Séance du
jeudi 1 avril 2004 à
20h30
55e
législature -
3e
année -
7e
session -
32e
séance
M 1527
Débat
M. Sami Kanaan (S). J'ose espérer la même unanimité sur ce texte que sur la précédente motion. C'est d'une opportunité à saisir dont nous vous parlons ce soir. Il s'agit en effet de la chance, à saisir, de mener une expérience ou, en tout cas, de l'étudier. Aucune décision définitive n'est proposée.
Nous n'avons plus besoin de dire à quel point la liaison Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse représente plus qu'une simple ligne ferroviaire. Elle représente bien sûr un axe majeur du développement des transports à l'échelle régionale - nous sommes tous d'accord sur ce point, je crois - mais elle a également un effet structurant sur l'aménagement du territoire dans l'agglomération genevoise et, en particulier, sur plusieurs périmètres des Eaux-Vives et de Chêne-Bourg. Nous avons la possibilité - ce qui est très rare dans un contexte aussi urbanisé que le nôtre - de construire de A à Z un plan d'aménagement multifonction qui allie logement et activité. Cela est très rare; c'est même un privilège et, a fortiori, une opportunité à saisir. La réflexion et la concertation sont en cours - en particulier aux Eaux-Vives - la planification l'est également, et même si cette motion est à l'ordre du jour depuis plus d'une année, on a encore la possibilité d'influencer le cours des choses. Il y a également des enjeux fonciers importants, qui constitueront l'une des compensations qui permettront de financer la liaison Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse. Ce soir, nous vous proposons d'introduire une option, une piste parmi d'autres, dans ce processus, et de l'étudier - puisqu'il ne s'agit en tout cas pas de prendre des décisions ce soir.
Beaucoup m'ont dit, à propos des quartiers sans voitures: «mais qu'est-ce donc que cette utopie ?» J'aimerais leur répondre que ce n'est pas une utopie mais bien une réalité dans un certain nombre de villes, en Europe et en Suisse. L'exemple le plus connu est celui de Vauban, à Fribourg-en-Brisgau, où certains députés sont d'ailleurs allés faire une visite de terrain. Les autres quartiers, situés dans d'autres pays d'Europe, constituent un grand succès. Il y a des listes d'attente pour aller vivre dans ces quartiers, et la demande est nettement supérieure à la place disponible. Ces quartiers représentent évidemment une très petite surface par rapport au reste des agglomérations, et c'est normal. Qu'est-ce qui fait que ces quartiers sont aussi attirants ?
Ils sont le lieu d'une grande qualité de vie, perçue par les habitants; ils se démarquent des autres quartiers par une grande cohésion sociale et une grande convivialité - je cite le mot utilisé tout à l'heure dans la discussion sur les plantages - et ils sont beaucoup plus économiques, tant du point de vue la construction que du loyer. Ce mode de vie peut, bien sûr, être considéré comme marginal en quantité par rapport à l'ensemble de la population. Il présuppose un certain nombre de conditions préalables: en premier lieu, il est évident que les gens y résident par choix - je répète qu'il y a des listes d'attente pour ces quartiers. En deuxième lieu, il faut une très bonne desserte en matière de transports publics. Il faut une desserte multimodale et, puisqu'il s'agit de quartiers sans voitures, et non d'habitants sans voitures, des possibilités de co-voiturage ou d'autopartage à leur proximité. Or, le quartier des Eaux-Vives, c'est une chance, présente exactement ces opportunités. Avec CEVA, vous aurez une desserte de transports publics idéale: en train, en tram, en bus. Aux Eaux-Vives, vous êtes encore en ville; la mobilité douce peut par conséquent être appliquée pour un certain nombre de déplacements. Enfin, il existe même des possibilités d'autopartage à proximité immédiate.
Selon certaines études, 2% de la population d'une agglomération souhaiteraient vivre dans ce genre de quartiers. 2%, c'est peu. A l'échelle du canton de Genève, cela représente 9 000 personnes. On sait - ou on ne sait pas - que 25% des ménages de l'agglomération genevoise ne disposent pas de voiture. Cela augmente nettement le potentiel des gens qui pourraient être intéressés.
