Séance du
vendredi 13 juin 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
9e
session -
53e
séance
IU 1433
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le député Follonier, vous posez une question - et je vous en remercie - qui me donne l'occasion d'expliquer des choses purement factuelles. (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. le conseiller d'Etat répond à une interpellation, vous voudrez bien l'écouter.
M. Charles Beer. Je réponds à l'interpellation urgente qui m'a été posée. (L'orateur est interpellé.) (Manifestation dans la salle.)Mesdames et Messieurs les députés, on peut mettre en cause un certain nombre de personnes, mais il y a certaines limites, et j'aimerais que vous me laissiez m'exprimer, parce que si tel n'est pas le cas devant ce parlement, je ne vois pas à quels moyens il faut recourir pour pouvoir être entendu. Et j'insiste sur ce point: pour l'instant j'ai toujours refusé toute interview relative à ma présence sur le pont du Mont-Blanc, le soir du lundi 2 juin.
Je me permets également, au-delà des remerciements, Monsieur Follonier, de dire qu'il n'est ni concevable ni acceptable et qu'il est même injurieux d'invoquer le rôle de laborantine, que n'est pas Mme Spoerri, à la télévision. J'ai trouvé cela scandaleux, et je le redis.
Il n'est pas forcément non plus de bon aloi de me traiter d'éducateur de rue ou de syndicaliste. (Applaudissements.)
Monsieur le député, au-delà de ces quelques propos introductifs, j'aimerais vous donner les renseignements factuels que voici. J'étais, ce lundi 2 juin en début de soirée, non pas devant ma télévision, ni même de passage sur mon vélo sur le pont du Mont-Blanc, mais tout simplement au comité directeur du parti socialiste. Je me dois de vous dire la vérité, car l'ensemble de mes propos, le cas échéant, pourront intéresser telle ou telle commission d'enquête ou telle ou telle commission appelée à se prononcer sur les événements du G8.
Un certain nombre de coups de téléphone ont eu lieu, je peux même dire de messages SMS, nous alertant - je dis «nous» parce que j'étais avec le président du Conseil d'Etat à une réunion du parti socialiste - d'une situation gravissime sur le pont du Mont-Blanc. Je restitue les termes, tels qu'ils ont été évoqués. Pour ma part, j'ai estimé qu'il était indispensable, vu l'aspect répétitif de ces messages, de me faire une idée, et je me suis rendu sur place, sans accord, je peux même dire, en désaccord avec le président du Conseil d'Etat.
Cela dit, si je me suis rendu sur le pont du Mont-Blanc - je reviendrai sur ce réflexe - c'était uniquement pour voir ce qui était en train de se passer. Selon les descriptions que j'avais reçues, quelques centaines de manifestants et manifestantes souvent très jeunes se trouvaient bloqués sur le pont du Mont-Blanc, et plus exactement entre les quais, le pont lui-même et la rue du Mont-Blanc. Et quand je suis arrivé sur place, la situation était extrêmement tendue.
Les forces de l'ordre, et plus particulièrement le bataillon genevois qui occupait la place à côté de l'hôtel des Bergues, étaient extrêmement inquiètes de la situation. Ce que je dis n'est que factuel. A tel point que des phrases telles que «si les manifestants chargent, nous serons obligés de tirer» ont été prononcées. Ce sont les mots que j'ai entendus, Monsieur le député, et je me permets de les répéter, parce que la tension était telle - non pas que les forces de l'ordre aient perdu le sens de la mesure, mais parce qu'elles étaient inquiètes - la situation était tellement enlisée qu'une deuxième manifestation est venue naître derrière les rangs de la police, prenant celle-ci, ou plus précisément, une partie d'elle, en étau entre deux manifestations. La deuxième manifestation, quant à elle, était d'un caractère tendu, voire même violent, puisqu'il y a eu des jets de pierres sur la police.
Cela dit, quel a été mon rôle, puisque c'est votre question principale, au-delà de ce rôle de témoin qui me permet de vous restituer une ou deux citations ? Tout simplement aucun, si ce n'est celui d'accompagner tel ou tel officier de police qui tentait de trouver une porte de sortie. Je n'ai jamais négocié, je tiens à le dire, sous la foi de mon serment, je n'ai jamais négocié, comme je n'ai jamais donné d'ordres à la police, parce que si j'avais donné des ordres à la police, l'homme ou l'officier qui les aurait reçus se serait trouvé dans une situation bien plus inconfortable que la mienne. Je me permets de faire cette mise au point, parce que, derrière cette accusation, on accuse également le chef de la police ainsi qu'un certain nombre d'officiers.
