Séance du
jeudi 4 décembre 2003 à
17h
55e
législature -
3e
année -
2e
session -
5e
séance
PL 8971
Préconsultation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en préconsultation. Je vous rappelle qu'un seul député par groupe peut s'exprimer, et cela pendant cinq minutes au maximum.
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs, vous savez que les radicaux ont déposé un projet de loi qui vise à abolir - vous l'avez accepté - le débat de préconsultation. Je renonce donc à m'exprimer sur ce point puisque nous aurons l'occasion d'en reparler en commission.
M. Christian Brunier (S). Je vous rappelle que la taxe sur le tourisme est aujourd'hui une taxe peu transparente - nous vous l'avions démontré dernièrement, lors d'un débat dans cette enceinte - dans la mesure où nous avons de la peine à savoir pourquoi certaines zones de la ville sont plus taxées que d'autres. Visiblement, les règles appliquées tiennent parfois plus de l'illogisme le plus total qu'à une réflexion profonde ! Et puis, dans les activités taxées, certaines dans le domaine du tourisme semblent être pratiquement exonérées et d'autres, qui ne concernent pas le tourisme, le sont lourdement.
Le groupe socialiste a donc déposé un projet de loi, il y a quelques mois, pour obtenir davantage de transparence, bien sûr, mais aussi pour permettre d'exonérer les petits commerces et les petites entreprises taxés injustement. Un peu plus de solidarité était donc demandée aux plus grandes entreprises, puisque - vous le savez - la taxe sur le tourisme pour les petites entreprises ou les petits commerces représente vite 1000, 2000 ou 3000 F, ce qui est beaucoup dans leur budget. Alors que - vous le savez aussi - cette taxe est plafonne actuellement à 5000 F pour les grandes entreprises, ce qui est une somme souvent ridicule pour une multinationale, pour un commerce important ou pour une grande entreprise.
Ainsi, nous favorisions l'exonération des petits en maintenant une assiette fiscale équivalente, pour permettre aux organisations qui développent le tourisme à Genève de vivre, car - et vous le savez pertinemment - Genève Tourisme repose en grande partie sur cette taxe.
Malheureusement, la droite a mal accepté que les socialistes présentent ce projet de loi... J'ai même entendu dire que certains représentants des Syndicats patronaux s'étaient fâchés entre eux en se demandant pourquoi les socialistes avaient eu cette «bonne» idée et en disant que c'était à eux de faire le travail...
Alors, comme vous êtes incapables de reconnaître que le parti socialiste peut présenter un bon projet, vous faites de la surenchère en proposant d'exonérer tout le monde, aussi bien les grandes entreprises... (Le président agite la cloche.)...qui peuvent faire un geste pour encourager le tourisme puisqu'elles en vivent, que les petites !
En plus, le peuple va devoir voter, car cette mesure modifiera l'assiette fiscale. Une nouvelle fois, vous diminuez les impôts - certes, modestement, puisque cela ne représente qu'un million et demi - alors qu'il y avait, à mon avis, d'autres solutions !
Nous préconisons de voter le projet de loi du parti socialiste, qui est beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus adapté à la politique du tourisme à Genève, et d'éviter cette surenchère inutile que vous faites, uniquement à des fins électoralistes !
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord rappeler que, pendant très longtemps, Genève a été pratiquement le seul canton où il n'y avait pas de taxe de séjour dans les hôtels, ce qui se pratiquait dans toutes les autres cités ou villages touristiques de notre pays. Les hôteliers étaient très réticents à cet égard, quand bien même ils sont les principaux bénéficiaires de certains investissements extrêmement importants de l'Etat, que ce soient l'aéroport, Palexpo ou d'autres équipements qui intéressent directement le tourisme genevois.
Le Conseil d'Etat a néanmoins - enfin ! - à un certain moment décidé de tenter de trouver une solution pour que les différents milieux économiques bénéficiaires du tourisme y contribuent, et pas seulement le secteur hôtelier mais un certain nombre d'autres secteurs.
