Séance du
mercredi 1 octobre 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
11e
session -
71e
séance
M 1522 et objet(s) lié(s)
Débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je m'exprimerai principalement sur la motion 1533. En effet, bien que la motion 1522 soit moins contradictoire que complémentaire à la motion 1533, elle propose des mesures moins précises.
Je rappellerai pour commencer qu'il s'est écoulé plus de six mois depuis le dépôt de ces deux motions et bientôt une année depuis les inondations qui ont affecté le village du Bas-Lully et qui ont failli tourner à la catastrophe. Même si la situation commence à évoluer, nous estimons que les invites de la motion 1533 gardent toute leur actualité - à l'exception, peut-être, de l'invite demandant le relogement des habitants puisque cette mesure a été prise depuis.
Les habitants du Bas-Lully se sont, depuis, organisés dans une association appelée AVAL pour prendre leur destin en main. Il faut rappeler que cette association concerne six cents personnes vivant dans le secteur du Bas-Lully - secteur exposé aux risques d'inondation - et regroupées dans quelque deux cent cinquante foyers. L'AVAL, qui travaille en contact étroit avec la mairie de Bernex, a avancé un certain nombre de propositions visant à sécuriser le village de Lully. Ces propositions figurent dans un rapport qui sera bientôt rendu public. Cette association a également noué des contacts réguliers avec l'Etat, en particulier avec le Domaine de l'eau.
En dépit de cela, les habitants ont le sentiment que leurs préoccupations ne sont pas complètement prises en compte et que l'Etat tarde notamment à reconnaître le caractère urgent de certaines tâches. Les travaux de renforcement de la digue de la rive gauche de l'Aire n'ont par exemple pas pu être réalisés faute de moyens financiers. Dans ces conditions, il est compréhensible que les habitants, encore traumatisés par ces événements, éprouvent toujours un sentiment d'angoisse au vu des prochaines pluies qui risquent de survenir suite à l'été chaud que nous avons vécu. Un suivi régulier doublé d'une bonne politique de communication de la part de l'Etat est donc nécessaire pour que les habitants se sentent à la fois écoutés et rassurés par les démarches entreprises.
La renaturation de l'Aire comprend également des travaux de sécurisation du hameau du Bas-Lully et de Certoux. En raison de son envergure - et notamment de la complexité technique et administrative qu'il revêt - ce projet de renaturation n'est prévu qu'à l'horizon 2006-2015. Vous comprendrez que l'on ne peut pas attendre ce moment pour prendre des mesures de sécurisation du village. A ce titre, je rappellerai les conclusions du rapport Tanquerel, lequel relevait notamment que «quoi qu'il en soit, le maintien de l'ordre public, qui comprend la sécurité et la santé publiques, est l'une des obligations fondamentales de l'Etat, même sans base légale particulière. Il existe donc un devoir du canton et, dans le cadre des attributions qui leur sont déléguées par le canton, des communes de prendre en considération dans leur action les dangers d'inondation, quelle que soit leur cause, dès lors que ceux-ci sont d'une ampleur qui dépasse un strict cadre privé pour menacer la sécurité publique». Etant donné qu'une pétition a également été déposée par les habitants et que ces derniers souhaitent être entendus par des représentants de notre Grand Conseil, je vous propose de renvoyer ces deux motions à la commission de l'environnement.
M. Gabriel Barrillier (R). J'étais, jusqu'à la chute de son intervention, entièrement d'accord avec les propos de ma collègue. Elle m'a, pour ainsi dire, coupé l'herbe sous le pied - mais pour la bonne cause ! Par contre, je ne comprends pas que l'on demande le renvoi de ces motions à une commission: un tel renvoi ne ferait en effet que prolonger le traitement du dossier.
Notre groupe a déposé la motion 1522 il y a neuf mois - soit il y a un certain temps. Mme Fehlmann Rielle a déclaré à juste titre que les habitants ayant subi ces dommages avaient l'impression que les autorités - et Dieu sait si le Grand Conseil représente l'autorité suprême ! - étaient trop lentes à réagir et à s'occuper des victimes desdits dommages.
