Séance du vendredi 16 mai 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 8e session - 47e séance

P 992-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition contre le démantèlement des studios de la Radio suisse romande à Genève
Rapport A: Mémorial 1993, p. 5991

Débat

Mme Jeannine De Haller (AdG). Mon intervention ne sera pas longue. Je m'interroge simplement sur le sort de la pétition 992, qui a été renvoyée au Conseil d'Etat en avril 1993, soit il y a plus de dix ans. Cette pétition concernait la délocalisation des studios de la Radio suisse romande de Genève. Or, dix ans plus tard, tout est fait ! Il est donc un peu tard pour nous renvoyer un rapport ! Je trouve cette situation d'autant plus incroyable qu'un comité continue vaillamment de se battre contre le démantèlement des studios de Genève et que ses propos diffèrent complètement de ceux contenus dans ce rapport. C'est pourquoi je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce dernier au Conseil d'Etat afin qu'il étudie de façon un peu plus approfondie ce dossier et qu'il nous apporte des réponses moins divergentes de celles fournies par le comité défendant le maintien des studios de Genève.

M. Albert Rodrik (S). J'ai, si vous vous souvenez, procédé au mois d'avril à une démarche insolite de ma part puisque je n'adresse habituellement pas d'interpellation urgente. Or, j'ai interpellé le gouvernement. Pourquoi cela ? Parce qu'il arrive à tous les conseillers ou conseillères d'Etat de faire les fonds de tiroirs, de sortir un dossier qui a quelque peu pris la poussière et de donner la réponse standard: «Le temps ayant fait son oeuvre...». Or, il apparaît tout à coup que ce n'est pas, comme cela est souvent le cas dans pareils cas, la question, mais la réponse qui est obsolète, et ceci malgré le passage du temps. Le projet «OPERA» s'est effectivement étendu sur dix ans. Il faisait partie des grands plans de Léo Schurmann plus minuspour réduire les frais d'exploitation de la Radio télévision en Suisse romande et dans le reste du pays, il y a belle lurette de cela et personne ne s'en souvient plus. La Radio suisse romande a conçu, dans le cadre de ces projets, des regroupements et des rationalisations par rapport auxquels l'on ne peut pas lui jeter la pierre puisqu'elle possédait deux studios ayant des vocations similaires à soixante kilomètres l'un de l'autre. La mise en route de ces projets a créé de tels remous que j'ai dû, en ma qualité de président de la SRT-Genève, tenir des séances de conciliation entre les employés mécontents et MM. Demartines et Sapey. Depuis cette date, il existe un litige sur les réalités. Aujourd'hui, mon problème est le suivant: est-ce possible de se trouver, dix ans plus tard, face à des versions aussi divergentes des événements ?! Je sais fort bien que tout est relatif dans une société pluraliste, mais les faits peuvent-ils posséder des versions aussi contradictoires ?! Aux alentours de fin mars, j'ai été abordé, comme ma collègue de Haller, par un nouveau groupe d'employés qui redonnaient tout à coup l'alarme parce que, disaient-ils, il ne restera à la fin de l'année plus que deux postes et demi et plus aucune production digne de ce nom dans les murs du boulevard Carl-Vogt. La réponse de la direction est la suivante: «Mais non, mais non, il y aura vingt-huit postes et demi, la musique qui constitue la tradition de longue date de Radio-Genève subsistera et il y aura bien d'autres éléments». Nous interpellons; suit la réponse de M. Beer. Je suis abordé immédiatement dans la foulée par un cadre respecté que je croise au Salon du livre et pour lequel j'éprouve la plus grande estime et la plus grande confiance; celui-ci m'affirme: «Mais non, cela n'est pas vrai: il y aura vingt-huit postes et demi et la production continue». Je reçois encore des fax et des téléphones du groupe, qui m'assure qu'«à la fin de l'année, rien ne va». Une séance de rencontre le 13 mai n'a abouti à aucun résultat pour des raisons formalistes. Heureusement, le directeur, fort intelligent, agende une autre séance.

Nous avons l'habitude de nous adresser au Conseil d'Etat. Nous souhaitons que le Conseil d'Etat suive la demande de Mme de Haller en reprenant son rapport. Nous souhaitons également qu'il nous rende ce service de nous dire quelle est la vérité à propos de quelque chose qui existe ou qui n'existe pas. Y aura-t-il, oui ou non, une production digne de ce nom dans les murs de Radio-Genève ? Et s'il faut rappeler, parce que le monde est devenu amnésique, que lorsqu'on a dissout en 1980 les deux Fondations Radio-Genève et Radio-Lausanne après la réforme Hayek, les droits moraux de ces Fondations ont respectivement été repris par les Conseils d'Etat, conseil administratif et syndicature des villes de Lausanne et de Genève ainsi que par les deux gouvernements cantonaux. Ils doivent donc chacun veiller sur place à un certain nombre d'intérêts non pas matériels, mais moraux. Il s'agit en même temps d'être conscient des réalités actuelles des entreprises de la SSR. Mon souci n'est pas de faire de la gestion d'entreprise à la place de la SSR ou de décerner des brevets de combativité à tel ou tel groupe d'employés, mais de faire en sorte que l'on connaisse la réalité. Si cette réalité ne lui convient pas, le monde politique pourra se déclarer pour ou contre; il se bagarrera ou se déclarera, au contraire, satisfait et rasséréné. Je demande simplement que le Conseil d'Etat nous rende ce service de nous donner la version à laquelle nous puissions croire de ce qui va ou de ce qui est en train de se passer, ce dont je le remercie par avance.

