue en ce qui concerne le volet propriété pouvait difficilement être plus injuste, en tous cas socialement.
Vraiment, perdre autant d'argent pour des avantages qui sont si faibles du point de vue de la croissance économique, cela n'a aucun sens. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Jean Spielmann (AdG). Beaucoup de choses ont été dites, je me contenterai donc d'évoquer quelques points particuliers à Genève par rapport à ce paquet fiscal.
Si, lors de sa présentation aux Chambres fédérales, le projet semblait équilibré, il a été successivement modifié par les groupes des Chambres fédérales jusqu'à le rendre totalement inacceptable. Pourquoi ? Il y a tout de même un transfert de charges et une réduction des impôts sur l'ensemble des cantons. C'est un point très important.
Certains distribuent des tracts à la population qui sont bien sûr tous anonymes. La population serait bien inspirée d'examiner comment ces tracts sont faits, qui les signe et qui prend la responsabilité de ce qui s'y trouve. Ces tracts sont une addition de mensonges et de contre-vérités ou d'explications qui ne tiennent pas debout. Un exemple tout simple : M. Muller disait tout à l'heure que la proportion de ceux qui verraient leurs impôts baisser serait incroyable tandis que ceux qui subiraient des désagréments seraient une petite minorité. Ce qu'il faut dire à la population, c'est que tous ceux qui voient leurs impôts diminuer dans les petits revenus, c'est de 30 F par année ! A partir de 100 000 ou 150 000 F, c'est entre 6000 et 9000 F d'impôts en moins. C'est donc une modification de l'assiette fiscale, une de plus !
Je voudrais dire quand même ici que les décisions qui ont été prises en matière de fiscalité au cours de ces quinze dernières années ont entraîné un changement considérable de l'assiette fiscale. On fait peser plus d'impôts sur les petits revenus tandis que la charge se réduit considérablement sur les revenus plus importants et plus encore sur les revenus des banques et des gros financiers de ce pays. On n'a toujours pas dans ce pays de véritable loi qui prévoie l'imposition des avoirs fiduciaires, qui prévoie l'imposition des tractations en banque. Tout cela, tout ce qui est spéculatif, tout ce qui fait gagner de l'argent sans travailler, on le favorise et on baisse la charge fiscale. C'est tout simplement inacceptable !
Ce projet qui prévoit, comme vous le dites, Mesdames et Messieurs, de réduire les impôts pour les familles - mais seulement de 30 F pour ceux qui ont des revenus inférieurs à 100 000 F et de plus de 9000 F, voire plus, pour ceux qui ont un revenu supérieur à 100 000 F - ce projet, donc, est inacceptable parce que c'est un changement de l'assiette fiscale et parce qu'il revient à favoriser les nantis au détriment des autres.
Je voudrais dire ensuite que pendant des années - et ces cinq dernières années on a eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises en France voisine et dans ce pays - on a utilisé comme argument que la baisse d'impôts allait assurer une relance économique. (L'orateur est interpellé.)C'est tellement vrai Monsieur, que la situation économique, depuis que vous avez baissé les impôts n'a fait que s'aggraver. Les emplois n'ont pas augmenté, ils ont diminué. Pourquoi ? Parce que vous baissez les impôts de ceux qui spéculent et vous augmentez les impôts de ceux qui travaillent. Cette réalité-là fait que l'assiette fiscale actuelle favorise ceux qui vivent du travail des autres et défavorise ceux qui n'ont que leur force de travail à offrir en échange d'un salaire. C'est inacceptable, c'est injuste et c'est pour cela qu'il faut rejeter ce paquet fiscal.
J'aimerais encore m'exprimer sur la démocratie. Pour la première fois dans ce pays, les cantons se sont exprimés par un référendum cantonal contre une décision des Chambres fédérales. Particularité de Genève : grâce à l'ancien président du Grand Conseil, le parlement n'a pas pu se prononcer sur son adhésion au référendum cantonal. On a violé le règlement de ce Grand Conseil de manière qu'on ne puisse pas se prononcer. Vous avez, Monsieur l'ancien président, empêché les auteurs des motions de se prononcer et donné la parole à vos petits amis politiques qui ont tout renvoyé en commission de manière que le canton de Genève ne puisse pas se prononcer dans les délais constitutionnels.
M. Bernard Lescaze. C'est faux ! Tu mens !
M. Jean Spielmann. Il s'agit d'une forfaiture démocratique.
Les Chambres fédérales doivent contrôler l'activité des cantons et les personnes comme vous, Monsieur, qui empêchent la démocratie de s'exercer correctement doivent être sanctionnées.
C'est un cas unique en Suisse. Tous les cantons, qu'ils soient pour ou contre ce paquet fiscal, ont pu se prononcer. La Constitution prévoit que les cantons puissent se prononcer sur un éventuel référendum cantonal; le canton de Genève n'a pas pu le faire et la responsabilité en incombe au président de son Grand Conseil et à l'organisation des débats de ce parlement.
M. Bernard Lescaze. Tout est faux ! Tu mens ! J'ai été mis en cause. Je n'accepte pas cela. Je demande qu'on me donne la parole après.
M. Jean Spielmann. Je vais préciser ce qui s'est passé afin que vous puissiez répondre de manière cohérente, Monsieur Lescaze.
Le règlement du Grand Conseil prévoit, quand une proposition de motion est déposée, que le président donne la parole aux auteurs de la proposition. Vous n'avez pas, Monsieur, donné la parole aux auteurs de la proposition.