Nous vous proposons de demander au Conseil d'Etat d'inclure cette option dans les différents scénarios étudiés. Je vous promets que, si cela se réalise un jour, il y aura beaucoup plus de gens disposés à y vivre qu'il n'y aura de places disponibles. En outre, les économies sur le coût du logement sont considérables, ce qui est un facteur d'importance capitale à Genève.
Nous vous demandons donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jacques Jeannerat (R). Le hasard veut que cette motion soit traitée le 1er avril. Excusez-moi, Monsieur Kanaan, mais votre motion est une véritable farce. On ne peut pas inciter les gens à abandonner leurs voitures et à prendre le train pour des questions notamment écologiques et, en même temps, empêcher les gens d'accéder aux gares en voiture dans certaines zones périphériques. Que votre motion porte essentiellement sur les stations de l'hôpital ou des Eaux-Vives - puisque ces zones se trouvent dans le centre-ville - pourquoi pas. Mais les stations prévues à Chêne-Bourg ou à la Praille doivent, au contraire, être accessibles en voiture.
Si votre motion avait prévu un gigantesque parking à la Praille, j'aurais pu la soutenir. On sait très bien qu'il y a, même dans cette salle, des personnes réticentes au projet La Praille-Eaux-Vives. Je n'en suis pas: vous savez très bien que je suis favorable à ce projet ferroviaire. Cependant, les gens qui y sont réticents avancent notamment que ce projet ferroviaire ne sera pas rentable parce que les gens ne prendront pas le train. Par conséquent, si les gens ne peuvent pas accéder en voiture dans des lieux comme la Praille et Chêne-Bourg pour se garer et prendre le train pour se rendre au centre-ville, le projet la Praille-Eaux-Vives sera un échec, Monsieur Kanaan.
Votre motion n'est pas sérieuse. Il faut que nous la refusions, Monsieur le président !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue, en tribune, la présence de Mme Elisabeth Häusermann, ancienne députée. (Applaudissements.)
Mme Anne Mahrer (Ve). Nous nous réjouissons de voir que nos idées avancent et, contrairement à ce que vient de dire M. Jeannerat, nous saluons cette motion. En revanche, nous souhaitons que la réflexion s'élargisse à d'autres périmètres qui sont aujourd'hui à l'étude et qui se prêteraient parfaitement à des quartiers entraînant une mobilité douce. Je voudrais citer quelques chiffres afin d'illustrer l'emprise qu'a la voiture dans notre petite République.
Dans les quartiers actuellement urbanisés, la plus grande partie de l'espace non construit appartient aux voitures. C'est ainsi que, pour 200 logements, 5 600 mètres carrés sont consacrés aux places de parc et aux routes d'accès alors que, dans un quartier de même taille, à écomobilité, cette surface peut être divisée par sept. Voici un autre exemple: une personne circulant en voiture utilise vingt fois plus de surface de route qu'une personne circulant à vélo ou en bus et cent fois plus qu'une personne se déplaçant à pied.
Faisons donc des économies en construisant des quartiers à écomobilité. En économisant ainsi sur les parkings et les routes d'accès, nous investirons dans la construction de bâtiments à concepts énergétiques performants, dans des transports publics efficaces et nous mettrons en pratique le concept du développement durable.
Il existe, à Genève, une véritable demande en faveur de ce genre de quartiers. Les grandes communes et le canton ont intérêt à réaliser de tels projets.
Nous vous proposons par conséquent de renvoyer ce projet au Conseil d'Etat.
Mme Nelly Guichard (PDC). Nous sommes aussi sensibles à la nécessité qu'il y a de se préoccuper de développement durable, de déplacements effectués à pied, à vélo, à bord des transports publics plutôt qu'en voiture ou autres véhicules à moteur. Nous concevons cependant avec difficulté que l'on puisse prévoir un aménagement, certes avant-gardiste - et même quelque peu «surréaliste» - des haltes de la Praille, des Eaux-Vives et de Chêne-Bourg alors que, pour l'heure, le CEVA n'est - hélas - pas prêt d'être réalisé. Nous estimons donc que cette motion n'a pas lieu d'être. Si le CEVA vient à être réalisé - ce que nous espérons malgré tout - il nous paraît totalement utopique d'avoir une gare à laquelle on ne peut pas accéder en voiture.
Nous rejetterons donc cette motion.
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
La présidente. Je vous remercie, Madame la député. La parole est à M. le député Reymond.
Une voix. Ah, enfin la vérité va jaillir !
M. André Reymond (UDC). Il est vrai que cette motion, déposée il y a plus d'une année, nous fait réfléchir au problème du CEVA. Actuellement, à Berne, on aimerait que ce projet ne se réalise pas ou qu'il soit repoussé le plus tard possible, et ce pour des questions financières. Cette motion a au moins le mérite de proposer une idée concernant l'aménagement des zones de gare, qu'elles soient situées aux Eaux-Vives, à Chêne-Bourg ou même à la Praille. L'idée selon laquelle il y aurait des habitations, des bureaux ou des locaux artisanaux dans cette zone paraît intéressante, surtout si nous considérons le fait que les personnes habitant dans cette zone n'auraient plus besoin de prendre leur voiture pour aller travailler.
En revanche, il est indiqué, dans le texte de cette proposition de motion, que les personnes résidentes qui achèteraient leur appartement ou qui habiteraient simplement dans ces quartiers devraient s'engager à ne pas posséder ou acheter de voiture. Nous ne sommes pas d'accord avec cette idée. Il est peut-être actuellement à la mode de s'attaquer aux 4x4 - je comprends que les 4x4 soient envahissants dans certains endroits. J'estime toutefois que le fait de vouloir entièrement supprimer la voiture constitue un abus de droit. Le groupe UDC ne peut pas supporter un tel abus de droit.
En revanche, si le parti socialiste ou M. Kanaan souhaitaient consacrer une motion à un véritable parking à Annemasse, nous les soutiendrions. Je parle d'un parking à Annemasse, mais c'est sans compter les indispensables parkings supplémentaires aux Eaux-Vives. En effet, dire qu'il y a suffisamment de places de parking aux Eaux-Vives est un leurre, surtout lorsque l'on sait que des pétitions demandent sans arrêt la construction de places de stationnement - par exemple, au Pré-Lévêque. Le manque de places de stationnement dans des gares importantes telles que celle des Eaux-Vives, de Chêne-Bourg ou même de la Praille risque de compromettre la rentabilité du CEVA. Je suis pour le CEVA et je n'aimerais pas que, pour des raisons de stationnement, ce projet ne connaisse pas le succès qu'il mérite.
Voila pourquoi, au nom de l'UDC, il ne m'est pas possible de soutenir cette proposition de motion.
M. Jean Spielmann (AdG). Les propos de M. Reymond par rapport au CEVA sont bien entendu inexacts. Il n'est pas vrai - il faut faire cesser ces allégations que certains colportent - que Berne ne veut pas financer le CEVA. Le vrai problème tient dans le fait que, si l'on continue les travaux, que l'on prépare les dossiers et que les chantiers sont prêts, le CEVA sera financé par Berne. En effet, la plupart des grands projets de constructions ferroviaires suisses qui sont ou qui étaient en concurrence avec le CEVA - la gare de Zurich ou les grands développements du tunnel dans le nord de la Suisse - ne sont pas prêts. Les financements prévus pour la fin de Rail 2000 et pour la deuxième étape sont garantis, et il n'y a pas de problèmes de financement du CEVA par Berne ou par le canton de Genève.
Aujourd'hui il faut continuer et accélérer les travaux de manière que ces projets soient menés de façon correcte et coordonnée. Si le canton de Genève est prêt et que les dossiers avancent, les financements suivront. Il faut donc mettre une fois pour toutes un terme à cette discussion qui a été engagée cinquante fois par «La Tribune de Genève» qui, en mal d'informations, divulgue de fausses informations. Il faut regarder les chiffres des vrais budgets et des vrais crédits, dans lesquels se trouve le projet CEVA de liaison avec les chemins de fer français.
