Séance du
jeudi 27 février 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
21e
séance
PL 8561-A
Premier débat
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi dont nous débattons ce soir fait partie d'un certain nombre de projets de lois qui avaient été déposés à l'automne 2001 par un certain nombre de députés. Nous le traitons ce soir, et je dois dire qu'il avait le mérite d'ouvrir le débat, mais qu'en dehors de cela il ne cible pas correctement le but recherché.
Je veux parler des indemnités attribuées au étudiants: le projet de loi - c'est un de ses principaux défauts - parle uniquement des indemnités de l'Ecole du «Bon-Secours», alors même que d'autres professions faisant partie des HES ne bénéficieraient pas de ces indemnités. D'autre part, on ne réglerait, par ce projet de loi, que la situation genevoise, sans tenir compte de la situation romande, de sorte qu'on pourrait provoquer des inégalités à éviter en ce moment, puisque les HES, comme tout le monde le sait, sont traitées de manière romande par la convention intercantonale.
En l'occurrence, au terme de nos travaux, Mme la présidente du département n'avait pas encore pris de décision, mais l'assurance d'aller dans le sens recherché par le projet de loi a été donnée, à savoir que les indemnités allaient être discutées par le comité stratégique du concordat romand des HES-S2. Et on a appris dernièrement que le comité s'était réuni, que des compléments d'information avaient été demandés, et qu'une décision serait prise le 4 avril prochain, allant probablement dans le sens d'indemnités avoisinant 400 F par mois dès la première année, pour l'ensemble des professions HES-S2.
Je vous propose donc simplement de mettre de côté ce projet de loi, de refuser l'entrée en matière, et de laisser au Conseil d'Etat, au sein du comité stratégique, le soin de régler ce problème d'indemnités.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je prie la personne à la tribune de bien vouloir replier son petit calicot. Merci. J'ouvre le premier débat, le tour de prise en considération. Nous essaierons d'aller jusqu'au bout de ce débat ce soir, même s'il est 19h15. La parole est à Mme la députée Roth-Bernasconi.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi dont nous discutons maintenant vise à réintroduire les indemnités mensuelles aux étudiantes et étudiants de l'Ecole d'infirmières et de sages-femmes «Le Bon-Secours». Le groupe socialiste soutient ce projet de loi et refuse donc le rapport de M. Odier pour les raisons suivantes.
Les études pour devenir infirmière ou sage-femme sont lourdes. Pendant les stages, beaucoup de responsabilités doivent être assumées. Vous êtes face à la vie ou à la mort, et un mauvais geste au mauvais moment peut être fatal pour une personne. Même si les élèves sont encadrées, elles fournissent un vrai travail de professionnelles. Ceci mérite une reconnaissance. Je rappelle à M. Odier que les apprentissages «en dual» ne concernent pas seulement les formations manuelles - c'est ce que vous dites dans votre rapport - mais également les formations techniques, commerciales ou pour les branches de service. Et toutes les personnes qui font un apprentissage dans ces domaines sont rémunérées dès le premier jour de leur formation. De plus, ces personnes sont souvent plus jeunes que les personnes infirmières ou sages-femmes qui, elles, doivent avoir au minimum 18 ans lorsqu'elles commencent leur formation. Je parle au féminin, puisque la majorité des infirmiers et infirmières sont aujourd'hui encore des femmes. De fait, papa et maman payent encore facilement pour les apprentis mineurs, pas forcément pour des étudiantes plus âgées.
Le critère de la contribution à la production d'une stagiaire dans l'hôpital - critère que vous mentionnez, Monsieur Odier, dans votre rapport - ne peut être appliqué à une personne soignante, car elle ne produit rien: elle soigne. On pourrait par contre regarder à partir de quel moment une stagiaire remplace un tiers, une demie, voire une infirmière en entier dans une équipe, lorsqu'elle fait son stage. Si mes souvenirs de mon premier métier sont bons, il me semble qu'une élève infirmière peut relativement rapidement faire des soins de manière autonome.
