Séance du
vendredi 28 février 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
23e
séance
PL 8253-A
Premier débat
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours avec grande fierté que nous avons l'occasion de discuter des HES. Je suis persuadée que la création des HES restera, dans l'histoire générale de l'enseignement, un point fort de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Je souhaite à cet égard remercier notre présidente du département de l'instruction publique, qui a été un pilier dans la création de ces HES.
Plusieurs d'entre nous ont siégé dans des commissions s'occupant de conventions interparlementaires. C'est toujours un grand plaisir de rencontrer des personnes d'autres cantons qui, tout en respectant leurs spécificités et leurs constitutions, parviennent à mettre sur pied des concordats concernant les cantons abritant des HES.
Je vous rappelle que les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et du Jura se sont réunis pour examiner la convention relative à la négociation, à la ratification, à l'exécution et à la modification des conventions intercantonales. D'autre part, une commission à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé s'est réunie sous la présidence d'un député valaisan, M. Mariétan, pour fixer la procédure de contrôle parlementaire.
Voici donc aujourd'hui la loi qui permet au Conseil d'Etat d'adhérer à cette convention. Je pense que vous suivrez tous le préavis favorable de la commission, qui est un oui sans restriction.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Madame la rapporteuse... pardon, la rapporteure, Mme Hagmann...
Une voix. La rapporteuse !
M. Souhail Mouhanna. Bon, je dis le, la, les, merci !
Mme Hagmann a donc présenté la réforme HES comme étant l'une des grandes réformes du XXe siècle. Comme je travaille sur le terrain, vous me permettrez de ne pas la suivre sur ce point. Pour avoir été de ceux qui ont participé aux négociations au début des années 90, à l'époque où M. Delamuraz dirigeait le département fédéral responsable, je reconnais que les intentions étaient certes parfaitement louables au départ. Un certain nombre d'éléments étaient tout à fait corrects, à savoir la revalorisation de la formation professionnelle supérieure et la reconnaissance de son statut de formation de niveau universitaire. Mais, au fil des réformes et des projets, nous avons abouti à la création d'un instrument permettant de soumettre la formation professionnelle à la volonté fédérale, de dessaisir les cantons de cette prérogative et de procéder, par voie de conséquence, à des regroupements, à des délocalisations et à des suppressions de filières de formation. En même temps, nous avons observé que les citoyens des différents cantons romands faisant partie de cette HES-SO ont été dessaisis d'un droit fondamental, soit le droit d'exercer le contrôle in finede la politique de formation professionnelle. Comme vous le savez, le concordat qui a été signé a en effet dessaisi notre parlement de cette prérogative. Aucun droit d'initiative ni de référendum n'existe en outre par rapport à une politique de formation qui risquerait de se traduire par des suppressions de filières de formation, des délocalisations, l'introduction de taxes de toutes sortes dans l'un ou l'autre des cantons etc. etc. Nous ne possédons donc aujourd'hui aucun contrôle réel digne de ce nom sur la politique de formation.
Quant au contrôle interparlementaire dont on nous parle, il faut bien savoir de quoi il s'agit. L'article 2 de la convention intercantonale relative au contrôle parlementaire nous indique, par exemple, que les parlements sont saisis chaque année par les gouvernements d'un rapport d'information établi par le comité stratégique portant sur les objectifs stratégiques, le budget annuel, les comptes annuels, l'évaluation des résultats. En outre, les parlements sont saisis d'un rapport d'information portant sur la planification financière, la première évaluation etc. La commission interparlementaire se réunit, examine les rapports de ce comité stratégique et formule des recommandations, mais les parlements ne disposent d'aucune possibilité de décider. Un exemple nous a d'ailleurs été donné hier soir à l'occasion de mon interpellation urgente concernant la suppression de la formation en emploi à l'école d'ingénieurs HES. Un directeur pouvant prendre une telle décision, je saisis mal où se situe le contrôle parlementaire.
Comme vous le savez, la Confédération s'efforce actuellement de concentrer des filières de formation sur des lieux géographiques particuliers, de supprimer quasiment la moitié des filières de formation, d'où un coup formidable - dans le sens négatif du terme - contre le droit des jeunes à une formation professionnelle digne de ce nom. Je soutiens donc qu'il n'y a aucun véritable contrôle parlementaire: il s'agit de poudre aux yeux destinée à nous induire en erreur.
Je donnerai un dernier exemple, puisque mon temps de parole est limité: dans la loi actuelle sur la formation professionnelle supérieure, le Conseil d'Etat a l'obligation de présenter un rapport annuel concernant une dizaine ou une quinzaine de points. Or, nous avons récemment reçu, il y a quelques semaines, un rapport de l'entrée en vigueur de cette loi. Ce rapport explique qu'en dépit de sa publication tardive - soit quatre ans après l'entrée en vigueur de ladite loi - les députés ont néanmoins eu l'occasion d'en discuter dans le cadre des travaux de la commission de l'enseignement supérieur. Voilà comment l'on conçoit le contrôle parlementaire ! Je m'insurge donc contre les propos de Mme Hagmann, car il ne s'agit pas d'un véritable contrôle. Nous verrons les dégâts qui seront causés à la formation professionnelle supérieure par le biais de cette loi sur les HES.
