Séance du
jeudi 12 février 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
5e
session -
21e
séance
PL 8867-A
Premier débat
Le président. Petite subtilité, vous avez reçu un complément au rapport de majorité ! Ce complément fait foi s'agissant du rapport de majorité, alors que le rapport initial fait foi s'agissant du rapport de minorité.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Ce projet de loi est important, car il enclenche un processus qui va dans le sens d'une plus grande justice sociale. Ce rapport met l'accent sur le fait que l'on permet, en supprimant la dette d'assistance, à une majorité de personnes dépendant de l'aide sociale de sortir plus rapidement de l'exclusion. Nous sommes certainement d'accord qu'il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser l'autonomie financière de personnes qui pourraient être découragées par l'idée de commencer à gagner leur vie pour rembourser une dette qui semble insurmontable. Je tiens à rappeler, comme cela figure dans le rapport, que la Constitution fédérale, dans son article 12, garantit le droit fondamental à chacun et à chacune de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Or, pour certains bénéficiaires de l'aide sociale, la dignité humaine se retrouve à travers l'autonomie financière par le travail. C'est pourquoi il est parfois vraiment décourageant de se dire que le travail que l'on a pu enfin obtenir va d'abord servir à rembourser une dette dont on se serait bien passé. Dans ce cas-là, on peut effectivement se demander où est la dignité humaine.
En tant que rapporteure de majorité, j'ai pu penser que ce projet n'était pas parfait. Il ne répond pas à toutes les attentes en matière de lutte contre l'exclusion, mais c'est une étape importante dans le processus de révision de la loi sur l'assistance publique.
Une grande attention a été portée en commission sur les prestations, toujours remboursables, que ce soit en cas d'héritage, en cas de gains extraordinaires ou de prestations indues. Bien sûr, c'est aussi une question de bon sens et d'honnêteté basique. A ce sujet, il a été décidé que si des prestations avaient été indûment versées à un bénéficiaire, sans que cela soit de sa faute, mais éventuellement de la responsabilité d'un professionnel de l'action sociale, ce bénéficiaire n'aurait pas à les rembourser. Bien sûr, si un bénéficiaire n'est pas de bonne foi, il aura évidemment à rembourser cette dette d'assistance. Cet argent avancé, qui doit être dans certains cas une dette non remboursable, provient des deniers publics, provient évidemment de nos impôts. On peut se réjouir que des impôts particulièrement bien ciblés puissent permettre à des personnes de retrouver une dignité sans avoir à souffrir d'une dette qu'elles n'avaient certainement pas souhaitée.
Le complément au rapport de majorité permet de préciser le point lié à l'obligation de rembourser ou de ne pas rembourser. Le PDC recommande de suivre les conclusions du rapport de majorité, qui est porteur d'un consensus issu de la majorité de la commission, avec réalisme et pragmatisme.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Supprimer la dette d'assistance, notre groupe en est assurément partisan, mais il estime qu'il faut aller au bout de cette intention, ce que ne semble précisément pas faire le projet de loi tel qu'il nous est soumis en son article 23D. Il faut relever que ce dernier demande - et c'est là que le bât blesse - le remboursement de prestations définies comme non remboursables à l'article 1, alinéa 5. Il faut savoir ce que nous voulons: soit supprimer la dette d'assistance, et ne conserver de caractère remboursable qu'aux prestations indûment perçues ou en cas de retour notable à meilleure fortune, soit ajouter à ces dernières situations un dernier carré de la dette d'assistance.