On nous indique qu'une élève ou un élève du «Bon-Secours» dispose de 13 semaines de vacances. J'ai vu dans les documents pour la HES-S2 que ce n'est même pas exact: on parle dans les prospectus de 10 semaines. Il faudrait peut-être vérifier. Mais même si c'était vrai, il faut savoir que les étudiants et étudiantes de l'université ont beaucoup plus de vacances à disposition. A mon avis, et vu leur âge, il faut en effet comparer les élèves infirmiers et infirmières avec les étudiants, plutôt qu'avec les apprentis ou les élèves du niveau secondaire 2.
Mais un autre facteur me semble encore plus important: les élèves infirmières et infirmiers ne peuvent pas exercer un travail lucratif en dehors de leurs heures de cours ou de stages. Et même 13 semaines de vacances ne permettent pas d'acquérir un revenu même d'appoint pour pouvoir s'assumer financièrement toute une année.
Mesdames et Messieurs les députés, je peux parler d'expérience, car j'ai moi-même fait les deux: une école d'infirmières et des études universitaires. Alors que ma première formation me prenait tout mon temps mais m'a tout de même permis de vivre de manière indépendante grâce aux indemnités de stage que je recevais à l'époque, j'ai pu, pendant mes études, élever mes enfants, être députée et travailler contre rémunération jusqu'à mi-temps. Je dois dire que j'ai fait ma formation en trois ans et demi. A l'école d'infirmières, qui a duré quatre ans, cela aurait été impossible. Les nombreux stages, les horaires de cours obligatoires n'auraient jamais permis un tel programme à côté. Grâce aux indemnités de stage, je n'en ai pas eu besoin.
Dernier argument: actuellement, on nous dit qu'il y a trop de médecins et pas assez de personnel soignant. Il faudrait dès lors promouvoir ces métiers ! Une des mesures pourrait être la revalorisation de leurs conditions de travail et d'apprentissage. Un premier geste allant dans ce sens pourrait être fait par l'acceptation de ce projet de loi en tant que mesure transitoire, au moins jusqu'au moment où une réglementation concertée entre les cantons romands soit établie pour toutes les HES santé-social. Dans ce sens-là, nous préconisons donc l'acceptation du projet de loi, en attendant la décision de toutes les HES de Suisse romande, pour qu'effectivement les élèves infirmiers et infirmières et les sages-femmes soient traités de manière égale dans toute la Suisse. (Applaudissements.)
Le président. Je rappelle que la tribune ne doit pas manifester... La parole est à Mme la députée Ariane Wisard.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être brève puisque Mme Maria Roth-Bernasconi a très bien défendu la profession. Je voulais juste dire que les Verts regrettaient que la majorité de la commission ne soit pas rentrée en matière sur ce projet de loi, et voulais relever tout de même l'injustice faite aux étudiants genevois. En effet, les indemnités des étudiants HES santé-social des autres cantons romands s'élèvent à 400 F par mois durant les quatre années de formation, à Genève les étudiants HES social recevraient des indemnités dès la première année, alors que les étudiants HES santé ne toucheraient des indemnités que les deux dernières années de leur formation. Ces différences entre Genève et les autres cantons, ainsi qu'au sein d'une même HES à Genève relèvent d'une double injustice.
De plus, nous rencontrons toujours plus de difficultés à recruter du personnel soignant. Les études dans les domaines de la santé se sont complexifiées, la formation est passée de trois à quatre ans, et elle comprend de nombreuses heures de stages. Pour ces raisons nous nous rallions donc à la position des socialistes pour soutenir ce projet de loi.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Le hasard fait bien les choses, dans la mesure où tout à l'heure on parlait des difficultés financières de l'Etat de Genève et des attentes de certains, pour qui c'est une surprise divine d'avoir des comptes déficitaires puisqu'ils pourront dès lors s'attaquer à l'Etat social. Or, que lis-je dans ce rapport ? Il y est dit ceci: «le projet de loi vise à réintroduire les indemnités mensuelles aux étudiants de l'école «Le Bon-secours» et à inscrire la gratuité de l'écolage», puis au paragraphe suivant «jusqu'à leurs suppressions en 1994 pour raison budgétaire, les indemnités s'élevaient à 600 F». Nous y voilà ! Dès qu'il y a des difficultés budgétaires, la droite s'attaque au social, aux dépenses pour l'éducation, la santé, etc. Elle parle de dépenses, de coûts, mais n'imagine pas que l'argent mis dans la formation et l'éducation est en réalité un investissement ! Pour elle, c'est toujours un coût. Par contre, évidemment, lorsque certains milieux profitent du travail des autres et accumulent les millions et les milliards, cela est justice.