J'ai simplement accompagné, comme je l'ai déjà dit, les officiers de police dans leur lourde tâche, qui consistait à faire face à une situation que, pour ma part, je voyais comme celle de l'enlisement. Peut-être que l'histoire le dira différemment, notre appréciation institutionnelle fait que nous observons les choses différemment aujourd'hui. Cela dit, il a fallu débloquer cette situation, et le chef de la police l'a débloquée en prenant appui sur les officiers de police et sur ma simple présence. Les quelques mots que j'ai pu échanger, ici ou là, n'étaient rien d'autre que des mots, relayant les ordres donnés par la police à telle ou telle personne. Je tiens également à ajouter, pour que vous soyez rassuré sur mon rôle, que ce n'est sans doute pas, à proprement parler, la place du président du département de l'instruction publique... (Le président agite la cloche.)...mais j'ai constaté, sur place, des comportements particulièrement inquiétants de jeunes manifestants. Cette manifestation était probablement pacifiste... (Manifestation dans la salle. Chahut.)...mais ce que j'ai vu était particulièrement...
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie
M. Charles Beer. ...atterrant, en ce sens que certains jeunes se livraient à des gestes et tenaient des propos absolument inqualifiables et d'un manque total de civilité.
Je le dis parce que je l'ai vu. Et cela m'inquiète car je ne souhaite pas voir des jeunes se glisser dans n'importe quel type de société à la fois individualiste et de casse. Cette inquiétude m'a amené à dire que je souhaitais que des missions de discussions, par la présence de la police dans les établissements scolaires, permettent aussi des explications, pour éviter des dérives liées à la violence ou à la méconnaissance de l'importance de la tâche de la police.
Pour terminer, je me permets de dire que vendredi, samedi, dimanche, des choses graves se sont passées. Lundi, vous le dites, des choses graves sur le plan institutionnel se sont passées, mais il n'y a eu aucun dégât matériel ni aucun blessé - ce qui constituait ma principale peur, lorsque je suis intervenu. Il y a eu des situations, dans telles ou telles villes d'Europe, qui n'ont engendré des drames qu'après coup et qu'on a dû analyser dans d'autres circonstances. Je préfère recevoir de votre part, aujourd'hui, la pluie de reproches que vous me faites, plutôt que d'avoir à me reprocher de ne pas avoir été présent dans une situation qui était inquiétante. Telle a été ma conception... (Brouhaha. Chahut. Exclamations.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me suis entendu avec le conseiller d'Etat. Je pense que, si vous voulez entendre de sa bouche son explication, il est bon qu'il puisse la donner pleinement et entièrement. Et je lui ai dit qu'il pouvait aller au-delà du temps réglementaire. Cela me paraît une simple équité à son égard. (Exclamations.)Monsieur le conseiller d'Etat, poursuivez.
M. Charles Beer. Je termine en disant que j'assume pleinement la collégialité, par le simple engagement que j'ai pris, et auquel je me tiens, de ne pas polémiquer et de m'en tenir, en ce qui concerne les faits, aux déclarations du Conseil d'Etat. En revanche, qu'il me soit permis de terminer en disant ceci: j'ai admiré le courage, le sang-froid et la détermination des forces de police, ce soir-là, sur le pont du Mont-Blanc. Et si, après coup, en fonction de tel ou tel événement, on a tendance à vouloir refaire l'histoire, je crois qu'on s'égare, et c'est dommage.
Je voulais répondre à la question de M. Follonier. Je crois l'avoir fait loyalement, honnêtement et de façon transparente. Et j'espère que vous saurez me rendre grâce de cet exercice. (Applaudissements.)
Le président. Je crois qu'en des temps extraordinaires, et la situation que Genève a connue est extraordinaire, il vaut la peine de faire une légère entorse à notre règlement...
Des voix. C'est parce que cela vient de la gauche, c'est pour ça que vous l'acceptez !
Le président. Oh ! (Manifestation dans la salle.)Monsieur le député Annen, la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe. (Applaudissements. Exclamations.)
Cette interpellation urgente est close.