Séance du jeudi 12 février 2004 à 17h
55e législature - 3e année - 5e session - 21e séance

RD 490-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant le bilan de la planification sanitaire qualitative (PL 8045)
Rapport de M. Claude Aubert (L)

Débat

Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, si lors des travaux de la commission de la santé nous avons entendu avec satisfaction le président du département nous assurer que la planification serait intégrée dans le programme de la direction générale de la santé, nous sommes en revanche plus réservés sur cette nouvelle organisation voulue par le DASS. Pour le peu que nous en savons - tout au moins pour l'heure - elle consisterait à attribuer à l'Etat un rôle de détonateur en matière de planification et à réserver à d'autres acteurs, hors de l'action de l'Etat, la tâche de développer des opérations et d'en assurer la pérennité. Cette question n'a pas manqué d'interpeller les députés de notre commission, et elle continue à nous poser problème.

Au final, toutefois, une majorité s'est trouvée pour prendre acte de ce rapport, en dépit des questions qu'il soulève - ou peut-être à cause des questions qu'il soulève. Là encore, les membres de notre groupe restent avec la désagréable impression qu'on leur demandait - comme pour le rapport du Conseil d'Etat sur l'évaluation des effets de la loi sur le RMCAS - de prendre acte, sans se préoccuper des éléments mis en évidence par ces textes, sans se préoccuper des intentions qui les sous-tendent ou des prolongements qu'ils ne manqueront pas d'avoir.

Là encore, un projet de loi en gestation - le projet de loi cadre sur la santé - devait nous rasséréner... Drôle de manière de travailler ! Nous faisons-nous à ce point confiance dans ce parlement pour travailler ainsi à l'aveugle ? Allons ! Même le plus profane d'entre nous ne pourrait y croire un instant ! Non, notre groupe aurait voulu voir abordées les questions posées par la planification sanitaire qualitative, parce qu'il y est foncièrement attaché. Il aurait voulu voir détaillée la nouvelle organisation dessinée, il aurait voulu voir assurée la pérennité de la prévention et de la promotion de la santé.

Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il n'a pas été répondu à ses attentes, notre groupe s'abstiendra pour l'heure de prendre acte de ce rapport.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Anne Mahrer (Ve). Le groupe des Verts prendra acte du Rapport divers 490 et se réjouit bien évidemment qu'un chapitre soit consacré à la promotion de la santé et à la prévention dans la future loi sanitaire.

La stratégie dans ce domaine ne peut, bien sûr, pas être figée et elle devra par conséquent s'adapter à des besoins nouveaux et à des situations qui évoluent. Pour aller dans le sens du présent rapport, l'Etat devant donner l'exemple, il serait cohérent de supprimer les distributeurs à cigarettes dans les bâtiments universitaires. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Madame la députée. (Remarque.)Monsieur Guérini, ne vous inquiétez pas, votre tour viendra. En attendant, je donne la parole à Mme Fehlmann Rielle.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Nous pouvons également remercier le rapporteur, M. Aubert, qui a fait un bon résumé du rapport qui nous avait été livré en matière de planification sanitaire qualitative, rapport qui était effectivement touffu.

Pour ma part, je me bornerai à relever une préoccupation qui va dans le même sens que celle évoquée par Mme Haller. Elle est liée à la phrase relevée précisément par M. Aubert, où il est mentionné que l'Etat doit jouer un rôle d'impulsion dans les projets de prévention et de promotion de la santé, et que ces projets doivent ensuite s'épanouir hors du giron de l'Etat.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Je crois avoir également soulevé ce point en commission; nous savons que la discussion n'est pas close, la réflexion non plus. Si cela signifie que l'Etat laisse une certaine autonomie à des associations assumant des missions de prévention, cela me semble de bon augure, mais si cela signifie qu'après avoir donné une impulsion l'Etat retirera son soutien financier - parfois indispensable - alors cela m'inquiète. Pour élaborer des projets sérieux en termes de santé publique, il faut aussi des professionnels qualifiés, qui garantissent la mise en place de projets réfléchis, respectant certaines priorités et procédures d'évaluation. Il s'agit de ne pas faire n'importe quoi, l'évaluation est importante. Il faut aussi rappeler qu'en termes de prévention primaire, il est relativement difficile d'avoir une évaluation d'efficacité à court terme, et que c'est souvent sur des années que se mesurent des programmes de prévention et de promotion de la santé. C'est pourquoi, précisément, le soutien de l'Etat est nécessaire. Sans cela, je ne vois pas comment des actions pourraient être pérennisées, puisqu'il est actuellement quasiment impossible de trouver des fonds privés. L'Etat a aussi pour mission de veiller à ce que des projets de santé publique puissent perdurer.

Dans certains domaines, il y a des lobbies qui s'opposent aussi à ce que des mesures cohérentes soient prises. Pour qu'on parvienne à quelque chose, il faut à la fois des mesures qui agissent sur les comportements et des mesures d'ordre structurel. Nous l'avons vu dans certains domaines tels que le tabagisme, l'alcoolisme, le problème des accidents, etc.; certains lobbies forts s'opposent à ce que des mesures de santé publique soient prises. Une pesée d'intérêts se fait constamment entre l'économie et la santé publique, c'est presque tout le temps en défaveur de la santé publique.

C'est la raison pour laquelle ce rapport me préoccupe tout de même énormément. La discussion ne sera évidemment pas close, puisque, fort heureusement, un projet de loi sanitaire est en consultation et nous sera prochainement soumis. Là aussi, cependant, M. Unger a annoncé qu'il y avait un changement de paradigme, au sens où la loi porterait sur la santé et non sur les soins. J'espère que ces priorités en termes de promotion de la santé ne seront pas contredites par des coupes budgétaires.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est donnée à M. Pierre Froidevaux, qui est déjà debout, prêt à la prendre !

