Séance du
vendredi 13 février 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
5e
session -
24e
séance
PL 8746-A
Premier débat
Le président. Je vous communique l'information suivante concernant le déroulement de nos travaux: le traitement de ce point... (Brouhaha.)S'il vous plaît ! Le traitement de ce point risque d'être long. Nous nous arrêterons à 19h, quel que soit le stade que nous aurons atteint dans le cadre du traitement de ce projet de loi, et nous le reprendrons après les urgences, prévues à 20h30.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Vous pouvez vous étonner de me voir siéger à la table des rapporteurs en tant que rapporteur de majorité. Il est en effet surprenant de constater que ce projet de loi, pourtant déposé par des députés de l'Entente, n'ait pas été assez fortement défendu en commission. J'invite donc les députés de l'Entente à venir en nombre en commission afin de défendre leur position.
Cela dit, ce projet de loi vise une nouvelle fois la suppression d'une compétence accordée aux associations de protection du patrimoine, soit la demande de mise à l'inventaire, la demande de classement ou la demande d'adoption d'un plan de site. On peut se demander pourquoi revenir sur un texte de loi modifié il n'y a pas si longtemps; on peut également se demander si des abus ou des blocages ont véritablement été constatés suite à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions législatives. Je ne le crois pas. Nous ne disposons d'ailleurs, à ce sujet, d'aucun chiffre, d'aucune statistique susceptible de confirmer un éventuel retour en arrière. Il est important de laisser aux associations ce droit, cela afin d'éviter ultérieurement une multiplication de recours qui ne feraient que retarder les procédures. Quant aux plans de site et aux plans localisés de quartier, ils permettent précisément de définir les emplacements sur lesquels de nouvelles constructions peuvent venir s'intégrer. Il n'est dès lors pas acceptable d'opposer la protection du patrimoine au problème de la pénurie de logements. Comme vous le savez, il est impossible de faire table rase de l'existant en zone à bâtir; il est donc normal de prendre certaines précautions.
Je tiens également à relever ici le travail considérable effectué par les associations, et tout particulièrement par celles qui défendent le patrimoine. Ces associations bénéficient d'une bonne connaissance du terrain et fournissent à l'Etat des informations précieuses, notamment en matière de patrimoine moderne. Il n'est pas correct de vous livrer, comme vous le faites, à un procès d'intention à l'encontre de telle ou telle association qui dérange dans le paysage du monde associatif. Il n'est pas juste non plus de contester le pied d'égalité qui existe entre les collectivités publiques et les associations. C'est reconnaître l'engagement des citoyennes et des citoyens dans ces associations que de maintenir ce droit que nous avons inscrit dans la loi !
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de refuser ce projet de loi.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de minorité. Lors de la dernière législature, la majorité de l'époque a, comme elle en avait la possibilité en fonction de rapports de force lui étant favorables, modifié cette loi en octroyant des compétences supplémentaires aux associations qui se vouent à la défense du patrimoine. Nous ne contestons évidemment pas ce point. Nous estimons cependant - et il s'agit là d'un point très important - que ces compétences supplémentaires, qui leur donnent des droits analogues à ceux d'autorités communales démocratiquement élues, sont excessives. Si une association communale de protection du patrimoine souhaite la mise à l'inventaire ou le classement d'un bâtiment, elle peut fort bien agir dans le cadre de sa commune. Je prendrai à titre d'illustration la Ville de Genève, qui est une commune très importante: une association pourrait fort bien agir par le truchement du Conseil Municipal afin que les autorités politiques de la Ville prennent l'initiative de demander ces mesures au Conseil d'Etat. Il existe, selon moi, une hiérarchie entre des autorités démocratiquement élues et des associations certes légitimes, mais dont le fonctionnement ne répond pas aux mêmes critères, aux mêmes règles que celles prévues par la constitution. Il nous apparaissait dès lors tout à fait superfétatoire d'avoir, si vous me permettez une telle expression, «rajouté cette couche» - étant bien entendu que ces associations disposent toujours du droit de recours en la matière. Cette prérogative n'a jamais été remise en question. Il est vrai que l'on nous a servi cet argument en commission - comme dans d'autres occasions. Mais, Monsieur le rapporteur de majorité, donnez-nous des cas pratiques: a-t-on utilisé de façon excessive cette nouvelle possibilité ? Non ! Puisqu'il n'y a pas de nouveau cas, la mesure que vous avez votée, il me semble, durant la législature 1997-2000 s'avère inutile ! Pourquoi avoir fourni des instruments supplémentaires aux associations de protection du patrimoine ?! Sans vouloir rouvrir une guéguerre que nous avons déjà eue, sauf erreur, au mois de janvier à propos de la protection du patrimoine, nous jugeons tout à fait légitime de donner la préséance et la priorité aux autorités démocratiquement élues - étant bien entendu, une fois encore, que les associations de protection du patrimoine ont toute latitude pour obtenir un certain nombre de demandes par le biais de ces autorités.
