Séance du
vendredi 28 février 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
24e
séance
PL 8858
M. Christian Grobet (AdG). Ce projet de loi pose un réel problème. En certaines circonstances, on peut effectivement envisager des reports de droits à bâtir. Mais selon l'importance du report qu'impliquerait le projet tel qu'il est proposé, on pourrait arriver à des solutions de densification, inacceptables à mon avis. Par voie de conséquence, je crois que l'on peut examiner la question et voir si une solution peut être trouvée. Mais celle proposée dans le projet nous semble aller beaucoup trop loin.
Je pense n'avoir pris que deux minutes de mon temps de parole, Monsieur le président. Puisque vous avez refusé, tout à l'heure, de m'accorder un droit de réponse qui s'imposait de manière évidente, j'en profite pour continuer sur un sujet qui n'est pas tout à fait celui des forêts, mais cela vous montre aussi, Monsieur le président, que vous pourriez parfois avoir le fair-play de laisser les orateurs intervenir au bon moment !
J'aimerais dire à Mme Bolay, qui a cité quatre fois mon nom... (L'orateur est interpellé.)Mais cela m'est tout à fait égal qu'elle soit là ou pas ! Pendant douze ans au Conseil d'Etat, j'ai exécuté toutes les études demandées par ce dernier, j'ai réalisé tous les projets demandés par le Conseil d'Etat. Je n'ai jamais caché mon opposition, qui était notoire, à l'autoroute de contournement, que j'ai tout de même réalisée. Je n'ai jamais caché mon opposition à la traversée de la rade, ce qui ne m'a pas empêché de conduire toutes les études et dans les délais voulus. Je n'ai jamais caché non plus mon opposition à tous les projets de tunnels, que ce soit à Versoix, à Onex, à Meyrin, au Grand-Saconnex, à Lancy ou ailleurs. Du reste, en ce qui concerne le projet de 1985, ce n'est pas le projet dont on discute aujourd'hui !
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Ce projet de loi...
Le président. Madame la députée, comme tous les intervenants suivants, défendez votre point de vue et ne vous interpellez pas les uns les autres, car les personnes interpellées souhaitent ensuite répondre !
Mme Sylvia Leuenberger. Rassurez-vous, Monsieur le président, je ne veux interpeller personne ! Je voulais juste dire que ce projet de loi, qui a l'air tout petit, n'est pas si anodin que cela. Au nom de la pénurie du logement, qui sert un peu de prétexte à tout et n'importe quoi, l'Entente veut abusivement reporter des droits à bâtir d'une zone forestière qui est, selon la loi fédérale et la jurisprudence du Tribunal fédéral, inconstructible, donc sans possibilité de compenser des droits à bâtir inexistants.
Il y a donc, pour nous, non-conformité de ce projet de loi avec la loi fédérale. Si nécessaire, il faudra effectivement demander un avis de droit.
Si la loi exige une zone tampon de 30 mètres depuis le bord de la forêt, ce n'est certainement pas pour ennuyer les promoteurs, mais bien pour des raisons biologiques évidentes de protection de la forêt qui, au cas où vous l'auriez oublié, nous fournit entre autre l'oxygène indispensable pour vivre.
L'autre petit article que vous avez abrogé concerne l'aspect financier, la procédure de constatation de la nature forestière. La charge du propriétaire est vraiment minime, puisqu'il est de toute façon fait appel à un géomètre pour tout projet de construction.
M. Alain Etienne (S). Nous sommes toutes et tous d'accord pour reconnaître qu'il y a, actuellement, un besoin urgent de logements. Mais, encore une fois, votre proposition n'est pas acceptable de notre point de vue et dénote un certain entêtement idéologique.
J'aimerais tout d'abord rappeler, et Mme Leuenberger en a parlé, que la distance de 30 mètres entre la forêt et l'implantation des constructions a été fixée non seulement pour préserver la lisière et la vie sauvage de ce précieux écosystème, mais aussi, et là pour des raisons de sécurité, pour éviter par exemple qu'un arbre ne tombe sur un toit et fasse des victimes ou encore pour restreindre le plus possible l'ombre dans les séjours. Mais il faut aussi dire qu'il est de la responsabilité du propriétaire de ne pas laisser avancer la forêt sur son terrain. Des parcelles sont souvent rendues inconstructibles par manque d'entretien des propriétaires eux-mêmes.