Une voix. Des millions et des milliards ?
M. Souhail Mouhanna. Mais oui, vous le savez bien ! Je voudrais maintenant revenir au contenu de ce rapport, que je trouve d'une incohérence absolument incroyable, dont je vais vous donner quelques exemples.
Il existe une convention intercantonale, signée le 4 mars 1996, qui prévoit une indemnité de 400 F pour les étudiants des professions de la santé. Genève n'a pas adhéré à cette clause. Le 6 juillet 2001, une nouvelle convention a été signée, à laquelle Genève a adhéré. Le 25 juillet 2001, il a été dit ceci: «Afin de combler en partie la différence de traitement avec les autres cantons, le Conseil d'Etat donne suite à la demande des pétitionnaires et décide d'accorder aux 3e et 4e années du «Bon-Secours» et du Centre d'enseignement des professions de la santé une indemnité mensuelle de 400 F.» Vous parlez d'inégalité de traitement, Monsieur Odier et la majorité de la commission, pourquoi dans ce cas ne pas avoir considéré la totalité des étudiants, comme cela se fait ailleurs ? Il y a donc en effet une inégalité de traitement, que vous avez légitimée quelque part par une affirmation de ce genre.
Il est dit ensuite dans le rapport que «la décision du comité stratégique de HES-S2 [...] conduira la direction HES Genève à appliquer le nouveau régime à l'ensemble des degrés dans les filières HES-S2». Or voilà ce que je lis en page 5 de la décision du comité stratégique: «Rappelons que le comité stratégique HES-S2 se déterminera d'ici au printemps 2003. A ce moment, la direction HES-SO Genève espère être en mesure d'introduire les éventuelles indemnités dès la première année, et cela si possible». Nous avons ici «espère», «éventuelles», «si possible» ! Vous imaginez bien, avec les problèmes budgétaires que l'on attend, qu'il y a plutôt un risque de voir une suppression des indemnités chez ceux qui en reçoivent... Il est dit ici quelque chose dont il faudra tenir compte. Et si vraiment le comité stratégique et le département de l'instruction publique - comme l'affirme M. Odier - ont l'intention au printemps d'introduire ces indemnités dès la première année, la meilleure façon de s'en assurer - on a vu tout à l'heure, dans le cadre de mes interpellations, ce que valent les promesses ! - serait de renvoyer ce projet de loi en commission, pour que le département vienne s'expliquer et nous dire ce qu'il entend appliquer.
Quant à l'histoire des 13 semaines de vacances qui leur permettraient de travailler et subvenir à leurs besoins, ce sont là des propos extrêmement graves ! Cela revient à dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il suffit de diminuer les salaires de tous les travailleurs qui ont 4 ou 5 semaines de vacance, puisque de toute façon ils pourraient récupérer cela en travaillant pendant les vacances ! C'est incroyable ! Les vacances, pour les élèves et pour les gens qui travaillent dans le domaine de l'éducation - et vous le savez, c'est la même chose dans tous les pays du monde - sont faites pour que ces gens puissent se reposer, récupérer et se préparer pour l'année suivante. Les vacances sont un dû pour les élèves, et il faut absolument que ces vacances leur permettent effectivement de récupérer et de se présenter dans de bonnes conditions pour continuer leurs études.
