Séance du
vendredi 31 janvier 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
4e
session -
19e
séance
La séance est ouverte à 17 h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Gilbert Catelain, Erica Deuber-Ziegler, John Dupraz, René Ecuyer, Pierre Froidevaux, David Hiler, René Koechlin, Georges Letellier, Claude Marcet, Jacques Pagan et Pierre Schifferli, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Plusieurs personnes ont demandé l'urgence sur plusieurs objets, et il y a un intervenant sur chaque objet qui demande l'urgence. J'ai tout d'abord une proposition de motion urgente, la M 1513, intitulée «Halte aux licenciements chez Swisscom». La parole est à M. Leuenberger.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Une vingtaine de députés de cinq groupes de ce parlement demandent l'urgence et soutiennent cette motion. Je ne pense que de longues explications soient nécessaires. Je vous invite à voter cette urgence. Il s'agit de soutenir la démarche du Conseil d'Etat qui a déjà très clairement pris position sur cette question. Il n'est certainement pas inutile que notre parlement s'exprime lui aussi avec clarté contre la politique agressive de Swisscom actuellement.
Le président. Monsieur Leuenberger, savez-vous plus ou moins quand vous voulez traiter cette motion ? A partir de ce soir 20 h 30, après les TPG ?
M. Ueli Leuenberger (Ve). Peut-être après les interpellations, car je ne crois pas que cela nécessitera un long débat.
Le président. Bien. J'ai une autre motion urgente, la M 1514 «Pour le développement de l'offre Noctambus». Je cède la parole à M. Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Je vous demanderai donc que la motion pour le développement de l'offre Noctambus, signée par six groupes parlementaires, soit traitée ce soir à 20 h 30 avec les points 75, 76 et 82, concernant le contrat de prestations des TPG.
Le président. Je mets aux voix l'urgence pour la motion 1514, qui sera traitée avec les TPG.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. J'ai oublié de mettre aux voix l'urgence pour la motion 1513, car il y avait des signatures provenant de tous les bancs. Nous allons le faire maintenant, mais comme il y a des gens encore debout, nous allons demander le vote électronique. Il paraît qu'il marche, en même temps cela servira de test.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 30 oui contre 26 non et 2 abstentions.
Le président. Il me reste une troisième proposition d'urgence, qui vient de M. Dethurens. Monsieur Dethurens, expliquez votre affaire, je vous prie.
M. Hubert Dethurens (PDC). Monsieur le président, hier soir, lors de l'élaboration de l'ordre du jour, le projet de loi 8905 sur la modification de l'organisation des Services industriels de Genève a été renvoyé sans débat. A la suite de cela, M. Marc Muller, sauf erreur, a demandé dans la précipitation un peu de temps pour que le groupe libéral puisse en discuter. Il semblerait que tout soit rentré dans l'ordre, c'est pourquoi je demande l'urgence, afin que ce projet soit renvoyé sans débat à la commission de l'énergie et des services industriels.
Le président. M. Dethurens demande l'urgence pour le projet de loi 8905. (Protestations.)La proposition de renvoi sans débat ayant été hier rejetée, dans le sens où on l'a retirée de l'ordre du jour, cela signifie, si l'urgence est acceptée, qu'il est réinscrit, et nous le considérerons dès lors, Monsieur Pagani, comme renvoyé sans débat à la commission de l'énergie. Je suis obligé de respecter la procédure. Ce n'est pas votre voisin qui me contredira.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Il reste M. Jean-Marc Odier, puis M. Pagani. Monsieur Odier, vous avez la parole.
M. Jean-Marc Odier (R). J'aimerais que l'on puisse renvoyer rapidement le projet de loi 8748 modifiant la loi sur la hiérarchisation des routes, qui a déjà été discuté, à la commission des transports. Je demande donc l'urgence pour ce point, et que ce projet puisse être renvoyé sans débat.
Le président. Il n'y avait pas encore de «sans débat proposé», je mets donc aux voix l'urgence et, s'il y a urgence, il n'est pas impossible qu'il y ait débat. Dans tel cas nous serons obligés de le déplacer à un autre moment. Le vote électronique est lancé.
Cette proposition recueille 33 oui et 33 non. Le président tranche.
Le président. Je me prononce contre cette proposition.
Cette proposition est donc rejetée par 33 oui contre 34 non.
Le président. Nous passons à la prestation de serment de Mme Cécile Arrigoni, élue comme juge assesseur au Tribunal des baux et loyers (propriétaires ou gérants d'immeubles). Veuillez faire entrer Mme Arrigoni. ( Mme Cécile Arrigoni entre.) Madame, je ne connais malheureusement pas la formule de prestation de serment par coeur, et on est en train de me la chercher. La voilà.
Mme Cécile Arrigoniest assermentée. (Applaudissements.)
Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour. On m'a annoncé qu'il y avait une communication du Conseil d'Etat, je passe la parole à M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat.
Déclaration du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot,président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les déclarations de M. le député Portier dans le cadre de son interpellation urgente d'hier laissaient penser que l'Etat envisageait d'implanter des logements d'urgence pour requérants d'asile à Vessy, sur deux sites différents mais voisins l'un de l'autre. Or, il n'en est rien: il n'existe qu'un seul projet, qui est actuellement soumis à l'enquête publique en cours. Le plan montré par M. Portier était en réalité une variante, car nous avons hésité quant à la meilleure implantation. Cette variante est aujourd'hui abandonnée.
Le Conseil d'Etat espère que vous n'avez pas, Monsieur le député, alarmé la population en énonçant le chiffre de sept cent requérants d'asile sur la commune de Veyrier, car il n'y a et il n'y aura qu'un seul projet sur cette commune, qui sera de deux cent lits au maximum.
Communications de la présidence
Le président. Je tiens à saluer la présence à la tribune d'élèves de troisième année de l'école de culture générale Jean-Piaget, qui assistent à notre séance. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Je vous annonce le retrait par leurs auteurs de l'objet suivant:
Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Pierre Vanek, Jean-Pierre Lyon relatif au financement des frais d'infrastructure du service des automobiles et de la navigation. ( PL-7209)
Il est pris acte du retrait de ce projet de loi. Monsieur Brunier, je vous cède la parole.