Cette motion est intéressante pour ceux qui parcourent le périmètre autour de la gare des Eaux-Vives et des autres projets. Ces projets abritent un potentiel de développement, représentent un aménagement réalisé, et je trouve intelligent que l'on propose de discuter de ces questions. Cependant, il y aurait aussi lieu de prendre contact avec les gens qui travaillent dans ces zones: il y a notamment beaucoup de petits industriels auxquels il faudrait redonner confiance et avec lesquels il faudrait étudier les projets qu'il serait possible de mettre en place. Je crois en effet que, dans ces périmètres, il y a de la place pour ce type d'activités.
Par conséquent, je suis d'accord avec cette motion. Il me semble néanmoins important pour notre canton de garder l'axe et de réaliser la liaison ferroviaire avec le sud de la France. Cela me paraît indispensable pour le développement de Genève et de sa région ainsi que pour la mise en place d'un réseau de transports cohérent.
M. Roger Deneys (S). Je voudrais compléter les propos de M. Kanaan et attirer votre attention sur une petite erreur située dans la première invite du Grand Conseil au Conseil d'Etat - je n'étais pas député à l'époque du dépôt de cette proposition de motion, raison pour laquelle je n'y apporte une correction qu'aujourd'hui. Il faudrait écrire, non que le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à «intégrer la réflexion sur l'aménagement», mais bien qu'il l'invite à «intégrer àla réflexion sur l'aménagement (...) la possibilité de développer des quartiers à écomobilité sans voitures». Cette modification change fondamentalement le sens de cette motion car, comme M. Jeannerat l'a compris, il ne s'agit plus de développer l'ensemble des périmètres situés à proximité des arrêts du CEVA en quartiers écomobiles, mais bien de créer, à l'intérieur de ces périmètres, des zones ou des quartiers plus petits qui, eux, favoriseraient l'écomobilité, sans voitures, avec des logements construits sans parkings souterrains - ce qui constituerait également une diminution des coûts de la construction. Ces zones ou quartiers se révéleraient donc intéressants pour certains habitants ne détenant pas de voiture puisque, comme l'a dit M. Kanaan tout à l'heure, un quart de la population genevoise ne possède pas de voiture personnelle. Cette population est écomobile.
Je vous invite donc à soutenir cette motion en la corrigeant. On a déposé un amendement pour une virgule; j'en déposerai un pour un «à» supplémentaire, si cela s'avère nécessaire.
La présidente. Merci Monsieur le député. Présentez-vous formellement un amendement ?
M. Gabriel Barrillier. Non, non, non, non, non...
La présidente. Je ne demande pas cela à M. Barrillier, je demande cela au député qui vient de s'exprimer... Vous ne présentez donc pas d'amendement formel. Je vous remercie.
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral refusera cette motion, bien que, s'il était machiavélique, il l'accepterait. En effet, si on l'accepte, on peut tout simplement refuser le projet CEVA. (Manifestation dans la salle.)
Je ne suis pas du tout convaincu - je l'avais dit au moment du vote concernant le CEVA - du fait que les quartiers proches de cette ligne puissent se développer. Or, si ces quartiers ne peuvent pas se développer actuellement, le projet CEVA n'a plus de raison d'être et le milliard de francs prévu pour le développement de son infrastructure pourra être épargné.
Je ne serai cependant pas machiavélique, Mesdames et Messieurs les députés. Je refuse donc cette motion au nom du groupe libéral, afin de donner quelque chance de survie au projet CEVA.
J'aimerais en outre ajouter que le peuple a voté un article constitutionnel sur la complémentarité des moyens de transports et que nous avons voté un projet de loi sur la hiérarchisation du réseau routier - dont on attend toujours des réponses. Tous ces aspects ne sont pas pris en compte et cette motion est de nature à ne pas rentrer en ligne de compte s'agissant de ces actes politiques et constitutionnels.
Pour toutes ces raisons, le groupe libéral refusera cette motion et, en ce 1er avril, déclare préférer des étangs à poissons d'avril en guise de giratoire à écomobilité.
M. Michel Ducret (R). Il est inutile de se gausser des engagements au renoncement de la possession de véhicules que les futurs habitants devront prendre alors que l'on sait que certains locataires n'ont pas de véhicule, mais que leur compagne ou leur enfant en détiennent un et que ce véhicule est mis à la disposition de toute la cellule familiale. Vous savez que, face à la rareté des logements à disposition, on ne reculera devant rien pour obtenir un logement dans un quartier neuf.
