Séance du
vendredi 13 février 2004 à
20h30
55e
législature -
3e
année -
5e
session -
25e
séance
PL 8806-A
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Concernant cette demande de subvention cantonale de trois millions pour la place des Nations, il y a peu de choses à dire, mais la première c'est que les esprits sont pour le moins divisés, parmi ceux qui s'y opposent, et nous aurons à faire face, ce soir, aux arguments de deux minorités, et nous verrons bien ce qu'il en sera.
La majorité a remarqué que la Ville de Genève considère qu'il est important que le canton participe aux frais d'aménagement de ce jardin des Nations, alors même que, lorsqu'il s'agissait d'aménager, dans une vision architecturalement audacieuse, la place des Nations - avec feu le projet Fuksas - des minorités ont réussi au sein de la population de la ville de Genève, devenues une majorité de la ville de Genève, en sorte que cet ambitieux projet ne soit pas réalisé. Mais c'était une minorité au sein du canton, parce que le canton n'a pas pu alors s'exprimer. Aujourd'hui on nous demande, en quelque sorte, de réparer les dégâts. Nous aurons de la peine à entrer en matière à l'égard de cette demande de réparation. Nous aurons d'autant plus de peine que la même ville exerce ses influences collatérales, en quelque sorte, sur un certain nombre d'objets, en particulier sur le parking de Sécheron.
Dans ces conditions, compte tenu des relations que nous pouvons avoir avec l'une des quarante-cinq communes du canton, qui exerce quasiment les droits d'une minorité de blocage, il ne nous semble pour l'heure pas possible d'entrer en matière.
Pour ces raisons, une majorité de la commission s'oppose, quels qu'en soient par ailleurs les mérites, modestes par rapport au projet Fuksas, à ce que son succédané soit financé.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de première minorité ad interim. J'ai le privilège de remplacer mon collègue Antoine Droin au pied levé. J'espère que vous aurez lu son excellent rapport de première minorité. Je suis en tout cas convaincue que les arguments qu'il développe dans son rapport, sont de nature à vous inciter à voter ce crédit de trois millions.
Au préalable, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais faire un petit rappel sur la Genève internationale. Genève, carrefour international, accueille aujourd'hui le siège de vingt-huit organisations intergouvernementales, plus de deux cents Etats étrangers et trois cents organisations non gouvernementales. La Genève internationale rapporte cinq milliards de francs au canton de Genève et fait de notre ville la capitale diplomatique la plus importante du monde. C'est une fierté qui nous anime toutes et tous ici, mais une fierté, on le voit ce soir, à géométrie variable.
Le jardin des Nations, inscrit dans le projet des plans directeurs de quartiers et l'aménagement de la place des Nations, s'inscrit dans cette logique. En septembre 2001, ce même plenum a adopté le plan directeur cantonal, qui fixe les grandes lignes d'aménagement dans notre canton, à l'horizon 2015, et a reconnu l'importance du site des organisations internationales.
La place des Nations incarne une dimension historique et symbolique de la Genève internationale, et l'ONU, on le sait, est l'endroit le plus visité de notre canton. On reproche toujours au canton et à la ville de ne pas se coordonner, de ne pas se parler; or, dans le cas d'espèce, le département de l'aménagement s'est associé avec la ville de Genève et avec les communes riveraines, et a élaboré un plan directeur de quartier pour le site central des organisations internationales. Ce site poursuit trois objectifs: préserver et mettre en valeur les espaces verts et le patrimoine; favoriser une bonne accessibilité du site, pour les gens qui y travaillent mais aussi pour les promeneurs. Il faut ajouter que le réseau d'espaces verts constitue le principal volet du projet. La «trame verte» aura une longueur de sept kilomètres et sera composée de deux kilomètres de parc, ce qui n'est pas rien. La promenade des parcs, la cour nouvelle, ou la promenade de la paix, constituent le jardin des Nations.
Mesdames et Messieurs les députés, il est important de rappeler que Genève, sans les organisations internationales, ne serait qu'une ville de province. On le sait, beaucoup de pays font le forcing pour récupérer ces organisations internationales. Mettre en valeur le site de Genève, c'est aussi montrer notre attachement à cette Genève-là. Ne pas voter ce crédit démontrerait votre étroitesse d'esprit... (Huées.)...votre gagne-petit... (Exclamations. Huées.)...voire votre pingrerie.
Des voix. Ohhh!
Mme Loly Bolay. Vous avez toujours prôné votre attachement à la Genève internationale; ce soir, faites la preuve par l'acte que vous y êtes effectivement attachés en votant ce crédit !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Contrairement à ce que M. Weiss a dit tout à l'heure, les deux rapports de minorité ne sont contradictoires d'aucune manière. Ils montrent simplement l'importance que ceux qui constituent ces minorités accordent à la réalisation du projet relatif à l'aménagement de la place des Nations. A l'écoute de l'intervention du rapporteur de majorité, et avant de lire le rapport de M. Weiss, je m'attendais à découvrir un développement exhaustif des arguments qui pourraient effectivement amener les uns et les autres, dans ce Grand Conseil, à refuser ce crédit.