Cette loi sur le tourisme, instituée en juin 1993, avait, à mon souvenir, recueilli l'accord de l'ensemble des milieux économiques de Genève. Certes, quelques difficultés ont surgi pour certains commerces lors de l'introduction de ces taxes. En effet, certains disaient qu'ils ne faisaient pas partie du secteur touristique; certains estimaient qu'ils devaient être assujettis à cette taxe, d'autres pas... Bref, il y a eu quelques difficultés, elles ont été en partie résolues. Il en reste peut-être certaines, et il appartiendra à M. Lamprecht, responsable du département de l'économie publique, d'informer la commission de ce qu'il en est.
Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui formellement opposés à la suppression de certaines de ces taxes, à un moment où l'Etat est précisément de nouveau appelé à contribuer au financement d'équipements intéressant directement le tourisme genevois alors que la situation financière de l'Etat s'est fortement dégradée. Et nous constatons que la seule recette que la droite nous propose pratiquement à chaque séance, c'est la suppression de certains impôts ou de certaines taxes, visant à privilégier toujours les mêmes milieux: les milieux économiques, les milieux immobiliers et les contribuables aisés, ce qui a évidemment pour effet de diminuer de plus en plus les recettes de l'Etat qui connaît déjà une situation difficile.
Le parti libéral, lorsqu'il avait proposé la diminution de l0% des recettes fiscales... (Exclamations.)ou 12%, bravo ! Donc, il expliquait que celle-ci allait, au contraire, stimuler l'activité économique et augmenter les recettes de l'Etat... Nous pouvons constater aujourd'hui qu'il en est tout à fait autrement... La politique des caisses vides - c'est bien de cela dont il s'agit - que vous menez - vous, les partis de droite - dans ce Grand Conseil, vise véritablement à créer une situation de crise pour notre canton ! Vous devez absolument revoir cette politique du pire aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, car elle va aggraver de plus en plus la crise dans notre canton !
M. Jean-Michel Gros (L). C'est vrai, ce projet de loi a l'air un peu sec... Il s'agit de l'abrogation d'un chapitre entier d'une loi. Les travaux de la commission de l'économie, ces derniers temps, ont montré combien les taxes sur le tourisme étaient tarabiscotées, et, pour paraphraser un chef d'Etat voisin, «abracadabrantesques»... Le but de ce projet de loi est de mettre un bâton dans la fourmilière...
Mesdames et Messieurs, tout le monde est content qu'il y ait un budget pour l'office du tourisme, mais tout le monde ou presque est mécontent de son mode de perception ! Alors, le but de ce projet de loi est de relancer la discussion et d'indiquer au département que le financement doit être simple, peu coûteux et efficace. Et cela, à la veille du dépôt d'un projet de loi annoncé par le Conseil d'Etat.
Mais quelle est la réalité ? Le budget de l'office du tourisme est alimenté par quatre taxes et une subvention. La taxe d'encouragement au tourisme, qui est une taxe vague, basée sur des critères géographiques, sur le nombre d'employés et d'autres critères encore plus vaseux... Finalement, personne n'est content: certains se demandent pourquoi ils payent cette taxe alors que d'autres ne la payent pas... Telles sont les questions qui reviennent le plus souvent lorsque l'on se promène en ville et que l'on bavarde avec les uns ou les autres. Les 50% de cette taxe proviennent des gérants de fortune, dont on peut espérer que leur chiffre d'affaires est généré davantage par la réputation de Genève, place financière, que par le tourisme.
Ensuite, il y a la taxe hôtelière, qui oblige les hôteliers à retenir environ 1% sur les factures de leurs fournisseurs... Mesdames et Messieurs, imaginez la tête des fournisseurs extérieurs au canton qui ne connaissent cette mesure nulle part ailleurs ! En outre, cette taxe ne bénéficie d'aucun contrôle, car cela reviendrait trop cher, et, de surcroît, cette taxe ne rapporte pas grand chose, à part ce qui est versé par ceux qui respectent la loi à la lettre.
