Séance du jeudi 11 mars 2004 à 17h
55e législature - 3e année - 6e session - 26e séance

RD 495-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant l'exercice du droit référendaire cantonal à l'encontre de la loi fédérale sur la modification d'actes concernant l'imposition du couple et de la famille, l'imposition du logement et les droits de timbre, du 20 juin 2003
Rapport de Mme Michèle Künzler (Ve)

Débat

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. C'est toujours... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)C'est toujours un plaisir, pour un rapporteur, de savoir que son rapport a été lu... (Remarques.)D'après les remarques que j'ai entendues, il l'a visiblement été ! Ce qui me fait moins plaisir, ce sont les observations, parfois un peu désagréables, qui montrent que certains estiment que ce rapport est incomplet.

J'aimerais rappeler les circonstances qui ont donné lieu à ce rapport. Au moment où la possibilité de lancer un référendum des cantons s'est présentée, une résolution a été déposée, de même qu'un rapport du Conseil d'Etat. Finalement, on a renvoyé tout cela en commission afin d'examiner ce que ce paquet fiscal allait apporter au canton.

D'une part, nous voulions plutôt connaître ses incidences financières sur le canton - et c'était, j'insiste, l'objectif de notre rapport; d'autre part, nous voulions connaître l'incidence sur la législation fiscale de notre canton ! C'était convenu. Puisque nous ne participions pas au référendum, nous n'allions donc pas donner notre avis sur l'incidence au niveau fédéral.

Et ce que nous avons constaté en commission - cela transparaît dans ce rapport qui, d'ailleurs, a été accepté par tous les membres de la commission, à l'exception de deux abstentions - c'est une hausse sur les impôts des contribuables du canton ! Mais surtout, et cela est grave, il y a là une ingérence inadmissible de la part du Parlement fédéral, ingérence contraire à l'article 124 de la Constitution fédérale. Ce point est extrêmement important ! Cette ingérence consiste à fixer les déductions possibles à la place du canton et, par conséquent, de diminuer de manière inadmissible la marge de manoeuvre du canton.

Par ailleurs, nous avons pu constater qu'il y avait deux autres points contraires à l'harmonisation fiscale ou, en tout cas, qui n'avaient pas à figurer ici et qui ont été rajoutés: c'est, d'une part, l'épargne-logement... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Mme Michèle Künzler. Si cela n'intéresse pas vraiment les gens, je peux m'arrêter... (Commentaires.)

Je reprends: l'épargne-logement a donc été ajoutée, ainsi que la suppression des intérêts pour les nouveaux propriétaires. Ces deux points, qui ne relèvent pas de l'harmonisation fiscale, sont ceux qui coûteront le plus cher au canton; c'est là qu'il y aura une incidence à la fois sur les contributions cantonales et sur les contributions fédérales.

Vu les critiques émises, nous avons fait établir à nouveau des tableaux qui montrent l'incidence du paquet fiscal, incidence cumulée à la fois sur l'impôt cantonal et sur l'impôt fédéral. Cela modifie légèrement ce qui avait été dit, c'est vrai, pour le contribuable genevois, mais l'on voit que, malgré tout, même pour les personnes qu'on dit être visées prioritairement, c'est-à-dire les familles, et même en cumulant la baisse de l'impôt fédéral et l'augmentation de l'impôt cantonal, on arrive à une hausse de plus de 30%... Même pour les familles ! Voilà ce que nous voulons signaler !

Vous pourrez consulter ces nouveaux chiffres. De toute façon, parmi ceux qui nous ont été communiqués, on ne tient pas compte de l'effet de l'épargne-logement, ni de la suppression des intérêts pour les nouveaux propriétaires, parce qu'il est, bien entendu, difficile d'attribuer à un contribuable, personne physique, l'envie de réaliser une épargne fiscale ou de concrétiser un futur achat. En outre, il manque dans ces tableaux 100 millions de francs qui représentent l'impact de l'épargne-logement et de la suppression des intérêts pour les nouveaux propriétaires. C'est ce que je voulais souligner.

Ces tableaux sont corrects, tout ce qui devait être pris en compte pour l'impact cantonal l'a été. D'ailleurs, je vous rappelle que le rapport a été voté en commission. Maintenant, si vous voulez compléter ce tableau par l'impact fédéral, pourquoi pas ? Mais vous verrez que le tableau reste inquiétant.

M. Jean Rémy Roulet (L). Les députés libéraux disent: «Oui au paquet fiscal», tel qu'il nous est présenté; «Oui à son volet lié au logement» - car il est totalement inique d'imposer la valeur locative en ces temps modernes. Les libéraux disent également: «Oui au volet famille» - favoriser la fiscalité des familles paraît être une évidence qu'il n'est plus besoin d'énoncer. Enfin, ils disent «Oui au troisième volet» de ce paquet fiscal, relatif au droit de timbre.

A celles et ceux, assis sur les bancs d'en face, qui s'ingénient à qualifier ce paquet de «fourre-tout», de «melting-pot», de «papet»... nous rétorquons: «Oui au paquet et non au papet !» (Rires.)

