Séance du
vendredi 28 février 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
23e
séance
M 1475
Débat
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est guidée par le respect du domaine public et de nos lois. En effet, comment peut-on verbaliser des citoyens ayant commis une infraction au code de la circulation tout en ne sévissant pas à l'encontre d'une société telle que la SGA, qui enfreint les règles cantonales et fédérales ? Cette société se trouve par ailleurs en situation de monopole, alors que notre canton a allègrement adhéré aux règles de l'OMC. Les utilisateurs du domaine public ne peuvent dès lors pas bénéficier de prix concurrentiels, tout le domaine public étant réservé à une société en termes d'affichage. (Brouhaha.)
Il est en outre absolument inadmissible que ma proposition d'établir un concept directeur ait été refusée lors de nos travaux portant sur la loi sur l'affichage proposée par M. Cramer. La SGA affirme quant à elle que le concept directeur qu'elle a réalisé a été mis sur pied en collaboration avec des urbanistes dans le souci d'améliorer la qualité et le respect de l'environnement. Or, au vu du résultat, le but est loin d'être atteint !
L'élément important qui me semble devoir être souligné est le fait qu'une infraction à la loi a été commise: infraction à la loi sur les procédés de réclame, à la législation fédérale en matière de signalisation (articles 95 et 97), à la loi sur la protection du patrimoine et des sites (article 8) ainsi qu'à la loi sur les constructions et installations diverses (L 5 05). Ceux qui auront consulté la motion auront pu voir que le placement de ces affichages non seulement enfreint les lois de la circulation - car les affiches sont placées très près de la chaussée - mais pose également des problèmes de sécurité vis-à-vis des citoyens et des citoyennes. En effet, il arrive bien souvent que des mamans avec des poussettes n'arrivent pas à passer à la descente des trams.
Je demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, l'application de la loi. Je ne demande nullement une diminution des affichages, car un accord a été conclu entre la Ville de Genève et cette société. Je souhaite simplement que la loi soit respectée dans son ampleur et à tous les niveaux.
M. Pierre Kunz (R). Il est possible qu'aux yeux de certains la multiplicité et la multiplication des panneaux d'affichage nuisent à l'esthétique de certains endroits à Genève. Nul doute que ces mécontents ont trouvé en la personne de notre excellent collègue Alberto Velasco leur champion, leur défenseur pugnace, déterminé, opiniâtre, intraitable et insubmersible ! M. Velasco nous informe en effet depuis longtemps de ses préoccupations.
M. Velasco est malheureusement tellement tout cela qu'il en oublie certaines évidences, et notamment le fait que Genève souffre, en matière d'esthétique, de maux autrement plus importants que ceux qu'il stigmatise dans son projet de motion - des maux auxquels je l'invite à consacrer davantage d'énergie et de fougue.
Quelle est, par exemple, la timidité qui le retient d'agir auprès des autorités communales - de la Ville en particulier - pour les inciter à lutter contre cette calamité qu'est l'affichage sauvage ? Une lutte pourtant aisée puisque les auteurs du délit signent en quelque sorte sur les affiches !
Quelle est la crainte qui le retient d'intervenir auprès des communes - de la Ville en particulier, qui est propriétaire d'un nombre très important d'immeubles souillés par des graffitis et des tags obscènes - afin que ces autorités mènent sérieusement une répression envers ces actes de vandalisme en poursuivant en justice les auteurs de ces délits ?
Si M. Velasco est si préoccupé de l'esthétique de Genève, que n'intervient-il auprès des TPG, qui laissent tomber leurs abribus dans un état absolument lamentable, dans un état de véritable ruine ?
Que M. Velasco sache qu'une fois des solutions concrètes trouvées et mises en application pour résoudre ces problèmes autrement importants que l'affichage de la SGA, les radicaux le soutiendront pour mettre de l'ordre en matière de panneaux d'affichage officiels - si faire se peut et si cela se révèle nécessaire.
D'ici là, nous vous invitons à consacrer votre temps, Mesdames et Messieurs, aux vraies priorités, et ceci d'autant plus que l'implantation du réseau de panneaux d'affichage de la SGA n'est que l'application de contrats conclus avec vos amis politiques en Ville de Genève.