Que trouve-t-on dans ce rapport de majorité ? A peine quelques lignes, aucun argument substantiel et un mensonge. Ce rapport de majorité pourrait être résumé dans les trois ou quatre lignes suivantes: «Quelques arguments suffisent pour remporter l'adhésion d'une majorité de la commission contre ce projet de loi. Plan de circulation dans le secteur de la place des Nations, non convaincant aux yeux d'un commissaire de l'Entente qui ne se fait pas faute de mettre le doigt, au surplus, sur les blocages municipaux dont est victime le projet de parking de Sécheron». Cela est un mensonge, parce que s'il y a eu blocage, c'était un blocage dû au gouvernement monocolore d'alors et la ville n'a jamais bloqué quoi que ce soit par rapport à ce projet de parking. Deuxième chose, rappelée par un autre commissaire: «[...], de l'opposition verte à l'aménagement projeté pour la route des Nations et au projet lui-même», mais on ne sait pas pour quelle raison, «scepticisme pour un troisième, lui aussi membre de l'Entente, quant à la nature même du projet, dont la faisabilité a été mise en doute jusqu'au sein du conseil municipal.»
Ce que veut dire M. Weiss, à travers un tel rapport, c'est qu'il suffit qu'un membre du conseil municipal mette un projet en doute pour que cette mise en doute devienne l'expression démocratique du conseil municipal. Alors que, comme il le sait, l'expression municipale a été très majoritairement pour aller de l'avant. Cela ne m'étonne pas puisque, tout à l'heure, M. Weiss a mis en cause les fondements mêmes de notre démocratie: il a nié aux citoyens de la ville de Genève le droit de lancer un référendum et d'exercer leur droit constitutionnel, en disant que les habitants des autres communes n'ont pas eu le droit de voter au sujet de cet aménagement et, de manière plus générale, au sujet des objets qui concernent la ville de Genève.
J'aimerais savoir si la droite et M. Weiss, par exemple, seraient d'accord que les citoyennes et les citoyens de la ville de Genève votent sur la construction de logements sociaux dans la commune de Cologny et dans d'autres communes de ce type. C'est, véritablement, une attitude antidémocratique et irrespectueuse de la constitution... (Manifestation dans la salle.)...et je rappelle que la ville de Genève finance un très grand nombre d'activités. Ce financement se fait par une participation des contribuables genevois, à hauteur de 45,5 centimes additionnels, alors que dans d'autres communes, comme Cologny, c'est 30, 32, 34 centimes additionnels, sur le plan fiscal. Ce sont les citoyens de Genève qui financent les activités culturelles. Or beaucoup de très grosses fortunes habitent dans des communes extérieures à la ville de Genève, alors qu'elles en sont les principaux bénéficiaires. La ville de Genève finance non seulement à travers les contributions des citoyens mais à travers les contribuables cantonaux.
Je constate donc un fois de plus que l'estimation des devoirs des uns et des autres par la majorité de droite est à géométrie variable, totalement incohérente. La droite se dispense d'argumenter quoi que ce soit parce qu'elle profite de sa majorité, dans une attitude, encore une fois, totalement antidémocratique. (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes majoritaires. Monsieur Pagan, vous allez pouvoir vous en donner à coeur joie, nous traiter de tous les noms, comme d'habitude, mais j'exerce mes droits constitutionnels et démocratiques, et, comptez sur moi pour ne pas me laisser intimider par qui que ce soit.
La ville de Genève a pris en charge un très grand nombre d'activités et a contribué à faciliter beaucoup de projets cantonaux. Le projet de construction du collège de Sécheron; la mise à disposition aux autorités cantonales du palais Wilson, pour l'ONU; le déplacement du tennis club, qui va coûter 1,5 million de francs à la ville de Genève; la participation de la ville de Genève à toutes les infrastructures - dont beaucoup devraient être financées par le canton - en témoigne.
Tout le monde souhaite qu'il y ait une collaboration plus étroite entre l'Etat et les communes et, pour une fois, sur un exemple concret, le canton et la ville de Genève se mettent d'accord. Vous trouverez, dans mon rapport de minorité, une annexe commune du maire de Genève et de l'actuel chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, M. Moutinot. Cette lettre montre qu'il y a une véritable volonté de collaboration, que les uns et les autres ont souhaité plus ou moins sincèrement, certes. Pour notre part en tout cas, nous avons toujours voulu qu'il y ait cette collaboration étroite dans le respect des droits démocratiques des citoyennes et des citoyens. Or, là, vous allez faire en sorte que la méfiance s'installe de nouveau...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Souhail Mouhanna. ...j'en ai presque terminé. Vous êtes en train de mettre en place les conditions d'une mésentente qui est préjudiciable aux intérêts des Genevoises et des Genevois, qu'ils soient dans les communes ou au niveau du canton.
M. Jacques Baud (UDC). Place des Nations. Voilà qui fait bien rêver la gauche. Et, ma foi, on se pose des questions. On y a fait un projet, on veut y construire un projet dithyrambique - il faut dire que cela rappelle un peu le semi de cacas de pigeons de la place du Molard. Cela ne mène pas bien loin, ce d'autant plus qu'à côté il y a la campagne Rigot, où on va dépenser 75 millions de francs pour construire un collège, que le tram actuel n'est que provisoire, que la ligne va continuer jusqu'à Ferney, ou, en tout cas en direction de Ferney, et que la demande d'autorisation est déjà à Berne - donc ça n'est pas si loin que cela. Cela est d'ailleurs sans compter qu'en cas d'acceptation il faudra refaire la place.
Nous avons donc là un projet un peu stupide et laid. J'aimerais poser une question à nos amis de la gauche: la grande chaise bancale, qui est sur la place... (Huées. Exclamations.)...si ce n'est l'emblème de la politique de la gauche, vous comptez en faire quoi ? La mettre au Mamco ?
Alors, non, Mesdames et Messieurs les députés. Il n'est pas question de mettre 3 millions dans un projet bidon. Nos contribuables ne le veulent pas et ne vous suivront pas.