Force est donc de constater que, sur ce terrain, nous ne sommes pas du tout d'accord. J'ajouterai encore que, lorsqu'il s'est agi de voter un «mini-paquet» genevois - je veux parler du «couac» de Mme Calmy-Rey qui proposait une modification du barème des impôts, ainsi qu'une meilleure répartition grâce de ce fameux rabais d'impôts - eh bien, vous, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous avez voté cette baisse d'impôts ! Vous avez déjà voté un paquet fiscal cantonal. En toute logique, il serait bon pour vous de faire de même ce soir, en préavisant favorablement cette votation fédérale.

Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, au rapport de Mme Künzler. En page 23 de ce rapport, vous constaterez que l'ensemble des baisses s'élève à 232 millions de francs et que, lorsqu'on parle de l'«ensemble des baisses» pour le contribuable, on additionne l'impôt communal, l'impôt cantonal et l'IFD, impôt fédéral direct. Et ce montant-là n'est pas rien, Mesdames et Messieurs les députés ! Il représente une baisse sensible, globale, pour l'ensemble des contribuables. Seuls 25% de ces baisses touchent nos finances cantonales pour un montant équivalent à celui de la fameuse votation du «couac» fiscal que j'ai mentionné tout à l'heure. Alors, eu égard à ce qui vient d'être dit, ce n'est pas aussi anodin que cela pour le contribuable. Je crois que c'est un coup de pouce qu'il faut saluer.

Venons-en plus précisément à la conclusion qui se trouve en page 16 du rapport de Mme Künzler. Je juge que cette conclusion est partielle, puisqu'il est indiqué sous le chapitre «Présentation des annexes»: «On constate que 75% des contribuables verraient leurs impôts augmenter et 25% auraient une diminution.» Madame Künzler, vous avez raison si vous ne tenez compte que de l'impact cantonal. Cependant, et vous le savez bien, à cela s'ajoute l'impact fédéral et, malheureusement pour vous, si l'on ne tient pas compte de cet impact, le rapport est tout simplement inversé.

Par conséquent, nous, libéraux, prétendons qu'il y a dans ce rapport un jugement partiel. Ce n'est pas votre faute, Madame, ni celle du département - qui nous a fourni, en temps et en heure, tous les chiffres que nous lui avions demandés à l'époque - mais le jugement posé dans ce rapport est partiel, parce que l'impact IFD n'a pas été pris en considération.

Là où le rapport est un peu plus partial, c'est lorsqu'il affirme: «Ces effets seront encore amplifiés par les parts communales et fédérales.» J'espère vous avoir démontré le contraire. Donc, ces impacts sont plutôt favorables au contribuable.

En un mot, je recommanderai au Grand Conseil d'accepter ce rapport, avec les remarques qui ont été émises jusqu'à présent, mais je recommanderai également de tenir compte de l'impact fédéral. D'ailleurs, mon collègue Mark Muller formulera une proposition de renvoi en commission afin que nous puissions étudier cette question.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Les Verts font partie des premiers groupes à s'être élevés contre ce paquet fiscal et à avoir lancé, contre cette loi, le référendum populaire qui a finalement abouti. 57 658 signatures ont été recueillies, tandis que onze cantons lançaient un référendum cantonal. Le jour même du vote de ce paquet fiscal par le Conseil national, la Conférence des gouvernements cantonaux adoptait à l'unanimité une recommandation aux cantons soutenant le dépôt d'une demande de référendum. Ainsi, onze cantons et plus de 57 000 personnes demandent un vote populaire sanctionnant le vote du parlement sur ce paquet fiscal. Pourquoi une telle mobilisation ? C'est principalement sur les volets du logement et de la famille que nous nous opposons à ce paquet fiscal. Plusieurs problèmes ne sont pas résolus dans cette loi.

Avec cette nouvelle loi, les propriétaires ayant fini de payer leurs hypothèques, ainsi que les propriétaires ayant acquis un logement depuis 1998 s'en tireraient avec des baisses d'impôts. Cependant, en ce qui concerne les autres propriétaires, l'effet risque d'être beaucoup moins positif que ce que les partisans de cette loi laissent entendre.

La suppression de la déduction des intérêts des dettes des logements est un autre élément problématique. Cela signifie en effet que les propriétaires des biens immobiliers les plus importants, ayant remboursé leur prêt dans sa quasi-totalité, bénéficieront des baisses massives d'impôts, alors que pour les propriétaires fortement endettés, qui ne pourront plus déduire les intérêts passifs, la situation se péjorera sérieusement.

De plus, à cause des frais d'entretien, qui ne sont pas plafonnés vers le haut mais vers le bas - à partir de 4 000 francs - on peut craindre que les propriétaires des petits objets soient défavorisés face aux propriétaires des grands objets. Pour ceux qui possèdent des moyens importants, il sera possible de diminuer la charge fiscale en entretenant excessivement leurs biens immobiliers, du fait que la valeur locative n'existera plus.

Quant à l'épargne-logement, on peut se demander aujourd'hui qui serait touché par une telle mesure. En effet, les ménages devraient avoir la capacité financière de payer leurs trois piliers et être, en plus, exonérés pour un compte épargne-logement... Il ne s'agit vraiment plus de la classe moyenne !