Cela étant, passons aux choses sérieuses. Cette proposition de motion vise à produire un effet de propagande au détriment de la réalité. Je me concentrerai sur le problème que pose la gare des Eaux-Vives. Le projet CEVA, avec plus d'un milliard de francs de dépenses prévues, ne fournira à la collectivité locale que la «boîte» contenant la gare; il faudra encore sortir de cette gare, qui se trouve à plus de 20 mètres au-dessous de la surface du sol.
Or, il reviendra à la collectivité municipale ou cantonale de financer tout ce qui se trouvera au-dessus de ce souterrain. C'est là que les problèmes se poseront, car ce ne sont pas des dizaines, mais des centaines de millions de francs qu'il faudra trouver pour réaliser ces étages en sous-sol, entre la gare elle-même et le sol, et aménager la surface ainsi que les constructions qui se trouveront au-dessus de ce sol. Il faudra que ce quartier vive. Il y aura certes, et c'est souhaitable, des nouveaux logements, mais il faudra également, pour que ce quartier vive et qu'il devienne véritablement la gare «rive-gauche» de Genève, que l'on y dispose de bureaux, de commerces, de cabinets, voire d'un hôtel.
Pour financer tout cela, Mesdames et Messieurs les députés - et ce dans des délais relativement rapides, si l'on ne veut pas qu'il y ait un trou non aménagé pendant vingt ans - il faudra trouver de l'argent. Ce n'est pas la collectivité publique qui pourra avancer tout cet argent. Il faudra, pour l'aménagement, établir un partenariat assez poussé entre les pouvoirs publics et le secteur privé. Et vous ne pouvez pas faire appel à des fonds privés si vous posez des conditions trop drastiques aux organismes qui les mettent à disposition. Imaginez que vous alliez solliciter des commerçants en leur disant: «Il faut vous installer ici, mais il n'y aura pas de parking; vos clients seront obligés de venir autrement qu'en voiture». Cela est souhaitable, dans l'idéal; cependant, dans la réalité, cela ne marchera pas.
Une voix. Il est onze heures !...
M. Michel Ducret. Par conséquent, pour que ce projet marche, il faudra, qu'on le veuille ou non, y accueillir des voitures. Sans compter qu'il s'agit d'une gare ferroviaire: il faut prévoir, pour la solution Park and Ride, des places de stationnement pour les gens qui viendront prendre le train.
Par ailleurs, selon les services urbanistiques de la Ville de Genève, le quartier des Eaux-Vives est sinistré en matière de places de stationnement dans le tissu urbain actuel, si bien qu'il y aura la possibilité d'étendre le nombre de places de stationnement sur le site de la gare des Eaux-Vives aux différents étages du parking à réaliser dans des sous-sols que l'on ne sait comment occuper.
Je partage en revanche entièrement l'idée selon laquelle la surface devra être aménagée selon des critères d'écomobilité. Je pense que l'on doit pouvoir aménager la surface nouvelle sans créer des tas de nouvelles voies de circulation pour les automobiles. Néanmoins, la proposition de motion est excessive. De nouvelles surfaces sans bagnoles, oui; des quartiers entièrement sans voitures, non. C'est irréaliste !
Il faut refuser cette proposition, car elle coupera les ailes aux possibilités de financement de l'aménagement de surface. Il faut désormais se concentrer sur la réalisation du CEVA et assurer le développement induit plutôt que de se chamailler sur des détails tels que ceux proposés ce soir.
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez le droit de refuser cette motion, mais vous n'avez pas le droit de faire dire à cette motion ce qu'elle ne dit pas. Quand j'entends le député Meylan nous expliquer que cette motion est dramatique parce qu'elle risque de couler le CEVA, je me dois de réagir.
Premièrement, il n'y a pas un seul élément, dans le texte de cette motion, qui parle du train Eaux-Vives/la Praille et qui le mette en danger, puisque vous savez très bien que c'est un projet qui nous tient à coeur. Je rappellerai quand même à cette assemblée que, lors du dernier vote sur le CEVA, il y a eu un à deux députés qui se sont prononcés en défaveur de ce projet - dont M. Meylan, qui nous donne aujourd'hui des leçons afin de protéger ce projet. Sur ce dossier, vous êtes peu crédible, Monsieur Meylan !