M. Christian Brunier (S). Il s'agit de l'objet suivant:
Proposition de motion de Mmes et M. Fabienne Blanc-Kuhn, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot sur la revitalisation du service des autos et de la navigation ( M-967)
Aujourd'hui cette motion est largement couverte par les réalisations du SAN, c'est pourquoi nous la retirons.
Le président. Il est pris acte de ce retrait.
Le président. Suite à la démission de M. Carlo Sommaruga de ses fonctions au comité de la Société suisse de radio et télévision du canton de Genève, où il avait été élu hier, Mme Stéphanie Nussbaumer a accepté de le remplacer. Je vous rappelle que l'autre membre est M. le député Pierre Weiss.
Etant seule candidate, Mme Stéphanie Nussbaumerest élue tacitement.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le député, tout d'abord, je vous dois des remerciements, puisque vous avez dénoncé dans cette enceinte et au Conseil d'Etat une pollution dont nous n'étions pas informés. Vous avez mentionné à cet égard un rapport qui aurait été établi, et vous devez savoir, Monsieur le député, qu'en application à l'article 46 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, le détenteur de ce rapport aurait dû le communiquer aux autorités, mais qu'il ne l'a pas fait.
Dès l'instant où vous avez dénoncé cette situation, nous avons pris - vous l'imaginez - un certain nombre de mesures. Tout d'abord, le service de géologie a examiné dans sa banque de données les sondages faits dans le passé pour connaître la nature du sous-sol. Or, dans les sondages effectués près de la parcelle, le contexte géologique et hydrogéologique permet de considérer que ce cas ne présente pas un risque imminent de pollution, par migration des polluants. La nappe superficielle est en effet située à environ deux mètres de profondeur, où il y a des limons sableux qui sont de faible perméabilité; vers trois mètres, il y a des terrains argileux imperméables, qui forment ainsi une barrière qui évite une migration ultérieure des polluants. Par ailleurs, la nappe qui se trouve en dessous de ces terrains n'est pas destinée à l'eau de boisson.
Une deuxième mesure a été prise, il s'agit d'une recherche dans les données du cadastre provisoire des éléments que nous avions sur cette parcelle. Il s'avère qu'entre 1940 et 1999 il y a eu une activité à risque par la fabrication de produits pharmaceutiques de base, et c'est dire que ce laboratoire figurait dans une présélection de sites que nous devions investiguer. Nous avions le projet de le faire au mois de mars de cette année. Il va de soi que dès l'instant où cette pollution nous a été dénoncée, nous avons immédiatement envoyé un courrier au détenteur de ce site - ça s'est fait aujourd'hui même - pour lui demander de nous communiquer, cas échéant, le rapport qui serait en sa possession.
Troisièmement, une visite sur place a eu lieu aujourd'hui même, pour se rendre compte si, au-delà des données que nous avions, d'autres éléments auraient pu nous échapper. Il s'avère que la parcelle est en majeure partie imperméabilisée, de sorte que les risques de diffusion de polluants dans l'atmosphère peuvent être considérés en l'état comme inexistants.
Il me reste encore une fois à vous remercier et à vous assurer que nous allons suivre avec attention ce dossier.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Dans sa première question, l'intervenant semblait penser qu'il y avait - selon son expression - une «sanctuarisation» des cycles d'orientation, s'agissant de la collaboration entre le département de l'instruction publique et celui de justice et police. J'aimerais d'abord rappeler ce qui existe et qui a d'ailleurs été renforcé: la collaboration sur le terrain entre les services du département de l'instruction publique - en particulier les directions des collèges et cycles d'orientation - et la police est constante. Elle s'est même renforcée, et les procédures d'intervention sont établies et claires pour tous.
La consommation d'alcool et de cannabis dans le périmètre des écoles est prohibée. Le rappel des articles du règlement sur la surveillance des mineurs, s'agissant de la consommation de ce type de substances, figure dans les règlements internes. En cas de problème, notamment si on soupçonne un trafic aux abords des écoles, les directions font aussitôt appel à la police, qui ne manque pas d'intervenir. Lorsque des élèves sont surpris en infraction ou sous l'emprise d'un produit illicite, ils sont sanctionnés et leurs parents sont avertis. Les élèves en difficulté sont quant à eux pris en charge dans une démarche d'encadrement.
J'ajoute que la surveillance dans les bâtiments et leurs abords est assurée avant et après les cours, de même que pendant les récréations. Il est vrai que les abords des écoles ne sont plus surveillés en dehors des heures d'activité scolaire. Or c'est souvent le soir ou la nuit que les jeunes - pas forcément ceux et celles qui fréquentent l'école et pas forcément jeunes non plus - se retrouvent pour fumer et consommer des boissons alcoolisées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le département de justice et police et celui de l'instruction publique ont mis en place une cellule de sécurité qui réunit les membres des états majors de ces deux départements pour prendre un certain nombre de mesures, pour définir une stratégie globale, définir les endroits à risque, assurer une information réciproque et, si nécessaire, intensifier les collaborations.
C'est un effort constant. Il peut toujours y avoir des événements qu'on ignore, c'est pourquoi il est important de les dénoncer, de les signaler, et de faire en sorte qu'une action ait lieu là où elle est nécessaire. Mais je crois pouvoir dire avec ma collègue que nous avons à cet égard des échanges importants, constants et que chaque fois qu'un problème se pose la mise en réseau se fait rapidement et les décisions qui doivent être prises le sont.
S'agissant maintenant du plan politique et de la position du Conseil d'Etat sur la consultation pour une révision de la loi fédérale sur les stupéfiants: je n'ai pas la formulation exacte de la loi, je ne pourrai donc pas vous la lire, mais j'aimerais vous rappeler que la position du Conseil d'Etat, non sans débat et non sans états d'âme pour certains, se basait sur la recommandation de la commission mixte en matière de toxicomanie, qui préconisait une ouverture vers une forme de dépénalisation. Mais j'aimerais rappeler ici aussi qu'à l'heure actuelle, il y a des débats - c'est vrai - au plan fédéral, et que si ces débats aboutissent, le Conseil d'Etat devra revoir sa position en fonction de ce que les Chambres fédérales détermineront par rapport au projet.