Il y a encore un autre élément: vous savez que la situation des familles et de l'immense majorité de la population est telle que beaucoup de jeunes sont obligés de travailler pour compléter le revenu familial. Lorsqu'on demande à des milliers de jeunes qui sont aux études d'aller travailler pendant les vacances, on oublie que ce sont là des emplois enlevés à d'autres. Par ailleurs, ces emplois sont souvent payés au rabais. Il n'y a en effet pas de protection sociale pour les gens qui travaillent sur des durées aussi courtes. (Brouhaha.)
Enfin, il y a un tableau à la fin de ce rapport, que vous avez sous les yeux. Ce tableau montre que dans les autres cantons, depuis 1996, tout le monde touche 400 F dans tous les degrés et dans toutes les écoles qui font partie de HES-S2. La moindre des choses, lorsqu'on se permet de parler d'égalité de traitement, serait au minimum d'appliquer le même traitement que les autres cantons. Ce que nous, à l'Alliance de gauche, nous demandons, c'est de rétablir l'indemnité de 600 F qui existait dans le passé et, étant donné les problèmes sociaux que nous connaissons à Genève, d'élever ce montant à 800 F. Vous nous dites qu'il y a inégalité de traitement avec d'autres milieux, mais vous savez très bien que nous sommes tout à fait favorables à la généralisation à l'ensemble des étudiants genevois de ce qu'on peut appeler l'indemnité aux études. Voilà ce que l'Alliance de gauche pense. Par conséquent, nous proposons le renvoi de ce projet de loi en commission.
Le président. La parole est à M. Pierre Vanek. Monsieur Vanek, le renvoi en commission ayant été demandé, vous ne vous exprimerez que sur ce point-là. Sinon, il aurait fallu que vous vous arrangiez avec votre collègue pour que ce soit vous qui le demandiez. Je suis navré.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, bien entendu, je respecterai scrupuleusement le règlement, et je m'exprimerai sur la nécessité impérative du renvoi en commission de ce projet de loi, ne serait-ce que parce que - je ne sais pour quels motifs - Mme Brunschwig Graf a estimé qu'elle avait autre chose à faire que d'être ici pour participer à ce débat. Or, effectivement, ce débat a été posé sur la place publique, je ne répéterai donc pas certains arguments de fond. Cela tombe bien, ils ont été résumés de façon pertinente et synthétique dans la feuille que chacun a reçue en entrant dans cette salle - du moins ceux qui sont arrivés à l'heure. Un des arguments élémentaires qui n'a pas été rappelé par mes préopinants concerne les promesses faites aux étudiant-e-s qui allaient s'engager dans cette filière d'études. (Protestations. L'orateur est interpellé.)Mais oui, Monsieur Odier ! (Le président agite la cloche.)Mme Martine Brunschwig Graf, par l'entremise de la presse, a dit que non, que ces promesses n'avaient jamais été faites. J'aurais aimé qu'elle puisse le répéter, sans passer par les médias, mais directement dans cette enceinte, à défaut qu'elle vienne le dire en commission.
Le rapporteur a, quant à lui, amené à l'appui du renvoi en commission un argument essentiel: il nous a dit que de nouveaux éléments avaient surgi depuis le dépôt du rapport, qu'il aurait appris que le 4 avril - c'est bien la date que vous avez évoquée, Monsieur Odier? - tomberait une décision sur cette question, permettant d'aller dans le sens d'une généralisation de l'indemnisation des stages, pratiquée - comme cela a été rappelé par mon préopinant - dans tous les cantons romands, à l'exception honteuse de Genève. Si des éléments nouveaux doivent effectivement être ajoutés au dossier le 4 avril - c'est-à-dire dans 5 semaines environ - il est évident que ce projet de loi doit être renvoyé en commission, pour que celle-ci puisse savoir si c'est du lard ou du cochon, si ce sont à nouveau des promesses qui reviennent à brasser du vent, ou si c'est quelque chose de sérieux. De ce point de vue là, le renvoi en commission pour «suspendre» cette affaire, prendre connaissance de l'état du dossier, entendre Mme Brunschwig Graf sur les promesses qui auraient ou n'auraient pas été faites et revenir dans cette salle pour avoir ce débat, en étant pleinement informé, me semble être la moindre des corrections par rapport aux personnes directement concernées, par rapport aux assertions du rapporteur à l'instant sur ces éléments nouveaux. Sans ça, si vous ne voulez pas du renvoi en commission, votre hâte à liquider ce projet de loi séance tenante paraîtra tout de même suspecte ! M. le rapporteur a dit que ce projet de loi avait eu le mérite d'ouvrir le débat; mais enfin, si le débat est aussitôt clos, son ouverture n'est pas un bien grand mérite. Il s'agit précisément d'ouvrir ce débat et de le mener jusqu'au bout ! Vous êtes le premier à convenir que nous ne sommes pas au bout du débat et que certaines choses dépendraient de décisions à prendre.