M. Jeannerat a déclaré que ce projet pourrait mettre les parkings d'échange en danger. Je suis obligé de réagir car, ici aussi, il s'agit d'un mensonge. Il n'y a aucun élément, dans cette motion, qui mette les parkings d'échange en danger. Je vous rappelle en outre que le parti socialiste se bat en faveur du développement des parkings d'échange et du transfert modal. Nous avons été le premier parti à dire qu'il fallait construire un parking d'échange vers la gare d'Annemasse et que ce parking constituait l'une des clés de la réussite de ce projet. Nous savions qu'en présentant cette motion, nous présentions une idée très novatrice. C'est la raison pour laquelle nous demandions que le Conseil d'Etat étudie cette solution. Comme tout projet novateur, il faut du temps pour qu'il soit accepté. A ce titre, je me souviens de la proposition des Verts sur la nouvelle manière de conduire, l'«Ecodrive»; une bonne partie des membres de ce parlement s'étaient un peu moqués des Verts. En commission, toutefois, on a vu que le TCS soutenait ce type de conduite et tous les partis ont finalement soutenu ce projet. En ce qui concerne les zones d'écomobilité, il y a eu la même opposition et la même moquerie dans les villes qui les ont instaurées. Or, dans la plupart de ces villes, aujourd'hui, la plupart des partis n'aimeraient pas revenir en arrière et se déclarent tout à fait satisfaits d'avoir, au sein de leur cité, des quartiers d'écomobilité.
Nous proposons donc, non pas de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat mais d'étudier cette proposition en commission de l'aménagement. Chacun pourra ainsi essayer d'apprendre des autres.
Une voix. Ah non, non, non ! (Rires.)
M. Christian Brunier. Ainsi, après avoir étudié le sujet, vous pourrez, si vous le voulez, refuser le projet. L'étude d'un projet aussi novateur mérite qu'un minimum de temps soit consacré en commission.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Sami Kanaan (S). J'ai attentivement écouté les arguments des uns et des autres. J'aimerais vraiment insister sur un point, car peut-être y a-t-il eu une erreur de formulation: il n'a jamais été question d'interdire l'accès en voiture aux gares du CEVA. Nous avons simplement dit que, dans cette zone aménagée, il sera aussi possible de proposer des quartiers d'habitations à proximité immédiate de la gare qui seront potentiellement sans voitures. Je rappelle encore une fois que ces quartiers jouissent d'un énorme succès dans d'autres villes. Nous ne faisons que proposer une option. En refusant la motion, vous interdisez qu'on étudie seulement sa possibilité. Je rejoins les propos de mon ami Brunier: qu'on aille en commission ! M. Ducret a aussi dit que l'on pouvait discuter des modalités d'aménagement. Nous avons une opportunité unique dans ces périmètres, qui sont des espaces vierges que l'on peut concevoir de A à Z. Cela vaut la peine que l'on y réfléchisse.
Ces espaces vont augmenter la rentabilité de CEVA car je peux vous dire que ces quartiers sont devenus extrêmement prisés dans les lieux où ils ont été aménagés. Ce n'est donc pas une utopie, mais bien une réalité qui marche dans certaines villes. J'aimerais que les représentants de l'économie, que l'on a entendus ce soir, révisent quelque peu leurs classiques: la valeur foncière de ces zones a augmenté, tout comme leur qualité de vie, et les gens, je vous le répète, se disputent la possibilité d'y habiter. Par conséquent, même si l'on fait abstraction de l'écologie, il s'agit d'une option intéressante en termes purement économiques.
