Séance du vendredi 28 février 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 5e session - 25e séance

M 1513
Proposition de motion de Mmes et MM. Stéphanie Nussbaumer, Christian Bavarel, Thierry Apothéloz, Hugues Hiltpold, Jacques Follonier, Sylvia Leuenberger, Ariane Wisard-Blum, Souhail Mouhanna, Christian Brunier, Alberto Velasco, Anita Cuénod, Jocelyne Haller, Nicole Lavanchy, Rémy Pagani, Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, Thomas Büchi, Claude Blanc, Guy Mettan, Ueli Leuenberger "halte aux licenciements chez Swisscom"

Débat

Le président. Monsieur Ueli Leuenberger, vous êtes le premier inscrit. Vous avez la parole, Monsieur le député.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Notre motion qui aurait dû être traitée en urgence à la dernière séance reste évidemment toujours urgente...

Je suis satisfait, par ailleurs, que des députés de cinq groupes de notre parlement l'aient signée exprimant ainsi la préoccupation que nous partageons avec les employés de Swisscom et de nombreux citoyens de notre canton et de notre pays.

Le Conseil d'Etat a heureusement déjà pris clairement position à ce sujet, et notre motion doit l'inciter à rester résolument ferme face aux dirigeants de notre Télécom national.

Les licenciements annoncés sont inadmissibles pour une entreprise dont plus de 60% des actions appartiennent à la Confédération. Selon la presse - et c'est ce qui est grave - une autre vague de licenciements - plus de trois mille - est prévue pour l'année prochaine. Une fois de plus les dirigeants d'entreprise d'un service public ne parlent qu'en termes de contraintes et de rentabilité...

On ne dit pas suffisamment ce que la presse a relevé au sujet des vrais motifs des dirigeants de Swisscom. Devenus actionnaires importants - Monsieur Kunz, je ne crois pas raconter de «conneries»: c'est une réalité reprise par toute la presse ! - suite à la privatisation, les membres du conseil d'administration et les cadres supérieurs de Swisscom sont devenus actionnaires et se voyaient déjà devenir riches. Les dirigeants de Swisscom, M. Alder et compagnie, n'ont plus que l'argent et les bénéfices en tête: leur propre argent et leurs propres bénéfices ! Depuis l'émission des actions de Swisscom, ces actions n'ont augmenté que de... 26% pour eux! Un taux trop modeste pour ces managers qui se voyaient déjà multimillionnaires ! Il faut savoir que l'échéance des options tombe cet automne de cette année. Les dirigeants de Swisscom ont un sacré culot de vouloir faire payer leur propre marge de bénéfices, scandaleuse, aux employés de l'entreprise ! Cette entreprise qui fait des milliards de bénéfices doit être rappelée à l'ordre par les collectivités publiques pour qu'elle se comporte comme un service public. Il faut que la Confédération qui détient la majorité des actions défende enfin les intérêts du public et force les dirigeants à adopter une autre attitude.

On connaît le vieux slogan publicitaire des anciens PTT ou Télécom: «Rappelle-toi, appelle-moi»... Peut-être Swisscom doit-il apprendre un jour que les clients, dont l'Etat de Genève, peuvent dire «Rappelle-toi, ne m'appelle pas»...

Le président. Sont inscrits: M. Vanek, M. Brunier, M. Sommaruga et M. Blanc. Monsieur Vanek, vous avez la parole. (Mme Martine Brunschwig Graf interpelle M. Vanek qui retrousse ses manches.)

M. Pierre Vanek (AdG). Non, non, Madame la présidente, je m'arrêterai là... Ne vous inquiétez pas ! (Rires et exclamations.)

Je souscris bien entendu, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, à ce que vient de dire Ueli Leuenberger sur cette situation dramatique. Il est juste et important que nous votions cette motion en signe de solidarité avec les travailleuses et travailleurs de Swisscom qui sont en passe de perdre leur emploi, alors que M. Alder, le principal dirigeant de Swisscom, est effectivement assis sur des capitaux qui se chiffrent par milliards et mène une politique tout à fait condamnable et étrangère à la logique du service public: la recherche du profit maximum pour les actionnaires !

Il faut évoquer aussi - nous faisons un geste en acceptant cette motion - le geste matériel et concret des travailleurs et les travailleuses de Swisscom qui ont cessé le travail lundi dernier - nous étions quelques-uns dans cette enceinte à venir leur apporter notre soutien - et qui ont proposé des mesures de lutte contre la suppression de ces emplois, en abaissant, par exemple, le temps de travail à trente-huit heures. A travers tout le pays, des centaines de travailleurs et de travailleuses de cette entreprise ont cessé le travail durant deux heures. Ils ont eu parfaitement raison, et Swisscom a tout à fait les moyens financiers de payer cette réduction de temps de travail et peut donc conserver ces postes de travail qu'elle veut supprimer.

Le fond du problème est évidemment ailleurs. Il est en effet facile de faire aujourd'hui le procès des Alder et autres dirigeants de cette entreprise, mais la responsabilité incombe à ceux qui les ont mis en place. C'est la responsabilité des courants politiques qui ont impulsé et accepté la privatisation du secteur des Télécom ! De ceux qui ont travaillé allègrement au démantèlement des PTT, un service public qui donnait pleinement satisfaction, qui n'était pas soumis aux aléas de la bourse, qui n'était pas soumis à la spéculation, qui n'était pas soumis au marché ! (Exclamations.)Ce service public était - en principe - soumis à un contrôle démocratique qui aurait dû permettre d'améliorer l'efficacité de cette entreprise.

En 1997, quand les Chambres fédérales ont voté ce train de quatre lois parfaitement sinistres, dont on voit se déployer les effets aujourd'hui, la décision a été soustraite au peuple. On a compliqué volontairement l'exercice référendaire en faisant quatre lois distinctes. D'aucuns, y compris sur les bancs du parti socialiste, ont dit que tout cela était merveilleux, qu'il y aurait un service public plus efficace pour les consommateurs et que les emplois seraient bien entendu préservés. Enfin, bref, les référendaires - les gens de l'Alliance de gauche et certains syndicalistes de gauche - peignaient non pas le diable mais la réalité à venir sur la muraille ! Avec la réalité de la dégradation des services publics, comme c'est le cas de la Poste qui a vu fermer des bureaux fermer et, donc, les files d'attente aux guichets s'allonger ! Et avec la réalité des effets de la spéculation en matière de Télécom qui se traduit par des suppressions d'emplois et par des factures gigantesques suite à cette folie spéculative qui a sévi dans la branche! Nous étions alors traités de rêveurs, de conservateurs et de Dieu sait quoi... Pourtant, nous avions raison à l'époque! Et, bien entendu, il ne faut pas se contenter de faire appel aux bons sentiments des dirigeants d'entreprises qui les ont transformées en entreprises capitalistes comme les autres, comme on le fait de temps en temps quand les effets de leur politique sont un peu trop gros... Il faut faire marche arrière et revenir à un véritable service public qui soit déconnecté de cette logique des marchés, de la Bourse, et qui se préoccupe en revanche de l'intérêt de la grande masse des usagers !

Nous parlons ici de Swisscom, mais c'est toute la branche qui connaît ces problèmes ! Vous n'êtes pas sans savoir que les travailleuses et travailleurs d'Orange - entreprise que d'aucuns présentaient comme une concurrente de Swisscom qui devait faire monts et merveilles - sont également en grève à Bussigny pour défendre leurs emplois, depuis quelques jours. Eh bien, je pense que nous devrions aussi nous solidariser avec eux et pas seulement avec les travailleuses et travailleurs de Swisscom, en votant cette motion!

Cette motion invite le Conseil d'Etat à rappeler à Swisscom ses responsabilités en tant que service public. Il faut bien évidement soutenir cette invite. Il faudra demander au Conseil d'Etat de le faire avec la dernière énergie, parce que c'est - on a pu le constater avec la Poste - un phénomène à répétition, et j'aimerais bien qu'on sorte de ce cercle vicieux. Il faut construire, du point de vue de la République et canton de Genève, une politique cohérente pour intervenir systématiquement en direction de la Berne fédérale pour remettre le service public sur les rails et ne pas se contenter de protester vainement contre les «excès» de la politique néolibérale. Nous devons refuser, comme ont pu le faire les citoyens quand ils ont été consultés dans le domaine de l'énergie électrique, par exemple, cette logique de privatisation, cette logique néolibérale! Il faut revenir à une conception plus digne, plus démocratique et plus sociale du service public! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Annen, je vous en prie !

Monsieur Brunier, vous avez la parole.

M. Christian Brunier (S). Il y a plusieurs manières de réagir face à un drame humain tel que des membres du personnel de Swisscom ou d'autres sociétés de télécommunications qui perdent leur emploi, et qui est aussi un drame pour notre service public à l'ensemble des citoyennes et des citoyens que nous représentons. On peut choisir la manière utilisée par M. Pierre Vanek, qui donne un certain nombre d'explications légitimes et importantes au niveau politique, mais qui tente de tirer la couverture vers lui au niveau de l'AdG en disant qu'à part l'Alliance de gauche personne ne défend le service public dans cette enceinte... Je trouve cette attitude regrettable, au moment même où nous traitons d'une motion signée par cinq groupes sur sept de ce parlement.

Si nous voulons faire avancer ce combat contre ceux qui abusent de la libéralisation des marchés au niveau des Télécom, nous avons tout intérêt à nous regrouper.

Monsieur Vanek, si nous avons pu faire plier la Berne fédérale et la direction de la Poste pour le bureau de Saint-Jean, c'est bien sûr parce que la gauche et les syndicats étaient sur le terrain, mais c'est aussi parce que la population s'est mobilisée et parce que des gens de droite ont soutenu cette action en débarquant à Saint-Jean, comme Mme Martine Brunschwig Graf elle-même. Si nous n'avions pas été si nombreux et n'avions pas regroupé nos forces malgré nos diversités, he bien, je pense que la Poste n'aurait pas cédé par rapport à la situation de Saint-Jean!

Aujourd'hui, je n'ai pas envie de mener un combat idéologique: nous pourrons le faire demain. Toutefois, des analyses idéologiques doivent être faites, car certaines personnes défendent en toute sincérité des employés qui perdent leur travail, que ce soit à la Poste ou à Swisscom, et elles défendent dans le même temps les théories politiques qui favorisent ces licenciements. Nous devons regrouper nos forces, qu'elles soient politiques ou civiles, pour faire plier les dirigeants de Swisscom, pour faire plier le Conseil fédéral, pour que le personnel de cette société en particulier, et des sociétés de télécommunications en général, de même que les citoyennes et les citoyens qui sont clients de ces sociétés soient traités de manière décente.

Nous devons agir dans ce sens, et je remercie le Conseil d'Etat d'avoir pris une position très claire à ce sujet. M. Lamprecht a, en effet, convoqué tous les partis politiques et les syndicats impliqués dans ce dossier, avec leurs différences. Je regrette néanmoins que tous n'aient pas cru devoir répondre à cette invitation: il y avait les partis de gauche et l'UDC, mais aucun parti de la majorité parlementaire... C'est regrettable ! Nous devons unir nos forces. Si tous les partis politiques ici présents faisaient nombre d'actions, conférences de presse, etc., dans les jours qui viennent pour manifester leur mécontentement par rapport à ce qui se passe à Swisscom ou à la Poste, on pourrait infléchir le fatalisme lié au service public.

Je vous rappelle qu'en matière d'énergie des choses ont été faites, en Suisse et en Europe, au nom de la libéralisation - qui n'avaient rien à voir avec la libéralisation, d'ailleurs - et qui l'ont été uniquement pour démanteler le tissu social dans le but d'augmenter les bénéfices. Heureusement, le peuple suisse a refusé la libéralisation du marché de l'électricité ! Que ce soit pour la Poste ou en matière de télécommunications, nous avons aussi les moyens d'infléchir les positions gouvernementales et les positions des conseils d'administration des sociétés publiques ou privées! Nous avons tout intérêt à jouer la carte de l'unité et non de tirer la couverture à nous. Sinon nous irons à l'échec, ce qui n'est pas le but recherché par rapport aux citoyens que nous représentons.