M. Bernard Lescaze. Mais si ! Vous avez parlé trois heures.
M. Jean Spielmann. Vous avez donné la parole à votre collègue - qui est bien sûr absent maintenant - qui a proposé le renvoi en commission et vous avez empêché les autres de parler. Le renvoi en commission a été refusé et vous avez à nouveau donné la parole à un libéral qui a proposé derechef le renvoi en commission sans que le Grand Conseil puisse s'exprimer sur le fond. C'est une forfaiture démocratique dont vous êtes responsable. Je pense que les Chambres fédérales et la Constitution de ce pays doivent être respectées. Il n'est pas acceptable qu'on ne puisse pas discuter démocratiquement des projets comme celui-ci. Il n'est pas acceptable que le canton de Genève n'ait pas pu se prononcer sur un référendum cantonal. Fort heureusement, d'autres cantons ont pu le faire qui se sont prononcés pour une grande partie d'entre eux. C'est ce qui fait que le peuple aura le dernier mot.
Les tracts anonymes n'étaient pas une pratique habituelle en politique. Or, ce sont les partis d'en face qui distribuent maintenant des tracts non signés à la population, des tracts qui contiennent des mensonges, qui affirment que les familles vont gagner et qu'il n'y aura que des baisses d'impôts, alors que vous savez bien que ce n'est pas vrai. C'est faux !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Jean Spielmann. Le peuple aura donc le dernier mot. Il donnera la réponse qui convient à ce paquet fiscal qui est tout simplement inacceptable, parce qu'il baissera les revenus des cantons en favorisant les plus riches habitants de ces cantons. C'est une loi inacceptable, une loi que les gens doivent refuser. La population serait bien inspirée de lire davantage les textes et les contenus plutôt que d'écouter la propagande massive que vous faites à coup de centaines de milliers de francs. Cette propagande n'arrivera pourtant pas à détourner la population qui refusera ce paquet et qui lui donnera le sort qu'il mérite.
La présidente. Je vous fais remarquer, Monsieur, que vous avez aussi dépassé votre temps de parole. Je vous ai laissé faire pour que vous ayez le temps de vous exprimer. M. Lescaze pourra rétorquer par la suite.
M. Pierre Froidevaux (R). Je suis opposé à tous les propos tenus par M. Spielmann, sauf sur un point. M. Spielmann a raison : nous débattons d'un rapport du Conseil d'Etat qui date d'une année et qui porte sur la question de savoir si nous allons nous joindre au référendum cantonal. A cette question, la réponse de notre Grand Conseil est non.
Le rapport, sous la forme qu'il a actuellement, nous ne pouvons qu'en prendre acte. Nous ne pouvons même pas voter pour ou contre. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de rapport de majorité et de minorité. Ce rapport sert, à chacun d'entre nous, à s'assurer que, lorsque le peuple aura dit oui au paquet fiscal fédéral, les éventuelles inégalités de traitement qui se trouvent dans notre loi seront gommées.
Je vous rappelle, Monsieur Spielmann, que les principes qui prévalent dans le paquet fiscal fédéral n'ont fait l'objet d'aucune discussion ni d'aucune remise en cause. On voit des effets qui sont parfois difficiles, qui ne sont pas acceptables et qui doivent être corrigés. Cependant, le fait d'imposer correctement la famille, de ne pas favoriser les individus, mais le couple, les familles qui ont des enfants et les familles monoparentales, tout cela n'a fait l'objet d'aucune discussion de la part d'aucun groupe parlementaire, ni à Berne, ni dans les cantons.
La modification de l'imposition sur les biens immobiliers n'est pas l'objet d'une grande discussion à Genève, puisque la population genevoise n'est que peu propriétaire.
L'essentiel du débat porte sur les chiffres qui ont été donnés qui laissent supposer que 75% seulement de la population genevoise pourraient bénéficier d'allégements grâce au paquet fédéral.
Cela est certainement totalement faux. Je vous rappelle que nous avons déjà eu ce que l'on a appelé un «couac» du département des finances. Lorsque nous les avons étudiées une année plus tard, les prétendues conséquences de la révision de la LIPP V se sont révélées totalement inexistantes. La présidente actuelle du département se plaint d'ailleurs des 65 millions qui manquent dans les caisses.
Il ne faut pas faire dire à ces chiffres autre chose qu'une intention. Il faut signaler que ce rapport sert à la commission pour travailler à l'adaptation de la LIPP, travail qui de toutes façons doit avoir lieu, car il se trouve que notre LIPP n'est pas tout à fait conforme au droit fédéral.
Maintenant, le peuple doit-il voter oui ou non au paquet fiscal ? Il faut comprendre qu'actuellement nous avons un système économique qui est en steady state, qui est véritablement sans aucune progression. La seule progression que nous avons pour établir un meilleur budget pour l'année 2004 sont les recettes générées par les affaires bancaires. Nous avons augmenté les revenus de l'Etat de 2,5% et cela uniquement à travers les affaires bancaires. Or, le paquet fiscal prévoit précisément une réduction du droit de timbre qui permettra à la place financière genevoise d'être efficace et d'être en concurrence avec le Luxembourg et avec Londres.
Une voix. De toute façon la révision du droit de timbre aura lieu !
M. Pierre Froidevaux. Vous le voyez bien, Mesdames et Messieurs, introduire une baisse de la fiscalité, une fiscalité plus juste, permet d'augmenter les revenus de l'Etat, notamment à Genève. Cela ne vous plaît pas, Mesdames et Messieurs, mais ce sont des chiffres et ce sont des chiffres qui ne sont pas contestés.
Il faut maintenant comprendre aussi quel est le poids des impôts et du coût global de l'Etat. Nous sommes passés progressivement, durant les dix dernières années, des environs de 31% à 38% de quote-part fiscale. A cette quote-part fiscale, il faut y ajouter tous les frais obligatoires: l'assurance-maladie - nous avons eu un long débat sur le sujet et j'ai montré que l'essentiel des augmentations des primes d'assurance-maladie allaient directement dans les établissements subventionnés - l'assurance-maladie est donc un impôt; le deuxième pilier est un impôt; les taxes communales, comme les déchets. Tout cela représente globalement près de 18% pour les ménages suisses. 31 plus 18, on arrive à une quote-part fiscale de près de 50%. C'est de nature à bloquer toute l'économie. Il vous faut absolument trouver maintenant une solution, Mesdames et Messieurs. La solution est de dire aux citoyens: on vous redonne 4 milliards. C'est sûr que les citoyens sauront mieux utiliser ces 4 milliards que nous, puisque jusqu'à présent, nous n'avons que créé des déficits, créé des difficultés pour nos enfants.