M. Sami Kanaan (S). N'ayant pas été présent en commission, j'ai lu les rapports de majorité et de minorité, j'ai écouté mes préopinants et j'essaie encore de comprendre les raisons du refus de la majorité, concernant cette subvention à la place des Nations. En effet, je n'imagine pas une seconde que vous polluiez le débat sur la Genève internationale par un règlement de comptes sur la ville de Genève. Ce serait impensable, alors que la même majorité a déposé un projet de loi sur la Genève internationale il n'y a pas si longtemps que cela, et qu'elle croit, comme nous le faisons, à l'importance stratégique et pratique - aux niveaux culturel, économique, social - de la Genève internationale. Cela ne peut donc pas être un règlement de comptes contre la ville de Genève.
Cela ne peut pas non plus être le déni d'un vote démocratique par la population de la ville de Genève - à l'époque, je tiens à le rappeler, le groupe socialiste avait soutenu le projet Fuksas en ville de Genève. Nous avons perdu devant le peuple. Alors, à moins d'abolir les référendums municipaux, communaux contre les préavis en matière de projets de ce type - vous pouvez le faire, cela correspondrait assez au genre de projets que vous faites ces derniers temps à la législation genevoise - vous ne voudrez quand même pas faire un déni de ce vote qui a eu lieu à l'époque et qui a effectivement enterré le projet Fuksas - c'est le cas de le dire.
Vous ne voulez pas non plus prétendre qu'avec ce genre de décisions vous allez faire de vraies économies sur les finances de l'Etat de Genève. Parce qu'actuellement, lorsque l'on vous entend vous prononcer sur la passerelle du stade - ou sur le projet du Mamco, hier - la nouvelle solution en matière budgétaire pour l'Etat de Genève, c'est de dire «non» à tout ce qui va nous arriver nouvellement. (Manifestation dans la salle.)On ne touche pas à l'existant, parce qu'il est beaucoup plus difficile à remettre en cause. Ce que vous allez faire, apparemment, c'est dire «non» à toute dépense d'investissement ou presque.
De la part de la droite, qui d'ordinaire est soucieuse d'investir, je trouve cela assez surprenant comme stratégie budgétaire. Cela pourrait être le fait de la gauche classique, qui préfère défendre le fonctionnement plutôt que l'investissement, or ça n'est pas notre cas - en tout cas, ça n'est pas le mien.
Cela ne peut pas non plus reposer sur des enjeux de circulation. Au moment où le débat a eu lieu en commission, des recours ont été faits sous l'angle d'arguments liés à la circulation. A ce propos, dois-je vous rappeler que le Tribunal n'est pas entré en matière sur le fond, mais qu'il a plutôt confirmé une fois de plus que la partie recourante - dois-je la nommer, le Touring Club Suisse Genève - n'a même pas la qualité pour agir dans ce genre de cas ? Et il est également inutile de revenir avec le dossier de Sécheron, pour lequel l'Etat n'a pas franchement beaucoup de leçons à donner à la ville de Genève, vu que l'on se retrouve aujourd'hui avec Serono qui a son parking, mais qu'on attend toujours le parking d'échange complet. Par conséquent, je n'imagine pas non plus que c'est pour des raisons liées à la circulation - ou alors ce serait une drôle de discussion.
Est-ce donc pour punir la ville ? Alors que nous nous trouvons justement dans une phase, que nous saluons tous, où la situation se détend - que ce soit dans le domaine des affaires culturelles, du sport - les mêmes milieux qui exigent de la ville de Genève une contribution pour boucher le trou financier du stade, en même temps lui dénieraient une contribution à ce projet symbolique pour Genève ? Vous voulez que la ville de Genève continue à assumer ses charges en matière culturelle pour l'essentiel, ce qui est raisonnable, mais vous êtes prêts à envisager - et une partie de l'Entente a quand même voté la subvention au Mamco - des contributions au théâtre genevois, qui sont en partie déjà faites. La situation se détend de ce côté-là et tout à coup, quant à la place des Nations, vous prendriez une décision qui consiste à punir, par un mouvement d'humeur ?
Je ne peux pas imaginer que, sur la Genève internationale, une majorité puisse se laisser guider par des mouvements d'humeur. Au-delà des mouvements d'humeur qui ont eu lieu en commission, j'ai quand même lu le rapport, et j'ai constaté que vous aviez procédé à un vote d'entrée en matière favorable au projet, pour donner un signal positif à la ville de Genève, à l'époque où elle hésitait encore. Vous avez donné un signe clair à la ville de Genève, vous étiez prêts à voter le projet; vous tournez casaque ensuite, alors que la situation n'avait pas changé entre ces deux votes. Quels sont les signaux que vous donnez à la ville de Genève ? Et après vous lui demandez une contribution au stade, franchement, est-ce que c'est sérieux ? Je crois que les mouvements d'humeur, c'était bon entre deux, aujourd'hui, cela vaut la peine de voter cette subvention pour ce projet, pour ne pas donner de mauvais signaux à la Genève internationale et à une de nos communes.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Contrairement à ce qui figure dans le rapport de majorité de M. Weiss, nous avons des arguments. Le groupe des Verts a déjà exprimé son opposition à ce projet au sein du conseil municipal. Je tiens à exprimer la position des Verts au niveau cantonal.
Nous voterons donc «non» à ce projet de loi. La première raison tient dans le fait que c'est un projet architectural complètement désuet. La deuxième raison est que ce projet n'est pas abouti au niveau environnemental.
