Séance du jeudi 18 septembre 2003 à 20h45
55e législature - 2e année - 11e session - 67e séance

IU 1474
Interpellation urgente de M. Christian Grobet : Accord entre les TPG et le TCS

M. Christian Grobet (AdG). Je voulais aborder le sujet qui a déjà été évoqué tout à l'heure concernant la subvention que les TPG envisagent d'accorder au TCS. M. Cramer ne sera pas étonné quand je lui dirai que sa façon de botter en touche ne me satisfait pas du tout. Dire, comme ça, sur un ton un peu anodin, et en souriant, qu'on va transmettre les remarques et les doléances des députés au conseil d'administration - dont, au demeurant, vous faites partie - Monsieur le conseiller d'Etat, n'est pas sérieux.

Vous êtes membre du conseil d'administration, en tant que représentant de l'Etat. Votre première tâche, en tant que représentant de l'Etat dans le conseil d'administration des TPG, c'est de vous soucier si les choses ont été faites de manière correcte ou non. Alors, à moins que vous n'ayez été absent lors de la dernière séance du conseil d'administration, vous devez savoir que le conseil d'administration ne s'est pas du tout prononcé sur cette question.

La première question que je vous pose, en tant qu'administrateur des TPG, c'est de savoir qui a pris la décision de s'engager dans cette procédure, pour le moins curieuse, avec le Touring Club Suisse ? Je n'en dirai pas plus, parce que d'autres ont dit ce qu'il fallait dire à ce sujet.

La question est beaucoup plus sérieuse que cela. Je vous rappelle que nous avons eu, au mois de février, un long débat sur le contrat de prestations des TPG. Nous avons discuté, en long et en large, de différentes propositions d'amendements visant à baisser ou à modifier, en tout cas par rapport aux décisions du Conseil d'Etat, le montant des divers abonnements TPG. Un certain nombre d'amendements ont été refusés, seul un a été accepté. Cela a amené une augmentation du montant alloué aux TPG. C'est dire, et moi je le soutiens, que les TPG n'ont pas le droit de réduire le montant des abonnements. Vous secouez peut-être la tête, mais je pense qu'il serait de bon aloi - et je m'adresse au Conseil d'Etat, parce qu'à vrai dire les interpellations sont adressées au Conseil d'Etat plutôt qu'à un conseiller d'Etat en particulier - je pense qu'il faudrait mettre l'inspection cantonale des finances sur cette affaire. Parce que, quant à moi, il y a détournement de subventions au profit d'une association et cela n'est pas acceptable, surtout après le débat que nous avons eu ici, et où la majorité de ce Grand Conseil n'a pas voulu - et je le déplore - accorder des prix plus attractifs en ce qui concerne les différents abonnements. Et c'est cela que les TPG doivent faire. Si on veut encourager le nombre d'abonnés aux TPG à augmenter, c'est par une action qui s'adresse à l'ensemble des citoyens, et non à une association en particulier, comme cela a déjà été relevé par certains préopinants.

Par conséquent, je considère qu'il y a violation du contrat de prestations des TPG. Vous pouvez secouez la tête comme vous voulez ! Vous étiez absent lors de ce débat, cela me revient. Nous avons eu un long débat sur le contrat de prestations et, plus précisément, sur le montant des abonnements. Vous auriez dû en tout cas lire le Mémorial après la séance du Grand Conseil pour suivre ce débat, et savoir qu'on a débattu des montants des abonnements et que les TPG ne peuvent pas simplement réduire les montants, comme cela a été annoncé.

Par voie de conséquence, la question que je pose au Conseil d'Etat est de savoir s'il va intervenir pour que le contrat de prestations auprès des TPG soit respecté et que cette proposition, qui a été négociée avec le TCS, soit annulée ? Dans l'hypothèse où les TPG veulent mener une action d'incitation en ce qui concerne les abonnements - ce qui serait une bonne chose - qu'ils viennent faire une proposition devant le Grand Conseil, qui est l'autorité compétente ! On pourrait effectivement imaginer de faire une action promotionnelle en vendant des abonnements annuels à un prix plus bas, par exemple; ou en accordant des rabais à des personnes dont la situation...

Le président. Il est temps de conclure.

M. Christian Grobet. ... financière le justifie au lieu de simplement asperger les rabais à des personnes ayant des revenus et qui peuvent aller d'un simple automobiliste à des gens beaucoup plus fortunés.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je vous rassure, j'étais effectivement là lorsqu'il y a eu le débat sur le contrat de prestations. Cela a été un débat important dont plusieurs d'entre nous se souviennent. Je tiens beaucoup à remercier le Grand Conseil, ou en tout cas la majorité de celui-ci, de l'engagement qu'il a pris pour les transports publics en adoptant ce contrat de prestations.

Par ailleurs, je hochais effectivement la tête en vous entendant, parce que je trouve qu'il n'y a pas lieu de dramatiser à l'excès cette affaire. Si vous voulez la dramatiser, que devrais-je dire, maintenant ? Je devrais dire qu'il se produit, au sein du conseil d'administration, un grave délit d'initié, qui a permis à une entité de s'enrichir de façon inacceptable; que cette entité s'appelle la Ville de Genève qui a toute une série d'administrateurs qui lui sont proches dans le conseil d'administration des TPG, et qui a été la première entité à bénéficier de ce système des contrats «grands comptes».