Je vous en prie, votons oui au paquet fiscal et prenons acte de ce rapport.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Il y a eu plusieurs fois une bataille de chiffres sur la question de savoir combien de personnes auraient une baisse d'impôts et quelle serait l'ampleur des hausses. Je crois que le problème est beaucoup plus simple à résoudre. Pour savoir ce qu'il se passe, il suffit de regarder les colonnes qui correspondent au solde. Regardons le solde et on comprendra ! Lorsque les impôts baissent de 12% suite à l'initiative libérale, on peut penser théoriquement que tout le monde a bénéficié de 12% de réduction d'impôt. Bien sûr tout le monde, sauf ceux qui n'ont pas de quoi payer des impôts parce que leur revenu est quasi nul une fois déduit ce qu'il y a à déduire. Evidemment, pour eux, 12% de réduction, c'est zéro ! parce qu'ils ont déjà été pénalisés. Quand on met les gens au chômage, quand ils arrivent en fin de droit, quand ils se trouvent dans des situations extrêmement difficiles suite à l'irresponsabilité de certains responsables d'entreprises qui font des milliards de bénéfice et qui mettent les gens à la porte, eh bien on les a déjà taxés avant : on a saccagé leurs vies, ce qui est beaucoup plus grave.
Si je prends les contribuables dont le revenu est inférieur ou égal à 75 000 F - ce qui représente à peu près 80% des contribuables - le gain est de quelques dizaines ou quelques centaines de francs par mois au maximum; alors que les impôts de ceux qui gagnent un million - ce calcul n'a jamais été contesté - baisseront de plus de 300 000 F, sur les cinq premières années après l'entrée en vigueur. A ceux qui ont déjà trop, on fait des cadeaux somptueux. C'est d'ailleurs comme cela que ça se passe : quand on gagne des millions, on ne peut pas offrir un petit bouquet de fleur, ce n'est pas assez, il faut offrir un bouquet en or.
J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait examiner le solde de cette opération. Si je prends, par exemple, la colonne des personnes seules avec un enfant, de 1 à 10 000 F de revenu annuel, le solde entre ceux qui gagnent et ceux qui perdent est de quatre francs par année. Je donne comme ça quelques chiffres, afin qu'on comprenne de quoi il s'agit. Entre 10 000 F et 20 000 F, il y a une augmentation d'impôts de quatre francs; entre 20 000 F et 30 000, il y a une augmentation de 34 F. Entre 60 000 F et 70 000 F, il y a une augmentation de 61 F; dans la tranche suivante, il y a une augmentation de 44 F, après quoi la baisse commence. Pour ceux qui gagnent plus d'un million, c'est 27 574 F de diminution d'impôts.
Effectivement, il y a des baisses d'impôts pour certains, mais elles ne sont pas uniformément réparties.
Je prends d'autres chiffres encore. Pour les couples sans enfants, la situation est à peu près la même sauf qu'à partir de 50 000 F vous avez une augmentation d'impôts 135; 368; 497 pour 70 000 à 80 000 F; 590 F de 80 000 à 90 000 F. J'arrive à 413 entre 100 et 150 000 F, mais pour les revenus supérieurs à 1 million, il y a une diminution de 18 374 F. Après on vient nous raconter encore des salades par rapport aux baisses d'impôt ! Il faut arrêter de nous raconter n'importe quoi.
Ce qui est encore plus grave, c'est que l'on ne dit pas quelles sont les conséquences de ces baisses d'impôts. Il se trouve qu'en même temps que le paquet fiscal nous aurons à voter sur la onzième révision de l'AVS qui est également le résultat de la politique inique de la droite qui fait toujours des cadeaux à ceux qui en ont le moins besoin et qui s'attaque à ceux qui sont déjà en difficulté.
Quel est donc le résultat de ce paquet fiscal ? Le résultat c'est que les rentes AVS vont baisser à cause de la diminution de l'indexation des rentes, c'est-à-dire que les gens qui n'ont que cela pour vivre verront leurs revenus baisser. Vous voulez, Mesdames et Messieurs, supprimer la rente de veuve pour en tout cas une bonne partie des femmes qui se trouvent dans cette situation. Vous vous êtes attaqués à tous les investissements dans beaucoup de domaines. Lundi dernier, Mme Hagmann était avec moi à la commission parlementaire HES-SO; on nous a annoncé la décision du Conseil fédéral d'aller dans le sens d'une réduction de 15% de l'investissement dans le domaine de la formation professionnelle. En même temps, on nous dit que la TVA va augmenter. Pour la TVA, tout le monde paie la même chose, mais on a vu le différentiel quand on diminue les impôts directs.
On a vu le résultat des baisses d'impôts en France: ça a donné des déficits faramineux qui ont été reportés sur les modes d'imposition qui se caractérisent par un paiement égal et uniforme pour tout le monde. Alors là, on s'attaque à tout le monde; mais quand il s'agit de diminuer en pourcent, on fait des cadeaux à ceux qui possèdent le plus.
Ce paquet fiscal aura aussi un impact sur les cantons. Cet impact est de plusieurs milliards au niveau de la Confédération. M. Couchepin propose d'augmenter l'âge de la retraite et les radicaux sont pour le paquet fiscal. Il faut s'attendre à ce que, si ce paquet passe, la retraite à 67 ans proposée par M. Couchepin passera. Le même M. Couchepin veut notamment augmenter la participation des assurés aux frais des assurances-maladie.