Renvoyons donc ce projet de loi en commission, examinons ces «nouveautés» qui doivent survenir le 4 avril, et s'il n'y en a pas, adoptons ce projet de loi comme mesure transitoire. Ce projet peut très bien être amendé pour assurer simplement une transition, d'ici à ce que des mesures soient appliquées à l'ensemble de la Suisse romande. Ne pas entrer en matière malgré le flou sur la question des promesses qui ont été faites ou pas, sur la base des indications hypothétiques du rapport, équivaudrait vraiment à prendre les gens... on me souffle: pour des imbéciles, je cherchais une formule plus polie, mais je crois en fin de compte que c'est bien de cela qu'il s'agit. Je vous invite donc vivement, Mesdames et Messieurs, à renvoyer ce projet de loi en commission, ce d'autant plus que - et c'est là un argument supplémentaire à l'appui de cette demande - les étudiant-e-s principalement concernés par cette mesure ont déposé récemment et fort opportunément une pétition sur le même objet - qui comporte plus de deux mille signatures - de sorte que nous aurons de toute façon à revenir sur cette question, et en commission et en plénière. Il y a des décisions que ce parlement doit prendre pour assurer un minimum de justice et d'égalité de traitement. Ce serait donc suspect de ne pas accepter de poursuivre cette discussion et de la clore en l'état.
Voilà. Je crois m'être exprimé, Monsieur le président, sur le renvoi en commission, et je reviendrai évidemment sur le fond si le projet de loi devait ne pas l'être.
Le président. Il reste quatre orateurs inscrits sur le renvoi en commission. Tout le monde n'est pas obligé d'épuiser son temps de parole. Un orateur par groupe au maximum, la parole est à M. Christian Bavarel pour les Verts.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce projet de loi devrait effectivement retourner en commission, car il devrait être traité de manière un peu plus large. Je pense qu'il pose des questions qui touchent l'ensemble des HES, notamment celle de savoir quel type de profil nous voulons pour ce genre de formation. Par le passé, le profil des personnes qui suivaient ce genre de formation était celui d'individus porteurs de CFC, avec une expérience professionnelle, et qui entraient ensuite en HES, que ce soit l'ancienne IES, les Ecoles d'ingénieurs ou celles des métiers de la santé. Le nouveau profil est plutôt celui de personnes ayant passé une maturité ou sortant de l'ECG, et qui entreraient ensuite en HES. La maturité professionnelle est un choix qui doit se faire dès le début de sa formation, car de plus en plus tous ces types de formation cherchent des profils que j'appellerai scolaires.
En ce qui me concerne, je suis porteur d'un CFC, je suis donc dans une situation équivalant à une maturité moins 4, de sorte que je devrais faire une formation supplémentaire si je voulais entrer en HES, alors qu'il serait plus simple pour moi de demander une entrée à l'université sur dossier, par dérogation. A l'heure actuelle, les personnes qui ont de l'expérience et, souvent, une trentaine d'années doivent demander une autorisation de leurs parents - pour autant qu'ils aient des revenus suffisants - pour pouvoir reprendre des études. Il est certain que si l'on cherche à attirer des gens qui ont de l'expérience, il faut prendre en considération le fait que leur situation n'est pas tout à fait la même que celle de ceux qui suivraient simplement un cursus scolaire.