M. Pierre Froidevaux (R). C'est pour gagner du temps, Monsieur le président !

J'aimerais donner un avis complémentaire à ce qui vient d'être dit par mes collègues de la minorité, en rappelant un problème qui n'est pas vraiment d'ordre politique, mais plutôt d'ordre individuel.

En évoquant la planification sanitaire qualitative, soit la question de la qualité des soins, il faut accorder quand même une certaine place à la relation thérapeutique, la relation entre le patient et son médecin. Celui-ci n'est ni de gauche, ni de droite, mais très individuel, il entre dans votre intimité et est, à mon avis, mal protégé. Au cours de ces dernières années, les débats politiques ont minimisé la relation thérapeutique, ils ont stigmatisé le médecin comme étant à l'origine des coûts. Nous avons pu voir, lors de la dernière session parlementaire, que le médecin-traitant n'était en rien coupable, à Genève, des coûts de la santé tels que constatés année après année.

Je souhaitais rendre le président attentif au fait que cette profession connaît actuellement des difficultés, qui doivent être arbitrées par le Conseil d'Etat. J'aimerais simplement rappeler que le tarif des médecins n'a pas changé depuis 1980, que nous sommes actuellement dans un nouveau système qui entend maintenir un coût similaire et, pour certaines catégories professionnelles, réduire de 30% les revenus. Pour certaines professions, c'est une remise en cause de toute leur activité. Je sais, Monsieur le président, que vous cherchez à trouver des solutions, je profite donc de ce rapport sur la planification qualitative pour rappeler que soutenir cette relation privilégiée entre le patient et le médecin est à mes yeux un élément plus fondamental encore que des soutiens publics.

M. Pierre Guérini (S). A l'inverse du rapport divers 483 qui parlait plutôt d'avenir, ce rapport sur la planification qualitative est un bilan. S'il est vrai que la mise en oeuvre de cette planification est de la responsabilité du DASS, il n'en demeure pas moins que, compte tenu de l'importance des projets, il nous paraît normal que le Grand Conseil soit consulté.

Le rapport du député Aubert pose un certain nombre de questions pertinentes, tant quant à l'avenir des projets que sur la méthode de travail du département. Comme pour le rapport 483, ces questions ne se seraient certainement pas posées si la loi K 1 10 avait été appliquée et qu'un plan directeur - tel que le prévoit la loi - avait été établi.

Il est un point particulièrement sensible qui nous interpelle: le montant que touche la fondation «Promotion Santé Suisse», soit 18 millions de francs par an, financés par un prélèvement sur les primes de bases de l'assurance-maladie.

Nous insistons pour que le DASS fasse tout son possible pour qu'une partie de ces fonds soient retournés à Genève et que cela puisse financer les projets à venir dans le cadre de la planification sanitaire. C'est la moindre des choses lorsqu'on connaît le montant des primes d'assurances maladies que paient les assurés de ce canton !

In fine, les socialistes vous recommandent tout de même de prendre acte de ce rapport.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'essaierai d'être bref, tout en relevant un certain nombre des aspects soulevés par les uns ou les autres. J'ai une fois de plus été accusé de vous anesthésier avec des promesses. La différence est peut-être que celles-ci sont tenues et que nous ferions bien d'en prendre acte, car la confiance réciproque permet de construire plus vite que la méfiance.

Il est vrai que nous n'aurons pas d'unanimité dans ce parlement concernant le rôle de l'Etat. Un Etat moderne incite plutôt qu'il n'interdit; il est stratège, il pilote plutôt qu'il n'accomplit tout seul; en d'autres termes, il suscite les compétences là où elles sont, y compris - bien sûr - en son sein lui-même, lorsqu'elles y existent. Lorsque vous développez des programmes de promotion de la santé ou de prévention des maladies, il n'est pas pensable de trouver l'entier des ressources et des compétences à l'intérieur même de l'Etat ! Cela serait d'autant moins souhaitable qu'un certain nombre de ces missions - et c'est ce qui interpellait peut-être Mme la députée Fehlmann Rielle - seront ce que je qualifierai de starters. Car un bon projet de promotion de la santé ou de prévention est un projet structurant, et qui donc devient pérenne - au même titre, Madame, qu'il ne conviendrait pas, tout au long d'une vie d'un individu de continuer à lui apprendre à lire, alors même que l'objectif de cet apprentissage est de pouvoir être autonome dans la lecture et, le cas échéant, de choisir ses livres. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi, dans ces projets de promotion de la santé et de prévention des maladies, des projets qui contribuent à ce que l'on appelle l'«empowerment», en d'autres termes à la mise à disposition de tous des outils nécessaires à la compréhension des comportements et des attitudes susceptibles d'interférer positivement sur leur santé.

Deux mots, pour finir, sur «Promotion Santé Suisse», qui est une fondation créée par la loi sur l'assurance maladie - l'ancienne Fondation 19, puisqu'elle tient son existence de l'article 19 de la LAMal - et qui, Monsieur le député Guérini, nous rend beaucoup de services en cofinançant d'innombrables projets de promotion de la santé et de prévention des maladies à Genève. Je ne sais pas si nous rapatrions assez de la manne dont vous avez parlé, de l'ordre de 17 millions de francs par an; toujours est-il que proportionnellement et à notre surface, et à notre nombre d'habitants, je crois qu'à défaut d'être des profiteurs, nous sommes en tout cas d'éminents partenaires de cette fondation qui nous rend, je le répète, bien des services. Nous continuerons à entreprendre à ses côtés des actions de promotion de la santé et de prévention des maladies.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.