Cela dit, il ne faut pas que la limite de fortune admise pour bénéficier de l'assistance soit un frein à cette décision. Car il faut savoir que ce seuil modeste perdure rarement, compte tenu de la modicité des prestations d'assistance qui ne permettent pas, en règle générale, de couvrir toutes les charges des personnes. Pour bien connaître cette question, vous me permettrez d'insister sur le fait que la dette d'assistance n'empêche de loin pas de retrouver une autonomie ou, communément dit, de sortir de l'assistance. Elle peut en revanche être un obstacle à l'entrée à l'assistance, notamment pour les raisons évoquées dans le rapport de minorité et à cause de la crainte que peuvent avoir certains bénéficiaires de prestations de laisser des dettes à leurs héritiers. Non, ce qui constitue réellement une entrave à l'autonomisation des personnes, ce sont les décalages entre les intentions énoncées dans la LAP et les ressources engagées pour favoriser véritablement la réinsertion sociale et professionnelle des personnes. Ou alors, ce sont les conséquences des effets seuils peu incitatifs, le caractère rebutant de la spirale de l'endettement - non à l'égard de l'assistance publique, mais à l'égard de la consommation à crédit, des banques, des régies, de l'Administration fiscale cantonale - enfin, toutes ces choses qui font le quotidien des gens en situation de précarité. Telles sont les dettes qui empêchent véritablement de retrouver une autonomie. En général, c'est ce sur quoi une démarche d'accompagnement social doit précisément anticiper, pour éviter, par un plan de désendettement ou par une gestion des dettes, cette démotivante confrontation.
A ce stade, l'attachement du département à cet article 23D est peu compréhensible. Vouloir récupérer sur un nombre dérisoire de situations des sommes quasiment inexistantes ou fort modestes laisse songeur. A n'en pas douter, si nous nous trouvions face à des sommes conséquentes, nous ne nous trouverions plus dans le cas de l'article 23D, mais assurément dans les cas de figures prévus aux articles 5B, 23, et 23A à 23C. S'attacher à plus forte raison à cet article 23D consiste à donner un signe d'encouragement à la dépense ou à la dissimulation, qui n'est pas pertinent et pour le moins contre-productif.
Alors pourquoi tergiverser ? Si notre intention est de supprimer véritablement la dette d'assistance, c'est-à-dire de sortir enfin du caractère caritatif de l'assistance publique, allons dans ce cas jusqu'au bout de cette intention et posons sans ambiguïté un acte fort ! En ce début d'année 2004, la loi sur l'assistance pourrait être débarrassée d'une de ses scories, à savoir la dette.
C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à amender l'article 23D tel que proposé dans le rapport de minorité.
J'ajoute, de surcroît, qu'il est particulièrement malvenu, peu après que ce parlement a voté majoritairement la suppression des droits de succession, de refaire la vertu des recettes de l'Etat, en demandant aux pauvres ce que l'on a renoncé à demander aux riches.
Enfin, pour conclure, je ne puis m'abstenir de souligner que les amendements proposés en complément au rapport de majorité, et acceptés à l'unanimité des membres de la commission, imposent à l'article 23, alinéa 6, la référence aux normes de l'Office des poursuites en cas de compensation. Auparavant, c'étaient les normes des directives appliquées aux candidats à l'asile qui faisaient références. Il est intéressant de relever que l'unanimité des membres de notre commission a estimé ces montants impropres à permettre de vivre dignement. Ce constat n'est pas anodin: il nous enseigne soit que le minimum vital des uns n'est pas celui des autres, quand bien même ils seraient soumis aux mêmes besoins vitaux, soit qu'au-delà des contingences locales ou fédérales, il y a des inégalités de traitement qu'il conviendrait impérativement de corriger en faveur des candidats à l'asile. Je vous remercie de votre attention.
Mme Esther Alder (Ve). Mesdames et Messieurs, nous avons envie de dire: enfin ! Car, depuis toujours, les Verts, avec d'autres, ont soutenu l'abolition de la dette d'assistance.
Si, pour les Verts, un revenu minimum d'existence devrait être un droit fondamental, la suppression de la dette d'assistance s'inscrit déjà dans une vision plus conforme à la réalité des bénéficiaires, cela d'autant plus que la dette d'assistance, c'est un peu comme un boulet que l'on traîne à ses pieds.