J'ajoute encore que l'augmentation chez les jeunes de la consommation de substances illicites, mais aussi de nicotine et d'alcool - augmentation constatée dans tous les pays d'Europe - est préoccupante. Les risques liés à la consommation de cannabis sur la santé et le développement des jeunes sont aujourd'hui plus qu'hier dénoncés et reconnus. Cela n'a d'ailleurs pas toujours été le cas, y compris du côté des instances médicales, lesquelles semblent peu à peu revoir leur jugement. C'est donc avec une volonté constante d'attention et de prévention, et avec un discours clair envers les jeunes sous sa responsabilité, que le département de l'instruction publique mène son action auprès de toutes ces écoles. Quelles que soient les décisions du Conseil fédéral, ce genre de substance est prohibé, la prévention doit continuer, et l'on doit autant que possible dénoncer les effets de toute substance qui entraîne une dépendance, quel que soit le produit nommé.
Le président. Merci, Madame la présidente. Je vous rappelle qu'il faudra répondre à treize interpellations urgentes ce soir, sans parler de celles auxquelles nous avons déjà répondu hier soir, et que trois minutes sont accordées par réponse et par interpellation. J'aimerais qu'on s'en tienne à cela, puisque nous avons beaucoup de travail.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez sans doute lu les journaux. Certains relatent de façon plus fidèle ce qu'il en est que d'autres. En fait, la situation est relativement délicate mais simple en soi, puisque la poursuite de la recherche d'un directeur est une réalité actuelle à laquelle le Conseil d'Etat s'attache, d'entente d'ailleurs avec les autorités dites de tutelle, qui sont celles qui financent HEI. Je rappellerai un deuxième élément qui devrait nous permettre de rendre le débat un peu moins sensible: il y a à la fois une nécessité de conclure un mandat de prestation avec la Confédération sur la période 2004-2007, mais aussi, par la volonté du conseil de fondation qui date déjà de l'an dernier, de mener une évaluation prospective de l'institut. On a constaté que les uns et les autres, parmi les anciens de même qu'à l'intérieur et à l'extérieur de l'institut, ont chacun leur vision de ce que devrait être l'institut dans le futur, de ce qu'il devrait enseigner et à quel niveau, et surtout de la façon dont il devrait collaborer avec d'autres institutions universitaires. L'évaluation qui va être conduite, qui est nécessaire et n'est pas liée au fait de trouver ou non un directeur, vise à rendre un peu plus objectives l'appréciation de la situation et la stratégie à définir.
Je suis certaine que cette démarche-là est de nature à rassembler beaucoup mieux les opinions des uns et des autres et, peut-être, à créer un consensus sur le devenir de l'institut, consensus qui n'a effectivement pas été possible d'obtenir facilement jusqu'à maintenant.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Madame la conseillère d'Etat Micheline Spoerri a évidemment un peu plus de temps puisqu'elle répond à trois interpellations.
Mme Micheline Spoerri,conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président, de cette faveur. Je répondrai en effet aux interpellations que vous avez indiquées, et je répondrai également à l'interpellation de M. Brunier tout à l'heure.
Mesdames et Messieurs les députés, à cette heure et à ce jour, rien ne me permet de confirmer les déclarations que vous avez lues dans la presse. Les agents incriminés dans cette affaire sont connus pour un comportement et un exercice de leurs fonctions particulièrement bien notés. Rien en l'état de ma connaissance personnelle des faits et des déclarations que j'ai personnellement recueillies ne légitime une remise en cause de mon appréciation à leur égard.
Ceci étant dit, une enquête interne à la police est diligentée. Le commissaire à la déontologie a été immédiatement saisi de cette affaire, et j'espère pour ma part que l'autorité judiciaire sera également saisie. J'aimerais vous dire que si, comme l'a relevé tout à l'heure M. le député Grobet, l'émotion est grande du côté des familles, du côté du Grand Conseil et du côté de l'opinion publique, elle est tout aussi grande du côté de la police.
Concernant les mesures, nous nous étions déjà exprimés à ce sujet. J'aimerais vous dire qu'un projet de directives actualisées a été déposé par M. le chef de la police en novembre 2002, qu'il existe par ailleurs des directives fédérales en la matière, et qu'elles sont en cours de discussion. Il est vraisemblable que nous n'attendrons pas l'entrée en vigueur des dispositions fédérales - c'est un premier point - et qu'évidemment le contenu de ces directives sera rendu public. J'aimerais juste souligner qu'en ce qui concerne la maîtrise elle concerne aussi bien les conducteurs de chien que les chiens eux-mêmes et que les sommations.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je peux dire à ce stade des choses. J'ajoute que, compte tenu de la gravité de cet événement et de la façon dont il est aujourd'hui vécu, je ferai toute la clarté sur ses circonstances et ses incidences, je le ferai publiquement, ayant évidemment pris la précaution de répondre au préalable à votre Grand Conseil.
Ces interpellations urgentes sont closes.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Vous posez, Monsieur le député, un certain nombre de questions, d'abord sur le nombre d'unités de policiers qui ont été engagées dans le cadre de Davos. Vous dites, n'est-ce pas, que Genève a attribué deux cents policiers. Le chiffre exact est de cent trente policiers. Vous parlez ensuite du coût de l'opération en termes financiers: il est évalué actuellement à environ 460 000 F. En termes d'heures supplémentaires le décompte n'est pas encore établi. Enfin, vous vous interrogez sur le financement, et vous dites que si ce chiffre était confirmé, vous aimeriez savoir qui finance cette opération dans le cadre d'un congrès privé. J'aimerais vous expliquer que ce financement est prévu à travers une convention qui s'appelle IKA-POL, qui prévoit une entraide régionale des polices. C'est une convention signée par les cantons concordataires, confirmée par la Confédération. Qu'il s'agisse d'un congrès privé ou public, à partir du moment où des personnalités diplomatiques sont accueillies su le sol suisse, il en découle un certain nombre d'obligations, quels que soient les organisateurs de la manifestation. Voilà, Monsieur le député, je crois avoir répondu à l'ensemble de vos questions.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je vais d'abord répondre à l'interpellation de M. Apothéloz, en ce qui concerne le chiffre de 40 millions annoncé aux collectivités publiques. Vous imaginez probablement qu'à ce stade de l'organisation du sommet d'Evian, nous n'avons pas tous les éléments pour avoir une appréciation précise du budget. Les chiffres qui ont été prononcés sont donc approximatifs, également en ce qui concerne la contribution genevoise, étant entendu que le nombre des acteurs qui seront impliqués aura une influence directe sur les montants à engager. A ce jour, le budget genevois est évalué aux alentours de 7 à 8 millions, avec toutes les réserves que j'ai indiquées.