Le fait que, lors de cette séance de la commission de l'aménagement, la majorité et l'UDC n'étaient pas au complet tient par ailleurs à des circonstances tout à fait fortuites que l'on peut très bien comprendre. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un rapport de minorité en demandant à ce plénum de voter l'entrée en matière sur cette loi, puis de voter cette loi.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Il n'est pas inutile, au vu des démarches de ceux qui veulent démanteler la LPMNS, de rappeler ses buts: conserver les monuments de l'Histoire, préserver l'aspect du paysage et des localités, assurer la sauvegarde de la nature, favoriser l'accès du public à un site, encourager toute mesure éducative en faveur de la protection des monuments, de la nature et des sites. S'attaquer aux droits des associations en matière d'inventaire, de classement, de plans de site et de recours montre à quel point les auteurs du projet de loi se trompent de cible. Ces associations sont à but idéal. Leurs membres font un travail extraordinaire - bénévolement ! Se cacher derrière la dénonciation de rares abus pour attaquer leur démarche ne se justifie en rien, alors que les blocages dont se plaignent les auteurs de cette loi sont dus, non à des raisons environnementales ou patrimoniales, mais à des densifications mal acceptées.
En outre, contester la légitimité des associations n'est pas un argument crédible. Une association fondée selon les articles 60 et suivants du Code civil présente en effet davantage de légitimité qu'un particulier. Lorsque les députés de l'Entente souhaitent l'initiation d'un PLQ, cela ne pose à leurs yeux aucun problème ! Ainsi, nous venons de voter, dans le cadre de l'étude du projet de loi 8389 à la séance de la commission de l'aménagement du 10 décembre dernier, un amendement dont la teneur est la suivante: «Tout propriétaire d'une parcelle en zone de développement ne faisant pas encore l'objet d'un plan localisé de quartier peut également, suivant la même procédure, demander au Conseil d'Etat l'adoption d'un tel plan». Il y a là un paradoxe qui montre l'absence de vergogne des députés de l'Entente: un privé se trouve sur le même pied qu'une commune lorsqu'il s'agit de bétonner. En revanche, lorsqu'il s'agit de protection du patrimoine, une association qui a davantage de légitimité qu'un particulier ne pourrait pas être sur le même pied qu'une commune... Ce projet de loi est inadmissible aux yeux du groupe socialiste !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Je me permets de trouver cette démarche déplorable. Je rappellerai en premier lieu que certaines associations ont joué un rôle extrêmement important dans le cadre de la protection du patrimoine. Je pense principalement à la plus ancienne d'entre elles, la Société d'art public, qui est une section du Heimatschutz, vieille de plus de cent ans, et sans l'action de laquelle un certain nombre de bâtiments n'auraient pu être préservés. Lorsqu'on apprécie la situation à quelques années de distance, il faut reconnaître que toutes les démarches entreprises pour la conservation d'un certain nombre de bâtiments ou de quartiers se sont révélées justifiées. Je vous rappelle, du reste, que la lutte pour la protection du patrimoine a repris de son intensité au début des années 70, au moment où la ville faisait toujours davantage l'objet de démolitions. On se souvient par exemple de la votation concernant l'hôtel Métropole. Tous les partisans de la démolition de ce bâtiment ont ensuite reconnu que sa préservation s'imposait, tout comme la sauvegarde d'autres bâtiments qui devaient être démolis - et la liste est longue, de l'ancienne prison de St-Antoine à la maison Golay, la Petite-Fusterie, ou des quartiers entiers comme les Grottes, Villereuse et j'en passe...
Je vous signale en deuxième lieu, Monsieur Barrillier, que la démarche que constitue le droit d'initiative - soit la possibilité pour une organisation d'importance cantonale de demander le classement d'un objet - existait de longue date en matière de protection du patrimoine. Le droit de demander le classement d'un bâtiment n'a nullement été introduit, comme vous l'avez prétendu tout à l'heure, lors de la dernière législature. M. Moutinot pourra certainement confirmer le fait que le droit d'initier une procédure de classement appartenait de longue date aux associations d'importance cantonale. Il est à noter qu'il n'existe, hélas, que deux associations d'importance cantonale en matière de protection du patrimoine: il n'y a donc pas une prolifération d'associations.