Je souhaite que l'on renvoie ces deux motions au Conseil d'Etat, qui a déjà entrepris un certain nombre de démarches dans cette affaire; M. Cramer précisera peut-être les mesures prises par le Conseil d'Etat tout à l'heure. Un renvoi en commission de l'environnement nous ferait cependant perdre du temps.
Donc, allons vite ! Je suis frappé que l'on mette aussi longtemps pour aider à réparer les dommages lorsque des catastrophes naturelles importantes surviennent, non seulement à Genève mais ailleurs, en Suisse ou à l'étranger. C'est ainsi qu'en Valais, plusieurs années après la catastrophe du Simplon, tout n'est pas encore rectifié. Je suis donc favorable au renvoi sans tarder de ces deux motions au Conseil d'Etat !
M. Hubert Dethurens (PDC). J'approuve les conclusions de M. Barrillier. Nous traitons deux motions neuf mois après leur dépôt, et celles-ci vont encore passer neuf mois en commission - pour autant que cette dernière parvienne à les traiter... Et lorsque la commission parviendra à d'éventuelles conclusions, tout aura déjà été reconstruit à Lully !
De quoi les habitants de Lully ont-ils besoin ? Dans un premier temps, ils ont surtout eu besoin de soutien et de réconfort. Maintenant, je pense qu'ils ont surtout besoin de dédommagements.
J'estime que le Grand Conseil est responsable de la catastrophe qui est survenue, car c'est lui qui a déclassé ces terrains il y a une quarantaine d'années. Il l'a peut-être fait à la demande de la commune de Lully, mais n'oublions pas que c'est lui qui, en dernier recours, décide du déclassement ou non de terrains. Peut-être se fichait-on pas mal, à l'époque, des éléments inondables; peut-être d'autres intérêts étaient-ils en jeu. Mais, en tous les cas, le Grand Conseil a déclassé ces terrains. L'Etat doit donc participer au dédommagement des habitants de Lully.
Quant aux remèdes à apporter, parlons de la renaturation de l'Aire !J'ai envie de dire - et ce n'est pas une boutade: heureusement qu'il y a eu une telle pluie ! Cet orage a en effet démontré que le projet qui nous a été présenté et qui se trouve actuellement à l'étude en commission était totalement inefficace: faire une mare de deux cents mètres de large sur trois cents mètres de long n'aurait strictement servi à rien avec de telles pluies ! Cette mare aurait été pleine en une demi-heure et l'eau aurait continué de déborder ! Selon moi, il conviendrait plutôt de se préoccuper de l'amont de Lully, et je me demande à ce propos quelles mesures ont été prises cet été. Je sais que des lacs ont été recreusés en amont de Lully, cependant, comme je passe chaque jour sur le pont de Lully, je puis vous assurer que l'Aire était à sec cet été; cela aurait été l'occasion de curer le fond de cette rivière. Si l'on parvient à ôter quarante centimètres au fond de cette rivière, ce sont quarante centimètres d'eau qui passeront en plus lors des prochaines inondations ! Or, je ne crois pas que ce fond ait été curé. Peut-être cette mesure est-elle à l'étude; peut-être sera-t-elle prise. J'estime qu'il est impératif de commencer par cela, et ce n'est pas la renaturation qui apportera quelque solution que ce soit aux habitants de Lully !
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Le président. Le renvoi en commission ayant été demandé, les intervenants ne doivent normalement ne se prononcer que sur ce renvoi. Sont encore inscrits MM. Bavarel, Baud, Thion et Muller, ainsi que M. le conseiller d'Etat Cramer. Le bureau ayant décidé de clore la liste, je leur propose d'intervenir sur le fond, après quoi nous voterons sur le renvoi en commission de ces motions.
M. Christian Bavarel (Ve). Nous abordons un problème dont le traitement a requis du temps. Heureusement, l'exécutif a fait son travail, il a commencé à prendre les premières mesures qui devaient l'être immédiatement. Notre travail consiste à légiférer et à tenter de comprendre les événements survenus.