Il y a plusieurs problèmes dans ce domaine. Le premier est un problème d'ordre énergétique: quelle dépense énergétique est-elle prévue pour ce projet ? 150 000 kilowatts/heure par année, c'est un peu plus que ce que représente la dépense énergétique d'un groupe scolaire. Cela nous paraît énorme et complètement farfelu, en regard de tous les efforts énergétiques que l'on est en train de faire dans le canton - je pense à tout ce qui se passe au sud de cette place: aux chauffages à basse température, aux efforts faits en matière de diminution de la consommation électrique. Or on nous propose là un projet qui est «énergivore» au possible.
La deuxième raison est à situer au niveau des fluides: la déperdition d'eau, due à l'évaporation, a été estimée à 2 000 mètres cubes par année. Cela aussi nous semble vertigineux, d'autant plus que désormais, nous devons faire impérativement attention à l'eau potable - je souligne au passage que de l'eau potable coule dans nos fontaines.
Le troisième problème concerne l'unité de cette place. On nous propose une place qui aura, nous dit-on, une grande unité. Or la circulation coupera cette place, entre l'ONU, la place des Nations et le parc qui longe l'avenue Giuseppe-Motta. Il n'y aura qu'une unité du point de vue de la luminosité, c'est tout. Il sera impossible de passer d'un bout à l'autre de la place, parce que la circulation est, une fois encore, beaucoup trop importante dans ce secteur.
Le dernier problème concerne la route des Nations. Nous sommes formellement opposés à ce que la route des Nations débouche sur cette place: ce sera un investissement de l'ordre de 100 millions de francs. Le rapport de majorité de M. Barro et mon rapport de minorité seront bientôt déposés à ce sujet: cela reviendra à utiliser 100 millions pour, encore, amener des voitures à cet endroit. C'est inacceptable. Il y a encore trop de circulation et de pénétrantes dans cette ville.
Cette place sera fortement minéralisée. Nous avons renvoyé, sous notre impulsion, une motion qui demande la désimperméabilisation des sols partout où cela est possible. Nous avons envoyé un projet de loi en commission, pour étudier la possibilité d'instaurer des taxes environnementales chaque fois qu'on bétonne un endroit. Il est clair que la place des Nations n'est pas le lieu de l'impact le plus fort quant à cette question, mais on va dans le mauvais sens: d'un point de vue énergétique, du point de vue de l'eau potable et de l'imperméabilisation des sols, sans parler de la circulation.
Voilà ce que sont nos arguments. Contrairement aux personnes qui refuseront ce projet de loi, nous avons des arguments qui motivent notre refus, et ce sont eux que je tenais à exprimer ce soir.
M. Bernard Lescaze (R). On pourrait croire qu'après ce que vient de dire la préopinante tout est dit. Elle a d'ailleurs parfaitement raison sur le projet lui-même. Alors que les radicaux, en ville, avaient soutenu le projet de M. Fuksas, que nous avions encouragé la plantation, dans des pépinières, d'arbres qui devaient y être plantés, l'échec populaire, que nous acceptons, nous a contraints à réviser une partie de nos positions. Le projet actuel, comme il vient d'être dit, est beaucoup trop minéralisé. Il comporte des petites variations de niveau et des petits murs. Nous ne voulons pas, à la place des Nations, de nouvelle place de l'Octroi, telle que nous la connaissons à Carouge, car c'est ce qui correspond le mieux au projet qu'il est prévu d'y faire. En outre, malgré les remarques de M. Droin, l'organisation des Nations Unies dispose d'une certaine extraterritorialité, et nous ne sommes pas du tout persuadés que l'Organisation des Nations Unies mettra ce projet en chantier dans les prochaines années. En effet, l'organisation de la sécurité, notamment pour les conférences internationales, lui importe beaucoup plus que l'aménagement de la place des Nations, et malheureusement, pour diverses raisons, cette sécurité n'est pas toujours assurée à Genève comme elle le devrait.
Il y a d'autres arguments à formuler, parce que nous tenons à la Genève internationale, qui nous importe. Il y a tout d'abord l'argument financier. De toute façon, le projet coûte 21 millions - 20 millions et quelques centaines de milliers de francs - et ce ne sera pas le défaut des trois millions de contribution de l'Etat qui le mettront en péril. En revanche, il y a une certaine tartufferie à lire une lettre signée du maire de Genève et du président du Conseil d'Etat - à l'heure où d'aucuns se plaignent de difficultés des rapports entre la ville et l'Etat, nous croyons rêver en lisant cela ! En effet, ce sont précisément les deux signataires de cette lettre qui se sont fortement opposés, il y a moins de trois ans, à propos d'une volonté, exprimée par la majorité du Conseil d'Etat, de dissoudre la ville de Genève. Il a d'ailleurs fallu modifier en toute hâte la constitution - M. Grobet en était - pour obtenir que les communes ne puissent pas voir leurs limites territoriales modifiées sans l'aval de la population de ces communes. Cette disposition constitutionnelle a été introduite précisément pour empêcher que l'Etat ne supprime la ville de Genève. Alors, je crois que l'argument de M. Mouhanna par rapport à cette lettre ne tient pas debout.
C'est vrai qu'il y a eu des accords entre les autorités exécutives de la ville de Genève et le Conseil d'Etat pour obtenir une participation de l'Etat à l'aménagement de la place. Mais ces accords doivent être ratifiés par le parlement, et nous sommes parfaitement maîtres de notre décision à ce sujet. J'ajouterai, malgré tout, que s'il est vrai que la Ville - mais c'est la loi sur les communes et la répartition des tâches entre la ville, les communes et l'Etat qui le lui imposent - assume une grande part des équipements culturels, et qu'il est heureux que cela change, la péréquation financière intercommunale lui profite quand même, parce que beaucoup de gens y travaillent. Je crois que tous ceux qui sont dans les autres communes, ou ont été dans des exécutifs communaux, le savent. Il faut donc que la ville de Genève soit un peu raisonnable sur ce qu'elle demande à l'Etat.