M. Albert Rodrik (S). Je me permets de rappeler à cette assemblée que nous sommes appelés à un exercice non dénué d'intérêt, mais modeste dans sa portée. La HES-SO, créée en 1994 et possédant maintenant une certaine antériorité sur les créations ultérieures, disposait d'un contrôle interparlementaire effectivement rudimentaire. A la lumière de l'expérience que nous avons faite, un certain nombre de compléments d'efficacité au contrôle interparlementaire ont été apportés au moment des travaux de la HES-S2. Il s'agit maintenant de répercuter ces éléments dans les statuts de l'«ancêtre», si j'ose dire. J'espère d'ailleurs que nous aurons l'occasion d'associer M. Mouhanna à une expérience similaire dans le cadre d'un exercice pratique.
Ceci dit, il faut rappeler l'existence de deux contrôles interparlementaires. Je pense en premier lieu au contrôle parlementaire que nous avons pratiqué à la création. Ce contrôle n'est ni superficiel ni vain; tous ceux qui ont présenté des doléances à propos des textes initiaux sur la HES-S2 peuvent témoigner de l'influence du travail interparlementaire qui s'est fait sur la convention HES-S2.
L'autre partie de ce contrôle interparlementaire est encore en retard et n'a pas été mis à l'épreuve de la réalité. Il s'agit du contrôle du suivi, au fur et à mesure que la convention vit. Il faut reconnaître que ce travail n'a pas encore été fait pratiquement.
Nous serons précisément conviés à le faire pour la HES-SO, qui ne comportait pas ces mécanismes qu'il s'agit aujourd'hui de greffer. L'efficacité ou l'inefficacité de ce travail sera fonction de la pugnacité, de la présence et du dynamisme que nous saurons mettre dans ces groupes intercantonaux. Je vous rappelle que ces groupes sont composés de quarante-neuf membres - soit sept représentants par canton - avec leurs clivages de régions et leurs clivages politiques.
Il est vrai que ce contrôle demande encore à être mis à l'épreuve. Mais, pour pouvoir le faire, je vous demande de bien vouloir faire cette révision modeste, mais de portée importante.
Le président. Je demande au groupe radical de ne pas appuyer sur les boutons de MM. les députés Serex et Dupraz. La parole est à M. le député Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Les propos de M. Rodrik montrent bien que le contrôle dont il est question n'est rien d'autre qu'un pseudo-contrôle tout à fait superficiel qui ne nous permet de prendre aucune décision en matière de politique de formation professionnelle. Je veux bien que le contrôle parlementaire tel qu'il se trouve dans ce rapport représente une modeste avancée par rapport à l'absence de contrôle antérieur. Cependant, un demi-rien ne constitue pas tout à fait un contrôle ! Cela est juste à peine un peu mieux qu'un rien du tout !
Si le Grand Conseil souhaite véritablement avoir le sentiment de pouvoir exercer quelque contrôle que ce soit, il serait vivement souhaitable qu'il se penche réellement sur la politique de formation professionnelle, politique sur laquelle il peut effectivement exercer un certain nombre de pouvoirs. Je pense notamment à l'examen de la politique de suppression des filières, de délocalisation et de suppression de formations. Cet examen offrirait sans doute l'occasion, Monsieur Rodrik, de vérifier que le Grand Conseil peut réellement exercer un contrôle et prendre des décisions.
Selon moi, cette commission interparlementaire ne représente rien d'autre qu'un vase beaucoup plus grand dans lequel on dilue davantage les problèmes, alors même que nous ne sommes pas capables de prendre les décisions qui conviennent au sein de ce parlement.
M. Alberto Velasco (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour avoir participé aux travaux de cette commission interparlementaire, je peux vous indiquer que j'étais relativement isolé parmi les élus de gauche. J'ai tenté, durant les travaux de cette commission, d'appuyer la position de M. Mouhanna en octroyant davantage de force à cette commission interparlementaire. Mais je dois reconnaître que les membres de la commission ont fait leur possible.
Je ne suis pour ma part pas totalement satisfait de la proposition qui nous est faite. Je la préfère cependant à la situation antérieure, qui était caractérisée par une absence totale de contrôle. Je vous rappelle qu'avant cette proposition, le Conseil d'Etat pouvait conclure des accords pratiquement sans aucune consultation ! Cette proposition permet au moins aux parlementaires de disposer d'une certaine prise. Je suis toutefois d'accord avec mes collègues: il s'agira de poursuivre les travaux de la commission interparlementaire afin de bâtir une réelle participation interparlementaire dans le cadre de ces concordats.
Le président. Je cède la parole à Mme le rapporteur, après quoi nous passerons au vote d'entrée en matière.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Il ne s'agit que d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer à cette convention intercantonale. Imaginez le contraire: si les autres cantons y adhèrent, il paraîtra invraisemblable que Genève, qui se trouve à la base de la HES, n'adhère pas à une convention qui nous donne davantage de pouvoir !
Il est certes vrai, Monsieur Mouhanna, que ce pouvoir est encore minime. Mais n'oublions pas que nous ne disposions d'aucun pouvoir auparavant ! La mise en place d'un contrôle constitue un long chemin, et cette convention constitue un indéniable progrès par rapport à un législatif. En d'autres termes, nous ne pouvons faire autrement que d'adhérer à cette convention.
J'espère en outre que la commission interparlementaire sera un peu comme une auberge espagnole, dans laquelle nous trouverons ce que nous y apportons. J'espère donc que ce sera vous, Monsieur Mouhanna, qui serez le représentant de l'Alliance de gauche à la commission interparlementaire.
M. Souhail Mouhanna. Oui, ce sera moi.
La loi 8253 (nouvel intitulé) est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.