Pour éviter qu'un Lully II ne se reproduise, pour décider s'il convient de légiférer et si les mesures prises par le Conseil d'Etat sont suffisantes, il nous faut renvoyer cette motion en commission. Nous aurons ainsi l'occasion d'étudier une nouvelle fois ces questions calmement, d'auditionner certaines personnes, de mieux comprendre le déroulement des événements et de décider s'il convient de modifier certaines des invites contenues dans la motion. Savoir si le fond de... l'Aire... est frais ou non, cela est un autre débat que l'on pourra mener ultérieurement ! Mais, à l'heure actuelle, j'estime qu'il convient de renvoyer cette motion en commission.
M. Jacques Baud (UDC). Des logements ont été construits en zone inondable: il y a une responsabilité. Et j'estime que le Conseil d'Etat doit prendre cette responsabilité. C'est pourquoi je vous invite à renvoyer ces deux motions au Conseil d'Etat.
M. François Thion (S). Je m'étonne de ce que l'on soit soudainement aussi pressé sur les bancs du parti radical... Cela fait en effet plusieurs mois que nous avons demandé l'urgence pour ces motions, et vous l'avez refusée ! Or vous vous montrez subitement très pressés !
S'agissant de la motion radicale 1522, je tiens à faire remarquer qu'elle n'aborde guère la question des études techniques à entreprendre pour juguler les risques de nouvelles inondations. Quant à son exposé des motifs, il est très sommaire en comparaison de celui de la motion 1533.
Car l'exposé des motifs de la motion interpartis - puisque tous les partis, excepté le parti radical, l'ont signée... Je ne sais pas pourquoi il a voulu se distinguer, peut-être a-t-il besoin d'exister ou de montrer qu'il existe encore... (Rires.)Donc, l'exposé des motifs de la motion 1533 est beaucoup pous complet et précis puisqu'il a été rédigé par des personnes compétentes qui habitent le Bas-Lully et qui savent de quoi elles parlent.
Je partage l'avis de ma collègue Mme Fehlmann Rielle: il faut renvoyer ces motions à la commission de l'environnement.
M. Mark Muller (L). Une fois n'est pas coutume, nous ne suivrons pas nos collègues de l'Entente sur leur proposition de renvoi au Conseil d'Etat. (Brouhaha.)Nous pensons en effet qu'il n'y a pas d'urgence en la matière, au contraire: il est urgent d'attendre l'issue des procédures judiciaires en cours ! Je rappelle que des demandes en justice ont été déposées et qu'il appartient pour l'instant aux tribunaux de se prononcer sur les responsabilités des uns et des autres. Il serait dès lors quelque peu précipité d'inviter le Conseil d'Etat à verser des indemnités sans attendre l'issue de ces procédures.
Nous estimons que nous avons le temps d'examiner sereinement les causes et les conséquences des événements qui se sont produits il y a environ une année à Lully. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi en commission.
Le président. Avant de donner la parole à M. le conseiller d'Etat Cramer, je salue la présence à la tribune de M. le maire d'Avusy, qui nous a si agréablement reçus dans sa commune à fin août. (Applaudissements.)La parole est à M. le conseiller d'Etat Cramer.
M. Robert Cramer. J'entends m'exprimer entre autres choses sur le renvoi en commission puisqu'il s'agit de l'un des objets de notre débat.
En guise de préambule, il faut rappeler que les autorités ne sont pas restées inactives à la suite des inondations de Lully. Non seulement elles ne sont pas restées inactives, mais je dirai même que, au moment où est survenu cet événement extrêmement malheureux, les autorités avaient déjà pris la mesure des dangers que représente l'eau. En effet, c'est précisément durant la période où se sont produites ces inondations que votre Grand Conseil, suite à une proposition sumisee un an auparavant par le Conseil d'Etat, a voté une modification de la loi sur les eaux. Cette modification a créé de nouveaux devoirs à la charge de la collectivité, lui a donné de nouvelles compétences ainsi que de nouveaux moyens pour gérer le phénomène de l'eau dans son entier, en cessant de se préoccuper des sectorisations inventées par la législation fédérale.
Je vous rappelle que cette dernière différencie les eaux circulant dans les cours d'eau des eaux circulant dans les circuits d'assainissement: ce n'est que lorsque le premier type d'eau déborde que l'on parle d'inondations. En outre, la législation fédérale ne tient pas compte d'un troisième type d'eau que les spécialistes appellent «eau météorique» - en réalité, l'eau de pluie.