Encore une fois, d'un côté on fait des cadeaux à ceux qui en ont le moins besoin et de l'autre, on s'en prend aux gens, dans leur immense majorité d'ailleurs, par des attaques contre les prestations sociales. Dans tous les domaines, Mesdames et Messieurs, vous vous attaquez à l'Etat social, vous pratiquez une politique de démantèlement social.
Au niveau des cantons, nous perdrons plusieurs centaines de millions de recettes. Combien pour Genève, on ne peut pas le chiffrer, mais il semble bien que ce soit au-delà de 100 millions. A cela s'ajoute le manque à gagner des communes.
Vous avez, Mesdames et Messieurs, renvoyé le budget au Conseil d'Etat parce que soi-disant il y a des déficits. Eh bien vous confirmez aujourd'hui par vos prises de position ce que nous avons toujours dit : vous êtes les pyromanes qui jouez aux pompiers. Vous voulez assécher les finances publiques pour pouvoir mieux démanteler l'Etat social. Sur cette voie-là, nous serons toujours face à vous, nous serons toujours contre vous. Nous sommes toujours pour l'Etat social et nous ferons tout pour faire échouer votre paquet fiscal et votre onzième révision de l'AVS. Nous dirons donc non trois fois lors des votations du 16 mai.
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais tout d'abord remercier sincèrement Mme Künzler. Je pense que c'était un exercice douloureux pour elle. (Commentaires.)C'est un exercice douloureux que de devoir procéder en quelque sorte à son autocritique publique. En effet, d'un rapport à l'autre, on passe de 75% de personnes dont la situation devrait être détériorée à une proportion diminuée de moitié. Effectivement, c'est pour le moins un changement radical au sens où nous l'entendons dans le dictionnaire.
J'aimerais ajouter que même le total des effets cantonaux, communaux et fédéraux a changé d'un rapport à l'autre. L'estimation des effets du paquet fiscal a fondu d'une trentaine de millions, passant de 233 millions à 207 millions. De ce point de vue là, un troisième rapport serait certainement instructif.
Ce rapport nous indique très clairement que le paquet fiscal favorise la majorité de notre population. Ce n'est toutefois pas suffisant de dire qu'il favorise la majorité de notre population, il faut aussi indiquer que lorsque l'on prend l'ensemble des contribuables - et je vous prie de m'excuser d'aller dans le sens de ce que M. Mouhanna a fait et qui n'était pas particulièrement didactique - il y a, jusqu'à 60 000 F de revenu brut, davantage de contribuables dont la situation s'améliore que de contribuables dont la situation se détériore.
En d'autres termes, je suis pour le moins étonné que ceux qui prétendent généralement avoir à coeur les intérêts des plus démunis et des plus basses classes de revenus soient ici favorables au statu quo, au non-changement, par la non-introduction d'un paquet fiscal qui avantagerait précisément les personnes gagnant moins de 60 000 F. (Brouhaha.)J'ajoute que si l'on prend les contribuables seuls, sans enfant, eh bien, jusqu'à 50 000 F il y a davantage de contribuables dont la situation s'améliore que de contribuables dont la situation se détériore. Je pourrais continuer avec cet exercice de chiffres, mais vous savez fort bien, Monsieur le président, combien cela est fastidieux pour nous, urbi et orbi.
Au fond, quand j'évoquais tout à l'heure un troisième rapport, je faisais allusion aux propos que M. le conseiller fédéral Merz a prononcés lundi soir à Genève, à l'invitation d'associations qui ne nous sont pas lointaines, devant plusieurs centaines de simples citoyens et d'un ancien président du Conseil d'Etat, ancien chef lui-même du département des finances. Probablement représentait-il le Conseil d'Etat en cette occasion. Qu'a dit M. Merz d'essentiel ? Il a dit que ce n'était pas l'effet statique qu'il fallait prendre en considération, mais bien l'effet dynamique du paquet fiscal. (Vif brouhaha.)Ce paquet va appeler les comportements à se modifier : aussi bien les banques que les assureurs, notamment, seront appelés à faire preuve de dynamisme et d'inventivité.
Il y a un point aussi que je vous conseille de prendre en considération, Mesdames et Messieurs, lorsque vous apprécierez ce rapport qui sert en quelque sorte à notre édification et doit aider à la formation de notre opinion pour prendre notre décision de vote. Ce point, c'est l'importance des zones d'ombre, des zones dans lesquelles un arbitrage est demandé, arbitrage auquel le Conseil d'Etat devra procéder le moment venu. En d'autres termes, nous ne savons pas encore de combien le paquet fiscal, de par les décisions du Conseil d'Etat, sera amélioré pour les citoyens.
J'aimerais terminer par deux points. Tout d'abord, je comprends le PDC qui relève - exagérément je crois - que le bateau était en quelque sorte trop chargé, mais pas surchargé. Pourtant, malgré les défauts à certains égards de ce paquet fiscal, une chose devrait emporter notre adhésion, c'est le fait que le principe d'équité envers les familles a été mis au premier plan.
Ensuite, j'ai deux regrets. D'abord, ce paquet fiscal n'entrera en vigueur qu'en 2008; c'est en 2005 déjà que j'aurais voulu, notamment pour les familles, que l'on puisse bénéficier des modifications du paquet fiscal. Le deuxième regret que j'ai est que ce paquet fiscal n'aura d'effet que pour 4 milliards. Il devrait avoir un effet pour beaucoup plus de milliards, afin que les citoyens reprennent possession des moyens que le fisc leur confisque !
Le président. La parole est à M. Guérini. (Le député ne prend pas la parole.)
M. Bernard Lescaze. C'est sans doute une erreur !
M. Pierre Guérini (S). Non, non, ce n'est pas une erreur, Monsieur Lescaze. A propos d'une question aussi importante que le paquet fiscal, je pense que personne ne peut parler d'erreur. Le sujet est important.
