Séance du
vendredi 28 mars 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
6e
session -
31e
séance
PL 8904 et objet(s) lié(s)
Préconsultation
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Ce projet de loi est une des réponses au problème des inondations du Lully. Il a bien entendu été écrit avant ces événements. Et la perméabilisation des sols est une des préoccupations des Verts qui s'en inquiètent depuis très longtemps.
Dans ce projet de loi, ce n'est pas la taxe qu'il faut retenir, mais l'objectif qui est de déperméabiliser le sol et de ne pas bétonner inutilement des terrains. Notre souci n'est pas d'instaurer une taxe supplémentaire, puisqu'elle sera remboursable dès que le sol concerné sera perméabilisé. Ce n'est qu'un moyen temporaire pour inciter réellement les entrepreneurs, les architectes, les promoteurs à ne pas bétonner pour rien des zones actuellement naturelles.
Pourquoi avons-nous ce souci ? Simplement parce que la terre respire; parce qu'elle est source de vie. Plus on rendra des surfaces étanches, plus les risques d'inondation augmenteront, puisque l'eau ne peut pas être épongée naturellement par la terre, et ceci surtout dans les localités où les eaux ont toujours plus de mal à s'écouler naturellement. Nous voulons agir à la source à moindre frais pour diminuer les risque d'inondation et pour redonner à la terre son rôle premier qui est de faire pousser les plantes, source vitale naturelle d'oxygène pour nous. Cela permettra aussi d'améliorer la qualité de vie dans les quartiers déjà trop bétonnés et d'y entendre le chant des oiseaux.
Les surfaces que nous visons sont celles qui n'ont pas besoin de l'être obligatoirement puisque l'article 1, alinéa 1, lettre a, de la LCI est réservé. Ce projet de loi n'a pas la prétention d'être parfait, mais il soulève un problème crucial et primordial: il s'agit de cesser d'imaginer que les surfaces naturelles sont illimitées sur cette planète et qu'il faut tout faire pour les protéger. Je vous propose donc de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale ou, éventuellement, à la commission de l'environnement pour les problèmes techniques.
Le président. Je souhaiterais qu'un peu de calme règne durant les interventions des oratrices et des orateurs.
M. Hubert Dethurens (PDC). Ce projet de loi soulève, il est vrai, une problématique à laquelle on ne peut pas ne pas être sensible. Les graves inondations qui ont eu lieu récemment à Lully n'auraient pas été aussi fortes si la perméabilité des sols avait été plus importante. Si le problème est bien posé, la solution ne convient pas. Proposer des taxes sur la perméabilisation des sols ne me semble pas de nature à améliorer la situation. Il faut envisager d'autres mesures, des mesures d'encouragement et non pas des taxes. Des taxes, il y en a déjà énormément, sur le mètre cube d'eau par exemple. Je pense donc que ce n'est pas la bonne solution.
Néanmoins, nous étudierons ce projet de loi en commission.
Le président. Je renouvelle mon appel à un peu de silence. Messieurs Luscher et Odier, si vous voulez parler pendant que l'orateur s'exprime, je vous prie de sortir de la salle.
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, je vous remercie de remettre un peu d'ordre dans cet hémicycle. Ce projet de loi s'inscrit dans une problématique digne d'intérêt. Toutefois, il me semble que son application se heurtera à des difficultés en fonction des origines de la menace telles quelles figurent dans le tableau qui accompagne le projet de loi. Ces menaces concernent toutes les activités indispensables à la vie courante des habitants: logement, mobilité, approvisionnement. Se pose aussi la question de savoir qui en fin de compte supportera cette taxe et les coûts supplémentaires engendrés par les mesures de sauvegarde. Si c'est l'utilisateur final, c'est-à-dire vous et moi, cette solution est envisageable. Si, par contre, la hausse des coûts d'exploitation et de construction est à la charge des seules entreprises, cela n'est pas envisageable.
Enfin, il serait préférable d'agir en cette matière au niveau national. Genève risquerait en effet de subir des distorsions de concurrence en faisant cavalier seul. Le groupe radical veut bien renvoyer ce projet de loi à la commission que vous voudrez choisir.
M. Alain Etienne (S). Le parti socialiste accueille plutôt favorablement ce projet de loi qu'il faudra étudier en commission. Bien évidemment nous soutenons l'idée qu'il faut préserver les sols et chercher à rendre les surface plus perméables. Cependant, l'idée d'une taxe nous paraît un peu trop radicale, d'autant plus que les Verts, sur d'autres sujets, préconisent plutôt des mesures incitatives sur une base volontaire et font appel à la responsabilité individuelle. Par ailleurs, il existe des initiatives en cours, il faut le souligner, qui visent à utiliser des graviers naturels dans les aménagements urbains. Il ne faudrait pas non plus oublier que la désimperméabilisation des sols ne peut pas se faire partout, car cela comporte quelques risques, je pense notamment aux hydrocarbures et aux huiles qui s'infiltrent dans les sols des parkings végétalisés.
Si ce projet de loi doit être examiné par la commission fiscale, comme le désirent les Verts, il faudra que cette commission procède aux auditions nécessaires, en particulier à celle du service d'écotoxicologie. Pour notre part, nous préférerions que ce projet et la motion qui suit soient renvoyés à la commission de l'environnement.
N'oublions pas non plus que les surfaces en dur offrent un confort évident pour les personnes handicapées, pour les personnes âgées qui ont du mal à se déplacer ou encore pour les mères ou les pères avec des poussettes. Ces surfaces sont aussi des aires de jeu non négligeables. Il s'agit certainement de chercher le plus possible une diversité des matériaux dans les aménagements extérieurs.
En ce qui concerne la motion, nous y sommes favorables si cela débouche sur des actions concrètes et un changement dans les pratiques. Il convient toutefois, là aussi, de mettre un bémol: dresser un inventaire des surfaces et entreprendre une étude de faisabilité demandera certainement un travail colossal pour l'administration. Il s'agit là aussi de clarifier la méthode de travail pour avoir rapidement une vue globale sur cette question.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme tous les intervenants l'ont dit, le problème de l'imperméabilisation des sols est à prendre avec le plus grand sérieux. Le département a d'ailleurs soutenu il y a quelques temps l'opération Croque-Bitume qui consistait à gagner quelques mètres de nature sur des mètres précédemment recouverts de béton. En revanche, la voie évoquée par ce projet, soit la voie fiscale, ne paraît pas être la plus prometteuse, loin s'en faut. Elle pose au contraire un certain nombre de problèmes. A cela s'ajoute que le système proposé, qui fait du DAEL une autorité fiscale, n'est pas souhaitable.
Autant le problème de l'imperméabilisation des sols est un problème qui doit être traité et nous remercions les auteurs du projet de loi de nous y pousser, autant la solution proposée, qui passe par une fiscalisation et un système particulier en la matière, ne nous paraît pas souhaitable.
Le président. Ce projet de loi est renvoyé en commission. Il y a deux propositions: commission fiscale ou commission de l'environnement.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). J'ai proposé la commission fiscale parce que j'ai cru que c'était obligatoire s'agissant d'une taxe. Le renvoi à la commission de l'environnement ne me pose aucun problème, au contraire, je préfère cette possibilité.
Le président. Rien n'est obligatoire en dehors du passage à la commission des finances ou des travaux lorsque les projets de loi entraînent des dépenses.
Le projet de loi 8904 est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je profite de cette intervention pour rappeler aux personnes qui ont parlé de la taxe à propos du projet de loi que cette taxe est remboursable. Il s'agit donc bien d'une taxe incitative. Comme personne n'écoute, je suis obligée de répéter ce que j'ai dit tout à l'heure.
En ce qui concerne la motion, celle-ci s'adresse au Conseil d'Etat pour lui demander de recenser toutes les surfaces publiques où il est possible de rendre le sol perméable et qui peuvent être modifiées. Il me paraît très important de rappeler - même si le temps est précieux dans ce Grand Conseil, je crois que les femmes n'en abusent pas - quelques principes de base, car il y a encore trop d'ignorance concernant les sujets écologiques.
Actuellement les surfaces recouvertes de voies de communications, de bâtiments et d'installations de toutes sortes sont équivalentes à l'étendue du Tessin. Cette confiscation du sol au profit de la construction se poursuit chaque année au rythme d'une surface aussi grande que le lac de Morat. Depuis 1950, les habitants du pays ont sacrifié autant de mètres carrés de sol naturel que ne l'avaient fait toutes les générations précédentes.
Quelles sont les conséquences ? Ce sont évidemment les inondations. Bien sûr, après les inondations tout le monde crie au scandale et réclame des dédommagements. Quand nous proposons des mesures en amont, les gens n'écoutent pas et se demandent ce que les Verts veulent encore. S'il y a des inondations - et cela vaut aussi pour les socialistes - c'est que la circulation des eaux en surface est modifiée. Ne pouvant s'infiltrer, les eaux de pluie coulent sur les surfaces imperméables et forment des ruissellements abondants. Cela engorge les ruisseaux et les rivières et augmente les risques d'inondations et les glissements de terrain. Des quantités d'eau claire s'engouffrent dans les réseaux de canalisations et aboutissent dans les stations d'épuration qui sont déjà surchargées. Les autres conséquences sont: l'épuisement des nappes phréatiques, dont dépend notre approvisionnement en eau potable, ainsi que l'asphyxie de la terre qui respire lorsqu'elle est laissée à son état naturel et meurt quand elle est asphaltée.
Le sol à l'état naturel - cela devrait intéresser les paysans - est un espace vital irremplaçable. Pour ceux qui ne le savent pas, dans les quinze premiers centimètres de la couche supérieure d'un sol naturel vivent d'innombrables espèces d'êtres vivants de petite taille, allant de la bactérie à la taupe. Or, faune et microfaune sont indispensables à la décomposition des matières organiques. L'activité de la faune est fortement réduite, voire détruite dans un sol asphalté. En plus d'abriter des milliers d'êtres vivants, le sol à l'état naturel joue un rôle d'humidificateur. Bien entendu, la vie humaine est en relation directe avec le maintien de cet équilibre biologique.
Tout à l'heure quelqu'un indiquait que les handicapés seraient empêchés dans leurs déplacements si les espaces de bitumes diminuaient. Ce ne sont que les 10% de surfaces bétonnées qui le sont inutilement qui sont visés. Quels sont ces 10%? Ce sont les sols des parkings, les cours intérieures des maisons, les places de jeu, les petites routes, certains trottoirs et beaucoup d'autres endroits encore où il n'est pas nécessaire de se rendre en véhicule.
Pour toutes ces bonnes raisons, je propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jacques Baud (UDC). «Croque-bitume»: quel joli nom !
Nous comprenons fort bien les inquiétudes du parti écologiste, mais il faut tout de même savoir raison garder. Je ne sais pas s'ils font allusion à l'asphaltage de la plaine de Plainpalais, même s'il est provisoire...
Je ne vois pas nos parkings se transformer en herbettes jolies, ni tous les propriétaires de villas dans l'obligation de refaire toutes les allées de leur propriétés en enlevant l'asphalte et le bitume qui pourraient s'y trouver. Je ne vois pas nos trottoirs asphaltés se transformer en terrains boueux quand il pleut, etc. Sans compter les sommes colossales que cela coûtera.
Encore une fois, il faut savoir raison garder. Je trouve donc que cette motion est un peu à côté de la plaque.
Mise aux voix, la motion 1509 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.