Concernant le volet «famille», sous forme de boutade je pourrais dire que la «famille idéale», selon la Berne fédérale - celle qui est la plus favorisée dans cette loi - est celle dont les deux époux travaillent, gagnent plus de 200 000 francs annuels, mais n'ont pas d'enfants. C'est donc cela, la famille de demain ? C'est cela l'idéal de notre politique suisse ? Je me pose sérieusement des questions et je trouve que l'avenir de cette couleur-là n'est pas beau ! Heureusement, les gens ne comptent pas toujours avant de faire des enfants, sinon ce serait bien triste.

L'argument de la famille est souvent avancé pour essayer de nous faire avaler des cadeaux fiscaux aux grands propriétaires. Mais à nouveau, il faut se pencher un peu plus près sur la problématique pour savoir réellement de qui on parle ! Un des premiers buts de la loi était d'harmoniser les charges entre les couples mariés et concubins, d'aboutir à une équité fiscale. Le premier constat est que ce problème n'est absolument pas résolu. Le second constat est que, pour l'ensemble des contribuables, les baisses d'impôts se produiront dans les tranches de revenus en-dessous de 40 000 francs et au-dessus de 150 000 francs. Toute personne se situant dans la tranche intermédiaire verra ses impôts augmenter. Cela pose encore une fois le problème de savoir qui est la classe moyenne, et qui le Conseil national a voulu favoriser.

Les autres aspects inquiétants sont la limitation de la déduction des primes cantonales d'assurance-maladie, l'introduction du «splitting» et la suppression du montant additionnel pour le travail du conjoint. Ces trois éléments ont des effets différenciés en fonction des tranches de revenus des contribuables. Mais les couples avec enfants et gagnant moins de 150 000 francs annuels seront les plus touchés.

Le seul aspect «positif» de ce paquet fiscal est celui concernant les frais de garde au niveau national. C'est peut-être l'estimation du département des finances que nous remettons le plus en question. En effet, aujourd'hui, nul n'ignore la difficulté pour les parents de faire garder leurs enfants dans des structures officielles. Avec les récentes décisions concernant la diminution du subventionnement fédéral des crèches, et en continuant à diminuer les rentrées fiscales, on peut douter que la volonté politique soit d'améliorer l'offre de garde des tout-petits. De plus, beaucoup de parents ont recours aux services de personnes non déclarées - ce qui va peut-être changer avec le nouveau chèque mis en place par le Conseil d'Etat. Ces deux éléments nous font penser que les 24 millions de diminution prévus par le département des finances sont surestimés.

En conclusion, j'aimerais remercier l'administration cantonale qui a réalisé un énorme travail - elle a répondu à toutes nos requêtes de chiffres - et ses fonctionnaires qui, sans jamais perdre patience, nous ont expliqué tous les épineux aspects de ce dossier, ce qui n'était pas une mince affaire.

Nous sommes très inquiets de la tournure que prennent les événements: les attaques continuelles, pour diminuer les recettes fiscales, que ce soit aux niveaux fédéral, cantonal ou municipal, contribueront inévitablement à des baisses de prestations pour la population !

Pour toutes ces raisons, les Verts accepteront de prendre acte de ce rapport et se battront pour expliquer aux citoyens la nécessité de refuser ce paquet fiscal et de continuer avec notre loi actuelle. (Applaudissements.)

M. Mark Muller (L). Le rapport de la commission fiscale ne comporte pas d'erreurs. Les chiffres qui nous sont fournis concernant l'impact pour les finances cantonales sont corrects et nous les acceptons en tant que tels. Cela montre que l'impôt cantonal augmentera pour 75% des contribuables du canton. Nous le regrettons, mais cela découle du caractère extrêmement particulier de notre fiscalité: nous sommes le seul canton où ce genre d'effets a pu être constaté. Si telle était la réalité, globale, nous refuserions ce paquet fiscal, puisque nous sommes favorables à une baisse des impôts pour les Genevois.

Cependant, le rapport qui nous a été remis est partiel, comme nous l'a dit M. Roulet tout à l'heure, il manque une grande partie des chiffres, c'est-à-dire l'impact du paquet fiscal sur l'impôt fédéral direct, payé par les Genevois. Nous avons reçu ces chiffres récemment. Nous avons d'ailleurs pu les présenter à la presse hier, et je voudrais remercier Mme Brunschwig Graf de nous les avoir remis, ainsi qu'à la commission fiscale. Ils changent tout, ces chiffres, Mesdames et Messieurs les députés !

De 75% de contribuables qui paieraient plus d'impôts, comme le Conseil d'Etat l'a prétendu - cela a été largement repris par la presse - on arrive à des baisses d'impôts pour 75% de contribuables ! Le résultat est donc inversé. Ce ne serait pas si grave si l'on considérait le rapport de la commission fiscale comme un rapport portant uniquement sur la fiscalité cantonale. Or tel n'est pas le cas. Ce rapport est utilisé de façon fallacieuse pour combattre le paquet fiscal, en prétendant que, d'une part, les recettes du canton vont diminuer de façon dramatique et, d'autre part, que la majorité des contribuables vont payer davantage d'impôts. Par conséquent, nous ne pouvons évidemment pas laisser passer un tel discours. De partiel, Madame la rapporteuse, votre rapport devient partial !

C'est pour cette raison que nous proposons à ce Grand Conseil de renvoyer le rapport en commission fiscale, afin qu'il y soit complété et pour faire en sorte que le commentaire des chiffres corresponde à la réalité.