Et il y a la taxe additionnelle. Inutile d'insister... Il s'agit d'un impôt sur l'impôt, ce qui est tout à fait inadmissible !
Enfin, il existe une taxe de séjour, qui est une taxe par nuitée. Elle est simple, facile à prélever, et existe dans le monde entier. Elle représente le plus gros rendement pour l'office du tourisme, puisqu'elle rapporte environ 5,8 millions au budget 2003.
Il n'est donc pas question, dans ce projet de loi, de supprimer cette taxe. Au contraire, on peut se demander s'il ne faudrait pas l'augmenter, étant donné qu'on paie actuellement une taxe de 2,50 F par nuit dans un cinq étoiles... Alors, franchement, chers collègues, lorsque l'on peut dépenser 600 F pour une nuit, qu'on paie 602,50 F ou 605 F, voit-on vraiment la différence ? Et cela d'autant moins que les clients marchandent en général le prix des nuitées dans les grands hôtels ?
Par ailleurs, le canton subventionne l'office du tourisme à raison de 900 000 F par année.
Et la Ville - la Ville de Genève, Mesdames et Messieurs - principale bénéficiaire du tourisme - oui, la Ville, avant la commune de Gy, avant la commune de Vernier - elle, ne donne rien du tout ! Zéro franc, sous prétexte qu'elle offre des prestations en nature ! Mais, lesquelles ? La propreté de la ville ? C'est ce qu'elle offre actuellement à nos touristes ? La sécurité ? La beauté des quais autour de la rade ? Voyons, soyons sérieux ! La Ville n'offre quasiment rien à nos touristes !
En conclusion, ce projet de loi fera l'objet de débats en commission de l'économie, et les libéraux sont conscients qu'il faudra l'aménager et que, notamment, les critères dans la loi sur le tourisme concernant les affectations de financement devront être revus. Mais les libéraux sont d'accord et souhaitent que ce projet de loi soit renvoyé en commission.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je salue la présence à la tribune de M. Jean-Claude Vaudroz, ancien conseiller national et ancien député. (Applaudissements.)Et, celle de M. Jean Opériol, ancien député. Bienvenue !
Je donne la parole à Mme Stéphanie Ruegsegger.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Ce projet trouve son origine dans les travaux de la commission de l'économie, notamment ceux que nous avons consacrés au projet socialiste relatif à la taxe tourisme.
Lors des différentes auditions, nous avons effectivement pu constater que certaines personnes étaient mécontentes des diverses taxes dans le secteur du tourisme à Genève, les jugeant injustes et opaques... Je dois avouer qu'il n'est guère surprenant que des taxes suscitent le mécontentement, c'est rarement le contraire !
Nous avons également pu relever au cours de ces travaux la lourdeur de la tâche administrative pour percevoir ces différentes taxes, et les auteurs du projet de loi nous proposent une solution toute radicale: pour résoudre les problèmes, supprimons ces taxes...
Si nous constatons effectivement certains problèmes liés à ces taxes tourisme, vous nous permettrez d'avoir une lecture un peu différente de la situation.
Nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet de loi en commission, mais nous nous réjouissons d'entendre les personnes que nous avons déjà eu l'occasion d'auditionner une première fois, et je dois dire à cet égard que M. Brunier a peut-être été inattentif en citant les milieux économiques et patronaux, tout à l'heure... En effet, lors de ces auditions, de nombreux milieux issus du commerce nous ont dit tout le bien qu'ils pensaient de ces taxes tourisme, de leur importance pour Genève, et qu'il n'était pas question pour eux de les supprimer. Nous aurons donc l'occasion de les entendre à nouveau à ce sujet.