En troisième lieu, il est exact que l'on a, lors de la dernière législature, offert aux associations le droit de demander l'ouverture d'une procédure pour les demandes d'inventaire. Cette mesure a été prise afin d'éviter des demandes de classement portant sur des objets ne méritant pas de l'être. Comme les associations de protection du patrimoine n'étaient pas autorisées à demander l'ouverture d'une procédure de mise à l'inventaire, elles demandaient en effet des procédures de classement. La possibilité pour une association de protection du patrimoine de demander l'ouverture d'une procédure d'inventaire a donc, en réalité, constitué un progrès puisqu'elle a permis d'éviter des mesures de protection trop fortes concernant un certain nombre d'objets méritant néanmoins d'être conservés.
Je relève du reste que, lors du débat que l'on a eu il y a exactement un mois - et à l'issue duquel vous avez modifié la loi afin que l'on ne puisse pas remettre en cause des démolitions qui étaient acquises en vertu d'un plan localisé de quartier - il a été dit - et j'entends encore le discours pathétique de M. Koechlin - que les associations de protection du patrimoine s'endormaient, qu'elles intervenaient beaucoup trop tard et qu'elles devaient intervenir en temps voulu. Mais l'on sait que vous n'êtes pas à une contradiction près... M. Hiler s'est, à cette occasion, livré à un excellent plaidoyer en soulignant la nécessité d'établir l'inventaire complet des bâtiments dignes de protection, et ce précisément pour éviter des conflits.
Alors, que va-t-il se passer, Mesdames et Messieurs ? Si les associations de protection du patrimoine ne peuvent plus proposer l'ouverture d'une procédure de mise à l'inventaire, on interviendra fatalement plus tard dans la procédure de recours. C'est donc, en réalité, un magnifique autogoal que vous êtes en train de marquer ! On sait quelle est votre attitude à l'égard des associations de protection du patrimoine et, surtout, votre manque d'intérêt en matière de protection de cet élément culturel très important de notre canton. Vous allez toutefois, de fait, provoquer de multiples procédures contentieuses qui seraient évitées si, précisément, l'on appliquait la règle préconisée par M. Koechlin il y a quatre semaines de cela.
Je vois par ailleurs mal quel sont les risques d'abus en matière de procédure de demande de mise à l'inventaire ou de classement, dans la mesure où c'est le Conseil d'Etat qui décide de la légitimité ou non de la demande. Je pense que M. Moutinot pourra le confirmer. Le fait de pouvoir demander une mesure de classement ou de mise à l'inventaire ne signifie bien entendu pas que la demande sera forcément agréée ! Il existe une procédure bien connue et le propriétaire peut, du reste, s'opposer à cette demande. Au final, c'est le Conseil d'Etat qui décidera si l'objet mérite d'être classé ou mis à l'inventaire. Je ne vois dès lors pas en quoi...
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. ... le simple fait de proposer une mesure de protection constituerait un abus ! Je constate que je suis au bout de mon temps de parole. Je me réinscris donc, Monsieur le président, afin de poursuivre mon intervention.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pierre-Louis Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Contrairement à Mme Françoise Schenk-Gottret, qui qualifie ce projet de loi d'inadmissible, le groupe démocrate-chrétien le trouve, lui, absolument nécessaire. Comme l'a déclaré M. Barrillier - pour cette circonstance rapporteur de minorité - il est très important de redonner aux communes le rôle primordial qu'elles doivent jouer. On a d'ailleurs déjà évoqué ce sujet cet après-midi, à l'occasion du débat portant sur le type de logement. Comme cela a également été relevé, une association peut fort bien, si elle trouve pertinent de mettre un bâtiment à l'inventaire, s'adresser à une commune et agir en accord avec l'avis cette commune. En revanche, si cette mise à l'inventaire était faite sans l'avis de la commune, nous trouverions particulièrement anormal qu'une association puisse, par exemple, bloquer un projet cher à cette commune. C'est pourquoi il nous paraît important qu'une demande d'inventaire passe par ce filtre que sont les élus locaux. Ces derniers sont les élus les plus proches des citoyens et certainement les plus à même de déterminer s'il est adéquat de classer un bâtiment ou un édifice dans telle ou telle commune - qu'il s'agisse de la Ville de Genève ou d'autres communes.