Si la «Tribune de Genève» dit que personne ne sait exactement quel serait le résultat de ce paquet fiscal, je dirais simplement que ce n'est pas une raison pour sauter dans le vide. Par ailleurs, M. Muller nous a donné l'exemple de familles qui gagnent entre 60 001 et 70 000 F; s'il était allé jusqu'au bout de cet exemple, il aurait dit que 1356 contribuables sont concernés, avec une augmentation moyenne des impôts de 102 F par an et non pas une diminution. Effectivement, 346 contribuables auraient une baisse de 457 F par an. En revanche, 1010 contribuables auraient une augmentation de 293 F.
Je voudrais maintenant revenir sur la question des propriétaires. Quand j'ai dit que ces derniers seraient touchés, c'est parce que les frais d'entretien ne pourront être déduits qu'à partir de 4800 F. Cela veut dire que, pour pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôt, il faudrait faire en tout cas 5000 F de travaux, voire 10 000 F pour que cela vaille la peine. Faire 10 000 F de travaux par année ! Qui a ces moyens-là ? Je pose la question...
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Rémy Roulet.
M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais partager avec vous une citation, tout en vous laissant le soin de deviner qui l'a prononcée. Il s'agit d'une philosophie du service et nous autres libéraux pourrons, si vous le souhaitez, Mesdames et Messieurs, remplacer le mot service par l'expression «baisse d'impôt».
La citation est la suivante : «Un client est le visiteur le plus important qui puisse passer votre porte. Il ne dépend pas de vous, c'est vous qui dépendez de lui. Il n'interrompt pas votre travail, il en constitue la raison d'être. Il n'est pas étranger à vos affaires, il en fait partie intégrante. Vous ne lui faites pas une faveur en le servant, c'est lui qui vous en fait une en vous permettant de le servir.» Cette citation serait, selon le journal «Le Temps» qui, je crois, cite correctement ses sources, du Mahatma Gandhi.
Permettez-moi alors de nous rapprocher un tout petit peu de cet homme célèbre en faisant le parallèle entre client et contribuables, entre client et familles, entre client et propriétaires. Mesdames et Messieurs, nous avons tous intérêt à bien servir nos clients. Nous avons tous intérêt à bien servir la famille. Nous avons tous intérêt à servir les propriétaires de ce pays. Je m'étonne et je regrette que le parti démocrate-chrétien ne nous rejoigne pas dans cette campagne en faveur du paquet fiscal. La secrétaire générale de Pro Familia - un mouvement qui n'est pourtant pas neutre dans ce pays - a calculé que les couples mariés et les familles ont payé un milliard d'impôts en trop chaque année depuis 1984. Cette secrétaire générale est PDC d'ailleurs. Il y a là une injustice criante à corriger et c'est notamment par l'acceptation de ce paquet fiscal que nous pourrons véritablement prôner une politique de la famille dans notre pays.
Je ferai encore une constatation, teintée peut-être d'une certaine amertume, au sujet du Conseil d'Etat. Rassurez-vous, Messieurs les membres du Conseil d'Etat, il n'y a pas besoin d'être libéral pour s'opposer à votre politique de campagne contre ce paquet fiscal. Je ne suis moi-même pas candidat à votre siège... (Brouhaha.)Je peux donc, en toute liberté, fustiger la position du Conseil d'Etat, qui utilise des arguments totalement fallacieux pour lutter contre ce paquet. Dire que ces modifications représentent une brèche dans le pacte confédéral et une attaque contre l'autonomie des cantons est une supercherie. C'est en 1991 que la LHID a été votée et c'est en 1991 qu'il eût fallu que l'ensemble des cantons dépose plainte ou lance un référendum cantonal pour lutter contre cette domination fédérale. Ce n'est pas aujourd'hui, sous prétexte qu'il y aurait violation de l'autonomie cantonale, qu'il faut monter au créneau.
Ce qui me chagrine également, c'est qu'en fait on utilise la LIPP genevoise pour démontrer à quel point le paquet fiscal est mal ficelé. En fait, nous avons une loi qui autorise une déduction maximale des primes maladies, mais qui est totalement indépendante du paquet fiscal. Travaillons plutôt nos propres lois plutôt que de renvoyer la faute sur le soi-disant adversaire du moment.
Enfin, j'aimerais poser une question au Conseil d'Etat. Vous devrez, Mesdames et Messieurs, vous prononcer bientôt sur un deuxième paquet fiscal qui a trait non aux personnes physiques mais aux personnes morales. Les députés fédéraux devront voter sur la suppression de la double imposition économique, qui touche les personnes morales, les sociétés en nom simple et toutes les entreprises de ce canton. Trois catégories de contribuables que l'on peut considérer comme étant séparées les unes des autres au même titre que les propriétaires ou que les familles. Conséquences de ce paquet fiscal bis : 1,5 à 2 milliards de pertes pour les cantons; des lois cantonales à retriturer. Alors, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, allez-vous comme aujourd'hui monter dans le wagon des cantons référendaires une deuxième fois. C'est la question que je me pose et, en tout état de cause, je vous demanderais d'être, à l'occasion de cette prochaine votation, un peu plus discrets dans la campagne que vous menez.
En guise de conclusion, je relèverais qu'il est évident que le parti libéral doit s'engager en faveur de ce paquet fiscal. Que le papet casse, non ! Que le paquet passe, oui !
Je demande donc à la population genevoise de suivre les radicaux, les libéraux et l'UDC et de ne pas suivre le Conseil d'Etat et le reste de ce parlement lors des votations du 16 mai prochain.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais ajouter une petite chose à tout ce qui a déjà été dit. C'est une évidence, tout le monde le sait : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Je pense que c'est une évidence pour tout le monde, sauf peut-être pour ceux qui croient au Père Noël... En l'occurrence, si la Confédération se prive de 4 milliards de recettes et le canton de 150 millions, je ne vois pas comment cet argent va tomber du ciel.
