Séance du
jeudi 22 janvier 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
4e
session -
16e
séance
PL 8992 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
M. Jean-Marc Odier (R). En 1999, nous avons voté une loi sur les taxis visant à limiter le nombre de taxis de couleur jaune, tout en n'enfreignant pas le principe de la liberté de commerce...
Je dois dire que nous avons fixé beaucoup de contraintes pour une catégorie de taxis, mais pas à l'autre, je veux parler des taxis appelés «les bonbonnes bleues». De ce fait, le nombre de taxis de couleur bleue ont augmenté ces dernières années, ce qui génère pas mal de problèmes dans la profession.
Je rappelle aussi, au passage, que cette loi devait être évaluée et que le Conseil d'Etat devait nous remettre un rapport sur son application. Cela nous aurait permis de voir s'il y avait des adaptations à apporter devant ce Grand Conseil. Nous n'avons rien reçu de la part du département... Il est vrai que la problématique des taxis est très importante, et il n'est pas facile d'adapter cette loi pour un seul objet.
Compte tenu de la grogne persistante dans la profession, nous présentons aujourd'hui ce projet de loi, qui pourrait permettre d'adapter certains aspects de cette loi, même si cela ne représente qu'une partie de ce qu'il faudrait améliorer.
Nous demandons, par exemple, que les taxis aient une couleur unique, pour les distinguer plus facilement des taxis bleus qui ont une pratique différente des autres puisqu'ils ne prennent pas les clients en charge sur les places de stationnement réservées aux taxis.
Nous demandons également que soient installés dans les taxis des appareils permettant de fournir une quittance, afin de contraindre les chauffeurs de taxi de n'encaisser leur course que sur présentation et délivrance de cette quittance. Les quittances étant enregistrées par ces appareils, il sera possible en tout temps de produire des relevés hebdomadaires indiquant le nombre de courses effectuées et leur montant. Les personnes chargées des contrôles pourront ainsi vérifier plus efficacement que la loi est bien appliquée dans la profession.
Nous proposons aussi que les taxis de la deuxième catégorie, ceux appelés les «taxis bleus», soient dotés de bonbonnes fixes pour éviter le double usage des véhicules - limousines ou taxis - qui porte préjudice aux autres chauffeurs de taxis, ce qui n'est pas une bonne chose pour la profession.
Il faut donc beaucoup mieux différencier les taxis jaunes des taxis bleus.
Dernière chose: nous demandons que les permis de stationnement soient délivrés par tranches horaires. Jusqu'à maintenant, ils l'étaient pour des périodes de vingt-quatre heures, ce qui donnait la possibilité aux entreprises de faire travailler un chauffeur la journée et un autre la nuit, et aux chauffeurs de taxi indépendants de rouler eux-mêmes durant la journée et de louer leur véhicule à un autre moment. C'est une pratique tout à fait illégale, et nous essayons, par le biais de ce projet, d'apporter un peu plus de rigueur dans l'application de la loi.
M. Spielmann a bien décrit dans sa motion les problèmes rencontrés dans la profession. Si les considérants nous semblent relativement justifiés, nous ne pouvons, par contre, pas suivre les invites, trop catégoriques, qui causeraient probablement beaucoup de tort à d'autres secteurs du domaine des transports de personnes - je ne parle pas, à proprement parler, des taxis.
Je vous propose donc de renvoyer ce projet de loi à la commission des transports, ainsi que la motion 1541.
Le président. Monsieur le député, je tiens à vous remercier pour votre précision, puisque vous avez expressément indiqué quel sort vous entendez donner à la motion, à savoir le renvoi en commission. Et je remercie d'ores et déjà les députés, membres des autres groupes, de faire preuve de la même précision... Madame Ruegsegger, vous avez la parole.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Les taxis à Genève, c'est un peu un serpent de mer, effectivement...
Nous avons voté cette loi, il y a quatre ans, et le département concerné n'a pas encore fait d'évaluation de son application. Ce qui est sûr, c'est que la confusion règne et que le calme est loin d'être revenu dans la profession. Les professionnels - donc, les chauffeurs de taxi - sont toujours insatisfaits et les clients aussi.
A notre sens, le projet de loi radical répond à ces préoccupations, notamment à celles des clients, puisqu'il met l'accent sur l'importance d'un service de qualité et sur la transparence de ce service. C'est une question essentielle pour une ville internationale comme Genève, très touristique et où se tiennent beaucoup de congrès. Mais c'est aussi une question d'image pour la profession.
Nous examinerons donc avec bienveillance ce projet de loi en commission.
Par contre, nous serons plus circonspects pour ce qui est de la motion de l'Alliance de gauche, qui soulève de nombreux problèmes - certains liés à la loi et d'autres non.