Par ailleurs, nous vous invitons à soutenir l'amendement à l'article 23D tel que proposé dans le rapport de minorité. Sans cela - comme l'a très bien exprimé Mme Jocelyne Haller - les héritiers de ceux qui seraient portés à l'économie seraient paradoxalement défavorisés par rapport aux légataires d'éventuelles «cigales». En outre, les montants ne sont pas très importants. Nous vous remercions donc de soutenir cet amendement.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le parti socialiste avait accueilli favorablement le dépôt de ce projet de loi et avait donné son accord lors du débat de préconsultation. Je rappellerai aussi que les socialistes se sont activement engagés au moment du revenu minimum de réinsertion (RMR), qui aurait eu pour conséquence l'abolition de la dette d'assistance.
Nous considérons cependant que ce projet est le début d'un processus de réforme de l'assistance, et non pas son aboutissement, l'objectif étant évidemment de favoriser la réinsertion et l'autonomie des bénéficiaires. Nous avons donc voté l'entrée en matière de ce projet de loi, mais avons néanmoins la même réserve que Mmes Haller et Alder. Si nous soutenons le principe que des prestations indûment perçues du vivant du bénéficiaire fassent l'objet d'un remboursement, nous ne pouvons pas adhérer à l'actuel article 23D, qui consiste à demander aux héritiers d'une personne à l'assistance de rembourser les prestations dont a bénéficié le défunt au titre de ce qu'on appelait «le denier de nécessité». Si l'on admet que le bénéficiaire peut conserver de son vivant un modeste avoir, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait en exiger le remboursement à ses héritiers, d'autant moins qu'il s'agirait - Mme Haller l'a dit - de très petits montants.
Pour ces raisons, nous vous demandons de soutenir l'amendement présenté par Mme Haller.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Blaise Matthey (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la suppression de la dette d'assistance n'allait pas forcément de soi pour le groupe libéral. Si néanmoins nous nous sommes ralliés à la proposition qui a été faite, c'est parce que nous avions le souci de nous inscrire dans la suite de la discussion relative au refus du RMR. Lors de cette discussion, nous avions évoqué comme moyen de substitution au refus de ce RMR, l'abandon de la dette d'assistance.
Pourquoi la chose n'allait-elle pas de soi ? Parce qu'on pouvait se demander s'il n'y avait pas un parallèle entre le fait de ne pas demander le remboursement de la dette d'assistance et le fait, par exemple, d'octroyer un prêt. Or nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agit de deux situations fondamentalement différentes. Lorsqu'une personne se retrouve à l'assistance, lorsqu'elle a besoin d'assurer un minimum vital, il convient, si elle a la chance de pouvoir repartir d'un meilleur pied, de lui donner la possibilité de le faire dans des conditions qui soient optimales. C'est la raison fondamentale pour laquelle le groupe libéral soutiendra cette suppression du remboursement de la dette d'assistance.
Cela ne veut pas dire que certaines mesures d'accompagnement ne soient pas nécessaires. C'est en cela que notre avis diverge fondamentalement de celui des bancs d'en face et que nous considérons devoir suivre le rapport de majorité. Notre groupe soutient les propositions qui ont été faites pour que cette absence de remboursement ne soit pas sans limite et qu'un signal clair et précis soit donné, indiquant que cet abandon ne se fait pas sans conditions, mais qu'il est un moyen tangible et précis de donner une chance à ceux qui ont véritablement besoin de repartir dans l'existence.
M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical est très satisfait des travaux de la commission des affaires sociales, puisque ce projet de loi correspond à une motion qui avait été signée notamment par le groupe radical, à la suite du refus par le peuple du RMR.
Nous constatons que cette suppression de la dette d'assistance correspond à une évolution de nos moeurs, ainsi que de notre système social. Le système social qui gère actuellement nos liens est le fruit de l'Etat. Ce ne sont plus les liens familiaux, ni claniques, ni théocratiques, mais bien une solidarité d'Etat qui nous unit tous. On le voit particulièrement aujourd'hui dans le développement des EMS: pour beaucoup de familles, la solidarité intergénérationnelle passe par un établissement public et n'est plus à la charge des familles. Cette suppression de la dette d'assistance m'apparaît conforme à cette évolution générale, où la solidarité d'Etat s'ajoute à la solidarité entre individus. Or, il y a là une limite que nous devons encore apprécier dans ce projet de loi. Jusqu'à présent, la responsabilité individuelle se faisait par le paiement, en cas de richesse retrouvée, de la dette d'assistance. Aujourd'hui, nous allons la supprimer. Et si nous la supprimons, nous ne pouvons pas le faire ainsi, sans mesures d'accompagnement. Or la mesure d'accompagnement la plus importante est celle qu'a développée le DASS et qui s'appelle le revenu déterminant unique. Il s'agit d'un système que je conçois comme un tramplin vers l'autonomie.