C'est parce que toutes ces questions n'ont, à notre avis, pas été suffisamment approfondies, que nous vous demandons d'accepter le renvoi en commission.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, vous nous avez rappelé qu'il était nécessaire de s'exprimer ici sur le renvoi en commission, et c'est sur cette proposition que je m'exprimerai, de façon nettement plus fidèle à votre invite, que celle qui a été adoptée par un des préopinants.
Je dirai simplement en la matière qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, et que, d'autre part, il s'agit de mettre en oeuvre un principe d'égalité de traitement. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, parce que si, par hypothèse, nous devions renvoyer ce projet en commission, il adviendrait simplement que la solution apportée au problème réel rencontré par les étudiants de la Haute école concernée serait renvoyé je ne dis pas aux calendes grecques, mais en tout cas en des temps bien éloignés d'aujourd'hui. En d'autres termes, la rétribution pour leur formation ou pour les stages qu'ils attendent serait autant d'argent en moins dans leurs poches dans les mois à venir.
D'autre part, une question d'égalité de traitement se pose, et c'est l'une des raisons qui m'a amené - avec d'autres, avec une majorité de la commission ! - à refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi. Si nous l'avions accepté en l'état, nous aurions été amenés à privilégier une catégorie d'étudiants des HES par rapport à d'autres. Par conséquent, la décence et la valeur d'égalité à laquelle nous sommes tous dans ce parlement attachés nous imposent et de refuser ce projet de loi... (Protestations.)...et de refuser le renvoi en commission. C'est ainsi que je conclus, Monsieur le président, et j'espère avoir été - comme je le disais - plus fidèle à votre invite.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, le respect est aussi une qualité en politique, veuillez écouter les orateurs. La parole est à M. le député Beer, pour le parti socialiste. Tenez-vous en exclusivement au renvoi en commission, Monsieur le député.
M. Charles Beer (S). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, Monsieur John Dupraz... (Rires.)...j'aimerais d'abord répondre à M. Weiss. Je sais que ce n'est pas l'objectif puisque le but est le renvoi en commission, mais il y a un élément important dans ses propos qui mérite d'être repris. Monsieur Weiss, si vous êtes pour l'égalité de traitement, vous oubliez néanmoins d'ajouter que cela dépend des moyens.
En ce qui concerne justement la question de moyens, j'aimerais, Monsieur le président, qu'on prête attention au fait suivant: si je demande le renvoi en commission, c'est que celui-ci ne doit pas être examiné, comme cela a été le cas jusqu'à présent, sous l'angle prédominant des finances, mais bien sous l'angle des HES, du système de formation, des systèmes de stages, particulièrement pour de jeunes personnes majoritairement de sexe féminin et donc confrontées à un problème d'égalité de traitement dans la suite de leur vie active. A cet égard, je demande que le renvoi en commission se fasse vers la commission de l'enseignement supérieur. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'entends qu'on demande l'appel nominal pour le vote, cette demande est-elle appuyée ? Oui. Je fais donc voter le renvoi en commission par vote électronique et par appel nominal. Je prie les députés de regagner leur place. C'est assez amusant de voir tout le monde courir. Le vote est lancé.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition est rejetée par 46 non contre 35 oui.
M. Pierre Vanek (AdG). Sur le fond, j'aimerais dire ceci: un parfait scandale s'est produit en 1994... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...quand ces indemnités de 600 F par mois étaient attribuées à l'ensemble des étudiants de cette école. M. Unger, qui va intervenir maintenant en lieu et place de sa collègue qui s'est apparemment défilée... (Protestations dans la salle.)...se souvient de ce débat autant que moi. C'était un des premiers auxquels j'ai participé dans cette enceinte, et peut-être vous aussi, Monsieur Unger, à l'époque où vous n'étiez pas conseiller d'Etat mais petit soldat de cette majorité monocolore qui coupait à tour de bras dans tout ce qu'elle pouvait couper, comme l'a dit mon collègue Souhail Mouhanna, en matière de dépenses sociales. Ce point-là était l'un des points sur lesquels nous nous étions affrontés.
