Séance du vendredi 13 juin 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 9e session - 52e séance

M 1511-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de la commune de Bernex concernant l'usine de méthanisation du Nant-de-Châtillon
Rapport de M. Blaise Matthey (L)
P 1423-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la pétition concernant l'usine de méthanisation du Nant-de-Châtillon
Rapport de M. Blaise Matthey (L)

Débat

Mme Janine Hagmann (L). Il est évident que cette motion communale et cette pétition envoyées par des habitants de Bernex demandent toute l'attention de notre Grand Conseil. Il est en effet très très désagréable, voire insupportable, pour des habitants de subir des nuisances olfactives telles qu'ils ne peuvent jamais ouvrir les fenêtres alors qu'ils habitent à la campagne...

La population de Bernex, qui réagit à cette situation depuis des années, a pourtant reçu des promesses... Malheureusement, ces promesses n'ont pas pu être tenues, parce que l'usine de méthanisation du Nant-de-Châtillon, que nous avons acceptée ici, dans cette enceinte - du reste, pour une somme très rondelette - n'a jamais bien fonctionné.

Mais on ne peut pas non plus jeter la pierre au Conseil d'Etat, car le procédé utilisé est nouveau et qu'à un moment donné il faut bien se lancer et utiliser de nouveaux procédés. On ne peut donc qu'espérer que le Conseil d'Etat trouvera une solution - qu'il est en train de concocter puisqu'il prévoit d'augmenter la capacité de l'usine du Nant-de-Châtillon. En effet, les experts nous ont certifié que la cause de ces nuisances provenaient de déchets humides non traités rapidement.

J'aimerais à ce stade poser une question: pourquoi en sommes-nous arrivés là? Pourquoi, n'avions-nous pas dans le temps ce genre de problèmes avec nos déchets? Pour deux raisons, pour lesquelles nous ne pouvons malheureusement pas grand chose. La première, c'est qu'à l'époque les agriculteurs brûlaient les déchets inutiles - maintenant il n'est plus autorisé de le faire... Ensuite, avec ce qui pouvait encore être utile, les gens faisaient de l'épandage.

Là, une autre question me turlupine, que j'avais déjà posée ici: comment se fait-il que les lois de Berne interdisent l'épandage alors qu'actuellement deux communes genevoises - je peux les citer: Troinex, avec Veyrier, et Vandoeuvres - font de l'épandage et que les études agronomiques qui l'accompagnent se révèlent tout à fait positives? Les deux communes ont en effet demandé à des ingénieurs de procéder à des études afin de démontrer que l'épandage était, au contraire, un apport positif pour le sol.

Alors, on est en train de se créer des problèmes incroyables ! Les gens n'acceptent plus qu'une usine soit installée à côté de chez eux ! Ils prévoient le coup: ils envoient des pétitons et font toutes sortes de remarques quand ils savent qu'une usine doit être installée à côté de chez eux - mais on peut les comprendre, dans la mesure où nous sommes soumis à des lois contraignantes qui posent des problèmes. Je me souviens d'avoir entendu Mme Erica Deuber Pauli - quand elle siégeait ici - dire qu'il faudrait revoir ce sujet à Genève, puisque l'on savait que l'épandage des déchets était bon pour les sols, et se demander pourquoi ce n'était plus une pratique possible.

Je pose encore une question: est-il vraiment judicieux de prévoir des usines dans lesquelles on traite de grosses quantités de déchets - 17000 ou 20000 tonnes - chaque année? Tous les pays avoisinants changent cette manière de faire et créent de petites entités, qui causent beaucoup moins de nuisances. A cet argument, on nous répond que les petites entités n'ont pas un rendement suffisant, ce qui augmente beaucoup le prix du traitement de la tonne de déchets... Il vaudrait tout de même la peine de mettre en balance les nuisances occasionnées à la population et les inconvénients financiers! Je me pose vraiment beaucoup de questions à ce sujet...

Nous savons maintenant une chose, c'est que Genève n'aura besoin que d'une seule usine de méthanisation puisqu'il faut une certaine quantité de déchets pour que celle-ci puisse fonctionner correctement.

Je vous demande donc s'il ne faudrait pas remettre à plat et revoir globalement le problème des déchets de notre canton, et étudier comment améliorer la situation.

D'ailleurs, la commission a bien répondu, puisqu'elle préconise de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, qui essaye de trouver des solutions, car on ne peut pas laisser la population de Bernex vivre avec de telles nuisances: c'est absolument anormal !

