Séance du
vendredi 2 mai 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
7e
session -
41e
séance
PL 8712-A
Deuxième débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux où nous les avions laissés. Je vous rappelle que nous avions voté l'entrée en matière du projet de loi 8712-A dans la séance précédente et que nous sommes en deuxième débat.
Le projet est adopté par article en deuxième débat.
Troisième débat
Le président. Monsieur le rapporteur Pierre Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, tout à l'heure, dans la première partie du débat, vous m'avez dit à un moment donné que je n'avais droit qu'à trois interventions...
Le président. Vous voulez parler de l'article 73, alinéa 1, Monsieur Vanek ! Je vous laisse parler autant de fois que vous le voulez...
M. Pierre Vanek. Quel bonheur !
Le président. Allez, parlez, parlez ! Mais pas plus de sept minutes à la fois... (Rires.)
M. Pierre Vanek. Non, non ! Je n'entends pas abuser... Je ne parlerai pas plus de sept minutes à la fois, Monsieur le président... Et n'hésitez pas à m'interrompre s'il y avait lieu !
Je voulais avoir vos lumières sur ce point du règlement, car je pense qu'il est important que chacun soit au courant des règles du jeu dans cette enceinte, avant de commencer à jouer...
J'avais effectivement demandé la parole tout à l'heure, pour répondre à deux observations faites par certains députés et aussi par le conseiller d'Etat Robert Cramer sur ce projet de loi. Ma première remarque porte sur un point sur lequel M. Annen est intervenu assez longuement, pour soutenir ce projet de loi visant à supprimer cet instrument démocratique qu'est la motion communale. Cette motion communale permet aux élus municipaux d'adresser une motion à cette assemblée, qui, le cas échéant, la renvoie au Conseil d'Etat comme n'importe quel député peut le faire. M. Annen, je le répète, est intervenu assez longuement sur le fait qu'il était inadmissible - les bras lui en tombaient... - que le Grand Conseil puisse modifier cette motion communale. Je vois M. Annen opiner du chef, c'est donc que je reproduis bien ses propos... Il trouvait en effet terrible que le contenu d'une motion communale puisse être «dénaturé» par cette assemblée, qui ferait, en quelque sorte, porter le chapeau à la commune en prenant une prise de position qui ne serait pas celle de la commune en question.
Cette remarque suscite chez moi la réaction suivante, Monsieur Annen: cet inconvénient existe pour n'importe quel objet parlementaire. Le député Pierre Vanek - ou le député Bernard Annen - peut déposer une motion dont il est l'auteur avec un intitulé et, en effet, cette assemblée, en commission ou en plénière, peut intégralement la modifier par voie d'amendements et lui donner un contenu différent, et, cas échéant, faire porter à M. Bernard Annen - député libéral s'il est besoin de le préciser - la responsabilité d'un contenu qui serait différent de celui qu'il avait rédigé au départ. Dans la mesure où cette objection est générique et qu'elle s'applique à n'importe quel objet parlementaire soumis à cette assemblée, elle n'est évidemment pas recevable. En effet, s'il fallait supprimer la motion communale pour cette raison, il faudrait aussi supprimer la motion telle que chacun d'entre nous ici peut en déposer...
M. Jean-Michel Gros. D'accord !
M. Pierre Vanek. M. Gros me dit qu'il est d'accord... C'est effectivement un élément sur lequel nous ne sommes pas intervenus ce matin: la droite de ce parlement, qui détient la majorité, tente de démanteler systématiquement les droits de ce parlement, les droits des parlementaires, les droits de la minorité. Et M. Gros en est un artisan actif, en s'appuyant sur son expérience de parlementaire fédéral. Le parlement fédéral, qui a ses qualités et ses défauts, donne infiniment moins de droits aux parlementaires que notre parlement. Comme l'a rappelé mon collègue Christian Grobet ce matin, un conseiller national n'a pas le droit élémentaire - tout du moins que nous considérons élémentaire dans cette enceinte - de déposer un projet de loi. Et en effet la loi que nous examinons va quelque peu dans le sens de la restriction de la démocratie, pas seulement communale, mais de la démocratie en général. C'était le premier point sur lequel je voulais intervenir.