Ainsi, ce projet de loi doit encore être amendé sur un point, soit la date d'entrée en vigueur. La commission a été très optimiste en fixant la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2004... Je m'y étais opposé et vous propose aujourd'hui une modification formelle, précisant que l'entrée en vigueur dépend du Conseil d'Etat - selon la formule consacrée, Madame la présidente. C'est un signe assez fort que cette idée d'entrée en vigueur dépendant du Conseil d'Etat. Pour le groupe radical, il s'agit, d'une part, d'intégrer ce projet de loi dans un processus qui vise à l'autonomisation et, d'autre part, de compenser l'appel d'air que risque de constituer ce projet de loi par ces mesures d'autonomie.
Pour le petit détail du rapport de minorité proposé par notre collègue Mme Haller, il est clair que cette petite modification du projet de loi entraîne la poursuite du travail de l'assistant social, alors que tout semblait réglé, car il faudra encore régler la succession. Et certes, on vous transmet là un travail un peu difficile. Madame Haller, nous avons pu apprécier durant tous les travaux à quel point vous, représentante notamment du service social, aviez été attentive aux deniers publics. Nous comprenons bien la charge de travail que cela représente. Mais si jamais on devait accepter votre amendement, cela pourrait créer, en cas d'abus, de tels problèmes politiques que toute la loi pourrait être remise en cause. Je vous invite donc tous à voter le projet de loi tel qu'il est sorti de la commission, c'est la meilleure manière pour qu'il soit bien appliqué.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Vous serez très aimable de remettre au Bureau votre amendement sur l'entrée en vigueur. La parole est à M. le député Robert Iselin.
M. Robert Iselin (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas long, car les deux intervenants qui m'ont précédé ont fait preuve d'une telle maestria en matière technique que je ne vais pas vous embarrasser avec des commentaires supplémentaires. Le groupe UDC soutiendra la proposition de la commission.
J'ai par contre une remarque à faire. Dans le rapport de majorité, j'ai constaté avec étonnement que l'UDC n'était pas mentionnée à la page 4, parmi les supporters du projet. Je dois dire, Madame la présidente, que j'aurais espéré que M. Pétroz soit à la présidence, car il est du même parti que Mme la rapporteuse et il aurait peut-être pu expliquer à Mme la députée von Arx qu'en Suisse en tout cas - en France, je n'en sais rien - on a en général l'élégance de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu !
Pour le surplus... Pour le surplus, je m'arrêterai là, car j'en ai dit assez. Mme von Arx ayant eu l'amabilité de nous traiter de crapules ou de je-ne-sais-trop-quoi au début de juillet 2003, je lui en suis infiniment reconnaissant !
La présidente. Monsieur le député, Mme von Arx vous répondra dans sa prochaine intervention, un peu plus tard. Je donne la parole à M. le député Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Même si je ne fais pas partie de la nouvelle droite, je m'inclinerai bien sûr devant l'avis de mon groupe, et c'est donc à titre personnel que j'interviens maintenant.
Je voudrais attirer votre attention sur un débat qui, somme toute, n'est pas forcément courant dans ce parlement - qui ne traite pas que de problèmes purement pécuniaires - mais, à mon sens, relève un peu de la philosophie ou de la vision que l'on a de la société.