Le président. Merci, Madame la députée. Bien que la commission ait été unanime, je vois que ce sujet suscite un vif intérêt... Monsieur le député Etienne, vous avez la parole.

M. Alain Etienne (S). Cette motion de la commune de Bernex, qui va être renvoyée au Conseil d'Etat, nous permettra de recevoir toutes les explications concernant les problèmes qui se posent à l'usine de méthanisation du Nant-de-Châtillon.

Au passage, je tiens à relever que cette motion a été déposée par la commune de Bernex, et que, sauf erreur de ma part, vous avez dernièrement supprimé ce droit aux communes... Les communes n'auront donc plus la possibilité de déposer de telles motions...

Nous sommes en quelque sorte victimes de notre succès, puisque de plus en plus de gens cherchent à traiter leurs déchets. Cela n'a pas suffisamment été dit dans le rapport: en général, les mauvaises odeurs sont dégagées lorsqu'il y a dépassement de la capacité de traitement. Et je tiens à rappeler que le concept cantonal de gestion des déchets 1998-2002 prévoyait trois installations. Il nous manque la troisième, celle de Vandoeuvres, «le GICAL»... Alors, construisons le GICAL, et les habitants de Bernex s'en porteront mieux !

M. Christian Bavarel (Ve). Cela me fait plaisir, cet après-midi, d'être dans une salle où l'on va pouvoir suivre un cours de jardinage et je trouve assez amusant qu'on aborde un tel sujet au Grand Conseil... J'interviens, car je ne peux pas, sans réagir, laisser dire les deux à trois choses que j'ai entendues... Je suis désolé, Madame Hagmann!

L'épandage fonctionne très bien avec des déchets que l'on appelle des «déchets verts». Mais vous savez qu'à l'heure actuelle, ce qu'on nomme les «lavures de restaurant» - soit les déchets de nourriture que l'on donnait aux cochons - nous posent quelques problèmes pour des questions de sécurité sanitaire et qu'il va falloir trouver une solution pour les traiter. Alors, vous pouvez bien imaginer qu'une vieille soupe avec quelques déchets carnés et autres, cela brûle très mal, et il est donc ridicule de vouloir traiter ce type de déchets. Par contre, ils peuvent se dégrader et redevenir de la terre. Alors, je vous déconseille vivement d'épandre dans vos champs et dans vos jardins vos restes de vieille soupe avec des déchets carnés ou de vieilles huiles ! Avec des déchets de cette taille ou de ce type, je le répète, l'épandage ne pose pas de problème.

Nous nous trouvons maintenant avec une masse importante de déchets à traiter. Quand un compost est sec, il se passe bien, que vous le mettiez en tas ou que vous l'épandiez; quand il est humide, c'est plus compliqué. Il y a une technique appelée «la méthanisation» qui sert réduire cette phase humide, mais cette technique a mal été maîtrisée à Bernex. Je le sais pour y avoir envoyé des déchets de jardins pour un certain nombre de clients au moment où j'avais mon entreprise - c'est un lieu que je fréquentais à peu près deux à trois fois par semaine. Les problèmes découlaient essentiellement du fait que ce lieu est ouvert à tous les vents: on y déverse des camions de déchets humides en plein air, qui dégagent bien évidemment des mauvaises odeurs. De plus, cette installation n'est pas fermée, et, au premier coup de vent qui passe, les gens de Bernex souffrent forcément des mauvaises odeurs. C'est comme quand vous videz une fosse à purin: ça ne sent pas bon ! Alors, pour remédier à cela, cette opération ne doit pas être effectuée en plein air ! C'est aussi simple que cela ! Le Conseil d'Etat est convaincu qu'il y a des problèmes, la population de Bernex subit des nuisances, ce qui n'est évidemment pas normal... La solution est simple: ce qui se fait actuellement en plein air doit l'être dans un lieu fermé ! Ce qui était prévu à l'origine et ce qui est prévu dans le GICAL, c'est de créer une étanchéité pour éviter que les odeurs ne se propagent partout, et cela me semble raisonnable.

Nous tiendrons peut-être ce débat au moment où le Conseil d'Etat nous renverra son rapport. La motion déposée par les autorités de Bernex et la pétition des habitants de Bernex sont l'expression des nuisances subies, et il faut y remédier. J'ai l'impression que le Conseil d'Etat veut prendre ce problème à bras-le-corps, et c'est à lui de le traiter.