M. Carlo Sommaruga (S). L'intervention de M. Kunz ne me laisse pas indifférent. J'avoue être surpris de l'entendre parler d'affichage sauvage ou de tags obscènes alors que l'on voit systématiquement, sur les plages réservées à la publicité payante, des publicités sexistes où l'on exhibe une femme pour vendre une voiture ou pour faire de la publicité pour un centre de fitness. C'est cela qui est obscène, et non le tag ou l'affichage sauvage !
Cela dit, voici l'élément qui me préoccupe par rapport aux affiches de la SGA: en modifiant l'aménagement des emplacements publicitaires, les publicités sont devenues une agression pour le citoyen. Avant le nouvel aménagement, il existait plus ou moins le même nombre d'emplacements d'affiches; mais ces emplacements sont aujourd'hui placés de manière à interpeller le piéton, le cycliste et l'automobiliste. On ne peut dès lors plus se déplacer en Ville de Genève et dans le canton sans être agressé par ces publicités. Il s'agit là d'une pollution visuelle nettement plus importante que celle provoquée par l'affichage sauvage, qui intervient en général sur des bâtiments à l'abandon ou des arcades vides durant de nombreux mois.
Le jour où des espaces beaucoup plus importants seront laissés à la liberté de l'affichage de ceux qui ne disposent pas de centaines de millions - comme cela est le cas des grandes sociétés qui passent par le biais de la SGA - nous pourrons effectivement entrer dans la logique de M. Kunz. En l'état, je pense que la motion proposée aujourd'hui par M. Velasco se justifie totalement, car elle permettrait de garantir une meilleure visibilité de notre architecture, de résoudre des problèmes de sécurité et surtout de promouvoir le respect de chaque citoyen.
M. Alberto Velasco (S). Je souhaite préciser à l'attention de mon collègue Kunz... (Brouhaha.) ...que je ne suis pas favorable aux tags. Il existe cependant une différence fondamentale: ce sont des personnes anonymes - et non une société - qui réalisent ces tags; ces personnes font, de surcroît, l'objet de poursuites de la part de la police. Or, la SGA, qui enfreint également la loi, n'est nullement poursuivie par la police. C'est précisément la raison pour laquelle j'interviens.
L'Etat a délégué, par le biais d'un projet de loi que nous avons tous accepté, certaines prérogatives aux communes. Mais la moindre des choses qui peut être demandée aux communes est le respect de la loi cantonale et fédérale ! Cette motion demande simplement que les communes ayant reçu de la part du Grand Conseil certaines prérogatives contre l'affichage public se conforment à la loi, en ne mettant par exemple pas de panneaux à moins de trois mètres de la chaussée, devant des sites protégés ou encore sur la rade du lac. Une telle motion vise à garantir tant le respect de l'environnement que la beauté de notre ville. Je ne suis donc nullement en train de cautionner les tags et l'affichage sauvage par le biais de cette motion ! Je demande simplement que les sociétés anonymes respectent la loi, même si elles ont conclu des accords avec des communes. Pour avoir lu ces accords, j'ai pu constater qu'ils ne respectent pas la loi. Il est proprement incroyable que des collectivités publiques aient conclu avec une société des accords qui ne respectent ni la loi fédérale ni la loi cantonale !
J'approuve pleinement le fait que la commission de grâce traite avec une certaine sévérité des personnes qui auraient, par exemple, mal parqué leur véhicule. Mais en l'occurrence, quand il s'agit d'une société - aussi respectueuse et importante pour notre République que soit la SGA - le Conseil d'Etat laisse faire ! Je dis bien que c'est le Conseil d'Etat qui laisse faire, car c'est à lui de faire la loi, et non à moi ! Si le Conseil d'Etat avait fait son travail, je n'aurais pas déposé cette motion !
Le président. En vertu de l'article 147, alinéa 3 de notre Grand Conseil, je fais mettre aux voix la proposition de M. Velasco, puisqu'il n'a pas demandé le renvoi en commission.
Mise aux voix, la motion 1475 est adoptée.