Le groupe démocrate-chrétien vous propose donc, comme le suggère le rapporteur de minorité, de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Non ! Nous refuserons l'entrée en matière ! Ce projet est parfaitement injuste ! Il est injuste envers vos propres milieux, puisque vous valorisez habituellement l'initiative privée. Or, là, vous voulez bannir toutes les compétences des sociétés d'art public qui sont mises à la disposition des citoyens ! Vous vous fâchez avec vos propres troupes: libres à vous ! Il est toutefois piquant de constater que vous allez museler vos propres troupes par simple but idéologique. La finalité de ce projet de loi, c'est en effet la suppression du droit d'associations telles que la Société d'art public de déposer des demandes de classement ou de réclamer des mesures de protection. Mais n'est-ce pas précisément leur raison d'être ?! Comme l'a souligné M. Grobet, il me paraît important que ces associations puissent intervenir en amont plutôt qu'en aval, en déposant des recours que vous décriez également. N'est-ce pas plus judicieux qu'elles interviennent plus tôt, afin que l'on puisse déterminer les éléments qui doivent être protégés, et ces causes seront instruites par le Conseil d'Etat ? C'est à ce stade qu'il convient d'intervenir, et il ne faut pas reporter le débat au stade des recours ! Il est absolument ridicule de vouloir museler les sociétés protectrices du patrimoine. Seul cela vous intéresse et vous ne parvenez pas à trouver d'autre finalité à ce projet ! J'estime pour ma part qu'il convient de rejeter l'entrée en matière.
Le président. Merci, Madame la députée. Je dois avouer, Monsieur Grobet, que vous m'avez beaucoup impressionné tout à l'heure, puisque vous vous êtes réinscrit avant même de vous être assis après votre précédente intervention ! Je vous redonne la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Je souhaite aborder un autre aspect du problème. L'effet suspensif n'est, notamment concernant la demande d'adoption d'un plan de site, pas accordé dans le cadre de l'ouverture d'une procédure: c'est au département - ou au Conseil d'Etat, je ne me souviens plus - qu'il appartient de décider si l'ouverture de cette procédure bénéficie d'un effet suspensif ou non. Je ferai donc remarquer, en guise de réponse à M. Blanc, que l'argument selon lequel un projet se trouverait bloqué à cause de cette procédure n'est pas valable, car l'effet suspensif n'est, dans certains cas, pas prononcé d'office. Il est par ailleurs évident que le département se doit de traiter les demandes avec diligence. Nous, les milieux de protection du patrimoine, n'avons aucune objection, bien au contraire, à ce que les demandes soient instruites rapidement, car il est dans l'intérêt de tous que la question soit tranchée. Les associations de protection du patrimoine ne cherchent pas à bloquer des projets en tant que tels. A la limite, elles déplorent également la lenteur d'une procédure, car cette dernière permet à certains de se plaindre du fait que la procédure d'examen de l'intérêt de l'objet peut retarder un autre projet.
On aurait pu imaginer discuter de certains points de ce projet en commission, mais retirer tout simplement le droit de demander l'ouverture d'une procédure constitue un retour en arrière total en matière de politique de protection du patrimoine ! Prétendre que les communes puissent être le relais des associations de protection du patrimoine n'est pas sérieux non plus ! La commune devrait, d'elle-même, se préoccuper de ce type de problématiques. Or, si un certain nombre d'associations de protection du patrimoine sont actives, c'est précisément parce que les autorités ne se soucient malheureusement pas, comme elles devraient le faire, de la protection du patrimoine !
Tout comme Mme Künzler, je souhaite insister sur le rôle extrêmement important joué par ces associations. Le débat sur la préservation des bâtiments qui sont dignes d'intérêt est fondamental. Il est en effet inutile de dire qu'une fois un bâtiment démoli - surtout par un coup de force, comme ce fut, par exemple, le cas de l'ex-villa Blanc de Sécheron, démolie de manière totalement illégale - on ne peut ensuite plus reconstruire et reconstituer ledit bâtiment... L'utilisation du droit de protection du patrimoine n'a pas entraîné d'abus à Genève. Quelques projets ont peut-être été légèrement retardés, mais la procédure a globalement bien fonctionné. Ce n'est pas parce qu'elle s'est avérée trop longue dans deux ou trois cas que cela se justifie de tout supprimer ! Une telle mesure est totalement excessive ! Dans l'intérêt de ce canton et dans l'intérêt que nos concitoyennes et concitoyens portent à l'égard de la protection du patrimoine, il conviendrait que vous renonciez à ce projet de loi ou, du moins, que vous le revoyiez sensiblement quant aux dispositions que vous proposez !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. David Hiler.