De quoi s'agit-il, Monsieur le député ? Il s'agit d'une entreprise publique mais qui a une logique d'entreprise. Croyez-le ou non, ce n'est pas le Conseil d'Etat qui lui dit ce qu'elle doit faire. Elle a une autonomie dans la façon d'intervenir, dans le cadre d'un certain nombre de directives qui lui sont données. Quel est le rôle de cette entreprise ? C'est de faire ce que le Grand Conseil lui demande, c'est-à-dire d'accroître son offre de 20% et, si possible, d'accroître, de 20% ces quatre prochaines années le nombre de personnes qui utilisent les transports publics. Elle s'efforce de le faire par toutes sortes de procédés: bien sûr en achetant du matériel, en employant de nouveaux chauffeurs, etc. Mais aussi en essayant de rendre les transports publics plus attractifs et de susciter ce que l'on appelle un «transfert modal», c'est-à-dire de faire en sorte qu'il y ait des automobilistes qui prennent les TPG. Jusque-là je vous dis des évidences. Qu'a-t-on fait dans ce contexte ?

On a imaginé, entre autres procédés, ces contrats «grands comptes». Ceux-ci consistent dans le fait de dire à une entreprise ou à une collectivité: «Si vous me commandez beaucoup d'abonnements annuels - qui sont les abonnements les plus difficiles à placer mais aussi les plus prometteurs - eh bien, je vous fais un rabais sur ces abonnements.» C'est la Ville de Genève qui a été intéressée en premier par cette possibilité, puisque vous savez que la Ville de Genève s'est lancée dans un programme d'incitation à l'égard de ses collaborateurs. Au fond, c'est Genève qui a ouvert le système des grands comptes, en commandant un grand nombre d'abonnements annuels, en ayant un rabais dessus, et en les distribuant à ses collaborateurs. Ensuite, qui a continué à le faire ? Les entreprises qui vivent dans notre canton et qui ont un grand nombre de collaborateurs - je pourrais vous aligner un ou deux noms, mais je pense que c'est le genre de choses qu'on dit plutôt en commission qu'en plénière - se sont, elles aussi, lancées dans cette logique de grands comptes. Elles ont dit: «Nous sommes d'accord de vous acheter un certain nombre d'abonnements. Quelles conditions nous faites-vous» ?

Il se trouve maintenant que le Touring Club demande à bénéficier de ces conditions de grands comptes et que les TPG lui accordent ces mêmes conditions. Jusque-là, je dois vous dire, mais peut-être que je manque d'imagination, que je n'y vois rien de répréhensible. Au contraire, ce que je souhaiterais, c'est que l'Etat de Genève - et j'espère que nous arriverons à le faire cet automne - se lance également dans cette logique de grands comptes. Parce que derrière cette logique, il y a quelque chose de souhaitable. Il y a véritablement la volonté d'inciter les automobilistes à utiliser les transports publics et donc à développer cette entreprise.

Outre ces actions grands comptes, il y en a bien d'autres qui sont destinées à l'entier de la population. Si vous lisez les annonces que les TPG font passer maintenant, vous verrez par exemple que, pendant les deux semaines de la mobilité qui sont organisées, fortement promues par les communes, et tout particulièrement par la Ville de Genève, il y a des conditions exceptionnelles qui sont faites aux usagers des transports publics, de façon à inciter à découvrir ce moyen de locomotion. Vous savez peut-être aussi que, chaque fois qu'il y a des événements au stade de La Praille, il y a toute une série d'incitations qui sont faites pour encourager les gens à utiliser les transports publics.

Demain, nous allons essayer de développer des offres de ce type pour les touristes qui viennent à Genève. De sorte que, en même temps qu'ils louent une chambre à l'hôtel, ils reçoivent un ticket leur permettant de se déplacer à bord des transports publics genevois. Pour ma part, je n'y vois rien d'autre que des offres promotionnelles, mais, encore une fois, peut-être que l'inspection cantonale des finances pourrait trouver à y redire, et elle le fera assurément si c'est le cas.

Finalement, ce que je vous ai dit tout à l'heure, c'est que nous avons découvert tout cela par la presse - parce que, je ne sais pas comment vous êtes renseignés, je croyais que les séances du conseil d'administration concernaient des gens qui étaient liés par un secret de fonction... (Manifestation dans la salle.)...apparemment vous êtes bien renseignés sur ce qui s'y passe... (Le président agite la cloche.)...je vous affirme que le département n'était pas informé de cette offre faite au TCS. Pas plus, d'ailleurs, qu'il n'a été informé sur les différentes négociations qui ont eu lieu entre les TPG et la Ville de Genève.

Nous avons trouvé la communication qui a été faite autour de cette offre un peu malheureuse, mais, sur le fond même de l'opération - qui consiste à inciter des automobilistes à renoncer à l'usage de leur voiture ou à l'utiliser moins, pour passer aux transports publics - sur le fait même qu'aujourd'hui le Touring Club dise qu'il est souhaitable d'utiliser les transports publics et qu'il incite ses adhérents à le faire, je crois qu'on a plutôt marqué des points pour les transports publics de ce canton.

Cette interpellation urgente est close.