J'espère donc que nous parviendrons à mener des actions communes et à voter cette motion à l'unanimité. Une conférence de presse de l'ensemble des partis genevois serait bienvenue pour les télécommunications et pour la population. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur le député, votre appel n'est pas tout à fait entendu, puisqu'on m'annonce deux amendements présentés par l'Alliance de gauche, que je fais distribuer. Je pense que M. Vanek pourra nous les présenter au moment voulu. Plusieurs orateurs sont inscrits. Si la liste devait encore s'allonger, je serais obligé de proposer de la clore, car nous avons encore beaucoup de points à traiter ce soir.

Monsieur Blanc, vous avez la parole.

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais tout de suite rebondir sur les propos de M. Brunier pour regretter avec lui que les partis de la majorité gouvernementale n'aient pas été tous présents. L'absence du parti démocrate-chrétien est uniquement due à une confusion quant à la date et à l'heure, et je le regrette autant que vous. Mais je peux vous assurer que nous sommes entièrement solidaires de ce qui a été fait.

J'ai entendu toutes sortes de choses sur la privatisation de Swisscom et sur l'appétit incommensurable de ses actionnaires... Admettons ! Mais, Mesdames et Messieurs les députés, qui sont ces actionnaires ? A ma connaissance, près des deux tiers des actions de Swisscom sont entre les mains du Conseil fédéral - 62%, soit près des deux tiers ! Il est donc faux de dire que la privatisation de Swisscom est à la base de tous les problèmes que nous connaissons. C'est vrai que Swisscom a été privatisée, mais c'est vrai aussi que le Conseil fédéral continue à contrôler Swisscom à 62% et que toutes les décisions du Conseil d'administration de Swisscom sont censées avoir l'aval de l'actionnaire majoritaire ! Une société anonyme fonctionne ainsi: c'est l'actionnaire majoritaire qui fait ce qu'il veut. Ce qui se passe à Swisscom - ou alors je ne sais plus quoi penser - ce doit être l'expression de la volonté du Conseil fédéral! Et ça n'a rien à voir avec les actionnaires minoritaires privés. C'est bien le Conseil fédéral, par l'intermédiaire de son responsable, M. Leuenberger, qui devrait dicter - en bonne gestion d'une société anonyme - la politique de Swisscom. Et c'est donc bien au Conseil fédéral qu'il faut s'adresser! Cela ne sert à rien de vilipender les actionnaires privés qui n'ont finalement rien à dire - sinon qu'ils ne peuvent que profiter, comme la Confédération, d'une éventuelle hausse du cours des actions - et qui ne peuvent rien décider, puisqu'ils ne détiennent que 38% des actions ! Mesdames et Messieurs les députés, je pense donc qu'il faut s'adresser au Conseil fédéral.

Je présenterai un troisième amendement... Si vous vouliez bien m'écouter, Monsieur le président, peut-être que cela ferait avancer les débats !

Le président. Je suis toute ouïe !

M. Claude Blanc. Je présente un amendement supplémentaire à la première invite, dont la teneur est la suivante:

«- à rappeler à Swisscom et particulièrement à son actionnaire majoritaire leurs responsabilités en tant que service public...».

Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit! C'est notre gouvernement qui décide de la politique menée par Swisscom, ce ne sont pas les actionnaires ploutocrates répartis un peu partout ! C'est notre gouvernement qui donne des instructions à son représentant au Conseil d'administration! et je voudrais bien savoir, du reste, quelles instructions il a données. Je demanderai donc au Conseil d'Etat de se renseigner à ce sujet. Je dépose donc encore cet amendement, Monsieur le président.

Le président. Merci. Cela fera le troisième... Moi, je sens qu'on s'achemine vers un renvoi en commission...

Monsieur le député Weiss, vous avez la parole.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, il est parfois agréable de faire partie de la minorité, notamment par rapport à la majorité du Conseil fédéral où sont représentés l'UDC, le PDC, le parti radical et le parti socialiste, qui non seulement ont pris position en faveur de la libéralisation des services publics en général, de Swisscom en particulier, mais qui ont encore pris cette semaine une position favorable à la libéralisation du dernier mile ! (Commentaires.)

J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, un certain nombre de considérations. (Brouhaha.)La première est une référence à Friedrich von Hayek. Friedrich von Hayek disait notamment que le libéralisme était une destruction créatrice de richesses. Et où trouve-t-on cette citation? dans un chapitre d'un ouvrage auquel j'ai eu l'insigne honneur de collaborer, signé par un professeur d'éthique de notre Faculté autonome de théologie. Ce professeur a rappelé utilement qu'il fallait considérer l'économie de façon dynamique et ne pas vouloir la rendre statique. Alors, évidemment, cela se situe hors du politiquement correct!

Il faut aussi prendre garde à ne pas confondre les intérêts à court terme avec les intérêts à long terme. Cela dit, Monsieur le président, on ne peut considérer qu'avec une grande tristesse et une profonde compassion les licenciements qui sont annoncés, mais les faits sont les faits. S'il faut considérer les licenciements annoncés - quelques licenciements par rapport au total des emplois de Swisscom - il faut aussi considérer l'évolution de la valeur actionnariale de l'action de Swisscom.

J'ai deux graphiques sous les yeux. Le premier représente l'évolution de l'action de Swisscom sur cinq ans. Durant ce laps de temps l'action baisse légèrement, mais en une année la baisse est dramatique. En d'autres termes, la société Swisscom et son actionnaire principal - qui est responsable socialement de la préservation des intérêts des employés restants, Monsieur Blanc - prend en considération la survie de l'entreprise dans une économie qui est concurrentielle sur le plan international. C'est un point qui mérite d'être rappelé. Il s'agit, bien entendu, de la sauvegarde des emplois et, à long terme, de la création de richesses et de la création d'emplois dans le secteur des télécoms, dans l'économie dans son ensemble. Il faut donc considérer que nous devons favoriser une allocation optimale des ressources, des richesses, pour éviter d'avoir, en fin de compte, une économie stabilisée, une économie morte.