Alors, chers contribuables, que vous soyez pour ou contre, que vous pensiez que ce paquet va baisser vos impôts ou non, dans tous les cas, ce paquet ne changera pas grand-chose parce qu'il faudra payer quand même. Le résultat final n'aura rien en commun avec les promesses mirobolantes que l'on vous fait au sujet de ce paquet fiscal.
Une chose encore : ce paquet fiscal est un problème de fond, parce qu'il touche plusieurs lois qui ne forment pas un tout cohérent. Ce n'est pas un paquet fiscal, c'est une usine à gaz, dont personne ne peut mesurer les conséquences exactes, ce que prouve le rapport et les propos des uns et des autres au sujet des hausses et des baisses d'impôts selon les tranches de revenu et les situations personnelles.
Or, une usine à gaz, c'est une arme de destruction massive et il faut évidemment l'éliminer !
Pour conclure, je dirais, en tant que président d'un petit groupement d'entrepreneurs et d'indépendants, que nous avons, à l'unanimité, décidé de ne pas soutenir ce paquet fiscal pour la bonne et simple raison que nous doutons fortement qu'il puisse améliorer les conditions cadres de l'économie suisse.
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, je répondrai simplement sur les attaques inacceptables de M. Spielmann qui perd la mémoire. Je le renverrai simplement au Mémorial.
Une séance extraordinaire de ce Grand Conseil a été demandée pour débattre d'un rapport du Conseil d'Etat sur le paquet fiscal. Cette séance a duré plus de trois heures. Effectivement, la parole a d'abord été donnée à M. le député radical Jeannerat...
M. Jean Spielmann. Contre le règlement ! En violation du règlement !
Le président. Monsieur Spielmann, laissez parler M. Lescaze.
M. Bernard Lescaze. Monsieur Spielmann, j'espère que vous ne mentez pas partout et tout le temps à vos électeurs et à ceux qui vous écoutent comme vous le faites ici. (Vif brouhaha.)
M. Jeannerat a donc demandé le renvoi en commission qui a été refusé par la majorité du Grand Conseil. Après quoi tous les députés qui l'ont voulu ont pu s'exprimer pendant trois heures. (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur ! Et j'ai moi-même compté que, notamment, le conseiller national Vanek - qui ne l'était pas alors - a monopolisé la parole. L'Alternative a parlé deux fois plus que la droite : deux fois plus. (L'orateur est interpellé.)Vous ne savez même pas lire, Monsieur ! Vous perdez la mémoire !
Ce n'est qu'à la fin des débats que ce Grand Conseil a voté le renvoi en commission. Ce n'est pas de ma faute si la commission fiscale n'a donné son rapport que sept mois plus tard.
Monsieur Spielmann, vous avez perdu la mémoire. Je vous renvoie au Mémorial. Des dizaines de pages y sont consacrées à ce débat et votre collègue Vanek a, très longuement, pris la parole à plusieurs reprises. Je ne parle même pas des autres membres de votre groupe. Alors, Monsieur Spielmann, cessez de mentir ou allez chez un médecin, parce que vos pertes de mémoire me paraissent très graves.
Le président. Monsieur Spielmann va répondre. (Vif brouhaha.)
M. Jean Spielmann (AdG). Effectivement, il y a eu, à la demande des partis qui sont de ce côté-ci de cette salle, une demande de séance extraordinaire. Pourquoi fallait-il convoquer une séance extraordinaire ? Parce qu'il y avait un délai pour que le Grand Conseil puisse se prononcer sur une éventuelle adhésion au référendum cantonal.
M. Bernard Lescaze. Il n'a pas voulu y adhérer.
M. Jean Spielmann. Il y avait un délai. Si aujourd'hui cet objet vient à l'ordre du jour hors délai, c'est en grande partie de votre responsabilité, Monsieur. Pourquoi ? Parce que le règlement du Grand Conseil prévoit que les auteurs de la proposition ont la priorité pour la prise de parole. Vous n'avez pas respecté cette disposition et vous avez donné la parole à un ami radical qui, immédiatement, a demandé le renvoi en commission.
Je suis intervenu - cela figure au Mémorial - pour demander le respect du règlement et il n'en a pas été tenu compte. Les députés n'ont pu parler que du renvoi en commission comme le règlement le prévoit. Ensuite, vous avez mis aux voix le renvoi en commission qui a été refusé.
Non content d'avoir fait une première forfaiture, vous en avez commis une deuxième en donnant immédiatement la parole au député libéral M. Muller qui a reproposé le renvoi en commission. Ainsi, les députés auteurs de la proposition n'ont pas pu s'exprimer sur le fond, mais seulement sur le renvoi en commission. De cette manière-là, vous avez, Monsieur, empêché le canton de Genève de prendre position sur le référendum cantonal. C'est le seul canton de Suisse qui n'a pas pu s'exprimer démocratiquement et cela, c'est de votre responsabilité. (Applaudissements. Vif brouhaha. Exclamations de M. Lescaze.)
Le président. Messieurs, le point relatif au terrain de tennis est le point 24. Je vous demande de ne pas anticiper sur ce débat. Vos échanges sont un peu vifs et on a l'impression de se trouver à Roland-Garros.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. J'aimerais, pour conclure ce débat, réagir à deux ou trois propos qui ont été tenus. Les propos de M. Weiss m'ont fortement choquée. Dire que le fisc confisque est un scandale. Vous faites référence, Monsieur, non pas à une démocratie, mais à une monarchie. Nous sommes là, tous, citoyens et habitants et nous nous prononçons nous-mêmes sur les impôts. Chaque modification des lois fiscales sera votée par le peuple. C'est cela qui est important ! Nous sommes une société, nous sommes ensemble et nous avons quelque chose à construire ensemble. Nous ne sommes pas forcément d'accord, mais dire que le fisc confisque est un raccourci scandaleux. C'est notre argent, qui nous permet de payer ce dont nous avons collectivement besoin. Nous avons besoin d'avoir des écoles, des routes, et toutes sortes de choses encore. Nous avons besoin de les faire et nous devons les payer ensemble avec les impôts de chacun. C'est un scandale de parler de client et de confiscation. (Applaudissements.)Merci.