Je voudrais également dire deux mots sur le rôle du Conseil d'Etat dans le cadre de cette campagne. Vous aurez remarqué qu'un certain nombre d'exécutifs cantonaux ont constitué un comité de campagne opposé au paquet fiscal. Je n'ai pas à me prononcer sur ce qui se passe dans d'autres cantons; en revanche, à Genève, traditionnellement, l'exécutif respecte une sorte de devoir de réserve dans le cadre des campagnes politiques. En particulier, sur le plan cantonal, le Conseil d'Etat présente sa position dans la brochure explicative, mais s'abstient généralement de faire campagne. Et nous souhaitons que le Conseil d'Etat se comporte de la même manière dans le cadre d'un dossier fédéral, je dirais même a fortiori dans le cadre d'un dossier fédéral.

Je voudrais revenir sur un des motifs qui amène le Conseil d'Etat à soutenir les opposants au paquet fiscal: le principe du fédéralisme. C'est vrai que ce paquet fiscal, en intervenant au niveau de la fiscalité des cantons, empiète sur les prérogatives cantonales. Et l'on peut se sentir heurté par le fait que l'on nous dépossède, en quelque sorte, d'une partie de notre souveraineté fiscale. Mais c'est le système que notre pays connaît en matière de fiscalité, c'est le principe de l'harmonisation fiscale qui veut que, dès le moment où l'on modifie la législation et la loi d'harmonisation, certaines décisions fédérales s'imposent au canton. C'est un principe connu depuis un certain nombre d'années maintenant, et je m'étonne que l'on s'insurge contre cela.

Il y a quelques semaines, le Conseil d'Etat a soutenu deux projets de lois qui baissaient les recettes fiscales du canton de manière non négligeable - c'étaient le contre-projet Casatax et la suppression des droits de succession. Le Conseil d'Etat était favorable à ces baisses d'impôts et, aujourd'hui, il est opposé à d'autres baisses parce qu'elles nous sont imposées par Berne... Je considère qu'il s'agit-là d'une forme d'incohérence: on accepte des baisses d'impôts lorsqu'elles sont décidées par le Grand Conseil, mais on les refuse lorsqu'elles nous sont proposées par Berne ! Personnellement, l'argument ne me suffit pas pour refuser des baisses d'impôts auxquelles, de manière générale, nous sommes favorables.

Dernier élément: si le Conseil d'Etat devait rejoindre ce comité, ce serait une façon de ne pas respecter la volonté de ce Grand Conseil, qui à aucun moment n'a souhaité combattre le paquet fiscal et qui, au contraire, s'apprête en commission - je l'espère - à prendre position en faveur de ce paquet. Dans ces conditions, il me paraîtrait étonnant que le Conseil d'Etat ne respecte pas la volonté politique exprimée par le Grand Conseil.

Dans ces circonstances, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, dans un premier temps, à renvoyer le rapport en commission pour qu'il y soit complété et pour qu'il vous revienne rapidement avec des informations précises quant effets fiscaux du paquet fiscal pour les contribuables genevois.

La présidente. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission. C'est pourquoi un seul député par groupe peut s'exprimer; les interventions sont limitées à cinq minutes.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je m'exprimerai sur le renvoi en commission à la fin de mon intervention.

Pour le groupe démocrate-chrétien, a priori le paquet fiscal ou ce qui n'était à l'origine pas encore un paquet était quelque chose de tout à fait défendable. Je vous rappelle que les Chambres fédérales ont commencé par travailler sur trois projets distincts: tout d'abord l'imposition du couple et de la famille, qui n'était pas acceptable dans la forme actuelle et qui doit effectivement être revue puisque, aujourd'hui, les couples mariés sont pénalisés par rapport aux concubins; les droits de timbre et de négociation, au sujet desquels les mesures sont déjà en vigueur et également bienvenues pour notre économie, notamment pour la place financière genevoise; enfin, le volet immobilier qui nous semble également pertinent - peut-être pas sous la forme qui a été choisie, mais il est en tout cas pertinent de s'interroger sur la survivance d'une spécificité et d'une étrangeté suisse, à savoir l'imposition de la valeur locative qui pénalise les propriétaires et l'accession à la propriété.

Mais voilà, de trois projets qui étaient a priori défendables, les Chambres fédérales, dans l'effervescence d'une période préélectorale, ont souhaité en faire un paquet, qui n'est malheureusement pas digeste. Les Chambres ont malheureusement bâclé leurs travaux. La situation, à l'issue... (Brouhaha.)

Je vous remercie, Messieurs les libéraux, de bien vouloir écouter; je vous rappelle la charte que vous avez également signée: Merci !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements. L'oratrice est interpellée.)

Mme Stéphanie Ruegsegger. Tu ne l'as peut-être pas signée, mais je t'engage à le faire !

Suite aux élections fédérales, le Conseil fédéral transmet un message pour le moins confus quant à ce paquet fiscal. Puisque les Chambres l'avaient voté, le Conseil fédéral nous a annoncé dans un premier temps que certes le peuple voterait le 16 mai sur ce paquet, mais il proposait de revenir sur le volet immobilier après cette date, ce qui n'est pas acceptable.