En ce qui concerne la fermeture de l'autoroute entre Genève et Lausanne, c'est une question qu'il faut poser et inscrire dans le cadre général de la mobilité d'une part, et de la sécurité d'autre part. En ce qui concerne la mobilité, il est évident que nous serons attachés, en tant que canton devant exécuter un certain nombre de décisions, en particulier confédérales, à assurer une mobilité tant des habitants de la région que des délégations invitées. Il ne s'agit pas par exemple de fermer, de façon isolée, un axe d'autoroute. C'est une question qui est en discussion et dépendra de la Confédération, et non pas des cantons. Il s'agit de façon prépondérante d'organiser des axes de mobilité pour les uns et pour les autres, qui optimisent la fluidité et permettent des garanties de sécurité maximales. Toutefois, c'est donc la Confédération qui en décidera en temps opportun.
A la troisième question, vous me demandez s'il est exact qu'ils envisagent de restreindre massivement la liberté de manifester et de circuler. Pourquoi «ils» ? Je ne sais pas de qui vous parlez, disons plutôt «on». Et je réponds: non.
A la dernière question, vous demandez comment on peut justifier ces coûts et ces contraintes pour une réunion qui a lieu en France et dont les bénéfices resteront en France. Je l'avais indiqué lors de la conférence de presse, la présidence de la République française a demandé à la Confédération helvétique une collaboration dans le déroulement du sommet d'Evian. La Confédération helvétique a donné son accord de principe, conformément aux conventions internationales dont je parlais tout à l'heure pour Davos. Voilà pour la première partie de votre question. Concernant les bénéfices, je ne crois pas que la question se pose véritablement en ces termes. Je ne vois pas d'ailleurs de quels bénéfices on parle, je crois qu'il s'agit là d'un événement évidemment parfaitement exceptionnel, vu sa nature et son ampleur. La Suisse participe régulièrement à des événements internationaux d'une nature exceptionnelle et je crois que c'est dans sa pure tradition qu'elle s'engagera à collaborer avec ses voisins français.
Je vais répondre maintenant à l'interpellation de M. Vanek, dont je vais devoir reprendre le contenu. Vous dites, Monsieur Vanek, que des manchettes de la presse annoncent une dépense de 40 millions. Je crois avoir répondu à cela. Vous dites ensuite que je m'engage dans un discours sur le déroulement de cette affaire sans en avoir rendu acte à ce parlement. Naturellement, je ne peux pour l'instant pas rendre acte de choses qui ne sont pas suffisamment précises. Vous avez compris qu'elles sont d'une grande complexité, puisque outre l'événement qu'on peut qualifier de transnational - il est implicitement international, mais aussi transnational - il y a également une responsabilité de trois cantons qui est en jeu, ce qui rend les rapports complexes. A ce jour, je ne peux pas interpeller le parlement précisément sur cette question. Je peux simplement vous dire qu'en matière de financement les procédures normales et habituelles seront prochainement proposées au parlement, après avoir été proposées au Conseil d'Etat. En ce qui concerne la participation de la Confédération, elle sera également discutée lors de notre prochaine rencontre, d'ici fin février.
Enfin, vous m'interpellez sur l'opinion du Conseil d'Etat par rapport au dispositif policier à Davos. Nous revenons donc à Davos. Ecoutez ! Je ne crois pas que le Conseil d'Etat ait à émettre une quelconque opinion sur la question, et de toute façon je ne me permettrai pas d'y répondre en son nom. Je peux simplement vous dire qu'à Davos, le contingent genevois a été intégré dans le groupement de maintien de l'ordre et de la sécurité romand, sous le commandement de la gendarmerie fribourgeoise, et qu'à ce titre le contingent genevois a été directement subordonné aux autorités du canton des Grisons auquel il obéit. Vous me demandez quels ordres avaient été donnés. La police avait reçu l'ordre de ne pas prendre de photos, de ne pas procéder à des contrôles d'identité, ni à des prises d'empreintes. Par contre, ordre était donné de fouiller toutes les personnes qui désiraient monter à Davos. D'après ce que nous avons appris, certains membres proches de l'Alliance d'Olten ont eux-mêmes empêché les manifestants qui voulaient s'exprimer démocratiquement de monter à Davos. Voilà en substance ce que je peux vous dire sur le plan tout à fait factuel, sans appréciation ou connotation politique. J'ai terminé pour l'instant.
Ces interpellations urgentes sont closes.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Me voilà plongée dans un cas tout à fait nouveau pour moi, et je vais essayer de répondre à Mme Gobet Winiger de façon aussi concise que possible. Elle s'interrogeait tout d'abord sur les cas de responsabilité civile de l'Etat et sur sa base légale, qui est - comme elle le sait sans doute - la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes. Je rappelle, s'agissant de l'Etat, qu'il existe à la fois une responsabilité pour les dommages illicites causés à des tiers, et une responsabilité pour les actes licites, selon l'article 4 de la A2-40. Nous avons donc une assurance de responsabilité civile, conclue avec une assurance que je ne nommerai pas, qui couvre l'intégralité des activités de l'Etat.
Que se passe-t-il dans le cas de réclamations de tiers qui s'estiment lésés ? La procédure est la suivante: en principe, le lésé s'adresse au service qui a causé le dommage ou au département responsable qui traite ensuite cette demande. Il y a deux cas de figure. Le premier concerne les dommages matériels inférieurs à 5000 F. Je dois rappeler que l'assurance avec laquelle nous avons conclu un contrat prévoit une franchise de 5000 F, ce qui signifie que tous les montants inférieurs sont directement traités et réglés par les départements. Vous le savez, les rubriques 318 «prestations à des tiers» servent à cet effet. Il est possible aussi que les départements désirent gérer eux-mêmes ces éléments pour une autre raison: il y a des cas plutôt bénins, qui demandent aussi une égalité de traitement, par exemple lors d'accidents pour lesquels existent des jurisprudences, comme dans les cas de branches d'arbre qui tombent sur des voitures, etc. Il y a toutes sortes de cas qui sont traités de façon uniforme. Disons, pour qu'on s'en souvienne, qu'en principe les cas de dommages matériels inférieurs à 5000 F ne font pas l'objet d'un règlement de l'assurance.