Le débat que nous avons ce soir sur la suppression de la dette d'assistance pose indirectement la question du sens de l'assistance. Entendons-nous créer une société dans laquelle il n'y a que des droits, à savoir que chacun a un droit à l'assistance, avec - à mon avis - toutes les perversions que cela suppose, tel l'abus du droit ? Ou préférons-nous rester dans une société qui, tout compte fait, a des devoirs, tel celui d'assistance envers ceux d'entre nous qui sont sur le bas-côté de la route ? Indirectement, dans ce projet-là, c'est cette question qui vous est posée. Faut-il supprimer la dette d'assistance, c'est-à-dire partir du principe que l'assistance, étant un droit, n'a pas à être remboursée, ou faut-il au contraire partir du principe que la société rend service et que - à chacun son tour d'aider l'autre ! - il revient à chacun de rembourser ce que lui offre la société ? C'est une question fondamentale.
J'ai - je crois - très clairement dit quel était mon sentiment par rapport à cette question et l'inquiétude que pouvait susciter chez moi la transformation de la notion de solidarité - dont je rappellerai quand même que la définition se trouve au-dessus de l'entrée du Parlement, à Berne. C'est le principe du «un pour tous, tous pour un» - en un droit, que vont venir réclamer ou exiger les uns ou les autres...
J'admets, comme l'a brillamment démontré tout à l'heure mon collègue Blaise Matthey, que le bémol sur le remboursement de la dette d'assistance provient du fait que celui qui revient à meilleure fortune peut traîner derrière lui quelque chose qui va péjorer sa condition. J'admets l'argument, il m'apparaît tout à fait pertinent. On doit quand même dire ici que la manière dont les autorités qui distribuent l'assistance - et l'Hospice en particulier - et «poursuivent» celles et ceux qui reviennent à meilleure fortune n'a, à ma connaissance, jamais entraîné de cas où celui qui revenait à meilleure fortune était tout à coup pénalisé par cette dette.
En ayant posé cette question, je vous ai indiqué quel sera mon vote: je m'abstiendrai. Mais je vous rends attentifs au fait que le débat que nous ouvrons ici est beaucoup plus fondamental que seul celui du remboursement ou non de la dette d'assistance. Car il pose la question de savoir comment nous, société, nous positionnons par rapport à l'aide que nous devons à ceux d'entre nous qui sont les plus faibles.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, tout d'abord, je vous serais reconnaissante de dire à M. Iselin que je n'ai jamais traité l'UDC de crapule, mais d'imposteur, et que je ne m'attaque jamais aux personnes, mais aux idées ! Je pense que j'aurai malheureusement encore bien des occasions de renforcer mon impression.
Quant à rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, en ce qui concerne ce dernier, je n'ai pas de problème: j'ai la ligne directe ! Quant à César, il eût fallu que César soit là, il eût fallu que César s'exprime, ce qui ne fut pas le cas ! J'ai un code de l'honneur, un code de respect de la démocratie, et si l'UDC avait exprimé son opinion, cela aurait été relaté dans le rapport ! J'invite donc M. Iselin à simplement revoir les notes de séances, à vérifier qu'il n'a effectivement pas pu s'exprimer à ce moment-là, pour une raison que j'ignore, et je le prie de m'en excuser.
Avec tout le respect que je dois et que je porte à ma collègue Mme Haller, je vais revenir maintenant sur deux choses: autant je peux être d'accord avec elle lorsqu'il s'agit de lutter contre le petit crédit et d'éviter d'enfoncer encore plus les gens qui sont en situation de précarité, autant je ne crois pas nécessaire d'opposer ces deux principes. Je pense que ce projet de loi va répondre à autre chose et, même si ce n'est pas la seule solution pour permettre aux gens de retrouver un élan, de retrouver une autonomie, il ne faut pas pour autant négliger ce genre de projets de lois.
En ce qui concerne le point qui a justifié le rapport de minorité, il me semble que, même si la demande de remboursement envers les héritiers ne s'adressera qu'à une infime minorité, c'est un principe qu'il me paraît important de défendre, tout simplement parce que nous avons affaire à des fonds publics et que nous avons des comptes à rendre ! Même s'il s'agit d'une infime minorité de personnes, cela justifie ma demande de refuser l'amendement de Mme Haller.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je me permets d'insister. On a dit que la question était celle du remboursement ou du non-remboursement des prestations d'assistance. Or il me semblait avoir compris, au travers des positions des différents représentants des groupes dans la commission des affaires sociales, qu'il y avait un large consensus sur le non-remboursement ! En revanche, nos avis divergeaient sur la question de savoir s'il n'y avait pas des situations d'exception et jusqu'où on devait rembourser.