Ce projet n'est pas bon. Nous n'allons donc pas le voter simplement parce qu'une ou deux personnes ont déclaré qu'elles étaient d'accord de le faire. Ce n'est un bon projet ni sur le plan architectural, ni sur le plan des pénétrantes. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la voie des Nations, telle que Mme Gauthier l'a décrite; peut-être que cette voie est utile, mais, en tout cas, il est vrai que le projet d'aménagement de la place des Nations tel qu'il est prévu peut inquiéter: on ne sait pas si la route de Ferney conservera cette allure de voie creuse, qui est une des caractéristiques des grandes pénétrantes de Genève - pensez également à la route de Frontenex, pour d'autres voies identiques.
La politique consiste dans le fait de faire des choix. En refusant les trois millions, nous n'empêchons pas ce mauvais projet d'exister; nous montrons plutôt que nous ne sommes pas d'accord avec ce genre de projets. C'est cela qui est important, aujourd'hui. Il ne s'agit pas, comme on nous le dit, de supprimer tous les investissements. M. Kanaan souhaiterait que nous réduisions le fonctionnement de l'Etat. Or on sait bien que cela ne caractérise pas la position socialiste. M. Kanaan essaie de faire prendre, comme le disait quelqu'un dans un autre débat, «des vessies pour des lanternes» aux électrices et aux électeurs.
Dans ces conditions, nous pensons, comme une majorité de ce parlement, je l'espère, que ce projet ne mérite pas d'être étudié plus avant, et nous voterons le rapport de majorité.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Après avoir entendu M. Weiss et M. Lescaze, qui prend beaucoup de plaisir à formuler ses propos, comme d'habitude... (Manifestation dans la salle.)...on ne peut pas s'empêcher, malgré tout, Monsieur Lescaze, de sentir un petit désir de règlement de comptes avec vos concitoyennes et concitoyens de la ville de Genève (Exclamations. Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Pas du tout ! Voyez-vous, M. Weiss lui, au moins, a eu la franchise de le dire et de l'écrire !
Ce vote populaire vous a désavoué, Monsieur Lescaze, parce que vous étiez parmi les conseillers municipaux qui avaient voté ce projet dithyrambique du gouvernement monocolore quant à la place des Nations. Evidemment, je comprends que vous soyez un peu déçu, peut-être un peu aigri et désireux de régler les comptes, comme je l'ai dit. Que voulez-vous faire ? Vous voulez punir le peuple ! (L'orateur est interpellé.)Mais non, mais bien sûr que non, Monsieur Lescaze. Vous devriez le savoir: chacun, à tour de rôle, perd devant le peuple. Vincent le rappelait il y a quelques décennies dans cette salle: le peuple a toujours raison. Vous devriez donc avoir un peu de modestie et admettre que, ma foi, il faut tenir compte de cette votation populaire. Il ne faudrait pas, en raison de l'échec que vous avez essuyé à cette occasion - en d'autres circonstances, vous avez gagné devant le peuple - que cet échec vous amène à ne pas reconnaître que cet aménagement présente un intérêt cantonal.
Monsieur Lescaze, je m'étonne que vous alliez jusqu'à desservir les intérêts de la commune que vous représentez, parce que vous parlez avec beaucoup de légèreté à propos du fait que la ville n'a qu'à payer ses aménagements routiers. Vous faites des comparaisons avec les communes, en disant que les autres communes n'ont pas la chance qu'a la ville de Genève en ce qui concerne ceci et cela. Mais vous oubliez que tout le réseau routier des communes est pris en charge par le canton, pour l'essentiel.
En ce qui concerne la ville de Genève, le canton ne verse pas la moindre participation à des ouvrages routiers d'importance cantonale. Et en ce qui concerne la place des Nations, puisque vous voulez une hiérarchie des voies de circulation en ville de Genève - personnellement, je n'y tenais pas beaucoup, mais enfin, cela semblait beaucoup vous préoccuper - il semblerait normal que, lorsqu'il y a des aménagements importants, l'Etat y contribue. Cela d'autant que cette place a dû être modifiée, quel qu'en sera son aménagement futur, pour y réaliser le réseau tramway, qui lui, est d'importance cantonale.
C'est pourquoi je trouve que refuser aujourd'hui de contribuer modestement à cet aménagement cantonal routier, qui s'inscrit dans le cadre d'un aménagement de tram, est anormal. Bien sûr, vous avez la majorité, vous pouvez donc adopter une telle attitude. Je constate - et je l'ai vu depuis de nombreuses années - que le Conseil d'Etat ne manque pas une occasion de s'adresser à la ville de Genève pour qu'elle apporte des contributions à des ouvrages d'importance cantonale, même en dehors du territoire de la ville de Genève; que la ville de Genève effectue des apports financiers importants à un certain nombre de réalisations d'intérêt cantonal - participations que nous ne constatons pas de la part des autres communes.
Je crois que, lorsque l'on gère des affaires publiques, il faut savoir tenir compte des intérêts réciproques. Je pense qu'il sera dommageable pour les relations futures entre la ville de Genève et l'Etat, que vous preniez des mesures de rétorsion, comme vous le faites ce soir. Ainsi, peut-être que la Ville de Genève - je serai en tout cas le premier à admettre... (L'orateur est interpellé.)Non, je trouve que si la Ville de Genève ne devait pas, dans un an ou deux, renouveler le contrat extrêmement intéressant que le Conseil d'Etat a négocié avec la Ville de Genève pour une participation financière...
Une voix. C'est du chantage !