Le deuxième cas de figure concerne les dommages supérieurs à 5000 F. Ils font généralement l'objet d'un règlement direct et sont en principe tous annoncés et gérés par l'assureur responsabilité civile, en collaboration avec le département rapporteur. Dans ce type de cas, chaque département désigne normalement une personne responsable lorsqu'il y a traitement du dossier. C'est en général un secrétaire adjoint qui pilote cette opération.
Pour conclure, il est clair, Madame, qu'il peut parfois y avoir des cas qui échappent à l'assurance, puisqu'elle ne traite que les cas annoncés. Il conviendrait donc peut-être que l'administration vérifie ou que, si vous avez des informations plus utiles, vous nous les fournissiez, afin que rien ne nous échappe dans ces démarches. Je rappelle une fois de plus la distinction qui est faite selon la hauteur des dommages, et qui est liée à la franchise de 5000 F. De toute façon, l'Etat a une vision globale du dossier puisque, une fois les comptes faits, nous pouvons vérifier les débits des comptes et demander des détails sur leurs natures, si nous le souhaitons. Ceci est d'ailleurs toujours possible, y compris pour les députés qui en demanderaient la consolidation.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est au titre de présidente du département de l'instruction publique que je vais répondre à cette question importante, en vous disant ceci: vous le savez certainement, différentes modifications sont intervenues dans les filières de l'enseignement secondaire post-obligatoire, d'autant plus que les modifications au niveau du cycle d'orientation ont conduit à tout un travail sur les conditions d'admission. Ceci a été clairement établi en collaboration entre les cycles d'orientation et l'enseignement post-obligatoire. Toutes les règles posées ont été portées à la connaissance de chacun. Je rappelle notamment l'édition CAP-CO 13, dans laquelle parents, élèves et enseignants retrouvent tous les éléments nécessaires à la compréhension des conditions d'admission en tant que telles - je suis prête à vous en refournir les modalités.
S'agissant des inscriptions, je vous propose de prendre acte du fait qu'il y a une période de préinscriptions - c'est celle que nous vivons à l'heure actuelle - suivie d'une période d'inscriptions définitives. Pour les préinscriptions, il y a eu envoi d'un courrier aux parents, à leur domicile, contenant des informations précises indiquant qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une décision définitive. Je rappelle que les inscriptions proprement dites interviennent en fin d'année scolaire, sur la base des résultats annuels. Dans la phase de préinscription, on demande aux élèves et à leurs parents de donner deux choix d'orientation: un premier choix qui corresponde aux résultats de la première période, et un deuxième choix qui corresponde au désir de l'élève, qu'il remplisse ou non les conditions d'admission. Ceci a un double objectif: il s'agit d'abord de se faire une idée de la situation en vue de la planification, mais aussi de connaître le choix idéal de l'élève, dans la perspective où il pourrait atteindre des résultats en cours d'année, qu'il n'avait pas encore obtenus. Il ne faut donc pas lire ce courrier comme une sanction préliminaire au stade du premier semestre. C'est exactement le contraire que nous souhaitons. Nous estimons qu'il peut s'agir aussi d'un encouragement et, comme l'ont relevé mes services, il est plus facile ensuite de se faire une bonne vision de ce qu'il faut aménager pour l'organisation, en rappelant que les inscriptions interviennent bien à la fin de la deuxième période, et sur la base des résultats finaux.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Merci, Madame la présidente. Nous passons à la dernière interpellation urgente de notre ordre du jour. Je vous rappelle que les réponses durent trois minutes au maximum.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Rassurez-vous, Monsieur le président, je serai bref et je m'en tiendrai aux trois minutes imparties. Quand bien même, je réponds de la façon la plus collégiale, puisqu'on parle ici de travaux de trams qui dépendent du DAEL, des taxis soumis à la sujétion de ma collègue Mme Spoerri, et aussi de mobilité, objet qui me concerne plus particulièrement. Je vous dirai tout d'abord, Madame, qu'heureusement ce ne sont pas les trois-quarts des places de taxis qui ont été - provisoirement ! - supprimées à la place de Cornavin, mais moins de la moitié en réalité. Il faut savoir que cette suppression partielle a été précédée d'une séance sur place entre la direction des travaux et la centrale des taxis. Cette dernière a accepté la demande de la suppression de ces quelques places de taxis durant l'étape en cours des travaux, qui durera jusqu'à la fin de l'année 2003. Cette demande avait été examinée au préalable lors des séances de coordination générale du tram de Sécheron.
Je dois encore préciser qu'après un examen attentif de la situation, lors des études préliminaires, il est ressorti que malheureusement aucune compensation ne pouvait être proposée. Au regard du manque de voirie sur ce secteur, on aurait empiété encore plus sur la circulation, et vous savez à quel point elle est malheureusement problématique sur la place de Cornavin.
Cette interpellation urgente est close.
Premier débat
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, j'aurais pu ne pas souhaiter prendre la parole, puisque l'exercice auquel nous devons nous livrer maintenant est en fait relativement peu politique. Il s'agit de concrétiser une initiative non formulée, mais assez claire quant à ses buts et aux mesures qu'elle entend faire appliquer. L'initiative 113 «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices» ayant été acceptée, elle doit maintenant être transformée en projet de loi par notre Grand Conseil.
Cette initiative a été acceptée par une majorité des suffrages populaires le 2 juin dernier, à la grande surprise des uns et des autres. J'ai relu le Mémorial et noté qu'un certain nombre des personnes que je vois autour de cette table s'étaient exprimées dans des débats précédents, disant que cette initiative n'avait aucune chance, qu'elle ne saurait être acceptée, qu'elle allait à l'encontre de tout ce qu'on pensait, croyait ou savait. Mais ces personnes se sont trompées, comme cela arrive aux uns et aux autres.