Ce projet de loi mentionne clairement quelles sont les exceptions qui justifient un remboursement: les prestations indûment perçues, les prestations versées à titre d'avances sur les prestations d'assurances sociales, les gains notables, les retours à meilleure fortune conséquente. Sur ces questions-là, nous n'avons aucune objection.
Ce qui nous semble poser problème, c'est précisément cette demande de remboursement aux héritiers, dans les cas précis où la personne est décédée au cours de l'intervention. Cela, de notre point de vue, est inéquitable. On nous dit dans un premier temps, à l'article 1, alinéa 5, que les prestations d'assistance ne sont plus remboursables hormis les exceptions prévues - et nous sommes tous en train de consacrer la fin de la dette d'assistance ! - alors que les héritiers de ceux qui auraient la malchance de décéder au cours de la prise en charge devraient restituer une somme qui a été admise comme non remboursable du vivant de la personne en question. C'est une inéquité de traitement par rapport aux personnes qui auront eu le bonheur de ne pas voir leur parent décéder au cours de la prise en charge. Il y a, dans l'acharnement à défendre cet alinéa 23D, quelque chose qui paraît peu compréhensible.
Enfin, concernant la question de la gestion évoquée par M. Froidevaux, à savoir la suite donnée en cas de décès, je le rassure tout de suite - on a dû mal se comprendre - parce que ce n'était pas de cela dont il était question - en tout cas en ce qui me concerne. La question de la gestion d'éventuelles recouvrements en cas de décès est gérée par un service particulier, elle n'entre pas dans les compétences des travailleurs sociaux, hormis peut-être pour guider les familles dans les démarches qu'elles doivent affronter. C'est typiquement là du travail social, et les travailleurs sociaux n'y rechignent pas.
M. Gautier a parlé du sens de l'assistance, et je pense en effet que c'est là un débat central, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir quand nous travaillerons sur la révision de la loi sur l'assistance publique. Nous avions en partie parlé, au moment des débats autour du RMR, de la question des droits et des devoirs; il n'a jamais été dit que l'assistance était un droit inconditionnel, à plus forte raison parce qu'il n'en est pas un ! Si la loi sur l'assistance publique parle d'obligation morale de l'Etat, son article 21 décrit également et d'ores et déjà quels sont les devoirs des personnes qui requièrent une aide de l'assistance publique. De ce point de vue-là, il n'y a pas d'ambiguïté. Penser que cet article 23D puisse servir de contre-partie à la prestation reçue est une erreur ou, en tout cas, une mauvais compréhension de la loi sur l'assistance publique. Pour ces raisons, je vous invite à accepter l'amendement qui vous est proposé et à modifier l'article 23D.
Le président. Merci, Madame la rapporteuse de minorité. Je salue à la tribune du public - il est en train de s'installer - la présence d'un groupe de l'Université ouvrière de Genève, qui participe actuellement à un cours sur le fonctionnement et la politique de la Suisse. (Applaudissements.)Je tiens à remercier les membres de ce groupe de l'intérêt qu'ils portent à nos travaux. Je remercie également les personnes qui encadrent ces groupes, lesquels nous rendent visent une fois par an dans le but de se familiariser à notre système politique. Je vous informe également - mais je pense que vous le savez déjà - que le Bureau vous recevra à 19h, à l'occasion d'un petit apéritif.
Je donne la parole à M. Louis Serex.
M. Louis Serex. Il y a erreur, Monsieur le président ! Je sais bien que les vignerons seront bientôt à l'assistance si cela continue, mais, pour le moment, ça va très bien.
