Séance du
jeudi 1 avril 2004 à
20h30
55e
législature -
3e
année -
7e
session -
32e
séance
M 1519
Débat
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Quatorze mois après le dépôt de cette motion, nous sommes très contents de pouvoir vous la présenter, d'autant plus que - ça tombe bien ! - c'est une motion plutôt printanière. Pour s'adonner aux joies du jardinage à Genève lorsqu'on habite un appartement, il faut s'adresser à l'association des jardins familiaux et s'armer de patience. Aujourd'hui, près de six cents personnes dans le canton attendent une parcelle. Malgré la forte demande pour cette activité de plein air, certains jardins familiaux situés dans les zones urbaines se trouvent aujourd'hui menacés par les besoins de construction de nouveaux logements. Les signataires de cette motion pensent qu'il est important de proposer une alternative aux jardins familiaux, en offrant aux habitants de notre canton la possibilité de renouer avec les plaisirs du jardinage, activité particulièrement délassante et calmante. (Brouhaha.)
Les plantages sont des lopins de terre de surface modeste, variant de 6 à 48 mètres carrés selon les voeux de l'utilisateur, situés à proximité directe des habitations... (Le brouhaha continue.)
Monsieur le président, pouvez-vous ramener un peu d'ordre, s'il vous plaît ? (Le président agite la cloche.)Merci, Monsieur le président.
... ceci afin de limiter le plus possible les déplacements motorisés des jardiniers amateurs. On devrait pouvoir y accéder à pied à moins de cinq minutes de chez soi. Ils sont l'occasion de faire passer certaines valeurs éducatives et environnementales, car le jardinage nécessite de la patience, de la persévérance parfois, et surtout le respect de la terre. C'est aussi une excellente occasion de diversifier la végétation en milieu urbain et de contribuer à rendre son environnement beau, donc plus respectable. En transformant des plates-bandes de gazon stérile en jardin fertile, des personnes de tous âges vont redécouvrir les plaisirs du contact avec la terre. Loisir de proximité, les plantages contribuent aussi à l'animation des quartiers, en devenant lieu de rencontres et d'échanges, sans distinction d'âge ou de niveau social.
L'idée de cette motion est de créer à titre d'exemple quelques plantages car, si l'expérience s'avère positive, nous sommes convaincus du succès des plantages à Genève. Les Verts vous suggèrent donc de renvoyer cette motion en commission de l'environnement ou de l'aménagement, dans l'espoir de voir fleurir peut-être le printemps prochain quelques plantages.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Le groupe démocrate-chrétien, je vous le dis d'emblée, fait bon accueil à une telle proposition. Vous l'avez dit, c'est le moyen de retourner à des valeurs dont trop de gens se trouvent peut-être trop éloignés. D'ailleurs, celui qui vous parle avait, il y a de cela un an ou deux, dans cette enceinte, souhaité que l'Etat mène une politique plus active dans la recherche de jardins familiaux organisés tels que nous les connaissons.
Nous voudrions simplement, au moment d'entrer en matière sur ce projet de motion et ces projets de plantages, vous mettre en garde sur un danger qui pèse sur ce type d'opérations. Vous l'avez dit très justement, c'est très vite et très souvent un lieu de convivialité où l'on aime se retrouver, en particulier quand les belles soirées de printemps arrivent. Le danger est que, sans passer au second plan, le jardinage soit très vite accompagné d'installations qui deviennent très difficiles à gérer. J'avais d'ailleurs interpellé en son temps le président du département, à propos des jardins familiaux sauvages. Un exemple me vient à l'esprit: Troinex est devenu un véritable bidonville, Mesdames et Messieurs ! Je ne dis pas que c'est ce qui se produira au pied des immeubles, mais il y a quand même un danger que, très vite, les régies et l'Etat ne parviennent plus à gérer convenablement ce type d'installations. (L'orateur est interpellé par le député Pagani.)