Le deuxième point concernait les observations de Robert Cramer, conseiller d'Etat, sur cette affaire, à propos de laquelle il a pris une position très modérée, puisqu'il a dit que le Conseil d'Etat ne s'était pas opposé à l'introduction de cette mesure, qu'a contrario il ne s'opposerait pas à sa suppression, et j'imagine que si elle devait être réintroduite, il n'y verrait probablement pas non plus d'inconvénient... Tout cela est une contribution sans doute utile au débat...
Puis il a dit - ce que j'avais reproduit dans mon rapport - que tout pouvait très bien se faire sans cette motion: qu'il suffisait aux communes d'utiliser la voie épistolaire et d'adresser directement leur demande à l'exécutif pour que celui-ci leur réponde, dans sa grande sagesse et sa grande célérité. Probablement plus grande pour répondre aux exécutifs communaux que pour répondre à nos motions, qui ne sont pas toujours traitées dans le délai de six mois imposé par la loi - mais cela est un autre problème.
Puisqu'il y a une autre voie pour régler un certain nombre de problèmes communaux, cela conforte le fait que nous n'allons pas être engorgés de motions communales. Les exécutifs municipaux ne sont pas bêtes, et avec l'expérience que vous leur prêtez, ils sauront en tirer les leçons: ils éviteront de déposer des motions communales et ils s'adresseront directement au Conseil d'Etat. Je considère donc que cet argument vient à l'appui du maintien de cette disposition, étant donné que cela ne pose pas de problème.
Il a dit aussi qu'une motion demande au Conseil d'Etat de faire un rapport et les exécutifs communaux - ou les conseils municipaux, d'ailleurs, a-t-il tenu à préciser - peuvent obtenir ce genre de réponse plus rapidement en envoyant un courrier... Je rappelle tout d'abord que les courriers échangés entre les communes et le Conseil d'Etat ne sont pas dans le domaine public, ce qui enlève la dimension de publicité et de transparence qui, à mon avis, sont une des conditions d'un bon exercice de la démocratie. Et je ne vois pas pourquoi on devrait craindre la lumière jetée par un débat public sur une question quelle qu'elle soit, sauf pour des mauvais motifs. Je rappelle également qu'à teneur de l'article 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil - et le Conseil d'Etat devrait ne pas l'oublier - la motion ne vise pas seulement à demander au Conseil d'Etat de faire un rapport: elle peut inviter le Conseil d'Etat à étudier une question déterminée en vue de présenter un projet de loi, codifier un règlement, prendre un arrêté, soit de charger une commission d'élaborer un projet sur un objet déterminé. Bref, la motion est davantage qu'une simple demande au Conseil d'Etat pour qu'il rende une réponse circonstanciée sur un sujet. Elle est un cran en dessus, en termes...
Le président. Il vous reste vingt secondes...
M. Pierre Vanek. ...de contraintes... (Exclamations.)...même si le Conseil d'Etat ne considère pas vraiment que les motions soient très contraignantes... Et il pourrait parfois les traiter avec un peu plus de respect !
M. Albert Rodrik (S). Permettez-moi de rompre une dernière lance en ce troisième débat, sur un ton calme et modéré, à propos d'un droit nouveau introduit il y a dix-huit mois, qui a été utilisé avec modération, dans des configurations politiques tout aussi différentes les unes que les autres et qui ne méritent ni l'excès d'opprobre de ceux qui veulent le démolir ni, probablement, les louanges dithyrambiques et interminables de certains de ses défenseurs !