Ensuite, le Conseil fédéral dans sa nouvelle composition est revenu sur cette décision. L'épisode récent de la progression à froid jette encore un peu plus de flou sur cet objet. Cette question a simplement été oubliée lors des travaux en commission; le Conseil fédéral entend réparer ce problème, mais de façon partielle puisque ce ne serait pas dès l'entrée en vigueur des mesures prévues dans le paquet fiscal. Par conséquent, au niveau fédéral déjà, il est difficile d'y voir clair !

Au niveau cantonal, je dois avouer que pour mon groupe - pour moi en tout cas - la situation n'est pas plus claire. Nous avons longuement étudié cet objet en commission, on nous a présenté plusieurs chiffres fort intéressants qui démontraient que pour une majorité des contribuables genevois, en particulier la classe moyenne, ce paquet fiscal entraînerait une augmentation de la charge fiscale. Vous comprendrez bien que cela n'est pas acceptable pour nous.

On se rend compte aujourd'hui que nous avons également oublié d'intégrer un volet à cette réflexion: celui de l'impôt fédéral direct. Nous nous rallierons à la proposition de Mark Muller de renvoyer ce rapport en commission, non pas par défiance à l'égard de son contenu, qui est d'excellente qualité, et qui retrace tout à fait fidèlement ce qui s'est dit en commission, mais simplement pour permettre aux Genevois, aux parlementaires et aux citoyens que nous sommes, d'y voir un peu plus clair.

On peut s'interroger sur l'opportunité de procéder ou non à de nouvelles baisses d'impôts. Je crois qu'il y a des réponses contrastées dans cet hémicycle. Pour ma part, je ne suis pas opposée à des diminutions d'impôts, mais je ne suis pas d'accord de procéder à des diminutions d'impôts à l'aveugle. Nous appuierons donc la demande de renvoi de ce rapport en commission.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Au sujet du renvoi, je pense qu'indépendamment de la différence que peut entraîner la prise en compte des diminutions liées à l'impôt fédéral direct, l'impact de ce paquet proposé par le Conseil fédéral me paraît clair. Je considère ces mesures comme une véritable provocation dans la situation économique difficile que nous vivons aujourd'hui.

Ce paquet - qui est tout sauf un cadeau - concerne trois domaines différents, à savoir des allègements fiscaux pour les couples et les familles, des allègements fiscaux pour les propriétaires de logement et des allègements fiscaux concernant le droit de timbre. Il aura pour conséquence, non seulement une perte importante de recettes pour les cantons, mais aussi une augmentation paradoxale la charge fiscale totale des familles, ce que les chiffres communiqués confirment.

Par ailleurs, l'oubli de la compensation de la progression à froid dans les calculs du Conseil fédéral n'est pas crédible. Au contraire, il a été considéré que l'augmentation des déductions pour couples et charges familiales aurait suffit pour compenser cette progression à froid. Il n'en est rien et la tentative, aujourd'hui, du Conseil fédéral de corriger en catastrophe les effets désastreux de son paquet n'est pas crédible. Les mesures envisagées, à savoir l'élargissement du cercle des bénéficiaires des déductions pour frais de garde, n'y change rien du tout, dans la mesure ou ces frais doivent être réels et justifiés pour être déductibles. La limitation de la déduction des primes d'assurance-maladie et l'introduction du splitting amèneraient une augmentation de l'impôt pour les familles nombreuses à Genève. La suppression de la déduction pour revenu du travail du conjoint pénaliserait fortement les couples à faible revenu.

Ensuite, la suppression de la prise en compte d'une valeur locative dans le revenu imposable ainsi que la déduction des intérêts des dettes profiteraient de façon très inégale aux propriétaires de leur propre logement. En effet, ceux qui n'ont que très peu de dette hypothécaire, voire pas du tout, bénéficieraient d'un cadeau fiscal substantiel. Par contre, ceux qui se trouvent avec une hypothèque importante, notamment les jeunes couples qui se sont lourdement endettés pour acquérir leur logement ne profiteraient pas du tout de ces mesures, voire subiraient une augmentation de leur impôt.

En conclusion, la tentative du Conseil fédéral de rendre en catastrophe son paquet fiscal présentable et de diviser les opposants n'est pas crédible. Les conséquences sur les finances du canton seront désastreuses en même temps que les familles à faible revenu subiront de fortes augmentations d'impôt. Les socialistes estiment que le travail effectué en commission fiscale est tout à fait suffisant. Nous nous opposerons fermement à ce paquet. Nous disons «Non merci à ce cadeau empoisonné !». (Applaudissement.)

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical soutiendra le renvoi en commission du rapport de Mme Künzler, bien que nous ayons travaillé avec beaucoup de soin sur ce rapport et que nous ayons reçu des informations extrêmement sérieuses et précises de la part du département. Je remercie d'ailleurs la rapporteuse d'avoir pu rassembler nos esprits, tellement le travail était difficile.

Force est quand même d'admettre qu'il existe de grands points d'interrogation, qui seront illustrés par les nouveaux chiffres que vous avez reçus par messagerie élecronique, Mesdames et Messieurs les députés, chiffres qu'il faut intégrer dans ce rapport pour pouvoir comprendre l'incidence exacte du paquet fiscal au niveau cantonal.