Monsieur Pagani, je vous invite à aller voir. Je vous assure qu'il y a non seulement un problème pour le paysage, mais même un danger car, si le feu se déclare un jour dans ce genre d'endroit où les cabanes, faites de matériaux extrêmement inflammables, sont collées les unes aux autres, je pense que l'on pourrait aller à une catastrophe. Les gens qui aménagent ceci de manière précaire le font avec plein de matériaux de récupération et, évidemment, dans le total irrespect des normes de sécurité.
C'est simplement ce que nous voulions vous dire. C'est avec plaisir que nous étudierons cette proposition en commission de l'environnement, mais nous serons attentifs aux conditions d'application de ce type de promotion.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme une demande de renvoi en commission a été formulée, un intervenant par groupe peut s'exprimer. Je vois qu'un second député des Verts s'est inscrit; j'imagine qu'il renonce. Si ce n'est pas le cas, je vous ferai renoncer... (Brouhaha.)Mme Ariane Wisard-Blum a demandé le renvoi de cette motion en commission de l'environnement ou de l'aménagement, de sorte que je suis obligé d'appliquer la procédure prévue à cet effet. Monsieur Bavarel, je suis navré, mais je ne vous donnerai donc pas la parole. En ce qui concerne le parti libéral, je donnerai la parole au premier inscrit, à savoir M. le député Florian Barro.
M. Florian Barro (L). Merci, Monsieur le président. Je reconnais le côté printanier de cette motion, que le parti libéral accueille favorablement. Il recommande de la renvoyer à la commission d'aménagement. (Protestations.)
Plusieurs voix. Non ! A la commission de l'environnement et de l'agriculture !
M. Florian Barro. A mon avis, cela concerne un problème de plan localisé de quartier, dans la mesure où les personnes qui élaborent des plans localisés de quartier en matière urbaine ont parfois quelques réticences à proposer ce qui est prévu dans cette motion. Je vous recommanderai donc plutôt de la renvoyer à la commission d'aménagement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Il est intéressant de voir que, par esprit de simplicité, les aménagistes pensent généralement à mettre simplement de la verdure, alors que, dans le cas présent, la motion nous invite à réfléchir à une autre appropriation des espaces publics. Des gens sont prêts à les investir, prêts à s'en occuper. Je trouve bien plus intelligent de leur donner cette opportunité que de laisser des friches d'espaces verts sans aucun aménagement. C'est pourquoi je vous recommande de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement.
M. Gabriel Barrillier (R). Je dirai d'emblée à nos amis Verts que nous voterons cette motion - on ne va pas se fâcher - mais bon, nous sommes le 1er avril aujourd'hui...
Quand j'ai lu cette motion, je me suis dit: attention ! Est-ce le retour du Plan Wahlen, où l'on cultivait des patates sur la plaine de Plainpalais ? (Rires.)Ce n'est pas ça que vous voulez, tout de même !?!
Une voix. Mais non !
M. Gabriel Barrillier. Ah, j'avais cru...
Je me suis fait une deuxième réflexion. Les milieux agricoles et maraîchers sont très muets ce soir; c'est pourtant une sacrée concurrence à leur production ! Chers collègues, si tous les citadins se mettent à planter et cultiver des tomates sur leur balcon et dans les moindres recoins, vous risquez d'en pâtir ! Bref, je trouve que cette motion peut être acceptée avec beaucoup d'humour, de gentillesse, et je me disais que jardinage et plantage, telles sont les deux mamelles de la République. (Rires.)
M. Sami Kanaan (S). Nous constatons que notre collègue Barrillier n'aime pas la concurrence dans l'économie, puisqu'il s'inquiète de celle que pourraient générer ces plantages pour ses collègues vignerons et agriculteurs.
Une voix. En tout cas pas pour la vigne !
M. Sami Kanaan. Qui sait, tout est possible ! Il y a des pentes en ville de Genève, par exemple à la Servette - on pourrait y planter de la vigne...
Plus sérieusement, le groupe socialiste a évidemment de la sympathie pour cette motion et la soutient dans son idée. Le jardinage est notoirement l'une des activités les plus relaxantes possibles pour se détendre de la vie urbaine. Ne serait-ce que pour cette raison, pour une bonne politique de prévention et de promotion de la santé, il vaut la peine de soutenir cette motion. Nous aurions été en faveur d'un renvoi direct au Conseil d'Etat mais, si un petit tour par la commission de l'environnement permet de clarifier certaines questions, nous ne nous y opposerons pas.
