Séance du
jeudi 12 février 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
5e
session -
21e
séance
RD 461-A
Débat
M. Blaise Matthey (L), rapporteur. Monsieur le président, je serai relativement bref. Je tiens à souligner que la commission a dû travailler avec un certain décalage entre le dépôt du rapport rédigé d'abord par le professeur Da Cunha, de l'Université de Lausanne, et, ensuite, le dépôt du rapport du Conseil d'Etat. Par conséquent, nous avons dû nous pencher non seulement sur la situation de 1999-2000, mais aussi sur celle que nous connaissons aujourd'hui. Nous avons donc essayé de faire un travail d'ensemble et c'est pourquoi ce rapport est peut-être un peu plus vaste que ce qu'il aurait pu être si nous avions travaillé immédiatement après la restitution du rapport de l'Université de Lausanne.
C'était là le premier point, qui me mène immédiatement au second: il s'agit de se demander quelles conclusions la commission sociale a tirées de la lecture de ces rapports. Comme vous l'aurez constaté, ses conclusions sont provisoires, elles sont liées aux réformes à apporter dans le domaine de l'aide sociale, car on peut se demander quelle est la position du RMCAS dans la problématique de l'aide sociale dont nous venons de parler, suite au refus du RMR.
Mme Esther Alder (Ve). Mesdames et Messieurs, on peut constater de manière générale que le dispositif du RMCAS favorise sans conteste l'insertion sociale des personnes, parce qu'il permet à celles-ci de maintenir un rôle social au sein de la collectivité. Si l'idée du RMCAS était notamment de favoriser le retour dans le circuit économique par la reprise d'un emploi, force est malheureusement de constater que cet objectif est loin d'être atteint puisque seulement 10 % des bénéficiaires retrouvent un emploi. Mais, là encore, il faut être prudent dans l'analyse. D'une part, le marché de l'emploi n'a manifestement pas d'inclinaison particulière à réintégrer celles et ceux qu'il a rejetés. La logique du profit ne va pas vraiment de pair avec une économie solidaire. D'autre part, on se rend bien compte que le temps entre la perte d'emploi et l'entrée dans le dispositif RMCAS est beaucoup trop long. Ce laps de temps où la personne voit ses revenus diminuer drastiquement, où elle perd son rôle, son identité qui était liée à son travail, va souvent fragiliser encore plus la personne, atteinte dans sa propre estime. A cela s'ajoute encore bien d'autres problèmes que je ne vais pas développer ici.
Pour l'heure, nous réaffirmons la validité du dispositif et soutenons un renforcement de l'accompagnement social des personnes qui, actuellement, fait un peu défaut. De plus, nous souhaiterions que le Grand Conseil soutienne des structures telle que «Réalise», car elles jouent un rôle vraiment très important dans l'accompagnement des bénéficiaires.
Nous soutenons donc ce rapport.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, l'examen du rapport du Conseil d'Etat relatif à l'évaluation des effets de la loi sur le RMCAS a été rondement mené. Une fois procédé aux incontournables auditions, et après avoir entendu en substance qu'il était vain de s'appesantir sur le sujet, car le DASS et le DEEE travaillaient de concert sur la question de la réinsertion professionnelle et qu'une révision conséquente de la loi sur l'assistance publique était en gestation, une majorité de la commission des affaires sociales a cru pouvoir se satisfaire de ces chèques en blanc. Tous en son sein ne partageaient pas ce point de vue. A l'heure où la commission de l'économie planche sur la question de la suppression des mesures cantonales, où il est question ni plus ni moins de renvoyer sur l'aide sociale tous ceux qui n'auront pas retrouvé un emploi et seront sans ressources, il est pour le moins troublant, d'une part, que l'on ne s'intéresse pas de près à un dispositif dont on sait qu'il sera dans cette perspective notablement sollicité et, d'autre part, que l'on ne s'attache pas à corriger les imperfections qui ont déjà été identifiées et qui, dans une certaine mesure, sont d'ores et déjà préjudiciables aux usagers, à l'institution et, en fin de compte, à l'Etat. Or - faut-il le rappeler ? - c'est également à la qualité de ses services que l'on reconnaît la qualité d'un Etat !