Mais ce qu'il y a de plus grave dans votre projet, c'est qu'il est tout à fait contraire à la loi fédérale! Nous verrons en commission ce qu'il en est. Il n'est effectivement pas possible de considérer la surface boisée protégée dans le calcul du coefficient d'utilisation du sol. Il existe à ce sujet des jurisprudences. Je sais que vous avez tenté le même coup lors de l'étude du PL 8547 modifiant la loi sur les eaux. Vous en faites état dans l'exposé des motifs. Je regrette encore une fois que le conseiller d'Etat Robert Cramer ait soutenu cette modification proposée par l'Entente. L'avenir nous dira si nous avions vu juste. Mais, là encore, le parti socialiste vous indique que vous êtes dans l'erreur. Nous vous invitons donc à retirer votre projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le parti démocrate-chrétien, qui a cosigné ce projet de loi, se réjouit de l'examiner bientôt en commission de l'aménagement. Ce projet de loi, cela a été dit, est une tentative de réponse, certes modeste, à la pénurie de logements que connaît notre canton. Les procès d'intention qui sont faits ce soir à ses auteurs sont totalement déplacés. Personne dans cette salle, aucun des auteurs, ne vient dire qu'il n'y a pas de surfaces inconstructibles. Le caractère inconstructible d'une forêt est quelque chose d'intangible. C'est prévu par le droit fédéral. Le fait que l'on ne puisse pas construire à une certaine distance d'une forêt est aussi prévu par le droit fédéral, même si le droit fédéral, sauf erreur de ma part, propose une marge. Cela aussi, c'est intangible et il n'est bien évidemment pas dans l'intention des auteurs de remettre en cause ce principe, qui résulte d'une part du droit fédéral et qui doit, d'autre part, prévaloir pour des raisons de protection de nos chers arbres.
Cela étant, il faut quand même dire qu'il y a un certain nombre de choses choquantes dans la loi sur les forêts. Prenons l'article 4, alinéa 3, que le projet propose d'abroger. Il y a une procédure de constatation de la nature forestière, qui peut être diligentée en particulier à l'occasion de la délivrance d'une autorisation de construire. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, qui doit payer pour cette procédure de constatation de la nature forestière ? C'est le propriétaire ! Je vais vous citer un simple exemple dont j'ai eu à connaître. Une femme a hérité d'une parcelle qui est restée libre de construction pendant un certain nombre d'années; une forêt s'est développée sur une partie de cette parcelle... Vous me direz qu'elle aurait dû s'occuper un peu plus de cette parcelle. Peut-être ! Toujours est-il qu'elle a déposé une demande d'autorisation de construire. A l'occasion de l'examen de cette demande, une procédure de constatation de la nature forestière a été diligentée. Cette procédure a abouti à la conclusion qu'il y avait bel et bien une forêt; une partie de la parcelle est par conséquent devenue inconstructible. Permettez-moi quand même de dire qu'il est un peu choquant que l'on vous empêche de construire sur une partie de la parcelle qui vous appartient et que l'on vous demande, en plus, de payer les frais d'une procédure qui vous empêche de construire ce que vous voulez!
Le deuxième point que vise ce projet de loi, ce n'est absolument pas de construire! Ce n'est absolument pas de raser les forêts; ce n'est absolument pas de réduire la distance de construction à la lisière des forêts, c'est uniquement de prévoir un report des droits à bâtir! Je suis désolé, cela a été évoqué tout à l'heure, c'est une formule qui a déjà été examinée dans le cadre de la loi sur les eaux. Je constate qu'il y a beaucoup de juristes dans ce Grand Conseil... Le modeste avocat que je suis ne va pas renchérir sur cette question. Permettez-moi juste de mettre en doute la pertinence de vos propos!
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. La question qui vous occupe est effectivement d'une certaine importance; les limites d'action que vous avez sont évidemment prescrites par le droit fédéral. Il y a une limite pratique à la solution que vous suggérez, c'est qu'un report systématique des droits à bâtir n'est évidemment pas toujours possible parcelle par parcelle pour des raisons évidentes. Par contre, il est vrai que la rigidité actuelle du système n'est pas satisfaisante. C'est pourquoi le département vous fera en commission une proposition, d'ores et déjà été élaborée par mes services, qui se fonde d'une part sur la possibilité de dérogation en fonction d'un plan localisé de quartier ou d'un plan de site, d'autre part sur les préavis usuels en la matière et, enfin, avec la possibilité de mesures compensatoires. A partir d'un système de ce genre-là je pense que nous serons en mesure d'éviter que certaines parcelles - comme c'est malheureusement le cas aujourd'hui - ne soient totalement inconstructibles, alors qu'elles ne devraient pas l'être en toute logique et en bénéficiant des mesures adéquates.
Le projet tel que rédigé heurte manifestement le droit fédéral. De ce point de vue-là, il n'offre pas une voie suffisante. J'ose croire, en entendant les propos - somme toute mesurés, puisque nous parlons d'aménagement - des uns et des autres, que la solution que le département pourra vous exposer sera de nature à permettre de résoudre ce problème.
Le président. Je vous propose de renvoyer ce projet de loi à la commission des affaires communales. (Brouhaha.)Ecoutez, nous avons eu le choix entre les affaires communales et l'aménagement. Personne n'a fait de proposition concrète, le Conseil d'Etat non plus.
Mis aux voix, ce projet est renvoyé à la commission de l'aménagement du canton.