Je ne veux pas répéter des choses qui ont déjà été dites, mais j'aimerais rappeler un élément très important: ce paquet fiscal fédéral prévoit des allègements, notamment sur le droit de timbre. Et ce point-là est fondamental pour la ville de Genève, pour la place financière. Cela représente un grand nombre d'emplois, puisque notre secteur bancaire est parmi les plus florissants et parmi ceux qui rapportent le plus de ressources à Genève. S'opposer au paquet fiscal, c'est s'opposer aussi au maintien d'un grand nombre d'emplois très rémunérateurs qui permettent de redistribuer des ressources à l'ensemble de la population genevoise.

Il faut ajouter que ce paquet comprend des mesures en faveur de la famille et des couples. Ce sont des principes fiscaux qui doivent être soutenus. D'après les chiffres dont nous disposons, il semblerait que l'incidence de ces mesures à Genève ne soit pas bonne. Il faut cependant reconnaître que si l'incidence n'est pas bonne, ce n'est pas parce que le paquet fiscal est mauvais, c'est parce que nous avons, à Genève, une structure juridique fiscale qui favorise davantage la famille et les couples. Cela signifie très clairement que nous avons toute latitude, après l'adoption du paquet fiscal, de continuer à adapter notre législation pour s'assurer que nous restons très solidaires vis-à-vis des personnes les plus faibles.

Et je vous rappelle à tous la fin du rapport de Mme Künzler qui indique le nombre d'éléments que nous devons encore arbitrer. Nous devrons refaire la loi sur la fiscalité, la fameuse LIPP. De toute manière, la commission devra encore travailler et le peuple devra encore se prononcer pour rendre encore plus juste la fiscalité des revenus les plus faibles. Il n'y a donc aucune raison apparente de voter «non» au paquet fiscal fédéral.

Il y a d'autant moins de raison de s'opposer à ces mesures que le troisième volet est une réforme particulièrement bienvenue et qui correspond bien à l'esprit qui anime le peuple. Il s'agit de supprimer l'imposition de la valeur locative. Pourquoi faudrait-il qu'une personne qui est à la retraite et qui possède sa maison doive en plus payer une revenu fictif sur son deuxième pilier ? Est-ce que ce principe est correct ? La réponse est non. Il y a des exemples, qui sont présentés par certains de mes collègues, montrant que, dans certains cas, l'incidence est négative. Malgré tout, nous devons appliquer ce principe politique.

J'aimerais qu'on renvoie ce rapport en commission mais, avant de conclure, je vous rappellerais un dernier élément. Lorsque nous étions en situation difficile en 1999, nous avons eu le courage de voter l'initiative libérale pour une réduction d'impôt... (Commentaires.)J'allais alors à la rencontre des uns et des autres et - sachez-le tous, Mesdames et Messieurs les députés - lorsque je rencontrais le citoyen de Genève, celui-ci me disait : «C'est la seule fois où il y a eu une lumière durant cette législature. C'est le premier espoir venu du monde politique.» Cet espoir a fait que le budget de l'Etat a été ensuite équilibré... Nous devons réadapter la fiscalité, et cette réadaptation passe aussi par une baisse qui ne diminue pas pour autant la fiscalité globale, mais qui améliore la situation de chacun.

Je propose donc que l'on complète ce rapport avec les différents volets et que nous prenions ensuite une position commune infiniment plus saine et plus sage pour tous les Genevois.

La présidente. Il est 18h55 et nous avons deux solutions : soit nous poursuivons jusqu'au vote sur le renvoi, soit nous terminons maintenant pour reprendre après la pause. (Brouhaha. Remarques.)

Une voix. On vote !

La présidente. Je mets aux voix la poursuite de la séance jusqu'au vote.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée. (Commentaires à l'annonce du résultat.)

La présidente. La majorité était très claire ! Nous pouvons vérifier par vote électronique... (Chahut).Poursuivons ! Je donne la parole à M. Marcet.

M. Claude Marcet (UDC). Merci, Madame la présidente ! Je serai très bref : le groupe UDC est pour le renvoi en commission.

Le rapport de Mme Künzler a été fait de manière correcte. Le département a contrôlé les éléments avancés par Mme Künzler, mais il est vrai que d'autres éléments viennent s'ajouter maintenant, qui remettent totalement en cause les conclusions de ce rapport. Il n'est donc pas possible à notre parlement de débattre d'un tel rapport et de prendre une position favorable ou défavorable sur ce texte.

Le groupe UDC soutient donc, comme je l'ai dit, le renvoi en commission.

La présidente. Merci de votre brièveté, Monsieur le député. La parole est à M. Mouhanna.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je suppose que j'ai également droit à cinq minutes...

Les demandes de renvoi en commission s'appuient sur diverses prétendues imprécisions dans les données et les éléments fournis à gauche et à droite. Nous avons constaté que le Conseil fédéral lui-même n'a pas vu un certain nombre de choses. Mais il est vrai que certains groupes de la majorité, dans ce parlement, connaissent mieux que personne les chiffres exacts... Il savent tout cela mieux que le Conseil fédéral lui-même, mieux que le département, etc. Tout cela montre bien que, dans ce domaine-là, on nous raconte n'importe quoi.

Cependant, il y a un plusieurs vérités qu'il convient absolument de dire. Quels que soient les chiffres que vous prenez, notamment ceux avancés par le département des finances, eh bien, ces chiffres-là montrent à quel point il y a de l'hypocrisie dans ce que nous avons entendu tout à l'heure.