Aujourd'hui, il s'agit donc de concrétiser cette initiative. La commission fiscale dont je suis le rapporteur a traité cette affaire rapidement, mais sérieusement. Le Conseil d'Etat nous a proposé une formulation législative du contenu de l'initiative, par une modification des lois sur l'imposition des personnes morales et sur l'imposition des personnes physiques, afin de répondre aux intentions non pas des initiants, mais de la majorité des citoyennes et citoyens de ce canton. On pourrait rester dans le domaine purement technique, mais vous me permettrez tout de même de relever que cette mesure fiscale est tout à fait d'actualité, au moment où d'aucuns réactivent la préoccupation qui a été la nôtre depuis de longues années, à savoir la dette de ce canton. On a entendu hier deux ou trois interpellations urgentes à ce sujet, émanant notamment des bancs de l'Entente. J'aimerais donc rappeler que les recettes qui découleront de la loi que nous allons voter ce soir seront affectées au remboursement de cette dette, qui pèse sur les comptes de notre canton.
Je pourrais rappeler aussi qu'il s'agit d'une contribution ciblée. Elle est ciblée quant à son objectif, puisqu'il s'agit de rembourser la dette cantonale, mais aussi quant aux personnes morales ou physiques qui seront touchées par cette loi: il s'agit des personnes morales qui réalisent des bénéfices supérieurs à un million. La contribution pèsera donc de fait sur des entreprises qui réalisent des bénéfices qui se chiffrent en multiples du million, ce qui signifie que l'immense majorité des entreprises genevoises ne sont pas concernées. Pour ce qui est des grandes fortunes, la barre est placée à un million et demi, autrement dit, les «pauvres millionnaires», les millionnaires les plus modestes que défend bien entendu l'Alliance de gauche - c'est une boutade ! - ne seront pas touchés par cette modeste imposition supplémentaire. Les contributions réelles seront perçues auprès des multimillionnaires. Evidemment, je ne dirais pas que cette ponction est du domaine de l'homéopathie, mais elle est néanmoins assez légère, puisque la contribution globale qui sera apportée aux finances publiques est de l'ordre de 47 millions. Il s'agit là de la variante adoptée par notre commission des finances, d'après les évaluations du département des finances sur l'impact de la loi, tous impôts cantonaux et communaux sur les personnes morales confondus.
J'insiste sur cette évaluation car c'est là le seul domaine où il y avait une marge d'interprétation sérieuse. Le Conseil d'Etat avait préparé deux propositions de concrétisation de cette initiative. Pour ce qui est de l'imposition sur les bénéfices supérieurs à un million, aucune des propositions n'atteignait d'ailleurs le taux progressif maximal qui, selon le texte de l'initiative, aurait pu monter jusqu'à 14%. La première proposition aurait pu, dans une première variante qui a été écartée, rapporter 155millions de francs; dans la variante a minima, qui interprète la volonté populaire au plus bas possible tout en respectant la lettre de ce texte, nous atteignons une contribution de 47 millions. Cela fait une différence de plus de 100 millions, qu'on peut qualifier de rabais fiscaux accordés par cette commission.
Le président. Monsieur le rapporteur, votre temps de parole est écoulé. Veuillez conclure.
M. Pierre Vanek. Je conclus. Y compris sur les bancs de l'Entente, on s'est accordés à considérer que cette imposition était «light» - je cite les paroles d'un éminent député de la commission des finances, membre du parti libéral.
Un point pour conclure. Vous avez dit, Monsieur le président, que nous allions traiter en même temps le projet de loi que je défends ici et la motion déposée par l'Entente. J'aimerais m'inscrire en faux contre cette égalité que vous établissez entre deux choses, dont l'une est un devoir constitutionnel du Grand Conseil, celui de concrétiser une volonté populaire - même si cela va à l'encontre des opinions politiques d'une majorité de ce Grand Conseil - alors que l'autre n'est qu'une motion par laquelle l'Entente a tenu à exprimer son avis, un avis qui n'a pas été suivi en juin et ne le sera peut-être pas au moment où le projet de loi sera mis en votation. Ce sont donc deux débats d'ordre un peu différent, et je pense que la concrétisation de la volonté populaire est ce qu'il y a de plus essentiel actuellement, d'autant plus que cela va dans le sens d'une situation financière la meilleure possible pour notre collectivité.
Le président. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé pendant huit minutes et quarante secondes, je vous prie d'être plus bref. Il n'est pas nécessaire d'épuiser totalement votre temps de parole, vous avez le droit de la reprendre. Je vous rappelle que, comme vous venez vous-même de le dire, il s'agit de la concrétisation d'une initiative, c'est pourquoi nous n'avons pas de grande marge de manoeuvre. Je vous rappelle par ailleurs, en ce qui concerne la motion 1512, que c'est ce Grand Conseil qui, à la majorité des voix, a demandé hier l'urgence pour cette motion et qu'elle soit votée avec ce débat. Nous suivons donc l'avis de la majorité de ce Grand Conseil, les choses sont claires là aussi. La parole est à M. le député Roulet.
M. Jean Rémy Roulet (L). Chers collègues, le seul mérite de cette initiative 113 est d'avoir cristallisé un sentiment de lassitude des Genevois face aux différents scandales financiers qui ont jalonné l'année 2001. Pour le reste, cette initiative possède tous les ingrédients d'une action démagogique.
Premièrement, on trompe le peuple dans l'intitulé même de l'initiative: «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices». Or, l'article 20A de la loi qui va concrétiser cette initiative dit la chose suivante: «Tant que le taux de chômage est supérieur à 2%», il y aura un impôt prélevé. Mesdames et Messieurs les députés, il faut remonter à 1990 pour observer à Genève un taux inférieur à 2% ! De plus, d'éminents spécialistes nous certifient que le taux de chômage incompressible à Genève n'est pas en dessous de 2%, mais en dessus de 3%. Pourquoi tromper le souverain sur cette marchandise ? Tout simplement pour préparer ce que j'appellerai le hold-up de cette législature. Le Petit Larousse vous donne une définition bien précise de ce qu'est un hold-up: c'est une attaque organisée, en vue de dévaliser une banque, un convoi ou un bureau de poste. Ici, il s'agit de dévaliser une catégorie de citoyens et de citoyennes. Voyez plutôt: 10% de cette catégorie visée rapporte à elle seule 50% des recettes fiscales. Et c'est à elle que l'on s'attaque, c'est à elle que l'on va confisquer une partie de ses biens !