Le président. Alors, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, après le refus du RMR par le peuple, il y a de cela bientôt deux ans, je m'étais engagé au nom du gouvernement à présenter successivement un certain nombre de projets susceptibles de moderniser l'aide sociale. Ce premier projet est fort modeste - vous l'avez relevé, et nous l'avions d'ailleurs dit en préconsultation - il est néanmoins significatif d'une modification même de la philosophie de l'aide sociale. En effet, la notion d'assistance - et, au fond, l'intervention du député Gautier l'a bien montré - était philosophiquement liée à sa remboursabilité et, donc, à la remboursalité de la dette. Le député Froidevaux et d'autres sont intervenus pour dire que l'histoire et la perception générale de la société changent, et que nous devions donner une impulsion au niveau législatif pour en attester la compréhension.
Cela, Mesdames et Messieurs, je le répète, est à la fois modeste et important, puisque vous attesterez, en votant ce projet, de la volonté réelle de moderniser l'aide sociale de manière plus large. C'est ainsi aussi que l'ensemble des groupes parlementaires a accueilli avec beaucoup de bienveillance et d'intérêt le projet que le Conseil d'Etat lui a soumis, s'agissant de ce qu'on appelle le revenu déterminant unique, mais qui est davantage la coordination, l'harmonisation du parcours des prestations sociales. Cela devrait peu à peu aboutir - dans un monde idéal, j'en conviens - au fait de ne plus avoir besoin de recourir à l'assistance dans sa forme issue du système médiéval. Et je suis encore poli à cet égard.
Après l'adoption de ces deux projets par votre Conseil, il conviendra que nous nous penchions sur une révision plus en profondeur de la loi sur l'assistance publique. Elle devra d'ailleurs changer de nom, puisque nous attestons qu'il ne s'agit plus d'une assistance publique, mais d'une aide sociale. Il faudra l'insérer dans l'ensemble d'un processus: nous ne pourrons pas continuer à traiter séparément l'assistance sociale qui, historiquement, se légitimait par l'existence de riches et de pauvres, dans un phénomène où ce qui manquait aux uns - l'argent - appartenait aux autres, les riches. Le monde n'est plus comme ça. La dernière décennie a parfaitement montré que la misère, qui est le fruit de l'addition de l'exclusion et de la pauvreté, l'un et l'autre pouvant être indépendants, devait se traiter d'une tout autre manière. Et d'une manière si intégrée qu'il n'est pas concevable de réviser la notion d'assistance publique sans voir tous les ancrages de l'aide sociale en amont, qu'il s'agisse de projets qui tourneront autour de la formation, de la gestion du chômage ou de la logique fiscale. Nous ne pourrons pas poursuivre éternellement un système de ponction fiscale qui fait que lorsque vous gagnez plus, vous vous trouvez en fin de mois avec un revenu disponible inférieur à celui que vous aviez lorsque vous gagniez moins... Bref, vous voyez bien que le tableau se complexifie, mais c'est en cela qu'il est intéressant.
Cela dit, Mesdames et Messieurs, je vous propose de voter ce modeste projet de loi, mais qui est le début d'un long processus. De votre intervention, Monsieur le député Gautier, je ne retiendrai probablement pas l'idée du droit à l'assistance comme miroir du devoir d'assistance, d'autant moins que vous considéreriez celui-ci comme un devoir de prêt, et non un devoir de solidarité sociale. Mais je retiendrai plutôt l'idée du droit à l'assistance comme l'obligation pour nous - peut-être un peu virtuelle dans un texte de loi - de considérer que les gens dans la misère, à un moment donné de leur vie, ne sont pas autre chose que «d'autres nous-mêmes», et non pas des objets. Ce sera le seul moyen de traiter l'aide sociale dès son amont, et d'éviter ainsi son aval. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat à l'unanimité.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis à l'article 23D (nouveau) d'un amendement de Mme Jocelyne Haller, rapporteuse de minorité, qui propose ceci à l'alinéa 1: «Les héritiers doivent rembourser les prestations d'assistance perçues au sens des articles 5B, 23 et 23A à 23C.» Nous allons voter par électronique sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 39 non contre 35 oui.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 2 (souligné), présenté par M. le député Froidevaux, qui prévoit ceci: «Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.»
Nous votons à main levée sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
La loi 8867 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8867 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 19 abstentions.