M. Christian Bavarel (Ve). Ma collègue a simplement présenté la question en tant qu'auteur de la motion. Vous pensez bien qu'en tant que jardinier, je voulais développer la position des Verts. Je tiens juste à rappeler à M. Barrillier qu'en général, tous les jardins et plantages sont un plus pour les maraîchers de la région, qui peuvent vendre des plantons, du fumier et différentes choses. (Brouhaha.)
Je voulais également rappeler qu'au début du XXe siècle, toutes ces histoires de jardins étaient abordées d'un point de vue moral: tant que les gens cultivaient leur jardin, au moins ils n'étaient pas au bistrot... Aujourd'hui, tel n'est pas tout à fait le propos, puisqu'il s'agit d'apporter du plaisir à nos concitoyens - et du plaisir pour pas un rond. Cela ne doit rien coûter à la République, mais il s'agit simplement d'offrir aux gens la possibilité d'être heureux chez eux. En même temps, du point de vue de la sécurité des quartiers, si les gens restent enfermés chez eux, les quartiers sont moins sûrs.
Je souligne à l'attention de M. Portier qu'il n'est pas question de construire des cabanes ni des bidonvilles ! Il est simplement question de faire en sorte que les gens puissent cultiver des fleurs et des légumes en bas de chez eux. Les risques d'incendie me semblent quelque peu limités...
Je signale encore que la Fondation HBM Emile Dupont tente actuellement de mettre en place un plantage en bas de chez elle. Or, on se rend compte que, sans l'aide de cette motion, cela est très difficile: les demandes ont été faites, la Fondation attend simplement que l'inscription soit enregistrée pour poser une barrière et un point d'eau. Nous nous rendons compte qu'un coup de main est nécessaire pour que les habitants puissent être heureux autour de chez eux. A l'heure où la République connaît quelques difficultés budgétaires, on vous propose, pour une fois, une mesure qui rende nos concitoyens heureux sans coûter grand-chose à la République. Il faut simplement accepter cette motion avec enthousiasme.
Le président. Merci, Monsieur le député, pour cette apologie du plantage. Si un jour j'ai un jardin, je vous appellerai pour vous demander un coup de main. La parole est à M. le député André Reymond.
M. André Reymond (UDC). Cette proposition de motion des Verts est très intéressante: il faut le dire. Elle mérite d'être soutenue afin d'avoir en milieu urbain des petites zones de verdure agréables, pour des questions de plaisir, de loisir. Plusieurs députés ont soulevé le problème de l'aménagement. En effet, il ne faudrait pas que, comme dans certaines communes alentour - dont celle où j'habite - ces petits lopins de terre deviennent des bidonvilles, où les risques d'accident ou d'incendie sont réels. Nous pouvons compter sur la réglementation que le Conseil d'Etat édictera à ce sujet.
Avant que le Conseil d'Etat ne se prononce, l'UDC propose de renvoyer cette proposition de motion à la commission d'aménagement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de votre unanimité et j'accepte volontiers cette motion, soit directement si vous voulez me la renvoyer, soit après un petit passage à la commission d'aménagement si vous souhaitez préciser certains points.
J'ai envie de vous faire remarquer que vous avez, lorsqu'il s'agit de ne pas construire, une admirable unanimité. Je souhaite la retrouver lorsqu'il s'agit de construire.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons eu deux propositions différentes de renvoi en commission: l'une pour la commission de l'environnement, l'autre pour la commission d'aménagement. D'après les prises de position des groupes, le renvoi en commission d'aménagement semble rencontrer votre faveur. Je ferai voter sur ces deux propositions, en commençant par le renvoi en commission d'aménagement. S'il est refusé, nous voterons sur le renvoi en commission de l'environnement. Nous procédons par vote électronique.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton par 53 oui contre 15 non et 2 abstentions.
Le président. Il nous reste vingt minutes. Nous traiterons donc encore le point 27 de notre ordre du jour - soit la motion 1527.