La deuxième catégorie de personnes visées, ce sont les personnes morales, et là, c'est pire ! Ce sont 700 entreprises qui, à elles seules, emploient des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, qui vont être touchées directement par ce prélèvement fiscal. Un prélèvement fiscal qui, dans l'escarcelle de l'Alliance de gauche - et là, Monsieur Vanek, je vous rends hommage - s'élève à 150 millions de francs, au titre unique et simple, disent les initiants, de rembourser la dette... Or celle-ci, sous l'impulsion de Mme Calmy-Rey - soyons tous d'accord là-dessus - a diminué ces quatre dernières années. Grâce à Mme Calmy-Rey - à défaut de contre-exemple - mais aussi grâce à la reprise économique et conjoncturelle que vous et vos confrères fustigez, Monsieur Vanek, et grâce aussi et surtout à la diminution de la charge fiscale que les libéraux ont fait voter à près de deux-tiers des voix, ces objectifs de diminution de la dette ont été atteints.
Ce hold-up, l'Alliance de gauche l'a commis toute seule et sans complices, mais avec un certain nombre de témoins privilégiés. J'aimerais ici m'adresser aux socialistes et aux Verts, car je suis intimement convaincu que ces deux formations politiques sont fondamentalement opposées à ce type de prélèvement. (Rires.)La preuve, c'est qu'en commission fiscale, c'est grâce à elles que la «pilule» est passée de 200 à 150 millions. Il faut là rendre hommage à la minorité actuelle du Grand Conseil. J'en veux pour preuve aussi qu'un candidat socialiste à l'élection du Conseil d'Etat, M. Charles Beer, s'est exprimé récemment dans la presse, l'air un peu penaud - permettez-moi ce trait caricatural, cher confrère - en ces termes: «C'est un mal nécessaire, cette initiative 113 ! Le peuple en a décidé ainsi, que voulez-vous que j'y fasse ?» Eh bien, ce que vous pouvez faire, Monsieur Beer, ce que M. David Hiler peut faire, ce que d'autres personnalités de ces deux groupes politiques peuvent faire, c'est de s'abstenir sur le vote qui concrétise l'initiative 113. Sinon, de simples témoins que vous êtes, chers collègues, la population risque de vous faire passer pour les complices de ce hold-up, et ça, en toute franchise, vous ne le méritez pas.
Venons-en maintenant à la recommandation de vote libérale. Notre groupe, unanime, s'oppose avec force à l'initiative 113. Notre groupe, unanime, tient cependant au sacro-saint respect de la volonté populaire, qui nous oblige effectivement à concrétiser cette initiative. Notre groupe, unanime, a mandaté un seul député libéral à voter non. Les vingt-deux autres collègues ne voteront pas, permettant ainsi à la loi des nombres de faire aboutir ce projet de loi. Vous l'avez compris, s'abstenir dans ce contexte aurait donné à la population un signal pour le moins biaisé, et je crois savoir que mes collègues de l'Entente, et peut-être ceux de l'UDC, vont aussi s'enfermer dans ce qu'on pourrait appeler un mutisme assourdissant, permettant ainsi à une majorité de ce parlement de dire non à ce hold-up, tout en respectant la volonté populaire. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président
M. Jacques Jeannerat (R). Le groupe radical prend acte de la décision du peuple concernant cette initiative 113, mais il constate que le projet de loi proposé pour concrétiser cette initiative est en décalage complet par rapport au programme du parti radical, pour trois raisons. D'abord, le projet de loi est complètement néfaste à l'emploi. Si les charges des entreprises augmentent, il y aura automatiquement un frein de la croissance et donc une limitation des possibilités de création d'emplois. Deuxièmement, dans une conjoncture difficile, telle que celle que nous vivons aujourd'hui, il est absurde de taxer davantage les entreprises. Au contraire, elles ont besoin d'argent pour investir. Augmenter l'impôt des entreprises, c'est alimenter la morosité économique actuelle. Enfin, troisièmement, le projet de loi est néfaste à la compétitivité de Genève. Dans une comparaison globale des charges fiscales qui pèsent sur les entreprises en Suisse, il faut savoir que notre canton est au troisième rang. Seuls les cantons de Zurich et de Bâle ont des impôts plus élevés pour les entreprises. Si nous acceptons ce projet de loi, Genève sera le canton qui impose la plus lourde charge fiscale aux entreprises. Nous serons les derniers de classes - nous le sommes déjà par le taux de chômage, nous le serons également par une fiscalité qui pénalise plus les entreprises.
Comme pour le groupe libéral, les radicaux unanimes ont décidé qu'une seule personne participera au vote.
M. Jean Spielmann (AdG). Tout d'abord, Monsieur Jeannerat, vous dites être en décalage complet par rapport à ce projet de loi, mais c'est avec les décisions prises par la population genevoise que vous êtes en décalage, non avec l'initiative ! Peut-être est-ce ça qui vous pose problème au parti radical, qui explique votre absence au Conseil d'Etat et votre manque d'audience auprès de la population... (Protestations.)Quand on est en décalage avec la population, on essaie de le corriger, et dans une démocratie on essaie de respecter les décisions qui ont été prises par le peuple.
Dans ce cas particulier, le vote a été clair. Malgré une avalanche de fausses informations transmises dans toute la presse à grand renfort de millions - et je serais bien intéressé de savoir combien d'argent a été dépensé, peut-être trop et peut-être de façon trop arrogante - la population commence peut-être à comprendre, au travers de l'actualité, certains mécanismes financiers et les problèmes qu'ils posent dans ce pays.