M. David Hiler (Ve). Dans un précédent débat sur la protection du patrimoine, j'avais eu l'occasion d'insister sur le fait que la protection du patrimoine était l'affaire de chacun et de tous les courants. Les communes jouent bien entendu, Monsieur Portier, un rôle important dans la protection du patrimoine. Elles l'approchent - notamment les plus petites d'entre elles - d'un point de vue que j'estime très important, à savoir l'amour de leur site. La protection du patrimoine ne se limite toutefois pas à cela: elle consiste également en une définition plus «scientifique» - avec beaucoup de guillemets ! - d'un certain nombre d'objets architecturaux qui doivent être conservés. Il y a là, Monsieur Portier, une approche complémentaire - et non contradictoire. Il est extrêmement important que des associations comme la Société d'art public puissent poursuivre l'activité qu'elles ont commencée il y a un peu plus d'un siècle. Elles doivent pouvoir attirer l'attention des pouvoirs publics et initier des procédures lorsque, pour une raison ou pour une autre - et notamment lorsque de nombreux millions sont en jeu - un département n'entendrait pas immédiatement la voix de la raison.
J'aimerais cependant insister sur le point suivant: la Société d'art public est, comme ce Grand Conseil et comme toutes les associations, composée d'êtres humains. Elle peut donc, à ce titre, se tromper; elle peut faire fausse route. En dernière analyse, ce n'est donc pas aux associations de protection du patrimoine qu'il convient de décider: c'est bien au département de décide ! Et nous avons besoin de cette dynamique: des associations qui proposent et des élus qui décident.
Aussi, je crois que l'on ne peut pas rêver, Monsieur Barrillier, d'une approche plus contre-productive que celle proposée dans ce projet de loi. Elle est, on vous l'a expliqué, contre-productive pour des questions de procédure. Elle empêche en outre le dialogue nécessaire pour l'aménagement - et vous le savez, Monsieur Barrillier, puisque l'un des critères en matière d'aménagement réside dans la conservation du patrimoine.
Continuez ainsi, vous pourrez toujours dire que c'est la faute à Moutinot ! Mais chaque fois que vous crispez les procédures, vous jouez un rôle négatif quant à la vitesse de construction des logements dans notre canton, car la crispation du système juridique qui est le nôtre n'entraîne que des retards.
Je vous suggère donc - et il s'agira là de ma proposition, Madame la présidente - de renvoyer ce projet de loi en commission. Après avoir bien réfléchi et pris le temps de réexaminer cette affaire, vous en reviendrez avec une proposition, qui pourrait par ailleurs ne pas nous plaire - il s'agit là d'une autre affaire - mais qui ne soit pas nuisible à l'intérêt général.
La présidente. Si j'ai bien compris, Monsieur le député, vous demandez le renvoi de ce projet de loi en commission. Je donne donc la parole à Mme Blanchard-Queloz pour son groupe... (Remarque.)Puisque, Madame Künzler, la parole est limitée à un député par groupe.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Le renvoi en commission me paraît justifié. M. Portier a laissé entendre, au nom du groupe PDC, qu'il fallait redonner ces compétences aux communes - ce sont exactement les termes qu'il a employés. Or c'est absolument faux: aucune compétence communale n'a été supprimée dans la loi ! Ce projet de loi vise à retirer le droit des associations de déposer des demandes de mise à l'inventaire et de plans localisés de quartier. Comme cela figure dans tous les articles, ces prérogatives sont cependant maintenues pour les communes. Je soutiens donc, Madame la présidente, le renvoi en commission.
La présidente. Je donne la parole à Mme la députée Fehlmann Rielle, sur le renvoi en commission.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Nous avions déclaré que nous étions opposés à ce projet de loi. Je pense néanmoins qu'il pourrait y avoir matière à discussion. Il me semble donc plus sage d'accepter le renvoi en commission. C'est ce que le groupe socialiste vous propose.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je mets donc aux voix cette proposition de renvoi en commission. Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission d'aménagement du canton est adopté par 35 oui contre 29 non et 2 abstentions.