Séance du
vendredi 4 avril 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
7e
session -
36e
séance
M 1339-B
Débat
M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, chers amis, laissez-moi juste le temps de reprendre mes esprits et de relire rapidement la motion... Je souhaite apporter une précision au rapport du Conseil d'Etat: je m'inscris en faux contre la conclusion de ce dernier, conclusion selon laquelle les prix de l'énergie à Genève seraient concurrentiels par rapport au reste de la Suisse. Il est en effet avéré que les prix de l'énergie, du moins pour une partie de la population constituée notamment par les entreprises tant du secteur secondaire que du secteur tertiaire - je pense notamment à l'hôtellerie - demeurent un facteur de coût important. Je ne peux donc souscrire aux conclusions du Conseil d'Etat relatives au prix de l'énergie. Je demande que celui-ci revoie sa copie sur ses conclusions ou, qu'à tout le moins, il nous indique clairement la politique qu'il entend suivre pour stimuler l'emploi et la croissance économique en faisant baisser de façon ciblée les charges des entreprises liées aux fluides distribués par les Services industriels de Genève.
M. Alberto Velasco (S). Je tiens à rendre hommage au Conseil d'Etat, et notamment à M. Cramer, pour les paragraphes qui ont été consacrés à l'EOS dans ce rapport. C'est en effet grâce à l'initiative de M. Cramer qu'EOS est devenu un véritable holding et que l'on a ainsi pu préserver les aménagements hydrauliques pour la Romandie.
S'agissant du coût de l'énergie, je ne me rallie pas à l'exposé de M. Roulet. En premier lieu, un coût inférieur d'énergie n'induit pas nécessairement des investissements pour des économies d'énergie. Or, toute une part de l'industrie vit précisément de la fabrication d'équipements permettant la bonne utilisation des énergies. En deuxième lieu, Genève est aujourd'hui pratiquement fournie et approvisionnée en énergie renouvelable. En troisième lieu, vous n'êtes pas sans ignorer que la guerre au Moyen-Orient n'est pas uniquement liée à l'instauration d'un régime démocratique, mais également aux grandes réserves d'énergie que recèle l'Irak et au manque patent d'énergie dont souffrent les Etats-Unis. Au vu des événements actuels, il faut s'attendre à une hausse des prix sur le marché des énergies fossiles. En dernier lieu, vous savez fort bien que l'énergie nucléaire n'est pas admissible pour l'humanité. Les énergies renouvelables dont Genève a la chance de bénéficier possèdent cependant un prix; l'utilisation rationnelle de l'énergie possède un coût dont il faut prendre acte.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Si M. Roulet a probablement raison d'évoquer le coût de l'énergie, il ne s'agit pour une entreprise - et plus encore pour une collectivité publique - que de l'un des éléments de la problématique. Le coût de l'énergie payé par une entreprise est certes un élément important dans le cadre d'une politique de l'emploi; toutefois, dans le cadre d'une politique visant à pérenniser l'existence d'entreprises sur le territoire de notre canton et à offrir les conditions-cadres nécessaires au maintien d'un tissu économique cantonal, le coût n'est qu'un élément parmi deux autres, sur lesquels il me faut attirer l'attention de M. Roulet.
Le premier élément a trait à la sécurité de l'approvisionnement et à la sécurité avec laquelle l'énergie est délivrée à une entreprise. Cette dernière doit savoir que le prix qu'elle paie aujourd'hui sera analogue à celui qu'elle paiera demain et qu'elle ne se trouve pas exposée aux aléas auxquels ont été exposées les entreprises d'autres pays, lesquelles ont vu, de mois en mois - voire de jour en jour - le coût de l'énergie qui leur est délivrée varier de façon considérable. La sécurité du coût facturé aux entreprises fait partie de la politique que nous voulons offrir aux entreprises du canton par le biais de conditions-cadres et de la politique des Services industriels au niveau de la sécurité de leur approvisionnement.
Le second élément important à prendre en compte concerne la qualité de l'énergie délivrée. Bien que peu de personnes le sachent, il existe en matière d'électricité des principes de qualité au même titre que pour les autres marchandises. Sachez que des entreprises extrêmement importantes ont choisi de s'établir à Genève précisément parce que les Services industriels de Genève sont capables de leur délivrer une énergie de très grande qualité, c'est-à-dire soumise à de très faibles variations de tension. Cette énergie de très grande qualité leur permet de travailler avec des machines extrêmement sophistiquées. Ces trois éléments - qualité, sécurité et coût - vont de pair. Vous comprendrez que, si l'on souhaite garantir qualité et sécurité, cela peut impliquer des coûts légèrement plus élevés. Je compléterai volontiers le rapport sans doute lacunaire du Conseil d'Etat à ce sujet.
Je reconnais que la préoccupation du coût est importante. Les Services industriels ont à cet égard engagé, ces derniers mois, plusieurs actions à l'égard de leur fournisseur, EOS, pour diminuer le coût de l'électricité. Comme en rend compte le rapport, ces actions rendent possible un approvisionnement à des coûts moindres. Des mesures ont également été prises en faveur de leurs clients, puisque le coût de l'électricité a diminué ces derniers mois. Je tiens à relever ces actions, car c'est la première fois, depuis que je suis engagé en politique, que le Conseil d'Etat est amené à accepter une modification des tarifs de l'électricité allant dans le sens d'une diminution. Cela montre bien que la préoccupation de M. Roulet au sujet des coûts est totalement intégrée dans nos réflexions. Nous irons plus loin: comme vous le savez peut-être, des discussions sont actuellement en cours entre les Services industriels et leurs gros clients pour mettre en place des dispositifs permettant à ces derniers de bénéficier non pas de conditions exceptionnelles mais, moyennant un certain nombre d'engagements visant notamment à une meilleure maîtrise de leur consommation d'énergie, de coûts d'approvisionnement plus favorables que ceux qui sont actuellement pratiqués. C'est dire que les trois préoccupations que sont la sécurité, la qualité et le prix vont de pair. Il s'agit d'un processus continu qui ne s'arrête bien entendu pas au moment où l'on vous rend ce rapport.
M. Jean Rémy Roulet (L). Je remercie le Conseil d'Etat pour les précisions qu'il vient d'apporter. Il a en premier lieu rappelé que la problématique de l'énergie ne se résume pas à une question de prix, mais doit également prendre en compte les critères de qualité et de distribution. Le rapport du Conseil d'Etat répond en cela à la préoccupation d'alors, à savoir l'avenir d'EOS. Je le remercie également pour sa réponse quant aux diminutions tarifaires moyennant un certain nombre de contraintes pour des consommateurs d'énergie adoptant une certaine prudence. Mon intervention précédente visait simplement à apporter un léger bémol à la phrase du rapport du Conseil d'Etat selon laquelle «Les SIG sont ainsi en mesure de fournir de l'énergie électrique de qualité à des prix compétitifs». Je me réfère notamment à un article de la «Tribune de Genève» publié le 16 octobre dernier et intitulé «Le courant genevois plus cher que la moyenne». La série de comparatifs suisses présentée par cet article montrait que les prix offerts à Genève n'étaient pas particulièrement compétitifs. Je crois toutefois que nous sommes d'accord sur le fond et je suis heureux d'apprendre que les Services industriels de Genève mènent une politique de marketing proche des clients.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.