A la suite de ce vote par le Grand Conseil, le département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement s'est réorganisé au mois de janvier 2003 pour créer une nouvelle division administrative, intitulée le «Domaine de l'eau» - ou «DomEau». On y trouve réunis tous les spécialistes de l'Etat en matière d'eau, sans se préoccuper de savoir s'il s'agit de spécialistes en matière de cours d'eau, d'environnement, d'assainissement ou de planification. La commission de l'environnement a eu l'occasion de mieux découvrir cette nouvelle organisation administrative.
Au-delà des lois et des réorganisations administratives, plusieurs travaux importants ont été menés ces derniers mois à Lully. En premier lieu, des mesures ont été prises pour renforcer les digues de l'Aire. Je vous rappelle que, si ce cours d'eau n'a pas été à l'origine des inondations en novembre de l'année dernière, il peut néanmoins déborder puisque les constructions de Lully sont situées en zone de danger moyen. C'est dire si ces travaux doivent être poursuivis - et ils le seront dans le cadre des travaux de renaturation de l'Aire. Des mesures d'urgence ont donc été prises dans le domaine du renforcement des digues, et ces travaux sont, Madame Fehlmann Rielle, entièrement réalisés.
En deuxième lieu, la commune a mené à bien les travaux de son collecteur. On a pu constater que l'absence de ce dernier a apparemment pesé assez lourdement dans les inondations survenues à Lully. Ce collecteur est aujourd'hui terminé et opérationnel.
En dernier lieu, je vous annoncerai une bonne nouvelle: les travaux de curage du dépotoir de l'Aire - qui peut servir de bassin de rétention - viennent d'être achevés. Vidé de tous les éléments qui l'encombraient et qui réduisaient ses capacités de rétention, ce dépotoir est aujourd'hui totalement fonctionnel.
Je vous ai présenté une série de travaux d'urgence qui ont été menés. Au-delà de ces travaux, d'autres tâches doivent bien entendu être entreprises. Ces mesures exigent cependant des études beaucoup plus approfondies. C'est ce que nous faisons dans le cadre de la renaturation de l'Aire. En dépit des termes utilisés, n'imaginez pas que la renaturation de l'Aire consiste uniquement à planter des arbres et à rendre la vie des poissons heureuse ! Il s'agit là d'une confusion que peuvent faire l'un ou l'autre d'entre vous. La renaturation de l'Aire servira assurément aussi à cela, mais ces travaux visent avant tout à maîtriser le cours d'eau de manière à éviter de futures inondations. Il s'agit donc de travaux de maîtrise des eaux.
J'aborde maintenant la question du renvoi en commission. Compte tenu du stade que nous avons atteint et dès l'instant où l'on voit évoluer la situation sur le terrain et où les habitants sont régulièrement conviés à des discussions avec les représentants de l'Etat pour examiner la manière de réaliser ensemble ces travaux, il me semble que le plus efficace serait de renvoyer ces motions en commission. Après l'audition des habitants de Lully - lesquels se sont adressés au Grand Conseil par voie de pétition - ces deux motions pourront revenir devant le Grand Conseil, si possible sous la forme d'une seule motion. Cette motion aura l'avantage d'avoir été rédigée après avoir entendu les premières personnes concernées - et non, comme on le constate largement en les lisant, dans l'urgence et sous le coup de l'émotion.
En guise de conclusion, je ferai remarquer, s'agissant du contenu même de ces motions, que la dernière invite de la motion 1522 demandant le dédommagement des habitants est inacceptable. En effet, une telle invite est totalement contraire au principe de séparation des pouvoirs. Dès l'instant où des juridictions s'occupent de ces questions de dédommagements, il n'appartient ni au Grand Conseil, ni au Conseil d'Etat de suppléer au travail des tribunaux.
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de la motion 1522 en commission de l'environnement.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'environnement.
Le président. Je mets maintenant aux voix le renvoi de la motion 1533 en commission de l'environnement.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'environnement.
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour. Je souhaite que l'on parvienne au point 17 avant 19h.