Je suis surprise par les discours consistant à dire que qu'il faut revenir aux objectifs du paquet fiscal. Eh bien, cela ressemble beaucoup au discours de l'ancien Conseil fédéral qui disait de voter et qu'on changera tout après. C'était, à peu près, la position de M. Villiger.
On ne peut pas procéder de cette façon : il faut bien se prononcer sur des réalités concrètes et actuelles. Il y a tout de même une différence entre les contribuables réels - c'est la notion des fiches que nous avons proposée - et les contribuables théoriques avec lesquels on peut faire toutes sortes d'arrangements. Il s'est agi dans ce débat de prendre position sur la situation des contribuables réels.
En fait, l'objectif visé, c'est-à-dire la justice entre concubins et mariés, n'est pas réalisé. J'aimerais donner un exemple : avec 100 000 F de revenu et deux enfants, si le couple vit en concubinage, il paiera 1500 F d'impôt; si le couple est marié avec un seul revenu, il paiera 371 F; s'il est marié avec deux revenus, il paiera 131 F... Je vous prie de m'excuser, mais il n'y a pas de justice ! Il faut qu'un couple avec deux enfants soit taxé de manière égale, quelle que soit la répartition des revenus au sein du couple. L'objectif est donc manqué sur ce point.
Quant au splitting, cette mesure est favorable aux contribuables qui disposent de plus de 130 000 F de revenu. On supprime en effet la déduction pour travail du conjoint. Il est clair que les catégories de personnes qui ont deux petits revenus ne pourront plus faire cette déduction. Le splitting ne les arrangera pas du tout parce que le taux d'imposition est totalement équivalent jusqu'à 130 000 F. Il y aura peut-être 1 ou 2 francs de différence, mais cette mesure n'aura pas d'incidence. Ces gens-là auront une augmentation d'impôt.
J'aimerais maintenant donner une explication à M. Marcet qui voulait savoir ce que signifiait le chiffre de 115%. En réalité, au-dessus de 150 000 F, la diminution d'impôts pour les contribuables, globalement, et la diminution de recettes pour l'Etat est beaucoup plus grande que ce qui est prévu. Pourquoi 115% ? Parce qu'en fait les gens qui ont entre 60 000 F et 150 000 F paieront 13 millions de plus d'impôt. Le paquet fiscal entraîne une diminution globale de 50 millions pour l'Etat, mais la diminution d'impôts est plus forte pour les hauts revenus et cette différence est compensée par la hausse sur les bas et moyens revenus. Cela aussi, c'est un scandale.
Venons-en maintenant aux propriétaires. Aucune formation politique ne s'est opposée à la suppression de la valeur locative, des intérêts hypothécaires et des frais d'entretiens. Tous les partis, et les Verts également, ont accepté cette modification. Pour Genève, cette proposition est totalement équivalente à la situation actuelle. Le problème vient de ce que des éléments ont été ajoutés hors de toute concertation. En ce qui concerne les modifications liées à l'épargne logement, le Conseil fédéral lui-même dit que c'est exagéré et inadmissible. Si les gens veulent bien se taire un instant...
M. Merz a dit à la radio l'autre jour que si quelqu'un avait une bonne idée à ce sujet, il fallait la lui indiquer et qu'il ferait des corrections après la votation. La réalité, c'est que l'épargne est favorisée par une disposition qui permet de créer un fonds de 24 000 F par année qui ne sera pas imposé. Ce fonds ne serait pas non plus imposé au moment de son retrait et la valeur locative ne serait également pas imposée. On sort donc du circuit économique jusqu'à 24 000 F par année. Cela, c'est inadmissible. Si les Verts n'ont jamais été contre l'accession à la propriété, je crois que dans ce canton il faut faire des choix. Nous avons déjà dit que les 20 millions pour l'accession à la propriété dans le cadre de Casatax étaient acceptables. En revanche, 60 millions supplémentaires par année pour l'accession à la propriété, non, c'est trop.
Le président. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat, Robert Cramer.
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de façon qu'il n'y ait aucune équivoque sur ce point, je dirai que le Conseil d'Etat est unanime à recommander de rejeter ce paquet fiscal. Il est unanime et les noms des sept conseillers d'Etat genevois figurent sur les documents qui sont établis par les cantons suisses aux côtés, il faut le dire, des noms de la plupart des conseillers d'Etat de Suisse. (Applaudissements.)
C'est dire que ce n'est pas un particularisme genevois qui s'exprime, mais une préoccupation beaucoup plus profonde de la plupart des magistrats cantonaux de ce pays. Les raisons de cette préoccupation résultent en partie des rapports que vous nous avez demandés et qui ont été rendus.
S'agissant de ces rapports, je dirai la chose suivante. Un certain nombre de simulations ont été effectuées à la demande du Grand Conseil. Elles ont encore été affinées à l'occasion des différents compléments que vous avez sollicités. Il en résulte que, du point de vue du contribuable, toutes les simulations ne concluent pas - pour employer cette litote - et loin s'en faut, à une baisse de la fiscalité pour tous. Au contraire, une majorité de contribuables genevois, si ce paquet fiscal était accepté, verraient leurs impôts cantonaux et communaux augmenter. Voilà ce qu'il en est pour une majorité des contribuables.
Dans le même temps, les collectivités publiques, c'est-à-dire aussi bien la Confédération que les cantons suisses, et les communes, supporteraient des conséquences financières qui sont loin d'être négligeables. C'est le cas à Genève, c'est le cas beaucoup plus lourdement dans bien d'autres cantons de notre pays. En ce qui concerne les communes, vous avez pu voir qu'hier la Ville de Genève a convoqué une conférence de presse pour indiquer que le manque à gagner, chiffré par cette collectivité publique, était de l'ordre de 10 millions par an.