On vient nous dire maintenant - Souhail Mouhanna l'a rappelé - que ce projet est difficilement réalisable aujourd'hui, étant donné la mauvaise situation économique. Entre-temps, la République et canton de Genève s'est tout de même arrangée pour ne pas payer pendant des années ces indemnités de stage, alors que du travail gratuit est fourni durant ces stages, alors qu'il mérite rémunération, alors que c'est une branche où l'on cherche à attirer des gens pour les former. Cela est complètement absurde !
On agite également, tout au long de ce débat, l'idée selon quoi tout s'arrangera bien vite à l'échelle romande. J'ai reproché tout à l'heure au rapporteur d'évoquer des informations à la légère, mais peut-être M. le conseiller d'Etat va-t-il pouvoir être plus précis que le rapporteur, qui a évoqué l'hypothèse d'une date du 4 avril, où cette affaire serait réglée. Mais dans ce cas, bon Dieu, si vous êtes si sûrs de vous, si vous êtes persuadés que cette affaire sera réglée à l'échelle romande, acceptez donc que ce projet de loi soit voté comme projet transitoire ! On peut très bien ajouter une disposition qui indique que les mesures prônées ici «bouchent le trou» jusqu'à ce que des dispositions uniformes soient prises à l'échelle romande.
Si les choses sont en passe de se réaliser comme le rapporteur le prétend, comme je crois le lire dans ce qu'a dit Martine Brunschwig Graf à la presse, vous ne vous engagez pas à grand-chose, si ce n'est à rassurer les uns et les autres, et particulièrement les personnes les premières concernées. Si par contre, comme je le crois - mais peut-être ai-je tort ? - ces promesses sont du vent et qu'il va encore se passer un certain nombre d'années avant que cette affaire ne soit réglée, nous aurons au moins répondu dans l'intervalle à un besoin social évident et criant. De ce point de vue là, certains de mes préopinants ont cité leurs expériences professionnelles propres, ils ont indiqué l'importance de ce genre d'indemnisation pour recruter des candidat-e-s de qualité, et je rappellerai aussi que sous le monocolore, dans d'autres domaines également, on a empêché des personnes rémunérées d'accomplir certaines formations. Martine Brunschwig Graf - qui n'est pas là - a été l'auteur du démantèlement des études pédagogiques de l'enseignement primaire, que j'ai eu l'honneur de fréquenter et pendant lesquelles on était effectivement indemnisés pour le travail effectué dans le cadre de la formation. Cette voie-là, la voie du démantèlement de ce type d'indemnisations, est antisociale, elle n'est pas productive de bonnes formations pour les serviteurs du public qu'on aimerait avoir dans la fonction publique genevoise, qui en a bien besoin.
Nous avons l'occasion avec ce projet de loi de réparer, à toute petite échelle, une injustice qui a été commise en 1994. Monsieur le conseiller d'Etat, je vous invite à le faire, et à ne pas replonger dans vos travers d'antan.
Le président. Merci, Monsieur le député. Même si nous interrompons le débat à 19h15, le Bureau vous propose de clore ici la liste des orateurs. Il y a encore M. Grobet, M. Mouhanna...
Une voix. J'étais inscrit avant et depuis longtemps !
Le président. Je suis en train de lire la liste des orateurs, vous voudrez bien m'écouter jusqu'au bout. Il reste donc M. Grobet, M. Mouhanna, Mme Wisard et M. le conseiller d'Etat Unger. Dans ces conditions, je mets aux voix la clôture de la liste à la majorité simple.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. La liste est close, le débat reprendra à 20h45, pour que vous ayez le temps de dîner. J'invite, à la tribune, les gens de l'université ouvrière à notre petit apéritif.