On nous a dit que les trois quarts des contribuables verraient baisser leurs impôts... On verra bien ! Certains, semble-t-il, se réjouisse de voir les impôts des catégories sociales les plus défavorisées baisser, alors que ce sont les mêmes qui, il n'y a pas si longtemps - il y a quelques jours - se plaignaient du fait qu'il y aurait 50 000 personnes qui, prétendument, ne paieraient pas d'impôts, faute de gagner suffisamment ! Hier encore, ils voulaient les faire payer ! Et aujourd'hui, ils viennent nous raconter qu'on va diminuer leurs impôts ! Ils ne diminueront pas, puisqu'ils n'ont pas de quoi en payer. Il y a donc bien de l'hypocrisie.

J'ai sous les yeux les chiffres du département des finances. Tous ceux qui ont un revenu inférieur à 90 000 francs - soit 90% des contribuables genevois - verront leurs impôts diminuer de 332 francs par année, au mieux. Quant à ceux qui gagnent moins que 50 000 francs, leurs impôts diminueront de 100 francs ! Par contre, ceux qui gagnent plus de 200 000 francs peuvent voir leurs impôts diminuer de 4300, 6000, 7900, 9000, 10 000, 11 000, 14 000 francs, et jusqu'à 18 000 francs pour ceux qui gagnent plus d'un million. Evidemment que pour vous, Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui gagnent plus d'un million ont besoin de ces 18 000 francs !

On voit que 90% de la population ne gagneront rien du tout mais, surtout, qu'ils paieront ces baisses d'impôts très cher. Cela, vous ne nous le dites pas, Mesdames et Messieurs ! Vous ne nous dites pas que ces baisses d'impôts profitent essentiellement à ceux que vous voulez défendre, c'est-à-dire les mieux nantis, les plus riches, les plus riches parmi les plus riches des contribuables et de la population ! En même temps, vous demandez l'augmentation de l'âge de la retraite; vous demandez la diminution des ressources dans l'éducation et dans la santé; vous supprimez les indemnités chômage; vous réduisez les prestations sociales fournies à la population... Les gens paient cela, et le paient très cher ! Les gens paient très cher les cadeaux fiscaux à ceux qui en ont le moins besoin. Et ceux qui ont 28 francs de gain le paieront très cher ! Et cela correspond à votre souhait, Mesdames et Messieurs, que ceux qui ne paient pas d'impôts en paient désormais ! Ensuite, les prestations vont diminuer: l'âge de la retraite passera à 67  ans; l'âge de la retraite des femmes sera augmenté. Vous voulez supprimer le système de retraite de l'AVS... Toutes ces prestations représentent quelque chose !

En demandant le renvoi en commission, Mesdames et Messieurs, vous montrez que vous avez peur de prendre vos responsabilités et de dire que vous êtes pour le paquet fiscal ! Eh bien, votez-le ! Votez-le ce soir et on verra bien ce qui se passera après ! La seule chose qui vous intéresse, c'est de toujours agir en sorte - je le dis très fort et très haut - que les gens n'arrivent jamais à faire le lien entre ce qu'ils votent et la situation précaire dans laquelle ils vivent et le désastre social vers lequel vous les menez. Eh bien, nous essaierons de faire en sorte que les gens arrivent enfin à faire ce lien ! Nous ferons tout pour que les gens sachent que ce que vous leur préparez est grave. (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Je me réjouis qu'on retourne en commission...

Des voix. Ah !

Mme Michèle Künzler. Je trouve un peu fort qu'on m'accuse de partialité. On va bien voir ces chiffres !

Ce que vous dites, Mesdames et Messieurs, est totalement faux ! On prétend que seuls 25% subiraient une augmentation de la charge fiscale, c'est faux ! Si 100 000 personnes connaissent une baisse et 70 000 une augmentation, le rapport est plutôt de 40% contre 60%. Mais allons en commission pour ce point !

On nous dit que tout le monde est pour l'harmonisation fiscale fédérale... Mais je vous répète que les points que j'ai dénoncés sont simplement anticonstitutionnels. Relisez l'article 142 de la Constitution fédérale, Mesdames et Messieurs les députés, et vous verrez qu'il n'est pas possible de statuer sur le chiffrage ! L'harmonisation sur les principes est autorisée, mais pas sur le chiffrage. Et si le paquet fiscal était accepté, les cantons pourraient faire recours.

Par ailleurs, dans ce paquet, 120 millions sont prévus seulement pour les nouveaux propriétaires ! C'est pour ces gens, et non pas pour les familles, que s'effectue la majorité de la baisse fiscale, on le sait. Si nous pouvons encore poursuivre les travaux sur des chiffres fédéraux, vous pourrez constater, Mesdames et Messieurs, que sur les 2 milliards de diminution il y a seulement 200 millions pour les familles et tout le reste - 1,8 milliard ! - pour des personnes qui ont plus de 200 000 francs de revenu... (Brouhaha.)Mais oui, c'est cela ! C'est là que sont les baisses d'impôts !

C'est pour cela que je me réjouis d'aller en commission. Parce que si vous voulez des chiffres, Mesdames et Messieurs les députés, vous en aurez ! Il faut simplement changer la mission de la commission. Elle avait un mandat clair, c'était d'examiner l'impact de ces mesures sur le canton. Vous voulez connaître l'impact au niveau fédéral, eh bien, je me réjouis de vous le donner ! (Vifs applaudissements. Exclamations.)