Au-delà de cette perte de ressources fiscales pour le canton, ce qu'il faut mettre en évidence, et très fortement, c'est que nous sommes réellement dans une situation où la Confédération se montre généreuse, mais se montre généreuse avec l'argent des autres ! C'est cela qui a provoqué la révolte des magistrats cantonaux. Si l'on entend diminuer les impôts, eh bien, que l'on diminue les impôts fédéraux, mais que l'on ne vienne pas chercher l'argent dans la poche des cantons, car c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Contrairement à d'autres, et contrairement en particulier à ce que j'ai pu entendre tout à l'heure et dont j'espère que c'est un lapsus, le Conseil d'Etat genevois ne considère pas que le fédéralisme soit un principe éculé. Nous avions même le sentiment qu'il y avait encore dans ce Grand Conseil une large majorité pour défendre le fédéralisme.
Les critères, en matière de fiscalité, ont été harmonisés en Suisse, et nous avons soutenu ces modifications. Cependant, il ne s'agit pas ici d'une harmonisation fiscale, il s'agit d'intervenir directement sur les prélèvements fiscaux des cantons et là, il y a une véritable tricherie qui est très inquiétante par rapport au prochain paquet fiscal, dont M. Roulet a parlé.
Pour reprendre la façon dont les choses se sont passées, au niveau de l'organisation de la fiscalité sur le plan fédéral, je rappellerai qu'on a commencé par lancer un programme de frein à l'endettement. Dans un second temps, on nous présente ce paquet fiscal, et, dans un troisième temps, on parlera de répartition de tâches entre la Confédération et les cantons - cela fera l'objet de débats à partir de l'année prochaine. Comme l'a relevé très justement tout à l'heure mon collègue Pierre-François Unger, dans un aparté que nous avions, on a fait les choses exactement à l'envers, à rebours du bon sens, à rebours de la méthode qui aurait dû être employée.
Dans un premier temps, c'est de répartition des tâches que l'on aurait dû parler. Dans un deuxième temps, une fois les tâches fixées, il aurait appartenu à la Confédération de savoir, dans le cadre des tâches qui sont les siennes, comment organiser sa fiscalité à elle. Dans un troisième temps, ayant organisé cette fiscalité, on aurait pu savoir quel est le genre de principe que l'on peut appliquer en matière de frein à l'endettement.
On a fait les choses à rebours du bon sens au détriment des cantons de ce pays. Voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat recommande de rejeter ce paquet fiscal. Les citoyennes et citoyens se prononceront d'ici quelques semaines, d'ici là on ne peut que prendre acte des informations que nous avons remises au Grand Conseil, à deux reprises et à votre demande.
Le président. Nous allons procéder, avant la pause, à deux votes. Tout d'abord une demande de renvoi au Conseil d'Etat a été formulée pour ce rapport. Je mets aux voix cette proposition. Si elle est refusée, je vous ferai voter pour savoir s'il y a lieu...
Monsieur Annen, vous voulez la parole ?
M. Bernard Annen (L). Je demande l'appel nominal, Monsieur le président.
Le président. Apparemment, vous êtes largement soutenu. Monsieur le député Froidevaux, je vous prie d'intervenir brièvement, car nous sommes en procédure de vote.
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, c'est bel et bien sur la question de la procédure que j'interviens pour rappeler qu'il n'y a pas de vote possible sur ce rapport. Il a été déposé par le Conseil d'Etat et qui date de l'année dernière. Cet objet vise à prendre position sur la question de savoir si oui ou non nous allons nous associer au référendum cantonal. Je ne vois pas comment nous pouvons, sur la base de ce rapport, dire oui ou non. Il n'y a pas d'objet. C'est pour cette raison que seul le débat est significatif. Nous l'avons eu. Monsieur le président, je vous propose de passer à l'objet suivant figurant à l'ordre du jour du Grand Conseil.
Le président. Bien, je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas demander la parole. Je vais répondre très brièvement à la remarque qui vient d'être faite : au chapitre 13 «Rapports divers» de notre règlement, l'article 174, que j'ai déjà eu l'occasion de vous lire aujourd'hui, dit ceci : «Un débat est ouvert sur chaque rapport, puis le Grand Conseil en prend acte à moins qu'il ne décide de le renvoyer en commission ou au Conseil d'Etat.»
Par conséquent, une demande de renvoi au Conseil d'Etat ayant été formulée, je suis obligé de la mettre aux voix. Là où je peux éventuellement vous suivre, c'est sur la question de savoir s'il y a lieu de voter sur le fait de prendre acte ou pas. Je préfère faire plus de votes que nécessaire pour éviter des informalités dans des débats quelque peu délicats. A titre personnel, je considère que le vote n'est pas indispensable, mais je le ferai quand même.
Une voix. Qui a demandé le renvoi ?
Le président. C'est M. Guérini. Je mets aux voix la proposition de renvoi du rapport divers 495-B au Conseil d'Etat.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi au Conseil d'Etat du rapport divers 495-B est rejeté par 74 non contre 5 oui.
Le président. Je mets maintenant aux voix la prise d'acte de ce rapport. (Le président est interpellé.)Monsieur Froidevaux, on ne va pas discuter. Il est 17h, tout le monde a envie de prendre une pause...
M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur le président, chers collègues, vous ne pouvez pas faire autre chose que de prendre acte de ce rapport... (Vif brouhaha.)
Le président. Monsieur Froidevaux, nous sommes en procédure de vote.
Je souhaite que l'on n'allume pas le micro des députés si je ne leur donne pas la parole. En effet, si je n'indique pas que je donne la parole à un député, cela ne sert à rien d'allumer son micro !
Je mets donc aux voix la prise d'acte de ce rapport.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport par 71 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Le président. Nous interrompons nos travaux jusqu'à 17h15. A tout à l'heure.
La séance est levée à 17h.