M. Pierre Weiss (L). Au début de cette année, deux d'entre nous ont été désignés pour vous représenter au sein du comité de la SRT-Genève: Mme Nussbaumer et moi-même. Si Mme Nussbaumer a cette semaine été retenue par une séance de commission, j'ai pour ma part pu participer à la partie essentielle de la séance au cours de laquelle aurait dû s'instaurer un dialogue entre, d'une part, les représentants de cette association, d'autre part la direction de la Radio suisse romande. Invités à venir à deux, puis à quatre, les représentants de cette association sont arrivés en un nombre nettement supérieur. N'ayant pu être tous autorisés à prendre place, ils ont préféré tous s'abstenir. Je ne porte aucun jugement sur la raison de cette sortie ni sur l'interprétation qu'ils ont faite de leur invitation. En ce qui concerne les éléments d'information qui ont été apportés par M. Tschopp, je les tiens à votre disposition dans leur forme résumée par le procès-verbal de la SRT-Genève. Je tiens simplement à relever que, d'après ce que j'ai compris, la production théâtrale, qui occupait deux personnes et demie, sera déplacée à Lausanne; la production musicale demeurera en revanche à Genève.

Les projets de reconstruction pour cause d'amiante de la tour de la télévision et les reconstructions alentours, notamment du studio de la Radio, constituent peut-être un élément plus intéressant que ces informations sur l'organisation de l'entreprise. Le point essentiel qui a à cet égard retenu mon attention est le suivant: le studio Ernest-Ansermet sera conservé en l'état, mais M. Tschopp s'étonnait que ce studio ne se trouve en aucune façon classé par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Peut-être M. Moutinot pourrait-il s'assurer légalement du maintien en sa forme du studio Ernest-Ansermet ?

M. Guy Mettan (PDC). Pierre Weiss ayant fort bien résumé les propos que je souhaitais tenir, je ne prolongerai pas le débat. Je voulais simplement rassurer M. Rodrik et les pétitionnaires: je confirme que la Radio suisse romande a décidé de conserver l'équipe genevoise actuelle quasiment en l'état, ce qui représente une quarantaine de postes. Elle a en outre décidé de rehausser les bâtiments de la Radio au moment de la rénovation de la tour de la télévision et de conserver le studio Ernest-Ansermet. Cette décision constitue à mon sens un gage de l'intérêt que la Radio suisse romande porte à Genève. D'autre part, World Radio Geneva, dont le siège se trouve à Genève, restera dans les locaux du boulevard Carl-Vogt.

Je souhaite par ailleurs rappeler que Genève ne peut prétendre tout avoir. Il me paraît relativement logique que la Radio suisse romande puisse concentrer l'essentiel de ses activités à Lausanne dès lors que Genève possède la chance d'abriter la télévision. Nous devrions être d'accord avec cette répartition des tâches et accepter que Lausanne ait une concentration supérieure à Genève en matière de radio, puisque la SSR a choisi Genève comme siège de la télévision. Cette dimension régionale, dont nous avons également parlé à propos du musée d'ethnographie, me semblait importante à rappeler.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Il est vrai qu'il existe une divergence notable entre les affirmations recueillies par le Conseil d'Etat auprès de la direction de la RSR et celles émanant de l'association à laquelle il a été fait allusion. Nous avons rencontré la RSR le 5 février; lors de cette réunion, celle-ci s'est montrée catégorique. Dès lors, que se passera-t-il si, comme le suggère Mme de Haller, vous nous renvoyez la pétition ? Nous reprendrons contact avec la RSR, dont j'ai de bonnes raisons de penser qu'elle nous tiendra les mêmes propos le 5 juin que le 5 février. L'association continuera pour sa part à affirmer que le Conseil d'Etat ne voit rien venir, se fait mener en bateau et que la situation va mal se terminer. L'exercice me paraît donc vain.

Monsieur Rodrik, si vous souhaitez être renseigné, je vous suggère de l'être directement en renvoyant, par exemple, cette pétition à la commission des affaires communales, régionales et internationales - ou à une autre - et en auditionnant la RSR. Je ne peux pour ma part pas faire autre chose que de vous répéter les propos de la RSR, laquelle engage sa crédibilité dès lors qu'elle affirme au Conseil d'Etat qu'elle ne projette nullement de démanteler les studios pour aboutir à une situation de deux emplois et demi et qu'il y aura bel et bien vingt-huit emplois et demi à la fin de l'année. La RSR nous l'a assuré, et je vous le répète. Or, ces affirmations sont contestées. Deux solutions s'offrent dès lors à vous: soit dont acte; soit, si vous voulez instruire davantage ce dossier, un examen en commission. Je ne vois pas ce que le Conseil d'Etat peut ajouter de plus puisque avant de vous répondre, nous nous sommes précisément assurés de la situation actuelle. C'est sur cette situation actuelle que nous vous répondons, une fois encore, en l'état de nos connaissances.

Le président. Trois propositions ont donc été formulées: une proposition de renvoi en commission faite par le Conseil d'Etat, une proposition de renvoi au Conseil d'Etat faite par les députés et une proposition de prise d'acte du rapport. Je mettrai aux voix ces trois propositions dans cet ordre, puisque la loi portant règlement du Grand Conseil autorise le Conseil d'Etat à faire toutes les propositions.

Je fais donc voter en premier lieu la proposition de renvoi du rapport à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejetée.

Le président. La majorité refuse cette proposition... (Vives protestations.)

M. Rémy Pagani. Vote électronique !

Le président. Non, c'est la majorité ! La frontière est très claire:... (Nouvelles protestations.)...tout le côté droit ainsi que le centre ont refusé cette proposition ! Nous passons maintenant au vote sur la proposition de renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est rejetée.

Le président. Cette proposition ayant été refusée, je mets maintenant aux voix la prise d'acte du rapport. (Vote.)

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.