M. Christian Grobet. Ce n'est pas du tout un chantage ! Je trouverais parfaitement normal que la Ville de Genève dise: «puisque pour nos aménagements routiers, on ne reçoit pas un centime de la - Ville de Genève» - vous avez eu l'audace de voter 70 millions pour les mesures contre le bruit dans tout le canton, mais pas un centime sur la Ville de Genève - je trouverais donc parfaitement normal qu'au prochain renouvellement du contrat sur les horodateurs en Ville de Genève, la Ville dise: «désormais, on percevra toutes les taxes de stationnement qui nous sont dues, comme dans les autres communes.»
En effet, et je ne citerai que cet exemple: quelles sont les communes qui font des rétrocessions de taxes de stationnement à l'Etat ? Aucune ! Je pense que la Ville mène une politique exemplaire à l'égard de l'Etat; vous adoptez, quant à vous, une attitude négative et mesquine à l'égard d'une politique qui a tout son intérêt. J'espère que cela n'entraînera pas de répercussions négatives pour l'avenir, vous en prendrez en tout cas la responsabilité.
M. Gilbert Catelain (UDC). En tant que membre de l'UDC et de ce parlement, je m'étonne que dans ce rapport - où la minorité souhaiterait tout de même faire passer ce crédit - ne figure même pas le projet. Si je ne suis pas en commission des finances, de l'aménagement...
Une voix. C'est le rôle du rapport de majorité...
M. Gilbert Catelain. Oui mais, comme le rôle du rapport de majorité, c'est de le «shooter», on peut comprendre qu'il n'y soit pas... (Exclamations. Rires. Applaudissements.)...en revanche, vous qui souhaitez que ce projet passe, il me semble que ce serait la moindre des choses que vous fassiez état de ce qui est prévu à la place des Nations, de la consommation énergétique de ce projet, des différences budgétaires, et ainsi de suite. Pour cette seule raison, je considère que l'on n'est pas en mesure de voter ce crédit parce qu'on ne dispose pas des informations nécessaires, ce soir.
Par ailleurs, le projet n'a, à ma connaissance, pas tenu compte des conditions à respecter pour assurer la sécurité de ce périmètre, notamment en ce qui concerne l'encadrement de manifestations - je ne suis pas persuadé que des fontaines et une infrastructure qui diviseront un périmètre soient du goût de tout le monde.
Le financement n'est pas assuré. Je rappelle que le règlement de notre Grand Conseil nous oblige à refuser ce projet. Je rappelle aussi que Mme la cheffe du département des finances nous a mis face à nos responsabilités, nous faisant un peu la morale, en disant que, dans ce genre de situations, nous devrions refuser tout projet dont le financement n'est pas garanti.
Hier, on nous a donné une leçon de morale, par rapport au Mamco, selon laquelle si on ne votait pas ce budget, ce serait «s'attaquer au rayonnement de Genève.» C'est bizarre: hier, Genève rayonnait par le Mamco, aujourd'hui, Genève devrait rayonner par la place des Nations. Accordez vos violons une bonne foi pour toutes, fixez des priorités, mais en tout cas: deux poids, deux mesures. Hier, on rayonnait avec de l'art moderne, aujourd'hui on rayonne avec des fontaines. (Rires.)
Nous avons une responsabilité, en tant que parlementaires, au niveau des finances publiques. Je n'arrive pas à comprendre que ce parlement et le Conseil d'Etat fassent aussi peu de cas de l'état de nos finances publiques. C'est très facile de se payer des joujoux avec l'argent de nos enfants et de nos petits-enfants. On sait très bien qu'on aura recours à l'emprunt pour financer un tel projet et qu'on est en train de mettre un boulet aux pieds de nos enfants et de nos petits-enfants. Je n'arrive pas à comprendre comment vous, qui dites mener une gestion responsable de la cité, pouvez encore nous vendre ce type de projets, qui nous obligent à emprunter davantage.
Une voix. Bravo les libéraux !
M. Gilbert Catelain. Que cela vienne du Conseil d'Etat ou du parlement, nous avons la responsabilité de fixer des priorités. Hier, vous avez clairement fixé la priorité, vous avez dit: «c'est le Mamco.» O.K., c'est le Mamco. Ce n'est donc pas la place des Nations.
En ce qui concerne le développement durable, je n'étais pas au courant de ce problème de consommation énergétique. Le PS s'est encore une fois fait le défenseur du développement durable, de la protection de l'environnement, mais il est en porte-à-faux et joue sur deux tableaux. D'un côté il se déclare en faveur du développement durable; de l'autre, cela ne lui coûte pas grand-chose de vendre un projet, gourmand en matière de consommation énergétique, d'une énergie non renouvelable, d'après ce que j'ai compris, peut-être vendue au prix cher par les Services industriels de Genève - cela intéresse peut-être M. Brunier, vu qu'il y travaille... (Exclamations. Rires.)
Pour toutes ces raisons, multiples et faciles à comprendre, il est clair que nous ne voterons pas ces 3 millions de francs. En tant que contribuable de la ville de Genève, je ne comprends pas pourquoi ma municipalité investit 16 millions dans ce projet.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai beaucoup de respect pour tous les députés ici présents, mais parfois, certaines interventions m'apparaissent superficielles et contradictoires. Je vais donner quelques exemples, parce que ce que vient de dire M. Catelain... (Rires.)Voilà, certains en profitent, pendant que je n'entends pas, pour répliquer, mais cela ne fait rien, cela montre que dans ce Grand Conseil, certains ne supportent pas les paroles sérieuses et responsables.
Des voix. Ooooh !