Alors, je voudrais appeler cette assemblée au bon sens: tout ce qu'on a bien voulu retenir contre cette motion communale est du domaine de l'hypothèse, du domaine d'un fantasme éventuel, d'une utilisation abusive à venir de cette motion qui voudrait contourner les articles 30 et 48 de la LAC pour déstabiliser la vie de nos communes. Je plaide pour qu'on donne à ce nouveau droit le temps de faire la démonstration, comme il l'a fait en dix-huit mois, qu'il n'est pas aussi fatalement porteur de ces déboires et de ces tares que vous voulez bien lui prêter, à droite !
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a aucun fait avéré, depuis dix-huit mois, qui pourrait laisser croire que cette mesure fort modeste soit facteur de désordre. Je vous dis simplement que vous n'avez pas le droit de l'extirper de cette façon, sous prétexte de fantasme de dangers éventuels. Pratiquons-la ! Pratiquons-la aussi diversement que l'ont pratiquée Versoix, Bernex, la Ville, Onex, etc. ! Et nous aurons peut-être la preuve que vous aviez raison, mais, pour le moment, je le répète, ce ne sont que des fantasmes. Laissez donc ce droit se développer et je prends le pari qu'il ne perturbera en rien - en rien - les équilibres dans nos vies communales ! Je demande à chacun de ne pas se déterminer en fonction de discours sclérosés ni en fonction de mots d'ordre de je ne sais quels bataillons en marche, mais de juger sur son mérite et sur sa valeur une simple possibilité donnée à des conseils délibératifs, qui ne sont pas, qu'on le veuille ou non, sur pied d'égalité avec de vrais exécutifs !
Mesdames et Messieurs les députés, calmement, sobrement et succinctement, je vous demande, en troisième débat, avant de procéder à cette exécution, de réfléchir encore et, au moins, de renvoyer ce projet de loi en commission. Parce que, si vous relisiez bien le rapport de majorité, vous verriez qu'il n'est pas exempt de tout défaut et de toute erreur matérielle. Voilà la proposition que je vous fais. Je vous demande encore une fois de ne pas guillotiner cette mesure sans appel.
M. Bernard Annen (L). Je voudrais dire à notre collègue Albert Rodrik que nous sommes encore en deuxième débat - il va un peu vite... (Exclamations.)
Le président. Nous sommes en troisième débat, Monsieur le député !
M. Bernard Annen. Alors, je vous prie de m'excuser ! C'est moi qui ai pris du retard !
J'aimerais toutefois faire une petite remarque au niveau du temps de parole... En effet, notre collègue, Pierre Vanek, dit régulièrement en commission qu'il est facile de s'autodiscipliner... J'observe qu'il a déjà pris la parole sur cet objet trois fois sept minutes, ce qui fait déjà vingt et une minutes !
Il a tenté de réfuter l'argument que j'ai donné tout à l'heure, selon lequel il nous serait possible de dénaturer une motion communale, en disant que l'exercice était le même que pour une motion déposée par un député... Mais il y a une énorme différence: car si Bernard Annen dépose une motion et que Pierre Vanek la dénature, Bernard Annen, en voyant sa motion dénaturée, se lève et la retire ! La commune, elle, ne peut pas retirer son texte: et c'est une grave erreur ! Que ce soit théorique, je le concède, mais, vous le savez, pour les gens qui sont en face de moi il n'y a pas loin de la théorie à la pratique !
Voilà ce que je tenais à dire. Je maintiens donc ma position.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je n'utiliserai pas les sept minutes qui me sont imparties... Je prendrai trente secondes pour vous dire, Monsieur Annen, que vous avez raison: la commune ne peut pas retirer sa motion. Alors, si vous pensez que c'est un inconvénient, il faut prévoir une disposition qui permette effectivement au conseil municipal qui a déposé une motion de la retirer le cas échéant. Cela ne pose pas de problème et ne demande évidemment pas de supprimer le principe même de la motion communale !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
La loi 8712 est adoptée par article.
Le président. Je mets maintenant aux voix en troisième débat l'adoption de ce projet de loi, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
La loi 8712 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 23 non.