Pour compléter les propos de mon collègue Brunier, il y a actuellement, à la commission des transports, une pétition de l'Association des habitants du quartier des Eaux-Vives - je fais partie de son comité et je soutiens cette pétition - qui demande un parking pour les détenteurs de macarons, car les Eaux-Vives sont justement sinistrées... (L'orateur est interpellé.)...Nous reprenons précisément la proposition des radicaux ! Vous n'avez simplement pas abouti lors de votre initiative municipale, Monsieur Barrillier, je suis désolé. A chacun sa chance: nous avions une pétition de 2700 signatures en faveur d'un parking avec des macarons. Quand cela fait sens, il faut construire des parkings. Cette pétition sera traitée et je me figure qu'elle fera l'unanimité.
Quant à l'article constitutionnel, il faut arrêter de nous sortir cette espèce de tarte à la crème: si l'on appliquait sérieusement l'article 160A, il faudrait rétablir l'équité en faveur de la mobilité douce et des transports publics au vu du déséquilibre actuel en faveur de la voiture. Cet article est violé de manière constante, Monsieur Meylan, et vous devriez effectivement être soucieux de son application, mais pas forcément dans le sens que vous croyez. Les logements sont moins chers, parce que l'on économise des frais considérables en garages, en voirie et en parkings souterrains. On propose ainsi des logements de qualité qui sont moins chers. Cela devrait également faire partie de vos préoccupations.
Je demande que l'on donne une chance à cette motion. Nous sommes éventuellement prêts à aller en commission de l'aménagement ou des transports afin de réécrire ce texte, si cela peut permettre à une majorité de se rassembler autour de lui. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Si cette motion exigeait que la totalité des périmètres qui seront urbanisés en raison du développement de CEVA soient des quartiers d'écomobilité, je vous répondrais très sèchement qu'il n'en est pas question. Mais, à la lecture du texte de cette motion, on nous demande - ce qui me paraît fort modeste - d'intégrer à la réflexion sur l'aménagement la possibilité de développer des quartiers d'écomobilité sans voitures. Il serait tout à fait regrettable de se priver d'une réflexion de cette nature. En effet, on l'a vu lors de précédents débats, l'un des gros problèmes de l'aménagement genevois réside dans la circulation. A partir de là, il existe un certain nombre de solutions. Il y a CEVA, il y a les transports publics, la voiture individuelle, le vélo, il y a tout ce que vous voulez. Et puis, dans cette liste de solutions, il y a aussi les quartiers à écomobilité. Je ne comprends pas que vous hésitiez à intégrer cette possibilité de réflexion. Ce n'est tout de même pas une contrainte majeure !
Je vous déclare donc qu'en matière de circulation, on ne peut pas avoir de tabous et que l'idée développée par les motionnaires mérite, de toute évidence, d'être prise en compte dans la réflexion. Il est certain qu'elle n'est pas applicable telle quelle sur l'ensemble des périmètres concernés - cela me paraît à première vue plus facile sur certains que sur d'autres - mais ne nous privons pas d'une possibilité d'examen de la sorte.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons été saisis d'une demande de renvoi en commission de l'aménagement, formulée par M. Brunier; nous avons également été saisis d'un amendement, présenté par M. Sami Kanaan, visant à ajouter un «à». Nous devrions peut-être procéder comme tout à l'heure et voter à l'appel nominal, comme pour la virgule de M. Barrillier. Nous verrons.
Pour l'instant, nous votons sur la demande de renvoi en commission de l'aménagement formulée par M. le député Brunier.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 32 non contre 31 oui et 2 abstentions.
M. Sami Kanaan (S). Je voudrais apporter une correction. Dans la première invite du texte s'est glissée une petite erreur de syntaxe, qui pourrait fausser le sens et induire des malentendus. Ainsi, le Grand Conseil devrait inviter le Conseil d'Etat à «intégrer à la réflexion sur l'aménagement...». Il manquait cette préposition, afin de bien préciser que l'on ne veut pas enlever l'accès aux gares aux voitures - ou à quelque moyen de locomotion que ce soit - mais, comme l'a dit M. le conseiller d'Etat Moutinot, que l'on souhaite proposer une réflexion sur une option possible dans ce périmètre.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter sur votre amendement. J'imagine que l'appel nominal n'est pas demandé. (Exclamations.)
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 22 non et 3 abstentions.
Le président. Nous allons maintenant voter sur l'acceptation de cette motion et sur son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 36 non contre 34 oui et 2 abstentions.