M. Souhail Mouhanna. Je reprends et j'espère, Monsieur le président, que vous tiendrez compte des interruptions pour me donner le temps de parole auquel j'ai droit. Monsieur Catelain, quand vous parlez du rayonnement de Genève, et que vous opposez le Mamco à la place des Nations: je crois que vous n'avez toujours pas compris que la lumière blanche est composée de plusieurs lumières monochromatiques, et que, si vous les assemblez, on les voit de beaucoup plus loin. Nous souhaiterions que le rayonnement de Genève soit comme un phare, visible de très loin. Pour cela, il faut qu'il y ait plusieurs rayonnements. Tenez donc compte du fait que le rayonnement peut avoir plusieurs longueurs d'ondes, Monsieur Catelain.
J'aimerais aussi dire à M. Baud, car je n'ai pas compris sa question, puisque tout le monde parlait en même temps lorsqu'il l'a posée: vous parlez de ces millions d'investissements comme s'ils allaient finir dans les poches des gens de la gauche. Je vous rappelle, Monsieur Baud, que les entreprises de construction sont très fortement représentées ici au Grand Conseil. (L'orateur est interpellé.)Ce n'est peut-être pas la vôtre. Je ne sais pas si le fait qu'il y ait des emplois à Genève est une de vos préoccupations, mais en tout cas il semble que vous ne vouliez pas de culture. M. Catelain pense au problème de sécurité. Les Verts voudraient aménager un espace vert sur cette place, alors que M. Catelain voudrait des herses et des barbelés pour que les gens ne puissent pas manifester, pour que la sécurité soit assurée, à ses yeux du moins. (Manifestation dans la salle.)
M. Lescaze intervient... (Manifestation d'impatience générale dans la salle.)
Le président. Monsieur Mouhanna, modérez quand même quelque peu vos propos, vous mettez la moitié du Grand Conseil en cause. (Rires.)
M. Souhail Mouhanna. Je ne sais pas si les uns et les autres s'estiment mis en cause, j'aimerais bien savoir en quoi, par exemple. (Exclamations.)Avant même de savoir ce que j'allais dire par rapport à M. Lescaze, vous m'avez devancé pour dire que je le mettais en cause. Vous avez peut-être l'impression que je vous mets en cause ? Je trouverais cela tout à fait étonnant de la part d'un président du Grand Conseil.
J'aimerais tout de même poursuivre mon raisonnement. M. Lescaze parlait, tout à l'heure, de l'inscription, dans la constitution, du fait que l'on ne pourrait pas modifier les limites territoriales d'une commune sans l'assentiment de ses citoyens. Cela est complètement en contradiction avec ce que disait M. Weiss, mais tous les deux sont en revanche d'accord pour «shooter» ce crédit.
J'aimerais rappeler aux Verts, qui sont très attentifs à l'expression démocratique des habitants des quartiers que les organisations internationales et les principales associations des habitants de quartier ont été consultées et sont d'accord avec l'aménagement proposé.
Enfin, M. Lescaze a dit que ces 3 millions n'allaient pas empêcher la réalisation d'un «mauvais» projet; certains prétendaient tout à l'heure que les propos de M. Grobet relevaient d'un chantage. Or c'est bien de chantage qu'il s'agit, en l'occurrence: dans les propos de M. Lescaze, dans les propos des autres, lorsqu'ils disent «c'est un mauvais projet, nous ne voterons pas les trois millions». Ils savent très bien que ces trois millions n'empêcheront pas la ville de Genève de réaliser le projet, mais sa contrepartie.
Mesdames et Messieurs les députés, vous faites du chantage parce que ce qui vous déplaît, c'est que les citoyennes et les citoyens de la ville de Genève ne soient pas dupes de la politique que vous voulez imposer à leur canton. Parce qu'ils ne votent pas comme vous, vous voulez les punir, on le sait. J'appelle cela du chantage. Vous n'empêcherez pas la ville de Genève de réaliser les travaux nécessaires pour les habitants de la ville mais également pour le canton. Vous prendrez la responsabilité de la dégradation des rapports avec la ville, et j'espère que la population vous jugera à votre juste valeur.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de première minorité ad interim. J'aimerais rappeler aux Verts que ce projet est en cohérence avec la loi sur le développement durable et l'agenda 21. Par ailleurs, la ligne de bus appelée «ligne des Nations» est prévue. Le projet jouit en plus d'une intégration dans les espaces avec la future halte RER et le maintien de l'arrêt du tram 13.
Nous connaissons bien évidemment la position des Verts par rapport à la place des Nations, mais je vous rappelle quand même, Madame Gauthier, que les Verts du Grand-Saconnex ne sont absolument pas opposés à la route des Nations, car non seulement ils habitent la commune, mais en plus ils savent de quoi ils parlent en matière de circulation.
J'aimerais parler de ce qui s'est passé en commission. Bien entendu je n'y étais pas, mais mon collègue, qui m'a laissé ses notes, m'a dit qu'en commission, la droite avait imaginé de faire passer les véhicules en dessous de la place, un projet qui aurait coûté beaucoup plus cher. Dans tout ce que je viens d'entendre, j'ai décelé que votre vote négatif à l'égard de ce crédit, en ce qui concerne l'Entente en tout cas, n'est pas précisément dirigé contre les gens de la ville de la Genève, mais plutôt contre certains de ses magistrats. Si c'est le cas, parce que je crois que c'est le cas, ayez au moins l'honnêteté de le dire ! Et ne venez pas nous donner des motivations qui sont tout à fait erronées.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Pour répondre au souhait de notre collègue Blanc, il faut être aussi économe de nos mots que de nos sous dans cette affaire. Nous sommes tous attachés à la Genève internationale. Les deux rapports de minorité développent les mêmes arguments; par conséquent, l'un d'eux était superflu. Il convenait de le rappeler.