Le RMCAS se voulait la pierre angulaire de la réinsertion professionnelle pour les exclus du monde du travail. Ne pas approfondir cette question, en vertu de projets dont nous ne pouvons que craindre les résultats, revient à exclure ces personnes une seconde fois, voire à mettre définitivement au rebus ceux qui ne peuvent plus, qui ne savent plus jouer dans cette vaste foire d'empoigne qu'est devenu le marché de l'emploi. Mais c'est aussi, pour ce parlement, une manière de légiférer façon Colin Maillard, à l'aveugle, un bandeau sur les yeux - on appréciera...
Pour ces raisons, notre groupe persistera, pour l'instant, à s'abstenir sur la prise d'acte de ce rapport.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, le rapport sur les effets du système du RMCAS nous rappelle que celui-ci préfigurait ce qui aurait pu être un véritable RMR. De plus, il apparaît que le principe de la contre-prestation, qui avait été vivement décrié par certains opposants au RMR, s'est révélé au contraire très positif, ainsi que le mentionne le rapport. Ces contre-prestations contribuent, en effet, à maintenir les bénéficiaires au plus près possible du monde du travail, ce qui peut heureusement constituer pour certains d'entre eux un tremplin vers la réinsertion.
Il ne faut néanmoins pas masquer certains problèmes - cela a été bien relevé dans le rapport de M. Matthey - dont ceux concernant les relations entre le service du RMCAS, les contre-prestataires et la personne qui est au centre du système et fait parfois les frais d'un manque d'harmonisation et de coordination. Dans les lieux d'accueil notamment, on pourrait améliorer l'encadrement des contre-prestataires.
Bien que nous soyons convaincus du caractère positif du bilan du RMCAS, la rapidité des travaux en commission nous a tout de même laissés sur notre faim. Nous aurions aussi souhaité des réponses un peu plus précises sur les démarches en cours, puisque les services du DASS et le Département de l'économie avaient annoncé une coordination et promis une amélioration. Pour l'instant, concrètement, on ne voit pas encore grand-chose, tant il est vrai que le problème du chômage est actuellement criant. En outre, les travaux de la commission d'économie sur la loi sur le chômage, qui visent à supprimer les occupations temporaires, ne sont pas de nature à nous rassurer.
En somme, beaucoup de points sont encore en suspens, et c'est pourquoi, bien que nous soyons convaincus de l'importance du système du RMCAS, nous nous abstiendrons sur ce rapport.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas rallonger le constat que vous faites de l'observation de ce rapport. J'imagine bien que d'aucuns auraient préféré que nous puissions, à l'occasion de ce document, donner l'intégralité des projets qui sont en élaboration, mais vous imaginez tout de même que cela n'était pas été possible, sans quoi nous l'aurions volontiers fait.
Permettez-moi toutefois de faire un lien avec la suppression de la dette d'assistance, dont nous avons discuté tout à l'heure. On a vu, à travers des motions qui nous ont été adressées par votre parlement et dont Mme Haller était l'auteure, que les uns et les autres avaient compris et identifié que les retards dans la prise en compte des problèmes des gens - qu'il s'agisse, dans le cas du RMCAS, du chômage ou qu'il s'agisse, dans le cas de l'AI, de la maladie ou de l'accident - sont préjudiciables à la capacité des individus à trouver une nouvelle insertion, quand ce n'est pas une réinsertion complète. Vous ne pouvez pas à la fois constater ces retards et regretter que l'on cherche à accélérer les choses. C'est la raison pour laquelle, s'agissant de ce volet qui touche à l'emploi, l'articulation avec le département de l'économie et les travaux que votre Conseil est en train de mener en commission de l'économie est essentielle, comme l'est la relation avec les offices AI. Il faut en effet que les offices AI soient prévenus au plus vite et qu'ils diligentent beaucoup plus rapidement que cela ne fut le cas les instructions et les processus de réinsertion.
Il faut faire en sorte que la belle phrase de la loi sur l'assurance invalidité, qui indique que la réinsertion prime la rente, ne soit pas qu'une phrase que les faits contestent, mais que l'on puisse, ensemble et de manière anticipatrice, intervenir sur ces événements extrêmement douloureux de la vie, pour réussir au mieux et en partenariat avec ceux qui en ont besoin, le pari de la réinsertion à laquelle ils aspirent.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.