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés... (Commentaires.)

M. Bernard Lescaze. On a demandé le renvoi en commission !

Mme Martine Brunschwig Graf. Je peux donner l'opinion du Conseil d'Etat sur le renvoi en commission, j'imagine...

M. Bernard Lescaze. Volontiers, Madame ! (Chahut. La présidente sonne la cloche.)

Mme Martine Brunschwig Graf. Il m'arrive également d'être impolie à mon tour quand on m'apostrophe de la sorte... Je vous ai connu plus aimable, Monsieur Lescaze, et je pense que vous allez le redevenir très rapidement ! Merci.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas faire de grands commentaires, mais je vais tout de même dire trois choses, puisque le Conseil d'Etat a été interpellé, et il me semble que j'ai le droit de m'exprimer dans le cadre de la demande de renvoi en commission.

En premier lieu, je relève que, dans toute l'histoire constitutionnelle de la Suisse, c'est la première fois qu'une majorité de cantons décide de lancer un référendum. On aurait pu penser au mois de juin de l'an dernier que la flamme allait s'éteindre; elle ne s'est pas éteinte, elle s'est amplifiée. Lundi dernier, j'ai entendu des déclarations de conseillers d'Etat UDC, radicaux et PDC, ils ont dit des choses que l'on a pas encore entendues dans cette enceinte parce qu'elles provenaient de cantons qui ont déjà fait quatre exercices d'économies. Ces conseillers d'Etat ont dit que si le paquet fiscal entrait en application, ils seraient contraints d'augmenter leurs impôts ordinaires parce qu'ils ne peuvent pas aller plus loin. C'étaient des conseillers d'Etat UDC qui l'ont dit, ils auraient pu être tout aussi bien radicaux, libéraux, PDC, socialistes, ou de je ne sais de quelle couleur. Alors, je le relève aujourd'hui, ce n'est pas un caprice des cantons que de lancer le référendum, ils sont préoccupés.

Dans quelques mois, le Conseil fédéral proposera une réforme de la fiscalité des entreprises. Il en coûtera peut-être 700 millions aux cantons qui sont appelés à se prononcer aujourd'hui - ces même cantons qui souhaitaient, dans le paquet originel, que l'on s'occupe de la double imposition des entreprises. Finalement, comme l'a rappelé Mme Künzler, la majorité des diminutions favorisera la propriété du logement - et encore ne profitera-t-elle pas au plus grand nombre des propriétaires, ce que je regrette pour ma part.

Mesdames et Messieurs les députés, avant de discuter de ce qui se passera en commission, j'aimerais rassurer au moins l'un d'entre vous, qui se soucie du droit de timbre. Ce dernier est préservé quoi qu'il arrive, Monsieur Froidevaux, parce qu'il y a une législation spéciale. Ainsi, quoi qu'il arrive au paquet fiscal, il n'arrivera rien de mal au droit de timbre, ni à notre place financière.

En commission, je vous donnerai les derniers chiffres fédéraux qui sont déflatés de la progression à froid pour 2007. Vous découvrirez, tout comme je l'ai découvert, que les concubins seront les premiers touchés par des augmentations d'impôts. Et pas des petites augmentations ! Pour certains d'entre eux, au niveau fédéral, ce sera plus de 60% de l'impôt fédéral. Cela signifie que la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a pu soutenir la suppression de l'impôt sur les successions, la raison pour laquelle les citoyens étaient contents de la baisse d'impôt de 12%, c'est qu'il n'y avait pas, à ce moment-là, des gens qui en profitaient et d'autres pas. Et l'un des premiers problèmes de ce paquet fiscal, c'est que vous ne pouvez pas dire à tout le monde qu'il en profite, car ce n'est pas vrai. Il y a bel et bien un certain nombre de gens qui vont subir, sur les plans cantonal, communal et fédéral, des augmentations d'impôts. Pour quel objectif, en définitive ? Vous en débattrez en commission et vous verrez si vous êtes toujours aussi satisfaits de ces mesures.

Pour sa part, le Conseil d'Etat a pris sa position, comme bien d'autres cantons l'ont fait. Monsieur le député Muller, je ne sais pas si un jour vous serez assis au même endroit que moi en ce moment... (Rires.)Mais ce jour-là, vous comprendrez la différence entre un exécutif et un législatif ! Vous comprendrez qu'il faut laisser à chacun sa liberté d'action; vous comprendrez que si je respecte vos positions, et de groupe et de Grand Conseil, j'estime, tout comme mes collègues, que le Conseil d'Etat a quelque chose à dire, que lorsqu'il doit le dire et qu'il y croit, il le dit ! Il ne le fera pas de façon ostentatoire, il ne dépensera pas un centime pour cette campagne, mais il a le droit de déclarer qu'il est opposé au paquet fiscal, parce que ce paquet, quoi que vous en pensiez, n'est pas du tout la panacée que vous vantez ! (Vifs applaudissements de l'Alternative.)

La présidente. Je vous demande un peu de silence... Je mets aux voix la proposition de renvoi de cet objet à la commission fiscale. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 495-A à la commission fiscale est adopté par 62 oui contre 24 non.