Les arguments qui ont été évoqués par M. Mouhanna oublient, au fond, l'essentiel. En effet, si M. Mouhanna a mentionné ce qui avait été évoqué en commission, il se trouve qu'en commission peu de choses ont été dites. L'éloquence verte de ce soir aurait mérité d'être développée, comme d'autres développements - je pense en particulier à ceux de notre collègue Mouhanna. Lorsque, dans le rapport, il est mentionné que, dans le deuxième débat, aucune opposition n'a été manifestée, cela signifie en particulier que du côté de l'Alliance de gauche, on n'a pas relevé d'opposition dans les procès-verbaux à l'égard de la solution négative qui se profile ici.
J'aimerais dire à M. Grobet, que je vois dans le lointain, qu'il s'agit dans cette matière - puisqu'il a fait hier soir une comparaison avec le Mamco - d'avoir autant de rigueur financière dans un cas que de rigueur politique dans l'autre, à savoir la place des Nations. Nous continuerons donc d'être rigoureux, et nous continuerons par conséquent de penser qu'il faut être logique. Car de deux choses l'une: soit la place des Nations mérite un débat plus large que la simple ville de Genève, et, à ce moment-là, cela aurait dû être un débat cantonal - mais les lois étant ce qu'elles sont, cela n'a pas été et n'est pas possible; soit la place des Nations a une importance internationale, et, dans ce cas, qu'elle reste de la responsabilité de la municipalité !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le débat de ce soir a trois enjeux. Le premier est un enjeu d'aménagement, il consiste à savoir ce qu'il convient de faire à la place des Nations. Le deuxième est un enjeu lié à la Genève internationale et consiste dans le fait de savoir si l'on trouve que l'environnement actuel est digne du rayonnement de Genève. Le troisième est un enjeu de nature politique et concerne les rapports entre la ville et l'Etat de Genève.
Le projet qui vous est soumis - que M. Lescaze trouve très mauvais - est issu d'un concours dont le lauréat a été primé à plusieurs reprises, notamment pour la place des Terreaux à Lyon, à l'égard de laquelle je n'ai pas entendu de critiques. Ce concours a été précédé et accompagné d'une démarche de concertation dans laquelle les habitants du quartier, les principales associations genevoises, actives en matière de trafic, d'environnement et d'habitation, ainsi que les organisations internationales, ont été associées. Ce projet a recueilli l'accord que vous êtes en train de remettre en cause aujourd'hui. Il n'y a eu qu'un seul recours, qui était encore pendant au moment des travaux de votre commission des finances; il est aujourd'hui tranché, rejeté; par conséquent le chantier est prêt à démarrer dans les semaines qui viennent.
Un certain nombre de contre-vérités ont été formulées, malheureusement en trop grand nombre pour que je réponde à toutes, mais certaines méritent une réponse. La route des Nations, Madame Gauthier, s'arrête à l'OMS, elle ne va pas à la place des Nations. Monsieur Catelain, la sécurité a fait l'objet de multiples discussions avec les services de sécurité des Nations Unies, avec la police genevoise et avec le ministère public fédéral, vous aurez quelque peine à prétendre que ce projet n'en tient pas compte. Vous avez également dit que ce projet de loi, sur lequel vous étiez appelé à voter, ne figurait pas dans le texte: vous avez apparemment raté les pages 4 et 5.
En ce qui concerne les financements entre la ville et l'Etat de Genève, il a été rappelé que la ville participe au financement du déplacement du club de tennis international - sur les courts duquel, m'a-t-on dit, se règlent des affaires délicates - du chemin Rigot, jusqu'à Pregny. Nous avons en chantier un certain nombre d'autres financements croisés, dont le musée d'ethnographie et, d'une manière plus générale, la culture.
Vous vous êtes gaussé, Monsieur Lescaze, de la lettre que j'ai signée avec Christian Ferrazino, en disant que c'était une tartufferie. Soyons clairs. Je ne suis pas d'accord sur tous les points avec M. Ferrazino. Je ne suis pas d'accord avec l'actuelle organisation institutionnelle de ce canton, mais je m'y soumets comme magistrat, et je me félicite que, malgré ces désaccords, M. Ferrazino et moi ayons pu, sur ce dossier, collaborer de manière suivie et complète. J'aurais beaucoup de peine, demain, à retravailler avec lui, si vous rejetez ce projet de loi. Non pas par vengeance, mais parce que je comprendrais que M.Ferrazino me dise «ce que vous me dites n'a aucune valeur, parce qu'alors même que le Conseil d'Etat a une majorité gouvernementale dans ce parlement, vous êtes incapable de vous faire suivre par cette même majorité gouvernementale.»
Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez faire acte de rébellion contre M. Ferrazino, mais il y a un moment où les choses ne se passeront pas très bien. En effet, de deux choses l'une: ou bien la ville renonce à son projet - et ce sera le canton, qui a toujours affirmé que la place des Nations n'était pas un objet municipal, que ça n'était pas aux seuls électeurs de la ville d'en décider, qu'il y avait un enjeu global, et c'est parce que j'ai compris cet enjeu global que j'ai discuté - et c'est le canton qui en portera la responsabilité. L'autre hypothèse, c'est que la ville construise sans le financement de l'Etat, qu'elle fasse ce qu'elle veut, et qu'elle inaugure cette place sans nous. (Applaudissements.)
Le président. L'appel nominal a été demandé. Est-il soutenu ? C'est le cas.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet est rejeté en premier débat par 40 non contre 24 oui et 1 abstention.