Séance du
jeudi 18 décembre 2003 à
17h
55e
législature -
3e
année -
3e
session -
10e
séance
IU 1527
M. Christian Grobet (AdG). La presse a récemment fait état d'une démarche, émanant de M. Robert Cramer, auprès d'une institution fédérale qui organise une campagne publicitaire contre le racisme.
En tant que telle, la démarche de mener cette campagne est évidemment bienvenue. Quant au support retenu pour cette dernière, il est de toute évidence inapproprié et va certainement à l'encontre du but poursuivi. De nombreux milieux l'ont critiqué, et cette lettre, adressée à l'institution concernée, le souligne et demande à cette institution de renoncer à recourir à cet affichage dans notre canton.
J'ignore si cette lettre a reçu une réponse. Mais il fut un temps où la convention, signée par l'Etat et la Ville de Genève avec la Société générale d'affichage qui règle l'affichage sur le domaine public, contenait une clause allant au-delà, bien entendu, du pouvoir d'intervention de l'Etat. Quand il s'agissait d'une affiche qui violait le code pénal, une clause prévoyait que l'Etat avait le pouvoir de refuser les affiches provocantes, de mauvais goût, et pouvant porter atteinte aux sentiments de la population.
Je présume que cette clause est toujours en vigueur, et j'aimerais savoir si elle est appliquée de temps à autre, parce qu'en dehors de cette campagne sur le racisme on voit en ville un certain nombre d'affiches d'un goût pour le moins douteux. D'ailleurs, des personnes en ont été offusquées - je vois des sourires dans l'assemblée, mais je vois beaucoup de femmes qui, à mon avis, sont offusquées, à juste titre, par certaines affiches en ville.
Dans quelle mesure cette clause de la convention est-elle appliquée, et, surtout, le Conseil d'Etat l'appliquera-t-il, comme il devrait le faire, dans l'hypothèse où l'institution qui mène cette campagne contre le racisme devait maintenir sa volonté d'apposer ses affiches à Genève ?
Parce qu'il ne suffit pas d'exprimer de bons sentiments à travers des lettres à la Berne fédérale, il s'agit aussi, à un moment donné, d'être cohérent avec ses positions et d'appliquer les mesures de droit cantonal à la disposition du canton. Je rappelle que le Tribunal fédéral a jugé cette clause en relation avec la loi votée sur l'affichage sur le domaine public, que vous connaissez bien, Monsieur Cramer, et qui a confirmé les compétences très étendues du canton et des communes en ce qui concerne l'utilisation du domaine public pour l'affichage.
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Je remercie M. Grobet de me donner l'occasion de revenir sur cette campagne qui a eu lieu dans toute la Suisse et a été envisagée à Genève.
Effectivement, aussi bien le Bureau de l'intégration que la Commission consultative des étrangers ont attiré mon attention sur l'aspect choquant d'une telle campagne pour les étrangers de notre ville. Si, peut-être, elle a pu avoir une certaine efficacité à Zurich, où apparemment elle a été conçue, à Genève elle allait très clairement à fins contraires.
J'ai donc pris l'initiative d'effectuer trois démarches.
La première auprès des initiateurs de cette campagne, auxquels je me suis adressé de façon un peu vive, je ne vous le cache pas. Ils ont parfaitement compris mes arguments et m'ont indiqué de la façon la plus claire, et me l'ont confirmé par écrit, renoncer à cette campagne.
Mais, dans le même temps, j'ai fait deux autres démarches.
L'une auprès de M. le conseiller fédéral Couchepin - dont dépend le service qui s'occupe des questions d'intégration et qui a collaboré, financé, subventionné cette campagne - pour lui dire que cette campagne était inacceptable et qu'elle choquait les sensibilités à Genève. Il y a trois jours, j'ai reçu une réponse à ce courrier, dans laquelle M. Couchepin m'indique qu'il sera dorénavant très attentif aux campagnes de ce type et qu'il a donné des instructions en ce sens.
Ma troisième démarche a été faite auprès des communes. En effet, la nouvelle législation sur l'affichage prévoit que l'autorité compétente revient aux communes pour aussi bien autoriser les emplacements d'affichage, qu'intervenir dans un premier temps pour interdire une affiche. J'ai donc écrit aux quarante-cinq communes de ce canton pour leur signaler que le Bureau de l'intégration était préoccupé par cette campagne et pour leur rappeler leurs compétences, dont celle d'interdire.
Dans le même temps, le Conseil d'Etat n'est pas désarmé parce que s'il s'était avéré que, malgré cet avertissement, les communes avaient tout de même laissé passer un tel affichage, le Conseil d'Etat aurait également eu la possibilité de saisir les communes pour leur demander d'intervenir et d'interdire une affiche. Malheureusement, comme vous le comprenez, ce genre d'intervention se fait a posteriori et non a priori.
Effectivement, la convention entre la Ville de Genève et la Société d'affichage existe toujours; elle prévoit toujours que la Société d'affichage doit être attentive au contenu de certaines affiches. Mais il faut savoir aussi que les affiches apposées à Genève ne le sont pas toutes par la Société d'affichage. Dans notre ville notamment, pour reprendre le cas de cette campagne dont nous parlons, une affiche avait été placardée dans l'enceinte de la gare par une autre compagnie.
En conclusion, le Conseil d'Etat est préoccupé de la licence en matière d'affichage à Genève. Vous savez que le département dont j'ai la charge a eu la surprise de voir qu'une campagne d'affichage sur la thématique des déchets s'était traduite par des affiches qui pouvaient paraître outrageantes à l'égard du travail des enfants et à l'égard des femmes. Mais au-delà de cette campagne-là - qui pouvait peut-être faire sourire - il y en a d'autres, où, très clairement, le corps des êtres humains, qu'il s'agisse du corps masculin ou du corps féminin, est traité comme un objet et devient un moyen de promotion pour vendre de la marchandise. C'est effectivement inacceptable. C'est une atteinte à la dignité humaine, et l'on se rend bien compte que les conventions auxquelles vous vous référez ne sont pas suffisamment efficaces pour réprimer tous les débordements. C'est assurément un sujet dont il faudra continuer à se préoccuper.
Une voix. Bravo !
Cette interpellation urgente est close.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente