Séance du jeudi 3 avril 2003 à 20h45
55e législature - 2e année - 7e session - 35e séance

PL 8958
Projet de loi du Conseil d'Etat sur les comptes d'Etat pour l'exercice 2002
PL 8959
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires et complémentaires pour l'exercice 2002
PL 8960
Projet de loi du Conseil d'Etat concernant le bouclement de diverses lois d'investissement

Préconsultation

Le président. En ce qui concerne le temps de parole pour ce débat de préconsultation sur les comptes, le Bureau a proposé dix minutes scindables par groupe sur les projets, proposition qui a été acceptée.

La parole est à M. Jean-Marc Odier.

M. Jean-Marc Odier (R). Merci Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à la présentation des comptes 2002, le président du Conseil d'Etat a résumé la situation en une phrase lors de son introduction : pour le futur, les comptes sont bons mais pas les indicateurs économiques. Quant à nous, nous dirions plutôt que les comptes sont artificiellement bons, les indicateurs confirmant ce que nous craignions depuis plusieurs années - ce dont l'Etat n'a pas suffisamment tenu compte. Les comptes sont artifiellement bons car le résultat positif de 12 millions n'est obtenu qu'en diminuant la constitution de provisions de 55 millions et en améliorant les recettes par une plus forte dissolution prévue des provisions - de l'ordre de 37 millions. Ceci permet d'absorber et de rendre moins perceptibles des dépassements importants de budget, comme, par exemple, les dépenses générales, qui augmentent de 11%, ou la subvention allouée à l'hospice général, qui augmente de 20%.

Quant aux indicateurs dont parlait le président du Conseil d'Etat, cela fait un certain temps que l'on insiste sur le fait que la situation mirobolante des recettes fiscales est trop belle pour durer et qu'il ne fallait pas augmenter les dépenses de longue durée. Aujourd'hui, parmi les indicateurs dont parle le conseil d'Etat, celui qui inquiète en tout premier lieu consiste en la baisse de l'impôt sur le bénéfice des entreprises; plutôt qu'un indicateur pour l'avenir, cette baisse est un résultat négatif confirmant nos craintes sur les prévisions économiques dont il n'a pas été suffisamment tenu compte. D'ailleurs, il n'y pas que ces prévisions qui n'ont pas été prises en considération: il semblerait que les estimations du groupe de perspective économique de septembre 2002 prévoyaient des diminutions des recettes fiscales de 100 à 150 millions, qui n'ont pas été intégrées dans le budget, et que le parlement a pourtant votées en décembre.

La précédente présidente du département des finances donnerait certainement une explication à ce sujet, cependant le parlement a voté et il est plus probable que le résultat de l'exercice 2003 sera négatif. Autre préoccupation: la dette recommence à augmenter. En trois ans, malgré de très fortes augmentations des recettes fiscales, l'Etat n'a réussi à diminuer sa dette que de 950 millions, et sur le seul exercice 2002 la dette réaugmente de 750 millions. Non, Monsieur le président du Conseil d'Etat, a priori nous pensons que les comptes 2002 ne sont pas si bons que cela, et les indicateurs pessimistes existaient déjà lors de l'élaboration de notre premier budget!

Les comptes 2002 seront étudiés comme il se doit, mais il semble plus que nécessaire que nous étudiions également la situation financière de l'exercice en cours, compte tenu des éléments connus à ce jour.

M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est certes pas exagéré de dire que, de mémoire de parlementaire genevois, je ne parle évidemment pas de la mienne, qui est fort courte, mais de celle des Grand Old Mende cette assemblée, MM. Christian Grobet, Michel Halperin, vous-même, Monsieur le président... (Exclamations.) M. Annen, bien sûr - que j'oubliais - M. Spielmann et j'en passe... (Brouhaha.) Jamais comptes ne furent attendus avec autant de curiosité et d'impatience!

Après ce qu'en avait dit la presse, on pouvait imaginer le pire: «Un trou de 500 millions», disaient certains; «Un trou de 900 millions», disaient d'autres; «Une dette s'élevant à plus de 10 milliards», disaient d'autres encore... L'horreur, quoi ! Les membres des partis qui n'appartiennent pas à la gauche le disaient à haute et intelligible voix : «Avec la nouvelle occupante du siège de ministre des finances, une libérale, formée dans le sérail de la finance classique, on allait voir ce qu'on allait voir !». Enfin, nous aurions des comptes marqués au sceau de la prudence, marqués aussi par un souci de transparence empreint de la volonté d'approcher la vérité d'aussi près qu'il est possible en matière financière, et ce n'est pas aisé tant les avis peuvent diverger, en toute bonne foi d'ailleurs.

Aussi faut-il reconnaître que les tenants de l'orthodoxie financière sont ressortis ébahis de la séance mémorable du 20 mars 2003, au cours de laquelle ils ont appris que les comptes 2002 bouclaient avec un boni de 24 millions. En fait, un assez grand nombre d'yeux ont été frottés pendant et après cette rencontre, tandis que les représentants des bancs d'en face jubilaient - il faut le dire de manière discrète - car il n'était pas question pour la plupart d'entre eux de se demander s'il n'y avait pas là quelque supercherie.

En fait, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait presque parler de mystification: pour parler uniquement du point central, à savoir celui du résultat tel que proclamé urbi et orbi, l'UDC, et plus particulièrement le député Marcet, empêché aujourd'hui de s'exprimer par une extinction de voix, ainsi que votre serviteur, estiment que le résultat a été sensiblement amélioré par le biais d'une diminution prononcée dans les charges de plus de 300 millions du poste «Amortissements, provisions, réserves et irrecouvrables» et à l'actif de «Dissolutions de provisions et réserves» d'un montant de 142 millions de francs. Il est probable que certaines variations ou montants, enregistrés sous ces rubriques, soient très partiellement justifiés. Les propositions de comptes, telles qu'elles nous sont présentées, permettent à l'UDC d'en douter.

Un troisième poste important doit encore être mentionné, celui des impôts sur le revenu et la fortune des personnes privées et, ici, je rejoins mon collègue Odier qui l'a fait remarquer de façon encore plus pertinente: on peut sincèrement douter de la sagesse de la démarche qui consiste à introduire un système postnumerando, puisque le département des finances et, à travers lui, les citoyens de ce canton, ne sauront ce que l'Etat a vraiment encaissé sous cette rubrique pour 2002 qu'à la fin de 2003! Cela oblige les spécialistes du département, dont les compétences ne sont pas mises en doute, mais qui n'ont certainement pas encore trouvé le moyen d'assurer la sécurité de ce qui ne sont que des prédictions, à procéder à de savantes estimations.

J'ai le plus grand respect pour les économètres, dont les activités sont truffées de risques multiples, mais vous permettrez à mon collègue Marcet, à moi-même et à l'UDC en général, de considérer que les postes «Impôt sur le revenu» et «Impôt sur la fortune» contiennent un très gros élément d'incertitude - à la hausse, peut-être, mais à la baisse aussi et très probablement - et qu'il est tout de même un peu extraordinaire que le montant inscrit sous cette rubrique permette de publier un boni de 24 millions. Ceci grâce, au surplus, à une facture d'intérêts débiteurs sur la dette, diminués habilement par le département, il faut bien le dire. Mais la vapeur pourrait ici se renverser, et même rapidement, autre facteur d'insécurité. Le chiffre du boni enregistré tranquillise, évidemment, et les citoyennes et citoyens peuvent rentrer chez eux et dormir sur leurs deux oreilles - quoique je me sois toujours demandé comment il était possible de dormir sur ses deux oreilles à la fois... ( Brouhaha.)

Nous ne sommes pas dans le rouge, c'est bien, la République ne connaîtra pas un accès de fièvre! Il n'en demeure pas moins que les comptes 2002, établis par des financiers prudents et qui auraient les yeux en face des trous, boucleraient avec un déficit compris entre 300 et 400 millions. C'est désagréable et cela obligerait, si on le disait urbi et orbi, les citoyens à voir la situation telle qu'elle est et non pas telle qu'on voudrait qu'elle soit! Pour ces motifs, l'UDC n'acceptera pas le projet de loi sur les comptes d'Etat pour 2002. Au mieux, elle s'abstiendra.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je suis pour le moins étonnée par ce que je viens d'entendre et peut-être que Madame la présidente du département voudra bien me confirmer que nous avons reçu la même version des comptes... (Exclamations.)

Je rappelle que l'élaboration du budget 2002 a été particulièrement laborieuse et que ce n'est qu'au tout dernier moment qu'un accord a été trouvé, ce qui nous a permis in extremis d'échapper au système dit «des douzièmes provisionnels». Afin d'y arriver, plusieurs charges ont été revues à la baisse, la plupart sur proposition du Conseil d'Etat, menacé et mis sous pression par la nouvelle majorité.

Lors du travail en commission des finances, des doutes ont été émis quant aux recettes fiscales, certains sont mêmes allés jusqu'à affirmer que les recettes fiscales 2002 budgétées avaient été fortement surestimées. Force est aujourd'hui de constater, non sans plaisir, je crois, que tel n'a pas été le cas. Le recul du total des impôts, de 82,5 millions, a été prévu au budget avec une très grande exactitude. Chacun de nous peut constater que le total est de 8 millions supérieur à ce qui avait été prévu au budget. J'espère que la droite, en dépit des craintes qu'elle semble avoir quant au sérieux du travail des services du département des finances, se sentira un peu rassurée à ce constat.

Les charges courantes sont supérieures de 0,4% au montant total budgété et, je le souligne, de 41 millions inférieures au total des comptes 2001. Au vu des nombreux coûts, survenus au dernier moment, et mentionnés au début, j'estime que le résultat est remarquable et qu'il mérite d'être relevé. A l'intérieur de ce montant total, il y a des écarts importants à signaler: par exemple le supplément de 35 millions sous la rubrique des dépenses générales, dont il faudra bien entendu déduire les 14 millions de revenus de l'OPF y figurant - il y a donc des sorties et des rentrées... (Rires.).Un écart concernant cette fois les dépenses non effectuées par rapport au budget doit aussi être signalé: il y a 33 millions d'intérêts passifs et 56 millions de dotation aux provisions et réserves. L'augmentation de la dette, au 31 décembre, est en grande partie due au retard de l'envoi des bordereaux 2001, ce qui a eu pour effet un manque de trésorerie qui devra être complété par des emprunts supplémentaires. Ce retard sera rattrapé dès que les gens auront reçu leur bordereau. Une autre partie concerne l'insuffisance de financement des investissements nets en 2002 s'élevant à 77 millions. Le résultat final est un excédent de recettes de 24,6 millions, dont la moitié est attribuée à la réserve conjoncturelle, ce dont on peut se réjouir.

Je rappelle enfin que les charges 2002 incluent, entre autres, le respect des mécanismes salariaux et la compensation du coût de la vie - même si ceux-ci ne compensent pas la perte du pouvoir d'achat subie d'environ 13% durant les années de crise au début des années nonantes. Les charges 2002 incluent également l'engagement de personnel supplémentaire à l'office des poursuites, l'augmentation du nombre de postes nécessaires dans le secteur de l'enseignement et à l'office de la jeunesse, et incluent enfin un effort supplémentaire pour assurer les soins dans les EMS ainsi que l'aide à domicile.

Un dernier mot sur la légère diminution des dotations aux provisions et réserves. Cette diminution s'élève aujourd'hui à près d'un milliard au bilan, sans compter celle liée au désastre de la gestion financière de la BCG apparue au grand jour en 2000. Ces provisions, c'est important, sont jugées suffisantes et ne doivent pas faire l'objet de surdotations, raison pour laquelle elles diminuent légèrement en 2002.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste se déclare satisfait de ces comptes et de la rigueur avec laquelle l'Etat a su gérer ses dépenses, tout en remplissant ses obligations et engagements à l'égard de la population. Je vous remercie.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai beaucoup plus brève que mes préopinants, tout d'abord pour dire que les comptes 2002, se soldant avec un excédent de revenus de 24,5 millions avant la réserve conjoncturelle nous permettraient de dire : «Ouf!» après avoir entendu toutes sortes de rumeurs prévoyant un déficit de plusieurs millions. La question qui tient particulièrement à coeur le groupe des Verts lors de l'examen de ces comptes consiste à vérifier, comme chaque année, que le rôle assigné à l'exécutif a bien été celui voulu par ce Conseil et par les citoyens. Nous verrons cela en commission des finances, lors de l'examen des différents départements.

Les domaines que nous estimons prioritaires sont la protection de l'environnement, l'éducation, ainsi que la formation et l'équilibre social, pour ne citer que ces trois points auxquels les commissaires issus de nos rangs seront plus attentifs.

En ce qui concerne les revenus, le récent vote de la majorité de la commission fiscale, voulant la suppression de l'impôt sur la succession, nous inquiète: comment l'Etat pourra-t-il assumer son rôle si les revenus sont diminués? Il nous semble que cette proposition émanant de l'Entente tombe vraiment au mauvais moment: la conjoncture économique est mauvaise, et bien malin celui qui sera en mesure de prédire le moment d'une reprise ou d'une embellie économique. La suppression de l'impôt sur la succession et les autres projets de loi visant à réduire les rentrées fiscales devraient, à notre sens, être repoussés à un moment plus opportun.

Pour ce qui est de la dépense, de manière plus générale, nous souhaitons que le Conseil d'Etat poursuive sa politique anticyclique en matière d'investissements, par exemple en continuant d'investir dans la construction ou la rénovation des lieux d'enseignement ou, encore, en améliorant les réseaux piétonniers ou ceux des pistes cyclables, plutôt que d'investir dans la construction de routes ou de tunnels routiers. Avoir une politique financière qui va dans le sens du développement durable ne coûte pas toujours plus cher, mais implique un raisonnement politique différent!

Une voix. Paye-toi une trottinette!

Mme Morgane Gauthier. Les éléments préoccupants de ces comptes consistent dans les aides directes de l'Etat, non pas pour les montants mais plutôt pour les habitantes et habitants qui sont représentés par les chiffres donnés: par exemple, pour l'assurance-maladie, bien qu'en recul, et l'OCPA. Beaucoup de personnes ont besoin des aides directes de l'Etat, et on peut constater beaucoup de disparités parmi les habitants de Genève. C'est en cette période, quand l'économie est tendue, que l'Etat doit avoir les moyens d'aider les habitantes et habitants de notre canton qui sont en difficulté. Sous réserve de l'examen en commission des finances, nous accueillons favorablement ces comptes et nous réjouissons de les examiner de plus près. Je vous remercie.

Le président. Monsieur Velasco, vous avez souhaité prendre la parole. Il vous reste quatre minutes.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dans les conclusions du rapport des comptes, le Conseil d'Etat indique que ces comptes doivent nous inciter à une certaine prudence, voire à déterminer quelques mesures préventives pour l'évolution des finances publiques. S'il est vrai qu'en période de baisse conjoncturelle il faut opérer des choix qualitatifs de nos dépenses, il faut toutefois tenir compte des politiques anticycliques que tout Etat se doit mettre en place afin d'atténuer les effets de la conjoncture.

Au sujet de la dette et des revenus courants, on aurait pu, dans l'exposé des motifs, faire mention des effets non induits sous la réduction de la dette, suite à l'acceptation du plan libéral qui s'est traduite par une baisse de recettes pour les finances publiques, entravant ainsi un possible allégement de la dette. Mais qu'en sera-t-il si les projets de loi qui concernent les baisses d'impôts - et qui sont dans le pipeline - passent la rampe? Pendant que l'on restreindra les dépenses publiques, certains se verront gratifiés de baisses d'impôts.

Si l'on peut être d'accord sur le fait qu'il faut gérer nos deniers avec le sens de l'efficacité, on ne peut, à la suite de situations tout à fait conjoncturelles, simplement transposer, à un état ou à une collectivité locale, les règles de gestion financières prudentes des ménages ou des entreprises. En effet, un déficit ne pose pas forcément un problème, et il ne faut pas perdre de vue le fait que l'administration cantonale représente les intérêts des citoyennes et citoyens contribuables, et non pas des objectifs indépendants.

Enfin, et à ce titre, il faut citer deux chiffres qui doivent nous inciter aussi à une certaine vigilance, celui des ratios des dépenses sociales, qui sont légèrement en baisse, et celui des services rendus. Je vous remercie.

M. Philippe Glatz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui l'examen des comptes qui nous sont soumis consiste à jeter un regard sur le passé et à prendre acte de ce qui a été fait dans l'année 2002, traduit en termes monétaires. Au contraire du budget, qui est un acte dynamique, l'examen de comptes consiste à établir un constat, et il faut faire en sorte que ce dernier nous permette de nous projeter dans l'avenir en tirant les enseignements du passé. Indéniablement, le Conseil d'Etat lui-même souligne dans sa présentation des comptes que l'on peut avoir affaire à un résultat positif, cela néanmoins dans le cadre d'une évolution préoccupante; le groupe démocrate-chrétien partage le souci de cette évolution préoccupante.

Mon collègue, M. Odier, en a déjà parlé, en soulignant que, à quelques pourcentages près, les comptes qui nous sont présentés s'inscrivent quasi parfaitement dans le cadre budgétaire défini, ce dont on pourrait être extrêmement satisfait. Néanmoins, ce résultat, obtenu grâce à l'artifice de la dissolution de provisions, n'est pas aussi positif qu'on pourrait le dire, puisque ces provisions avaient été essentiellement constituées pour permettre d'assurer un effet d'amortissement.

Depuis plusieurs années, alors même que nous nous étions fixé pour but de diminuer la dette que nous laisserions aux générations suivantes, nous ne parvenons pas à réduire cette dernière pour toutes sortes de raisons dont vous avez connaissance, notamment le lourd handicap que constitue l'affaire de la banque cantonale, ainsi que les charges liées à l'engagement de l'Etat auprès de la fondation de valorisation, et c'est préoccupant.

On peut relever un autre sujet de préoccupation, celui-ci a trait aux recettes, car, si nous voulons maintenir le train de vie de l'Etat, il faut bien qu'il y ait des rentrées d'argent. Or le budget s'élève aujourd'hui à six milliards, un chiffre qui peut paraître abstrait, mais qui, divisé par le nombre d'habitants à Genève, revient à quinze mille francs par personne, c'est-à-dire plus de mille francs par mois et par habitant, nouveau-nés et vieillards compris. C'est donc pour nous une mission importante que cette somme soit, le plus possible, gérée avec rigueur et dépensée avec parcimonie.

Il faut savoir que ces six milliards sont également le fait d'impôts qui pèsent sur la population active, c'est-à-dire ceux qui engendrent ces richesses. Il ne sera pas toujours possible de leur demander de combler les augmentations de charges que nous voyons s'accroître d'année en année. En effet, il a été souligné dans le rapport et dans l'exposé des motifs que les charges - sans tenir comptes des provisions, cela s'entend - augmentent de 3,3 %, soit de près de 200 millions. Cela constitue également un sujet important de préoccupation.

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, dans le cadre de la commission des finances, nous serons attentifs, en compagnie des autres commissaires, non seulement à l'examen de chacune des rubriques liées à ces comptes, mais aussi et surtout à l'examen du rapport de gestion, parce que ce dernier nous fournit l'occasion d'analyser le rapport d'adéquation qui doit subsister entre les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus. C'est peut-être ce qu'il y a de plus intéressant à analyser, nous permettant une projection dans l'avenir, comme je l'ai souligné au début de mon intervention, et l'opportunité d'une amélioration de certains procédés afin de se montrer plus économes encore.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien, suite à l'examen du rapport de gestion, essaiera d'en tirer les enseignements de manière à faire des propositions concrètes relatives au budget 2004 dans un souci d'économie, au bénéfice de l'ensemble de notre population. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Il reste exactement cinq minutes au groupe démocrate-chrétien et je donne la parole à M. Blanc.

M. Claude Blanc (PDC). Merci Monsieur le président, vous voyez que nous partageons le temps avec équité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai toujours été concaincu que le Conseil d'Etat nous présentait des comptes sincères et des budgets véridiques. J'en reste d'ailleurs persuadé. Cependant, permettez à un député non spécialiste de la gestion financière de vous avouer qu'il a parfois le «tournis» en voyant de quelle manière budgets et comptes évoluent. Le «tournis» en effet, quant au mode de présentation des comptes, tout d'abord, car, depuis bientôt vingt ans que je fais partie de ce Grand Conseil, je ne crois pas qu'un an ne se soit passé sans qu'un certain nombre de rubriques changent, rendant ainsi impossible toute comparaison avec l'année précédente. On a aussi pratiqué, depuis peu d'ailleurs, le système des provisions et réserves, dont j'avoue ne pas toujours comprendre les modalités, mais qui m'apparaît un moyen de masquer les différences d'une année à l'autre, de manière à empêcher le débat politique consécutif à une analyse fouillée des comptes. Je ressens un certain malaise, je le reconnais, car l'année dernière nous avions obtenu d'excellents résultats, qui ont été «limés» afin de minimiser leur aspect positif, et, cette année, il me semble qu'on utilise ce qu'on avait mis de côté l'année dernière afin d'éviter de faire apparaître un déficit. C'est une politique, mais j'avoue qu'elle rend difficile pour le député de milice la prise de conscience réelle de l'évolution des comptes de l'Etat.

Après une succession de changements, on en est venu au postnumerando, qui nous a certes été imposé. Le postnumerando revient à comptabiliser les dépenses avec exactitude, alors que les recettes ne sont qu'estimées.

Mme Brunschwig Graf nous en a déjà parlé, tant à la commission des finances qu'à la commission fiscale, je sais et j'admets que cette estimation a été effectuée selon des procédés scientifiques éprouvés. Cependant, lorsqu'on travaille sur la base d'une estimation, le doute me semble toujours permis. Veuillez me pardonner cette comparaison, mais la météorologie n'est pas une science exacte, et j'ai le sentiment que l'établissement de cette estimation s'apparente à l'exercice d'une activité telle que la météorologie. On ne peut, par conséquent, pas se faire une idée réelle de cette estimation représente. Encore une fois je pars du principe que le Conseil d'Etat est digne de confiance - j'ai d'ailleurs prouvé ma confiance lors des deux derniers établissements de budget, lorsque j'ai lutté pour qu'ils soient adoptés, estimant qu'ils étaient conformes aux besoins du canton - mais je dois reconnaître que je n'y comprends plus rien. J'aimerais tout de même qu'on me rassure.

Considérons ainsi le budget 2003, qui a été préparé pendant l'été passé et voté le 15 décembre dernier : le groupe de prospective économique avait attiré l'attention sur le fait que les recettes prévues au budget 2003 ne pourraient pas être atteintes. Pourquoi ne nous l'a-t-on pas dit à ce moment ? Je reste sur ma faim et, le président me montrant le carton rouge, j'en resterai là pour ce soir.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je voudrais commencer mon intervention sur la base d'une déclaration de M. Claude Blanc qui a dit ne plus rien comprendre aux comptes. J'ai l'impression que M. Blanc a certainement saisi beaucoup de choses, alors que ceux qui ont parlé avant lui n'ont manifestement rien compris aux comptes. De quoi s'agit-il ? On nous dit qu'il y a eu des dissolutions de provisions pour camoufler quelque part un déficit de l'ordre de 300 millions, comme l'a dit un représentant de l'UDC. Le même représentant de l'UDC, au moment des discussions ayant trait à l'examen des comptes 2001, n'a pas signalé que les mêmes provisions qui avaient été constituées étaient en réalité un boni. Si ces provisions sont véritablement destinées à être dissoutes pour réduire un déficit, cela signifie qu'il s'agissait bien d'un boni et que, par conséquent, l'Etat avait réalisé une très bonne performance! Ce qui n'a pas été dit. Derrière les déclarations faites par les représentants de la droite - et nous entendrons certainement le représentant du groupe libéral - il y a un mécontentement face à des résultats qui les déçoivent. Cette déception n'est pas due au fait que les chiffres ne sont pas aussi bons qu'ils le souhaitent, mais au fait que ces chiffres ne sont pas aussi mauvais qu'ils l'auraient souhaité. Pour pouvoir, justement, mettre en pratique leurs objectifs, ainsi que ceux de l'UDC, à savoir d'attaquer un état social qui offre des prestations à la population et, par conséquent, d'amoindrir l'intervention de l'Etat par le biais de l'asséchement des finances publiques!

Je ne l'invente pas, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, les déclarations de vos maîtres à penser sur le plan fédéral, économie suisse et autres, l'attestent! Preuve en est de la diminution des impôts cantonaux de 12 %, ce qui fait 200 à 300 millions de moins par année, et qui avait pour but l'afflux des millionnaires que vous aviez prévu, afflux qui ne s'est pas révélé effectif! Cela n'empêche d'ailleurs pas que lesdits millionnaires sont toujours présents dans le canton, arborant des fortunes de plus en plus importantes. Vous avez décrit la situation comme étant catastrophique... Je vais vous donner quelques chiffres à ce sujet pour clarifier les choses. Prenons, par exemple, les dépenses ayant trait au fonctionnement: en 1993, il y avait 391 000 habitants; en 2002, il y en avait 424 000; soit une augmentation de la population équivalente à la population des villes de Nyon et Vevey réunies. Ce qui ne vous intéresse pas de savoir, Monsieur Blanc... (L'orateur est interpellé.)J'y viens, Monsieur Blanc! Les charges de fonctionnement en francs constants par habitant, en 2002, s'élèvent à 4918 francs, alors qu'en 1992 elles s'élevaient à 5000 francs. Il y a donc une stabilité des charges de fonctionnements par habitant durant ces dernières années. Prenons maintenant les investissements par habitant, Mesdames et Messieurs! En 2002, ils s'élèvent à 445 francs, en francs constants. De 1970 à 2002, ces chiffres sont restés quasiment inchangés, alors que les autres types de dépenses ont subi des augmentations s'échelonnant entre 10 et 75 % supplémentaires. Lorsque vous parlez des charges dont les montants auraient explosé, vous êtes à côté de la réalité, qui est tout autre. Ce qui a explosé pendant cette période, Mesdames et Messieurs, ce sont la précarité et la pauvreté, d'un côté, et la richesse accumulée par une infime partie des contribuables genevois, de l'autre!

Je vous donne un autre exemple: en 2000, le capital imposé s'élevait à 61 milliards; en 2002, celui-ci avait rejoins les 86,5 milliards, soit plus de 25 milliards de plus en deux ans! Le bénéfice imposé est passé de 3,6 à 4,7 milliards: il y a donc beaucoup d'argent sur la place financière genevoise! Certains groupes de droite - mais je ne mets pas tout le monde dans le même sac - témoignent d'un sens civique plus aigu lorsqu'il s'agit de finances publiques. Prenons les charges concernant le personnel: vu l'augmentation du nombre d'habitants à Genève, l'extension de la précarité et de la pauvreté, tous les problèmes ayant trait à l'assurance-maladie, à l'hospice général, toutes ces charges représentent une intervention de l'Etat, destinée à réparer les dégâts que ceux que vous soutenez, Mesdames et Messieurs les députés, ont commis! Nous ne sommes pas dupes! Vous seriez ravis si la nouvelle conseillère d'Etat vous annonçait un déficit de 300 millions. Dans ce cas, vous la jugeriez une excellente conseillère d'Etat! Je dénonce ici une injustice que je qualifie d'insupportable commise de votre part à l'égard de Mme Calmy-Rey qui a apporté une contribution extraordinaire au redressement des finances publiques, ce qui vous déplaît! Vous la dénigrez, alors qu'elle n'est plus ici pour vous répondre, ce que je ne vous laisserai pas faire! Oui, la dette a été reduite! Cependant, vous savez parfaitement que les fonctionnaires et le service public ne sont pas responsables des 2,7 milliards de provisions concernant la débâcle de la banque cantonale. Ce sont des personnes qui appartiennent à votre monde, qui sont responsables... (Brouhaha.) (Remarque de M. Dupraz.)Nous verrons lesquels seront inculpés!

Si les 2,7 milliards de provisions représentaient effectivement une dette, comme certains l'affirment, il faudrait alors dire que c'est plutôt de dix milliards dont il s'agit - et cette somme est soumise des fluctuations dans la mesure où certains revenus n'ont pas encore été encaissés. Or que signifient ces 2,7 milliards ajoutés à la dette? Que cette dernière doit diminuer! Au fur et à mesure, et grâce à un certain nombre d'amortissements. Vous ne mentionnez pas ces 2,7 milliards, Mesdames et Messieurs les députés de droite !

Et les 300 millions environ payés par l'Etat pour amortir les pertes, dues précisément à la spéculation et à cette gestion - que je qualifierai de plus ou moins «mafieuse» - des finances de la collectivité publique à travers la banque cantonale? Eh bien, vous n'en parlez pas !

Alors je vous dis ceci: ces comptes, nous les examinerons en commission des finances et nous ne laisserons pas faire celles et ceux qui s'imaginent pouvoir les utiliser pour s'en prendre aux services publics, aux prestations à la population et à l'Etat social! Faites donc en sorte que l'initiative 113 passe, si vous voulez réduire la dette, tout comme nous le voulons aussi! Je suis persuadé que les quelques milliers de francs de contribution de solidarité temporaire demandée à travers cette initiative sont beaucoup plus supportables par les multimillionnaires que les sommes que vous voulez infliger à la plus grande majorité de la population!

M. Pierre Weiss (L). Il y a deux moments essentiels dans notre activité parlementaire: celui durant lequel nous nous occupons du budget et celui où nous commençons à nous occuper des comptes, qui nous donneront plusieurs semaines de travail intense.

Dans cette appréciation des comptes de l'Etat 2002, je crois qu'une synthèse pondérée des besoins sociaux, d'un côté, et des possibilités sociétales, de l'autre, doit être effectuée. J'entends par là... (Brouhaha.)Malgré ce barbarisme qui sonne mal aux yeux de mon collègue Blanc... (L'orateur est interpellé.)Et même aux oreilles! J'entends par ce barbarisme les possibilités et la volonté qu'ont les citoyens, ainsi que l'a relevé M. Mouhanna, de contribuer à un accroissement de la ponction fiscale, et nous verrons bien comment se prononcera le peuple à cet égard.

Il faut faire un certain nombre d'observations sur ces comptes, que je résumerai comme suit: ces comptes sont tout d'abord inquiétants et ils le sont d'autant plus qu'ils sont incertains. Ils nous permettent encore de broyer du noir, mais peut-être que l'an prochain nous broierons du rouge, Monsieur Mouhanna, si je peux me permettre ce jeu de mots! Le groupe libéral n'avait pas voté le budget 2002, parce qu'il lui semblait que ce dernier impliquait une augmentation excessive des dépenses et des recettes incertaines. Il y a dans ces comptes un gouffre qui commence à être visible, avec d'un côté des dépenses qui explosent et, de l'autre, des recettes qui implosent. Et les genevois ne sauraient se satisfaire de ces comptes! Mme Grobet-Wellner a relevé que les différences étaient infimes par rapport au budget prévu. Parfois il faut lire, sinon entre les lignes, en tout cas la colonne d'à côté! Par rapport aux comptes 2001, la dérive est plus inquiétante. Je ne prendrai qu'un exemple: les dépenses générales augmentent de 20 % par rapport aux comptes 2001, mais elles augmentent quand même de 10 % par rapport au budget 2002, Madame Grobet-Wellner!

De plus, il y a une diminution de l'impôt sur la fortune et les successions, ainsi qu'une diminution de l'impôt sur les entreprises. Voilà une perspective qui doit, je crois, nous inquiéter! La modification des recettes, notamment en matière d'impôt sur la fortune, doit nous faire penser à une chose: lorsque la progressivité de l'impôt est trop forte en période de conjoncture favorable, l'augmentation des recettes est considérable, alors qu'en période de conjoncture défavorable la diminution des recettes est, elle aussi, considérable. Nous sommes en train de courir actuellement le danger d'une proportionalité.

Il y a, dans ces comptes, d'autres augmentations que l'on peut relever: par rapport à 2001, une augmentation de 7 % des dépenses relatives au personnel; une augmentation de 4 % des subventions - et je peux d'ores et déjà annoncer qu'un projet de loi sur les subventions sera prochainement déposé devant ce Grand Conseil. Les dépenses générales dont je parlais incitent même le Conseil d'Etat à déclarer qu'il y a un besoin de davantage de rigueur et d'instruments de contrôle efficaces, dans la durée - ce qui signifie que cette rigueur a fait défaut jusqu'ici et que ces instruments de contrôle efficaces n'existent pas. J'ajoute à cela l'évolution de la dette: en 1998, la dette avait à peine dépassé les dix milliards; en 2002, elle se rapproche à nouveau fortement de cette somme, cela revient à une dette de 24 000 francs par habitant, nourrissons compris. Cette dette n'inclut pas l'ardoise de la banque cantonale ni les dettes de certains qui sont subventionnés. En d'autres termes, une maîtrise a été perdue dans cette évolution au cours de ces dernières années, il s'agit par conséquent de la retrouver. (Commentaires.)A cette inquiétude, j'aimerais ajouter certaines incertitudes! M. Blanc y a fait allusion, les incertitudes découlent du fait que nous connaissons avec précision le montant des dépenses mais pas celui des recettes. Pour plusieurs raisons techniques liées au temps, à la nouvelle fiscalité et à la comptabilisation des recettes, le montant des recettes fait l'objet d'estimations, d'autant plus que 10000 personnes, au moment où les comptes étaient présentés, et 6000 personnes, à l'heure où je vous parle, n'ont pas reçu leur décision de taxation. Cette appréciation des comptes, que je fais au nom du groupe libéral, n'est que - et cela peut inquiéter ceux qui ont une autre vision, sinon de la société, en tout cas du rôle de l'Etat - le prélude à un assainissement d'une gestion que nous considérons, sinon excessivement sociale, en tout cas manifestement socialiste des finances cantonales... (Chahut.)Et, dans toute la population genevoise, nous plaçons tous nos espoirs en notre conseillère d'Etat qui saura attester de davantage de souci d'économie, d'efficacité et d'efficience! (Commentaires.)

Je terminerai en disant que la Cour des comptes, dont la naissance approche, devra aussi apporter une aide en vue d'un accroissement du contrôle de l'évolution des dépenses de ce canton. Enfin, je crois qu'il serait bon de mener une réflexion sur la justification de certaines des dépenses de cet Etat: toutes trouvent évidemment toujours des justifications; toutes trouvent encore plus souvent des justificateurs, qui sont excessivement culpabilisés. Il faut que ces derniers soient déculpabilisés afin de voir quels sont les besoins réels et quels sont ceux qui s'avèrent être des faux besoins. Car nous savons fort bien qu'en matière de besoins la liste est infinie! En conclusion, le parti libéral prendra position après un examen approfondi des comptes en commission des finances, qui résultent d'un budget qu'il n'avait pas approuvé. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Gilbert Catelain (UDC). L'enseignement majeur des comptes de l'Etat réside d'une part dans le fait que le ménage commun, représenté par le Conseil d'Etat, vit au-dessus de ses moyens et, d'autre part, dans le fait que l'Etat ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour conduire une politique anticyclique. Sous réserve de la confirmation des rentrées fiscales, notre Etat a vécu sous perfusion, à raison de deux millions d'emprunts supplémentaires par jour. Les dépenses salariales souffrent d'une tumeur maligne qui a grossi de 7% en 2002. Les subventions, qui représentent 64 % de l'impôt, pour des prestations à peu près similaires, ont crû de 4%. Les dépenses générales souffrent, quant à elles, d'une prise de poids de 20%, et aucun remède ne semble à portée de main. En résumé, les finances de l'Etat souffrent surtout des largesses du Conseil d'Etat et de ce parlement, qui a voté des augmentations de budget et de subventions inconsidérées. Mesdames et Messieurs de l'Entente, un peu moins de discours et davantage de courage!

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, j'ai promis que je ne dirais rien sur «l'éloge» de Pierre Weiss. Mais je n'en pense pas moins...

Nous avons donc reçu la dernière livraison des Editions de la Pléiade. Cinq cents pages, Mesdames et Messieurs, d'une très haute qualité, dans un français châtié, avec moult choses intéressantes, et nous voici tous transformés en critiques littéraires!

En quoi le raisonnement pèche-t-il ? Bien évidemment, nous avions reçu le scénario avant, chacun d'entre nous s'était fait une idée sur ce que nous allions lire et, malheureusement - ce sont les drames de l'édition - de temps à autre, la version finale ne correspond pas à ce que nous en attendions! On peut alors fustiger l'auteur, qui nous avait dit que tout allait bien, que les recettes allaient s'élever à ceci, que les dépenses s'éléveraient à cela... Mais la réalité écrite est, ma foi, fort différente! Je me réjouis que nous ayons l'occasion de lire ces comptes plus à fond, pour arriver à séparer le bon grain de l'ivraie, et déterminer ce que ce document va nous révéler par rapport au futur, de façon à éviter les excès d'optimisme dont nous avons pu faire preuve par le passé.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, à l'écoute de vos propos je me suis surprise à regretter le département de l'instruction publique pendant un instant. (Commentaires.)Je me demandais si, lorsque j'ai présenté les comptes, remis les documents, détaillé et encadré ce qui y était écrit - et qui est sous mes yeux - cela correspondait bien à ce que, des deux côtés du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez lu!

A l'UDC, qui a crié à la supercherie quant aux provisions qui faisaient apparaître un boni, je tiens à dire - comme je l'ai mentionné dans le texte, comme je l'ai dit aux députés lors de la présentation et relevé à la commission des finances - que j'aurais fort bien pu - et j'insiste sur ce point, Madame Grobet-Wellner - ajouter 140 millions de provisions supplémentaires, que vous n'auriez pas pu me le reprocher et que vous auriez trouvé des comptes négatifs. Et j'aurais pu tout aussi bien justifier cela en adoptant les mêmes méthodes que l'année précédente. Mais j'avais un scrupule important: nous étions sous le régime du système postnumerando pour la première fois, les provisions avaient déjà souffert de méthodes variables, et nous n'étions pas en mesure de dire de manière objective si le niveau des provisions fiscales était suffisant ou pas. Les avis divergent sur ce point; il n'est pas possible de le confirmer ou de l'infirmer sans qu'une vérification approfondie ne soit effectuée. Je n'ai donc pas voulu que ce débat sur les comptes s'ouvre sur cet élément. Il n'y a pas de quoi être optimistes, Mesdames et Messieurs les députés! Je n'ai pas voulu cela parce que je ne souhaitais pas que le débat s'articule autour des provisions alors même que je désire qu'on assainisse certains principes. C'est pourquoi là où aurait tout aussi bien pu apparaître un déficit, apparaît un boni dans les provisions. Il est ainsi irrelevant de se satisfaire aujourd'hui de ce boni! On peut s'en féliciter car il alimente la réserve conjoncturelle pour moitié, mais, comme je l'ai dit en commission des finances et en conférence de presse, si vous ôtez les provisions, vous vous apercevrez que les dépenses augmentent de 195 millions alors que les recettes ne suivent pas ce rythme, et surtout pas sur le plan fiscal.

J'ai eu l'occasion de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que, si vous nous voulions nous en sortir dans la durée, il fallait que la courbe des dépenses de personnel et celle des subventions suivent un rythme pratiquement égal à celui des recettes fiscales. Et dès lors que l'on s'écarte de ce dernier, comme cela a été le cas durant les dix années que vous avez fustigées, nous courons un risque important et durable. On pourrait dire des comptes qu'ils sont bons, si l'on en croit le boni, mais les dangers demeurent et l'on ne doit pas se satisfaire de cette seule constatation.

Quant à la dette, elle est due à des éléments divers, tout comme l'est sa croissance. Contrairement à ce l'on imagine, le postnumerando ne constitue pas la part la plus importante, car ce dernier ne représente que 200 millions tout au plus par rapport aux 750 millions d'augmentation de la dette. Le reste est le fait de différentes décisions provenant de reports de dépenses, comme de la Fondation de valorisation, et, quand j'ai dit que le niveau de 2001 se situait à un niveau inférieur que nous ne pourrions atteindre durablement, c'est une réalité avec laquelle nous devrons désormais compter. Comment analyser le budget 2003, basé sur des recettes estimées en juin 2002 qui n'ont pas été révisées, sans faire de catastrophisme? Comment faire en sorte que les dépenses soient maîtrisées, que les budgets suivants ne soient pas déficitaires de centaines de millions? Je défie quiconque de venir m'accuser demain, si les budgets sont déposés, d'être libérale s'il y a 100 millions de déficit ou d'être socialiste s'il n'y en a pas. Cela n'a aucun rapport avec ces questions, la problématique est autre. Nous traversons une période troublée et l'abaissement des recettes de l'impôt sur le bénéfice de 163 millions en est un signe. Là où je diffère de l'avis de la gauche quant à l'IN 113, c'est que je pense qu'en réalité il ne suffit pas d'appliquer des impôts supplémentaires sur des recettes fiscales en baisse. Cela n'a pas de sens parce que vous frappez justement là où il y a affaiblissement dans la production! Il serait beaucoup plus commode de décréter que l'on dispose de 150 millions de recettes supplémentaires, mais, si vous observez attentivement ce qui s'est produit dans les comptes, et risque de se reproduire, c'est que vous frappez en premier lieu dans les 20 % qui forment les recettes fiscales des personnes physiques. C'est ici que le bât blesse, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a adopté une position négative s'agissant du 18 mai prochain.

Oui, le postnumerando nous conduit dans une situation telle que les recettes ne peuvent qu'être estimées dans l'année en cours. C'est une réalité du postumerando. Vous me permettrez tout de même une boutade: la Confédération, qui a toujours procédé selon le principe de caisse, a accusé des divergences en matière d'estimation de recettes de l'ordre du milliard en plus, souvent, en moins également. Ce n'est donc pas un problème de système fiscal, mais d'entente sur les éléments qui constituent les appréciations de base. De sorte que, si nous sous-estimons les recettes, nous en retrouverons le bénéfice l'année suivante, alors que si nous les surestimons nous payons cela l'année suivante! Nous ne pouvons par conséquent pas nous permettre de ne pas chercher les meilleurs éléments d'estimation puisque nous répondons des comptes de l'année suivante, et c'est justement ce qui doit consituer le garde-fou de nos estimations.

Pour terminer, le président de la commission des finances a relevé l'autre jour une chose qui m'a paru frappée au coin du bon sens: nous sommes ici pour faire un constat. Je souhaite que ce constat soit partagé sur les inconvénients comme sur les avantages et que, de ce dernier, chacun tire les convictions politiques qui sont les siennes. De la même façon qu'il faut une fiscalité équilibrée et non confiscatoire, il faut que nous maîtrisions nos dépenses. Parce que tous ici, pendant les deux ou trois années de boni, ont pensé qu'il était possible de dépenser davantage! Je crois que la discipline que nous devons instaurer pour traverser ces années difficiles doit être partagée par tous. J'ai été élue, Mesdames et Messieurs, et choisie par le Conseil d'Etat pour mener à bien une politique des finances durant les prochaines deux années et demie. Sans esprit partisan, je vous annonce clairement que les signaux sont allumés mais qu'il nous appartient de choisir si nous voulons ou non sauter dans le gouffre.

Ces projets sont renvoyés à la commission des finances.