Nous entendrons certainement aussi les représentants du département qui nous avaient promis un projet concernant les taxes, et je suis sûre que le département saura nous présenter un projet un peu plus réaliste que celui-ci, un projet qui ne supprime pas 3 millions de francs à Genève Tourisme !
M. Christian Bavarel (Ve). Je vais être bref, mes collègues ayant dit à peu près l'essentiel...
J'ai été quelque peu surpris de voir que ce projet de loi envisageait purement et simplement la suppression des taxes tourisme, sans autre proposition concrète.
L'exposé des motifs indique qu'il faudra trouver des solutions... J'ai tout de même l'impression que le travail a été fait à moitié ! Une fois de plus, il faudra trouver en commission des solutions à ce problème; je ne sais pas comment cela sera possible... Mais peut-être est-ce une méthode pour mettre le département sous pression ? Si c'est le cas, vous devriez l'annoncer clairement !
Je suis surpris, je le répète, de ce projet de loi, d'autant plus que Genève Tourisme a besoin de moyens. Et ce n'est pas en demandant à toute la collectivité de payer pour la promotion d'un seul secteur économique que l'on pourra s'en sortir ! Nous... (Manifestation bruyante dans la cour de l'Hôtel-de-Ville.)
Le président. Monsieur Bavarel, excusez-moi de vous interrompre !
M. Christian Bavarel. ... Nous essayerons d'examiner tout cela prochainement, en commission.
Le président. Madame Wenger, pourriez-vous fermer la fenêtre, s'il vous plaît ? Vous pouvez poursuivre, Monsieur Bavarel... Vous avez terminé ? Excusez-moi de vous avoir interrompu, mais le bruit nous empêchait de vous entendre.
Je donna la parole à M. Georges Letellier.
M. Georges Letellier (UDC). Je trouve ce mode de taxation assez complexe, et il me semblerait utile de le reprendre en commission...
Pour l'instant, nous nous plaçons du côté de l'Entente, car nous sommes favorables à la suppression de ces taxes. Nous voterons le projet de loi tel quel.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je salue à la tribune la présence de M. Guillaume Barazzone, conseiller municipal.
Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Aujourd'hui, Genève doit faire face à une forte concurrence dans tous les domaines, même au niveau du marché du tourisme - c'est un marché important, vous le savez.
Une loi sur le tourisme existe depuis 1993, qui a permis à alimenter Genève Tourisme pour lui donner les moyens de faire la promotion de Genève dans le monde. Je veux bien que nous essayons de trouver un système plus simple, mais il faudra me dire lequel... En effet, si ces taxes sont supprimées, comme vous le proposez, le manque à gagner pour l'office du tourisme de Genève sera de l'ordre de 2,7 millions, sans compter les charges liées à l'emprunt qui a été contracté pour construire la halle 6, soit 1,3 million environ. Si ces taxes sont purement et simplement supprimées, cela signifie qu'il faudra trouver environ 4 millions, pour faire face à la dette de la halle 6 et pour maintenir le budget actuel, afin de donner à Genève les moyens suffisants dont elle doit disposer en vue de sa promotion dans le monde. Bien sûr, nous pourrons en discuter en commission et voir ce que nous pouvons faire. Mais je suis tout de même assez surpris, car, en tant que président de la Fondation du tourisme, j'ai reçu en six ans trois lettres de quelques personnes mécontentes... Et je ne voudrais pas en recevoir deux cents à partir d'aujourd'hui...
Alors, je vous rends simplement attentifs au fait que, si ces taxes sont supprimées, il faudra trouver 4 millions. Et, si vous ne les trouvez pas en introduisant d'autres taxes, il faudra peut-être prendre ce montant sur le budget de l'Etat. Mais nous n'en sommes pas encore à ce stade...
Quoi qu'il en soit, j'accepte volontiers d'en débattre en commission, tout en vous mettant en garde quant aux conséquences que pourrait avoir la suppression de ces taxes que vous proposez dans ce projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.