Elle propose notamment de revenir sur la loi - ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi - mais je pense qu'il serait sage d'attendre l'évaluation de son application avant d'en proposer une nouvelle version. Et, surtout, elle propose certaines mesures inacceptables - M. Odier l'a très rapidement évoqué tout à l'heure - car, en fait, en voulant favoriser un secteur économique qui est certainement en crise, elle vise tout simplement à restreindre très fortement les activités d'un autre secteur économique, je veux parler du secteur de la location de voitures, avec et sans chauffeur. A notre avis, ce n'est pas du tout acceptable, tant du point de vue de la demande - qui est forte à Genève pour ce type d'activités - que du point de vue de l'emploi.
Le groupe démocrate-chrétien n'acceptera pas de privilégier ou de tenter de sauver un secteur économique par la condamnation d'un autre ! Mais nous examinerons, comme l'a proposé M. Odier, ces deux textes en commission.
M. Christian Brunier (S). Comme l'a dit Stéphanie Ruegsegger, nous avons voté une loi en 1999 qui avait tout de même deux objectifs très louables: réduire le nombre de taxis - le Grand Conseil était unanime à ce sujet - et assainir la profession qui en avait bien besoin.
La loi votée avait pour objectif de satisfaire les clients en réduisant et en stabilisant les prix - après de nombreuses promesses qui n'avaient jamais été tenues - et en améliorant l'offre au niveau qualitatif - entre autres, par le biais de la formation des chauffeurs, inscrite dans la loi - et de permettre aux chauffeurs de taxi de pouvoir vivre décemment de leur profession - ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas actuellement.
Cette loi devait marquer la fin du libéralisme sauvage qui avait cours dans cette profession: une véritable jungle... Comme quoi, dans le secteur des taxis aussi, on atteint vite les limites du libéralisme !
Cette loi est-elle efficace, ou non ? C'est la grande question. Et faut-il aujourd'hui apporter des modifications à cette loi ? Peut-être ! Mais, ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui il est très difficile de se rendre compte des effets de la loi pour deux raisons. Premièrement, aucun bilan n'a été établi, ce qui est totalement contraire à la loi, puisque celle-ci prévoyait qu'un bilan annuel devait être effectué, sachant que c'était un sujet sensible et important. Deuxièmement, il y a quand même un large consensus pour dire - et la profession en témoigne - que cette loi est aujourd'hui inappliquée ou mal appliquée dans ce canton.
Pour quelle raison ? Tout simplement, parce que les contrôles sont insuffisants. Et, d'ailleurs, la cheffe du département l'avait reconnu récemment devant la commission des transports, puisqu'elle nous avait demandé - à juste titre - de soutenir le moratoire sur l'attribution des droits de stationnement.
Aujourd'hui, on peut encore constater qu'il y a toujours de la sous-location de plaques - ce qui est contraire à la loi - qu'il y a toujours des excès au niveau des droits de stationnement, qu'il y a toujours des prises en charge de taxis étrangers pour faire des courses dans Genève - ce qui est aussi contraire à la loi - qu'il y a toujours un flou, voire de la fraude en matière fiscale - puisque les justificatifs des courses ne sont pas de rigueur - et il y a toujours des chauffeurs de taxi qui ne s'aquittent pas de la prime d'encouragement au départ à la retraite, qui avait été instaurée par la loi, et cela, en toute impunité...
Le fait que la loi ne soit pas appliquée génère des effets inverses aux objectifs que nous nous étions fixés.
Deux mesures avaient été préconisées, y compris par la cheffe du département. La première était le moratoire - j'en ai déjà parlé - sur l'attribution des droits de pratiquer cette profession - pour une durée de six mois, qui avait été soutenu par l'ensemble des partis... Malheureusement, le Tribunal fédéral a décidé d'interrompre ce moratoire pour la «sacro-sainte liberté de commerce»... Nous en prenons acte. Toutefois, cette mesure aurait permis de faire une pause, ce qui nous aurait donné la possibilité de faire le point et de prendre un certain nombre de mesures correctives.
La deuxième mesure - à mon avis, son action est insuffisante - était le contrôle. Certes, les contrôles sont plus soutenus la journée - les chauffeurs le reconnaissent - mais le soir et le week-end - et c'est à ce moment-là qu'il y a le maximum d'excès - ils sont quasiment inexistants...
Mme Spoerri nous avait d'abord demandé d'avoir de la patience, en raison d'un manque de personnel... Puis, suite à l'abolition du droit des pauvres, il y a eu un transfert de personnel, et Mme Spoerri nous a encore demandé d'avoir de la patience car il fallait réorganiser - à juste titre - le service des autorisations et des patentes...
Je dirai qu'aujourd'hui notre patience atteint ses limites. Nous voulons avoir un signe tangible que le département s'engage à augmenter encore les contrôles, pour que la loi soit enfin appliquée, quatre ans après son adoption par ce parlement...
Bien entendu, nous sommes prêts à étudier les propositions émanant du projet de loi ou de la motion de M. Spielmann - car nous trouvons que cette dernière évoque des aspects très importants. Mais, il n'y a pas de miracle: nous aurons beau voter des lois, si celles-ci ne sont pas appliquées, nous n'arriverons jamais à assainir la profession et à résoudre les difficultés qu'elle rencontre. Et c'est l'objectif à atteindre.
Nous sommes donc d'accord d'étudier de nouvelles propositions, mais nous devons avant tout faire en sorte que la loi soit appliquée ! C'est en tout cas ce que vous demande le groupe socialiste, Madame Spoerri.
Le président. Monsieur le député, dois-je conclure de vos propos que vous souhaitez renvoyer ce projet de loi et cette motion en commission ? (M. Christian Brunier acquiesce.)Je vous remercie, Monsieur le député !
M. Jacques Baud (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais être bref et concis...
Cette loi sur les taxis ne fonctionne pas, elle a même parfois des effets pervers...
Un certain nombre de chauffeurs de taxi m'ont contacté pour me dire qu'il fallait que nous examinions à nouveau toute cette problématique. Que ce soit à l'aéroport, à la gare ou dans d'autres stations de taxis, il y a des incidents. Il est temps de changer les choses ! Il est temps de rencontrer les personnes concernées ! Il est temps de faire quelque chose !
Renvoyons donc rapidement ce projet de loi en commission des transports !
Le président. Monsieur Baud, j'imagine que vous souhaitez également renvoyer aussi la motion en commission ? (M. Jacques Baud acquiesce.)Très bien ! Merci, Monsieur le député.
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutient également le renvoi en commission de ces deux textes, tout en émettant quelques réserves, notamment sur la motion.
Il me semble en effet intéressant de faire le point de la situation sur la profession des taxis, qui a - on peut le constater - pas mal bougé et suscité de nombreux débats ces dix dernières années. Cela a commencé au début des années 90, avec le fameux combat des «Mau-Mau». Mais nous avons pu voir que le remède était plus difficile à appliquer qu'on ne l'imaginait au début, ce qui a engendré une nouvelle loi, votée il y a quatre ans - qui ne donne pas non plus entière satisfaction, quoique...
Nous avons effectivement besoin d'en savoir un peu plus. Et le renvoi en commission nous permettra d'entendre toutes les parties car, à mon avis, malgré quelques dysfonctionnements, la situation n'est pas aussi mauvaise que cela. Il faudra peut-être envisager des mesures différentes de celles proposées dans le projet de loi, peut-être plus ambitieuses.
En tout état de cause, je relève que nous pouvons soutenir l'exposé des motifs du projet de loi, mais que les propositions devront être discutées, comme les invites de la motion.
Nous soutenons donc le renvoi en commission de ces deux objets.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je prends acte de toutes les observations que vous avez faites ce soir à propos de la loi sur les taxis. Je n'entrerai donc pas dans le détail du projet de loi de MM. les députés Odier et Jeannerat, ni dans celui de la motion de M. le député Jean Spielmann.
Je souhaiterais simplement rappeler, mais je crois que M. Brunier l'a fait dans son intervention, qu'il vient de s'écouler deux ans - au cours desquels j'étais aux affaires, chargée notamment du domaine des taxis - lors desquels nous avons pu déplorer, je le confirme, un certain nombre de dysfonctionnements au désavantage, bien sûr, de la population genevoise, mais aussi au désavantage des professionnels.
C'est donc après une année de suivi de la commission que je me suis rendu compte que l'on s'enfonçait, même dans le cadre de cette commission, et que l'on ne pouvait plus donner de cap à la révision de cette profession. Et - vous l'avez dit, Monsieur Brunier, et d'autres personnes également - les contrôles inscrits dans la loi que vous avez votée en 1999 sont insuffisants, ce qui est à déplorer.
C'est la raison pour laquelle, à un moment donné, le département a décidé un moratoire, mais celui-ci a été cassé par le Tribunal fédéral. C'est aussi pourquoi nous avons augmenté les contrôles.
J'aimerais simplement vous dire aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, que les doléances que vous avez exprimées dans cette enceinte, comme celles exprimées ici et là par la population, comme celles qui le sont par les professionnels ou l'ensemble des associations de cette branche, sont fondées.
Je vous propose donc de bien vouloir noter que je présenterai au Conseil d'Etat un nouveau projet de loi à la fin du mois de février, parce qu'il nous est apparu qu'il était incontournable de revenir sur la loi. Après examen par le collège gouvernemental, ce projet vous sera probablement soumis en plénière. Je vous demanderai alors - je m'adresse en particulier aux membres de la commission des transports et à sa présidence - de bien vouloir patienter encore deux ou trois semaines, de manière à pouvoir traiter à la fois du projet de loi présenté ce soir, de la motion du projet de loi du Conseil d'Etat.
Le président. Je vous remercie Madame la conseillère d'Etat. (Le président est interpellé.)Non, Monsieur le député ! Non, non plus sur la motion ! Parce qu'une demande de renvoi en commission a été formulée par l'orateur précédent ! Un seul député par groupe était autorisé à prendre la parole, ce que vous avez fait. Tous les groupes ayant exprimé leur volonté de renvoyer ces deux objets en commission, il en sera fait ainsi.
Le projet de loi 8992 est renvoyé à la commission des transports.
La proposition de motion 1541 est renvoyée à la commission des transports.