Cette proposition de motion confond largement le service public avec le service au public. Et j'aurais préféré davantage de sincérité de la part des auteurs de la motion qui confondent le maintien des emplois avec ledit service public, parce qu'ils n'osent pas parler de service au public. S'il fallait modifier la première invite, il faudrait rappeler à Swisscom ses responsabilités en tant que service au public - et je crois que Swisscom a le sens de ses responsabilités en tant que service au public...

Je précise au passage que Swisscom contrôle, à fin 2002, 65% du marché helvétique et qu'elle engrange 75% du chiffre d'affaires dans le domaine des communications.

En d'autres termes, s'il fallait se préoccuper de quelque chose, il faudrait aussi se préoccuper des capacités concurrentielles des autres sociétés. M. Vanek a utilement rappelé l'existence de la société Orange, dont le but principal est de pouvoir continuer à exister dans des conditions de concurrence équitables.

J'aimerais enfin dire, Monsieur le président, qu'il faut éviter d'être contradictoire lorsqu'on propose une motion. De vouloir une chose et non pas son contraire, mais une chose et une autre... On ne peut pas vouloir et le service au public et le maintien des emplois dans cette entreprise de façon fixiste! Il faut vouloir le service au public et le développement des emplois dans l'ensemble de l'économie ! Les contraintes de rentabilité sont évidemment des contraintes dont certains députés des bancs d'en face font peu de cas, mais il faudrait néanmoins que les députés radicaux et PDC y apportent plus de considération. Monsieur le président, je terminerai ainsi cette intervention.

Le président. Monsieur Weiss, vous avez en tout cas contribué à animer le débat... En effet, onze orateurs sont inscrits et quatre amendements ont été déposés, dont certains sont assez trapus. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Nous allons parler exclusivement sur le renvoi en commission, jusqu'à ce que vous me disiez que vous voulez voter sur ce renvoi. Sont inscrits MM. Catelain, Kunz, Vanek, Barrillier, Velasco, Mouhanna, Marcet, Pagani, Beer, Grobet et Luscher. (Exclamations.)Monsieur le député Annen, je viens de dire que les orateurs s'exprimeront exclusivement sur le renvoi en commission. Mais ils peuvent y renoncer.

M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, rassurez-vous, mon intervention ne sera pas aussi longue que celle du député libéral...

Il est effectivement choquant de voir une entreprise semi-publique - qui fait encore des bénéfices, heureusement - se séparer d'une bonne partie de son personnel - environ 5%. Par contre, cela me gêne beaucoup que l'on cloue au pilori la même entreprise qui, jusqu'à présent, a donné satisfaction à la fois à ses clients et à ses employés, j'y reviendrai.

Je rappelle que Swisscom est une entreprise qui fournit des prestations sociales intéressantes, surtout depuis qu'elle a quitté le giron de la Confédération. Je donnerai un exemple: au 1er janvier de cette année, Swisscom a donné deux fois plus de renchérissement d'augmentation salariale à ses employés que la Confédération pour son propre personnel. Je rappelle aussi que la caisse de retraite de Swisscom est beaucoup plus favorable depuis qu'elle a quitté la Confédération qu'auparavant.

Pour ma part, j'aimerais connaître les critères de choix qui ont conduit Swisscom...

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission exclusivement !

M. Gilbert Catelain. ...à prendre de telles décisions. Je me demande si Swisscom n'a pas anticipé la décision du Conseil fédéral de libéraliser le dernier kilomètre...

Je ne suis pas sûr que Swisscom pratique une politique du personnel fondamentalement différente de celle de la Confédération. Je pourrais vous citer l'exemple d'une administration fédérale importante qui, au 1er janvier de cette année, a supprimé 4% de ses effectifs sans qu'aucun parlementaire ne s'en soit ému.

Malgré ces considérations, l'UDC soutiendra le renvoi en commission de cette motion.

Le président. Au nom du parti radical un député s'exprime, soit M. Kunz soit M. Barrillier. (Exclamations.)Oui, soit l'un soit l'autre... (Exclamations.)Je vous donnerai aussi le choix, Monsieur Pagani ! Monsieur Kunz, vous avez la parole, pour les radicaux.

M. Pierre Kunz (R). Le texte de cette motion semblait être le langage du coeur... Et c'est pourquoi certains de mes collègues radicaux l'ont signé.

Les propos outranciers qui ont été tenus nous obligent pourtant à préciser quelques points. Mesdames et Messieurs les députés, rien dans la manière dont l'Etat de Genève gère ses ressources aujourd'hui et dans la manière dont il les a gérées depuis quelques décennies ne permet à nos autorités de donner des conseils et encore moins de formuler des exigences en matière de gestion à l'égard des entreprises privées.

C'est pourtant ce qu'exige cette motion ! Elle demande au Conseil d'Etat d'intervenir pour que Swisscom soit gérée différemment... Ces entreprises rencontrent, en effet, un problème qui a été évacué depuis fort longtemps par l'Etat - pas seulement l'Etat genevois - qui n'a pas besoin, lui, de lutter pour assurer sa pérennité et qui s'est assoupi depuis quelque temps sur sa certitude de durer toujours... Il trouvera toujours l'argent pour payer ses collaborateurs, même lorsque ceux-ci occupent des postes qui ne sont pas indispensables à sa saine gestion !

Je ne comprends pas, par conséquent, l'attitude du Conseil d'Etat dont deux des membres se sont exprimés publiquement et sans nuances, faisant part de leur mauvaise humeur au sujet des décisions de Swisscom, société - M. Blanc l'a rappelé - en quelque sorte jetée sur le marché, au nom des principes défendus par l'OMC et auxquels ont adhéré nos autorités fédérales. Je ne comprends donc pas que l'on puisse suspecter la direction de Swisscom - comme l'a fait M. Vanek - de légèreté, de cynisme, de cupidité ou de mauvaise gestion !

C'est au une société qui passe pour être très bien gérée et qui, contrairement à certains de ses concurrents, reste solide parce qu'elle n'a pas gaspillé ses ressources dans des investissements hasardeux.

Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, si la direction de Swisscom a décidé de réduire le nombre de ses employés, c'est parce que, malheureusement, certes, mais en toute rationalité, elle a considéré que la situation du marché - celle qu'on lui a fourguée - la force de ses concurrents, les impératifs liés à son devoir de... (Brouhaha.)...pérenniser l'entreprise...

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission.

M. Pierre Kunz. ...l'exige. Et, même si son actionnariat reste en majorité public, il n'en reste pas moins que Swisscom n'est pas une entreprise publique. Elle fonctionne sur les marchés, et c'est notre devoir de la laisser agir en toute connaissance de cause. Cette motion n'est absolument pas conforme à ces principes, et c'est pourquoi nous demandons le renvoi en commission, Monsieur le président.

Le président. Qui prend la parole pour le groupe de l'Alliance de gauche? C'est M. Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Je répondrai tout de suite à M. Kunz pour lui rappeler, qu'il le veuille ou non, que la majorité du capital-actions de Swisscom est entre les mains de la Confédération. Donc, malgré les velléités de privatisation dont nous avons bien entendu connaissance, Swisscom reste un service de la Confédération et un service public ! Et je dois dire que votre discours, Monsieur, nous inquiète beaucoup. Parce que vous semblez considérer qu'une collectivité publique à laquelle on donne un statut un peu ouvert - ce que vous souhaitez, par exemple, la Banque cantonale de Genève, voire l'Aéroport - dont la majorité du capital-actions est en main des pouvoirs publics, peut faire ce qu'elle veut comme une société privée !

Eh bien, voyez-vous, nous avons là peut-être un point commun... (Exclamations.)A l'Alliance de gauche, nous avons le même raisonnement que l'actionnariat privé: c'est-à-dire que, quand on détient la majorité, on décide ! Et ce n'est pas la majorité qui laisse le choix de la décision aux actionnaires minoritaires!

M. Claude Blanc. C'est ce que j'avais dit !

M. Christian Grobet. Alors, jusqu'à présent, c'est la Confédération qui est actionnaire majoritaire et, à ce titre, elle se doit de respecter cette loi qui a été votée il y a quelques années, même si elle est extrêmement néfaste!

Cela étant dit, la situation a quand même évolué un peu différemment, notamment depuis le dépôt de la motion. Personnellement, je suis scandalisé, non pas en tant que conseiller national mais en tant que simple citoyen, d'apprendre qu'une décision d'une importance capitale pour l'avenir de Swisscom - à laquelle M. Catelain a fait allusion tout à l'heure, à savoir la privatisation du dernier kilomètre de la connexion Télécom - soit prise par le Conseil fédéral, qui décide de privatiser ce bien public par une simple ordonnance, refusant de soumettre cette décision à l'approbation de l'Assemblée fédérale ! C'est absolument scandaleux et c'est un acte de lâcheté du Conseil fédéral qui n'ose plus...

M. John Dupraz. De Leuenberger !

M. Christian Grobet. De Leuenberger, parfaitement ! Mais de Couchepin aussi ! Alors, vous savez, entre Couchepin et Leuenberger, je ne sais plus lequel choisir !

Cela étant dit, ces Messieurs-dames ont effectivement décidé de prendre cette mesure par voie d'ordonnance. J'estime que c'est totalement illégal, mais ça démontre la lâcheté du Conseil fédéral ! Je ne trouve pas d'autres termes à employer... (Exclamations.)Oui, de Leuenberger, de Couchepin, de Mme Metzler, de toute l'équipe ! (Rires.)

Une voix. Et Calmy-Rey, aussi !

M. Christian Grobet. Et M. Schmied de l'UDC ! Il ne fallait pas l'oublier, bien sûr, car je suis persuadé qu'il est de connivence avec ses collègues. (Exclamations.)Oh, vous croyez ? Moi, je croyais que vous demandiez depuis longtemps la privatisation du dernier kilomètre, alors, si je me suis trompé, j'en suis navré ! Pourtant, à entendre M. Blocher, on a déjà dix ans de retard dans les privatisations !

Je reviens - parce que vous m'avez malheureusement fait perdre le fil de mon raisonnement... (Rires et exclamations.)

Le président. Sur le renvoi en commission !

M. Christian Grobet. Je retrouve, Monsieur le président, le fil de mon discours...

Je voulais dire que le Conseil fédéral, après la claque qu'il a reçue avec le référendum lancé par quelques organisations très minoritaires pour la préservation de notre bien commun d'électricité, n'ose plus aujourd'hui affronter l'opinion publique et le peuple suisse... J'aurais voulu entendre l'UDC dire qu'il fallait absolument voter ce soir cette résolution et non, Monsieur Catelain, la renvoyer en commission, parce que le Conseil fédéral va prendre la décision dans quelques jours seulement! Et c'est pour cela que nous avons déposé un amendement à la motion qui nous est soumise ce soir, demandant - je ne me fais pas trop d'illusions en ce qui concerne le pouvoir de notre canton - au Conseil fédéral - ce serait une bonne chose - de respecter les droits politiques de notre pays et que la décision soit prise par l'Assemblée fédérale et soit sujette, le cas échéant, à référendum.

Je ne voudrais pas prolonger mon intervention, mais je tiens tout particulièrement à évoquer deux ou trois points. Tout d'abord, j'approuve les propos de M. Brunier, et je remercie M. Lamprecht d'avoir oeuvré pour organiser une rencontre entre les dirigeants de la Poste, les autorités fédérales et les autorités cantonales.

Je comprends votre souci, Monsieur Hiltpold, de faire passer cette motion sans trop de discussions, mais nous devrions tous être d'accord de voter un amendement sollicitant d'obtenir pour Swisscom ce que M. Lamprecht a obtenu pour la Poste, c'est-à-dire une réunion avec les représentants du Conseil fédéral. Vous souriez, Madame Brunschwig Graf, mais on a vu que M. Gygi était dans ses petits souliers lorsque nous étions à Berne ! (Commentaires.)Et M. Dupraz peut en témoigner !

J'aimerais bien voir... Comment s'appelle-t-il déjà, le directeur de... (Exclamations.)

Le président. Monsieur Grobet, il vous reste trente secondes !

Une voix. Alder !

M. Christian Grobet. Monsieur Alder, c'est cela ! Eh bien, j'aimerais voir M. Alder dans ses petits souliers et pouvoir lui parler du troisième amendement que nous proposons ce soir et que nous voudrions voir adopté. Ce qui est plus grave, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que ce soir, alors que nous proclamons notre solidarité avec les travailleuses et les travailleurs de Swisscom, savez-vous ce que fait M. Alder ? Vous rigolez, mais vous rigoleriez moins si vous étiez employé de Swisscom ! Il donne congé aux responsables du personnel qui sont à la tête des revendications légitimes du personnel ! C'est absolument scandaleux, parce que le code des obligations protège les délégués syndicaux ! Et M. Alder, dont on voudrait connaître le salaire - c'est le dernier amendement, parce que, figurez-vous, le Conseil fédéral cache les salaires des dirigeants de Swisscom - de celui qui a le culot... (Le président coupe le micro de M. Grobet qui continue de parler hors micro.)

Le président. Monsieur Grobet, vous avez parlé plus de sept minutes, et de surcroît pas sur le renvoi en commission comme je l'avais demandé.

Qui parle au nom des socialistes, M. Beer ou M. Velasco ? Monsieur Velasco, vous avez la parole.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Weiss, vous avez fait référence à M. von Hayek... Mais nous voyons aujourd'hui que, lorsque les prédictions de ce monsieur s'accomplissent, ce sont des milliards d'êtres humains qui s'appauvrissent. Et cela, vous ne pouvez pas le nier, parce que c'est l'effet du marché. Il est donc malvenu de faire référence à ce monsieur...

Vous avez dit, Monsieur Weiss, que, la valeur des actions de Swisscom ayant chuté, la société procède comme cela se fait partout, c'est-à-dire qu'elle «vide» les gens pour délester l'entreprise de la masse salariale afin de rétablir les comptes et, ainsi, faire remonter les actions.

Pour ma part, je pense qu'en tant qu'entreprise publique Swisscom a une responsabilité sociale. Comme le disait M. Blanc, les deux tiers des actions appartenant à la Confédération, celle-ci a une responsabilité envers les citoyennes et les citoyens de ce pays. Son souci d'actionnaire majoritaire ne doit pas seulement porter sur la rentabilité financière et la répartition de dividendes à la fin de l'année. Elle doit aussi se soucier de sauvegarder les milliers d'emplois - ce qui n'est pas le cas... Monsieur Weiss, dans les milliers d'emplois qui ont été supprimés, un certain nombre concernait des personnes extrêmement qualifiées, ce qui représente une perte de richesses et du know-howde l'entreprise. Et cette perte n'est pas quantifiable, et elle se fait au détriment de nos actions et de la valeur de l'entreprise...

Pour ce qui est du marché, savez-vous pourquoi on en arrive à cette situation, Monsieur Weiss ? (L'orateur est interpellé.)J'y viens ! Vous savez très bien ce qui s'est passé avec les Télécom européens: ils sont endettés parce que le marché ne permet pas aujourd'hui de faire les investissements nécessaires. Cette situation se retrouve partout: en France, en Espagne, etc., sauf en Suisse. Parce qu'elle n'a précisément pas libéralisé autant sur le marché, la Suisse se retrouve en bonne position.

Cela veut dire, Monsieur, que si nous avions appliqué les recettes de M. von Hayek, nous connaîtrions une situation encore pire que celle de la France. Dieu merc, ce n'est pas le cas !

Je le répète, Monsieur Weiss, la Confédération est intervenue pour regrouper les CFF en une grande compagnie plus efficace et plus rentable - les CFF étaient à l'époque morcelés en petites compagnies. Il en va de même pour les Télécom, car tôt ou tard, le privé ne pourra pas assumer un service aussi important qui soit rentable. Il ne le pourra pas ! L'Histoire le démontre ! Aujourd'hui, c'est ainsi, demain, il faudra de nouveau que l'Etat intervienne. Et on le voit déjà aujourd'hui: en Angleterre, l'Etat doit intervenir dans le secteur ferroviaire. On le voit aussi en France: le gouvernement doit intervenir au niveau des grands groupes.

Alors, Monsieur Weiss, les théories de M. von Hayek...

Le président. Monsieur Velasco, vous ne répondez pas à M. Weiss: vous vous exprimez sur le renvoi en commission !

M. Alberto Velasco. Monsieur le président, la pratique démontre que les théories de M. von Hayek ne sont pas correctes, comme M. Weiss essayait de nous en convaincre.

Je souhaite donc que nous puissions voter cette motion aujourd'hui même, et je m'oppose au renvoi en commission.

Le président. Nous n'avons donc plus que deux interventions sur le renvoi en commission: celle de M. Leuenberg pour les Verts et celle de M. Blanc pour le PDC. Bien entendu, Monsieur le conseiller d'Etat, vous pourrez intervenir après ! D'ailleurs, nous nous réjouissons d'allonger le débat. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous irons jusqu'au bout des urgences de ce soir. (Exclamations.)

M. Ueli Leuenberger (Ve). Merci, Monsieur le président ! Tout le monde aura compris que lorsqu'on parle de «Leuenberg», il ne s'agit pas de moi... (Rires et exclamations.)Je précise que Moritz Leuenberger n'est pas le cousin de Ueli Leuenberger: nous ne sommes pas de la même famille ni de la même famille politique... Croyez-moi, si tel était le cas je l'inviterais à manger pour lui dire ses quatre vérités ! (Exclamations.)C'est une précision que je tenais à apporter pour l'honneur de mon nom de famille...

Maintenant, pour ce qui est du renvoi en commission, voyons clairement ce que cela signifie. Par ailleurs, j'ai demandé à mon collègue Kunz, qui est à la commission de l'économie comme moi, si cette motion pourrait être traitée dans les quinze jours... Il m'a très clairement répondu: non, qu'elle serait renvoyée aux calendes grecques...

Renvoyer cette motion en commission revient donc tout simplement à l'enterrer ! Nous avons besoin d'une décision aujourd'hui-même, surtout que nous n'avons déjà pas pu traiter cette motion en urgence, comme cela devait être le cas, à la précédente session. Ce soir, le Grand Conseil doit prendre position clairement et soutenir la position que le Conseil d'Etat défend actuellement, mais il ne faut pas trop charger la motion pour obtenir une bonne majorité. Ne la renvoyez pas en commission pour la traiter aux calendes grecques, comme certains de nos collègues le disent ici, parce que les employés de Swisscom ont besoin du soutien de notre parlement très rapidement: la situation l'exige. Le Conseil fédéral et la direction de Swisscom doivent savoir que notre parlement et le gouvernement du canton de Genève désapprouvent totalement leur manière de faire.

Le président. La parole est à M. Blanc, puis nous voterons sur le renvoi en commission de cette motion et sur les quatre amendements qui ont été présentés et qui seront représentés en commission, bien sûr.

M. Claude Blanc (PDC). Chacun sur ces bancs a pu exprimer, violemment ou avec beaucoup d'émotion, tout ce qu'il avait sur le coeur au sujet de cette malheureuse affaire.

Pour ma part, je suis convaincu que, si nous voulons être efficaces et faire dans l'utile, nous devons le faire ce soir. Mais si nous voulons le faire ce soir, il faut renoncer à tous les amendements qui ont été présentés. Je suis donc prêt à renoncer au mien à condition que vous renonciez aux vôtres, de manière que nous puissions nous mettre d'accord sans tarder sur le texte de la motion tel que nous l'avions prévu. Cela permettra à ce Grand Conseil d'exprimer ce que nous ressentons tous à une majorité suffisante. Nous nous sommes exprimés, mais, si nous voulons être efficaces, il faut voter cette motion.

Si nous traitons les amendements les uns après les autres, nous pouvons y passer la nuit... Et, finalement, vous n'obtiendrez rien du tout: vous vous serez simplement fait plaisir sur le dos des employés de Swisscom...

Je le répète, Mesdames et Messieurs les députés, je renonce à mon amendement, vous renoncez aux vôtres, et nous votons cette motion sur le champ, telle qu'elle est. (Applaudissements.)

Le président. Bien, en attendant qu'on nous annonce le retrait de tous les amendements, la parole est à M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés,...

M. Claude Marcet. Alors, il y en a qui parlent trois fois et, nous, on ne parle qu'une fois !

Le président. Non, Monsieur Marcet, à partir de la demande de renvoi en commission, un seul député par groupe peut s'exprimer ! Vous devriez suivre la procédure ! (Commentaires.)

M. Carlo Lamprecht. Dans le fond, cette motion est un encouragement à tous les efforts que le Conseil d'Etat a déjà déployés, depuis une année et plus, au travers de ses contacts avec la direction de Swisscom et le Conseil fédéral.

Le 13 juin 2002, je suis intervenu une première fois auprès de Jens Alder, directeur général de Swisscom, avec une lettre cosignée par tous les partis politiques, par le maire de la Ville de Genève, par les syndicats et par les représentants du personnel, contre la fermeture du centre d'appels international. Et les interventions dans ce sens se sont multipliées.

Le 24 juillet, j'ai rencontré M. Jens Alder et je lui ai expliqué à quel point le marché genevois était important pour son entreprise, que ce soit en termes de volume de trafic, de clients importants à travers les organisations internationales et les multinationales, et à travers toutes les PME de ce canton.

J'ai également rappelé à quel point l'Etat de Genève était un client important de Swisscom, puisque seul l'Etat - je dis l'Etat et non les institutions comme l'hôpital ou l'aéroport - paye chaque année plus de 11 millions de francs de prestations en téléphonie mobile et fixe. J'ai évoqué, au-delà des licenciements qui sont une plaie en matière d'emplois, combien le Canton avait fait d'efforts pour conserver Télécom: il a en effet investi 157 millions pour la Halle 6; il est en relation constante avec l'UIT; il se bat pour garder Télécom à Genève et pour donner en même temps une visibilité importante dans le monde entier à Swisscom, compagnie privilégiée puisque compagnie nationale. Et cela non pas seulement dans l'intérêt de Genève, mais dans celui du pays et dans l'intérêt aussi des nombreuses organisations internationales qui se trouvent à Genève.

Aux cinquante emplois du centre d'appels international supprimés se sont ajoutés soixante licenciements supplémentaires. Alors, j'ai également interpellé à ce sujet M. Moritz Leuenberger, conseiller fédéral, en charge du DETEC, département de tutelle de Swisscom. Et je l'ai fait avant que la décision finale ne soit prise. Je lui ai écrit, avec copie aux autres conseillers fédéraux, pour faire en sorte que le Conseil fédéral, avec ses 62% de capital-actions, puisse intervenir et donner des instructions. Je suis encore intervenu auprès du président du Conseil d'administration de Swisscom en date du 8 janvier, et je rappelle que la décision finale a été prise le 15 de ce mois.

Lorsque j'ai été mis au courant de l'échec de ces négociations, c'est-à-dire du fait que finalement le Conseil fédéral n'était pas du tout intervenu pour tenir compte de nos revendications, j'ai encore écrit à M. le conseiller fédéral Leuenberger en lui posant trois questions brèves. Je lui ai demandé le nom du représentant de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swisscom, sachant - je le répète - que celle-ci détient 62% des actions. Je lui ai demandé quelle était la mission confiée au représentant du Conseil fédéral. Et j'ai enfin demandé quel était le chiffre d'affaires global réalisé par Swisscom sur l'ensemble de la Suisse et le chiffre d'affaires sur Genève.

La réponse du Conseil fédéral a tardé à venir. Je l'ai reçue le 24 février dernier, alors que, comme on le dit, les dés étaient pipés.

La réponse a été la suivante au point 1: le Conseil fédéral a désigné un représentant au sein de ce conseil. Celui-ci ayant les mêmes droits et les mêmes obligations que tout membre ordinaire du conseil d'administration, il peut arriver qu'il soit minorisé... Il faudra m'expliquer comment !

Au point 2: le Conseil fédéral ne fait que rarement usage de son droit de donner un mandat à ses représentants... Il entend respecter la répartition des compétences entre le conseil d'administration et le propriétaire de l'entreprise, telle que définie par le législateur ! Le Conseil fédéral a été informé au préalable par l'entreprise des mesures de restructuration envisagées; il regrette que ces mesures aient dû être prises, mais reste néanmoins persuadé qu'elles sont nécessaires pour la viabilité à long terme de l'entreprise et le bien de ses collaborateurs.

Au point 3: selon Swisscom, le chiffre d'affaires réalisé sur le territoire genevois s'élèverait à environ 670 millions de francs en 2002. Le chiffre pour l'ensemble de la Suisse n'est pas connu pour 2002, mais il s'élevait en 2001 à 10 366 millions. La part de Genève est donc importante.

Que va faire le Conseil d'Etat ? Je dois dire que je suis un peu découragé, car le Conseil fédéral ne soutient pas notre démarche. Par ailleurs, Swisscom m'a renvoyé à mes études avec une lettre très sèche lorsque j'ai revendiqué les exigences de Genève. Tout cela est un peu désespérant.

Mais le Conseil d'Etat vient de prendre la décision de charger le Centre des technologies de l'information de l'Etat de demander des offres à la concurrence, et nous continuerons à le faire, en restant attentifs à ce que cette solution ne nous pénalise pas encore par rapport à d'autres suppressions d'emplois.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés. Je voudrais que cette motion soit votée ce soir par une grande majorité de ce Conseil, sinon à l'unanimité, pour avoir un appui fort à la fois vis-à-vis du Conseil fédéral et à la fois vis-à-vis de Swisscom. (Applaudissements.)

Le président. Pour que les choses soient claires et puisqu'on m'a demandé si les amendements étaient retirés, je vous prie de me dire ce qu'il en est Monsieur Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne saurais, bien entendu, rester insensible à l'appel de M. Blanc... (Rires.)

Nous avons effectivement le désir - nous l'avons déjà dit tout à l'heure - que cette motion soit votée ce soir. Si les amendements que nous présentons - qui nous paraissent pertinents dans la conjoncture actuelle - créent un problème, nous sommes d'accord de les retirer, sous réserve, pour faire avancer le débat et pour que cette motion soit adoptée, comme vient de le souhaiter M. Lamprecht. Je comprends son désarroi, et il me semble que ce parlement doit être à ses côtés...

M. Claude Blanc. Derrière lui !

M. Christian Grobet. Monsieur Blanc, si vous ne me laissez pas parler, je n'y arriverai jamais ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Grobet, allez-y ! Il faut avancer !

M. Christian Grobet. Mais vous m'interrompez tout le temps, Monsieur le président !

Le président. Je ne vous interromps pas, j'essaye de rétablir le calme pour qu'on vous écoute ! Vous deviez simplement nous dire quels amendements vous retirez...

M. Christian Grobet. Je ne vais jamais y arriver si je ne peux pas m'exprimer, Monsieur le président !

Nous sommes d'accord de retirer l'amendement sur le dernier kilomètre du raccordement Télécom quand bien même cette question est importante et d'actualité. Avec beaucoup de regrets, nous retirons également l'amendement concernant le licenciement des dirigeants syndicaux, des représentants du personnel, et nous retirons également l'amendement répondant à une exigence sur laquelle nous sommes tous d'accord, c'est-à-dire de rendre publics les salaires des dirigeants de Swisscom.

Par contre, il me semble que nous devrions tous pouvoir voter le quatrième amendement, qui demande simplement qu'une réunion soit organisée entre les parties concernées. Ce serait un appui aux démarches du Conseil d'Etat et de M. Lamprecht en particulier, et cela a très bien marché pour la Poste. Je crois que nous devrions tous être d'accord: M. Dupraz en tête... Peut-être que cette demande ne sera pas agréée, mais il faut la tenter. Celle-ci devrait réunir les représentants du Conseil fédéral, les dirigeants de Swisscom et les autorités cantonales. Je le répète, une telle demande avait été acceptée en séance plénière pour la Poste et elle a porté ses fruits.

D'autre part, Monsieur Blanc, je vous signale que nous sommes tout à fait d'accord avec votre amendement qui nous paraît apporter une précision utile, et il me semble que nous pourrions également le voter: il fera probablement l'unanimité.

Si nous sommes d'accord sur ces points, Monsieur le président, nous pouvons les voter dans l'allégresse générale, bien que ce sujet ne soit pas joyeux...

Le président. Pour être clair, M. Grobet ne maintient que l'amendement qu'il a signé avec M. Christian Brunier. Les trois autres amendements de M. Grobet sont retirés... Je me tourne maintenant vers M. Blanc pour savoir s'il maintient son amendement, et, ensuite, nous passerons au vote sur le renvoi en commission. Selon le résultat, nous continuerons.

M. Claude Blanc (PDC). Je constate que M. Grobet a fait un effort conséquent pour venir à ma rencontre.. L'amendement qu'il maintient me paraît acceptable. Alors, je suis d'accord que nous votions les deux amendements et que nous en finissions rapidement, de manière à avoir une motion bien structurée qui puisse rassembler la plus grande majorité possible. Voyez comme je suis conciliant !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix, au moyen du vote électronique, la proposition de renvoyer cette motion en commission.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 54 non contre 30 oui.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Blanc à la première invite qui est modifiée comme suit:

«- à rappeler à Swisscom et particulièrement à son actionnaire majoritaire leurs responsabilités en tant que service public et qu'ils doivent dès lors...»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. Grobet et M. Brunier, qui consiste en une nouvelle troisième invite, l'ancienne troisième invite devenant la quatrième. La teneur de cet amendement est la suivante:

«- à intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu'il convoque une réunion, sous son égide, avec les dirigeants de Swisscom et les représentants des autorités cantonales;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Monsieur Sommaruga, demandez-vous l'appel nominal ? Bien! Etes-vous appuyé? C'est le cas.

Nous allons procéder à l'appel nominal qui a demandé. Celles et ceux qui acceptent cette motion ainsi amendée répondront oui; celles et ceux qui la refusent répondront non.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1513 ainsi amendée est adoptée par 60 oui contre 21 non et 5 abstentions.

Appel nominal