Je pense que la solution d'épandage que vous préconisez est dangereuse: ce serait une véritable catastrophe !

M. Claude Blanc (PDC). C'est vrai que ces choses-là, plus on les brasse plus elles puent... (Rires.)

M. Bernard Annen. Y'a pas que ça !

M. Claude Blanc. Je voudrais rectifier les propos de Mme Hagmann qui a dit, si j'ai bien compris, que la législation fédérale interdisait l'épandage...

Madame Hagmann, je crois que vous faites une petite confusion... C'est vrai, la législation fédérale interdit depuis peu l'épandage des boues d'épuration, mais pas des composts ! En effet, les boues d'épuration contiennent des métaux lourds, et les expériences ont montré qu'elles sont plutôt nocives pour l'agriculture: c'est pour cela que la Confédération a interdit leur épandage ! Mais ce n'est pas le cas pour les composts: au contraire, il est conseillé de les utiliser comme amendements pour les sols, parce qu'ils sont censés ne pas contenir de produits dangereux. Voilà la rectification que je voulais apporter.

Mme Janine Hagmann (L). Je vous remercie de votre intervention, Monsieur Blanc... Il faudra alors se mettre d'accord avec le président Cramer, car toutes les communes ont reçu des directives interdisant tout épandage en raison de la législation fédérale. Donc, je demande absolument que ce sujet soit étudié.

Monsieur Bavarel, excusez-moi si je ne me suis pas exprimée correctement, mais je pensais tout de même qu'il y avait des initiés... Il est évident - cela va de soi - que les communes n'épandent pas de déchets humides ! Elles n'épandent que des déchets verts, on est bien d'accord !

Dans des communes dont plus de 50% de leur territoire sont en zone agricole, les agriculteurs fabriquent leur propre compost, ce qui est autorisé, tout le monde le sait. Et c'est pour cela qu'on estime qu'il y a presque deux poids deux mesures.

Vous avez parlé du GICAL, Monsieur Etienne... D'abord, le GICAL figure dans le prochain plan cantonal de gestion des déchets. Mais s'il se réalise, ce sera sans méthanisation, c'est clair et net! Parce que le canton ne peut pas exploiter deux usines. Il n'y aurait en effet pas le volume nécessaire de déchets humides pour faire de la méthanisation. Si le GICAL se construit, ce ne sera pas forcément à l'endroit prévu, parce qu'il n'est pas idéal d'ériger une usine dans une zone où seront vraisemblement situés les communaux d'Ambilly, même s'il s'agit d'une usine sans méthanisation. Il faut choisir: soit c'est l'un, soit c'est l'autre! Soit les communaux d'Ambilly seront construits - et j'imagine mal le GICAL au beau milieu - soit, alors, le GICAL sera construit sans les communaux d'Ambilly ! Mais cela fera l'objet d'une autre discussion !

Le problème n'est pas tout à fait là. Le problème - M. Blanc l'a posé - c'est: pourquoi aucune commune n'a-t-elle le droit de faire de l'épandage alors que les études agronomiques prouvent que c'est une bonne chose ?

M. René Desbaillets (L). De cette pétition de Bernex, on arrive au GICAL...

Je voudrais simplement dire qu'on peut utiliser des termes hautement techniques - épandage, méthanisation, compostage, etc. - mais, au fond, il s'agit uniquement de fermentation, et toute fermentation dégage des odeurs... Alors, il y a les bonnes odeurs de fermentation, comme celles qu'on trouve dans les caves... (Exclamations.)...et il y a les mauvaises qu'on trouve dans tout compost, méthanisation, etc. De toute façon, il faut bien faire quelque chose de nos déchets, et nous savons que, quoi qu'on fasse, les odeurs sont inévitables. En effet, on ne pourra jamais confiner une odeur, car le nez humain est capable de sentir une molécule par m3 d'air - pour ceux qui en ont un... (Rires.)Pour ma part, comme d'autres oenologues ici, j'ai un certain nez... Il faut donc surtout faire en sorte que le compostage s'effectue le plus loin possible des habitations! C'est simple, et cela coûtera bien meilleur marché!

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi de la motion 1511 au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1511 est adoptée.

Le président. Je mets maintenant aux voix le renvoi de la pétition 1423 au Conseil d'Etat, conformément aux conclusions de la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'environnement et de l'agriculture (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.

Le président. Cette pétition est donc également renvoyée au Conseil d'Etat, charge à lui de nous trouver de bonnes odeurs...