Permettez-moi simplement de revenir sur le fond du problème, celui de la fiscalité, de l'assiette fiscale et de sa répartition. Chacun sait - sans doute les travailleurs le savent-ils mieux que ceux qui représentent les milieux des nantis et des entrepreneurs - qu'un travailleur doit déclarer ses impôts jusqu'au dernier centime et qu'il le fait. Par contre, on sait très bien qu'en ce qui concerne les grandes fortunes et un grand nombre de sociétés, leur principal souci est d'éviter de tout déclarer au fisc, et que les revenus déclarés sont bien plus des revenus avoués que des revenus réalisés. (Brouhaha.)Par conséquent, il y a une injustice de fait entre la grande majorité laborieuse de la population et les grandes sociétés, qui spéculent plus qu'elles ne rendent service à la société. Cette réalité-là fait que l'assiette fiscale doit être changée.
Si vous regardez avec attention l'évolution de l'assiette fiscale au cours de ces dernières années, vous constaterez que la part de recettes fiscales venant du travail des gens augmente constamment, alors que la part venant des milieux financiers diminue. Pourtant les gens savent très bien que les affaires sont plus florissantes que jamais... (Protestations.)...et qu'il y a là une injustice qu'il faut corriger.
Autre problème par rapport à la fiscalité: j'ai été effaré à la lecture de la motion des libéraux, qui semblent n'avoir rien compris aux évolutions économiques de ces derniers temps. Pourtant, dans certains documents - et notamment dans un journal où M. Weiss a commis un éditorial que je ne qualifierai pas - les libéraux ont entamé une présentation de l'évolution fiscale, basée sur des statistiques. Vous vous êtes bien sûr arrêtés aux revenus à 150 000 F, car considérer des revenus supérieurs aurait démenti tous les arguments que vous développez aujourd'hui. Je me permettrai un jour de vous présenter ces statistiques de manière plus détaillée et vous comprendrez pourquoi la population a déjà compris où il fallait chercher de nouvelles recettes. Vous dites dans ces documents que parmi tous les cantons qui ont baissé leur fiscalité, Genève est pratiquement celui qui en a le plus fait. Dans tous les cantons romands, la réduction est de l'ordre de moins 6 à moins 20%, pour moins 46% à Genève. Ces cadeaux fiscaux, Genève continue à les faire. On voit la même chose dans le programme de la Confédération, qui s'en prend maintenant à l'AVS et attaque le plan social pour faire des réductions de dépenses, mais continue à faire des cadeaux fiscaux aux plus nantis de ce pays. On continue, par la suppression des droits de timbre, à favoriser les banques, à favoriser les milieux financiers qui, pourtant, engrangent des recettes inversement proportionnelles aux difficultés que connaît la population.
Il y a donc là des réalités politiques et des injustices économiques que la population commence à percevoir, liées à la gestion libérale des affaires. Permettez-moi de dire ici que les Genevois qui payent des impôts savent qu'ils en payent une grande part simplement pour rembourser les catastrophes dues aux spéculations faites dans ce canton, tels les problèmes de la Banque cantonale.
Tout à l'heure, j'ai posé une question au rapporteur: alors qu'en sept minutes exactement, nous avons dépensé plus de 7 millions de francs, personne n'a pu me dire combien on avait dépensé exactement. Or ces 7 millions correspondent en fait à la moitié de la valeur que la Banque avait attribuée à ses immeubles, victimes des spéculations et des malversations commises par vos amis politiques. On voit que le contribuable paye aujourd'hui la déconvenue de la Banque cantonale par une grande part de leur fiscalité. Ils doivent savoir que près d'un quart des impôts qu'ils payent servent à renflouer les caisses vides à cause des malversations et de la gestion catastrophique de la Banque cantonale. Voilà la réalité. Mais lorsque l'Alliance de gauche pose des questions, c'est le silence sur les bancs d'en face, et nous sommes traités de calomniateurs et d'inventeurs d'histoires.
Les gens savent aujourd'hui que ce ne sont pas seulement des calomnies et des histoires, et que les vrais responsables sont vos amis politiques et ceux qui tracent l'orientation politique de ce pays - je pense aux Lucas Mühlemann et aux responsables de la déconfiture de Swissair. Peut-être que s'il y avait un juge aussi perspicace que celui qui s'occupe de la Banque cantonale vaudoise, ces gens-là seraient dans une autre situation et moins arrogants qu'actuellement.
Mesdames et Messieurs les libéraux, quand on gère la société de cette façon-là, quand on conduit à des catastrophes économiques du genre Swissair, comme vous êtes encore en train de le faire, les gens réagissent et votent en conséquence. Et vous allez avoir encore quelques déconvenues ! Sachez aussi que la bourse et le système économique que vous prônez posent des problèmes importants à la population. En ce qui concerne l'AVS, c'est 2 milliards de francs qui ont été perdus en bourse ! 2 milliards payés par les cotisants pour leur AVS, dilapidés dans les opérations spéculatives de la bourse ! Mais il faut savoir que si 2 milliards ont été perdus, il y a des gens qui en ont tiré des bénéfices. Ces 2 milliards, ils ne se sont pas envolés, ils sont allés directement dans leurs poches !
Le président. Monsieur le député, vous êtes prié de conclure, vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jean Spielmann. Alors si, par la fiscalité, on peut récupérer ne serait-ce qu'une petite partie de cet argent, ce sera un acte de justice et de salubrité publique. Monsieur Jeannerat et Messieurs les radicaux, si vous voulez être plus en adéquation avec la population, vous voterez aussi ce projet de loi, car il est issu d'une décision populaire.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je suis d'abord navrée pour le parti radical qu'il soit en décalage, mais c'est facile d'y remédier, il suffit d'appeler à voter en faveur de ce projet de loi. Par ailleurs, lorsque mon collègue M. Roulet a commencé à évoquer le casse du siècle, je ne pensais pas qu'on allait déboucher ce soir sur la Banque cantonale. M. Vanek et moi avons eu peur, pendant un moment.
Je rappelle que cela fait huit mois que le peuple genevois a accepté l'initiative populaire 113 «Pour une contribution de solidarité temporaire des grandes fortunes et des gros bénéfices», par 50,3% des votants. Je rappelle que le taux d'acceptation était de 55% en ville de Genève, avec des pointes dépassant les 60% de votants dans plusieurs bureaux de vote en ville. Ce résultat est à mettre en rapport avec l'opposition de la majorité de notre Grand Conseil, ainsi que du Conseil d'Etat, non seulement à l'initiative, mais également au principe même de lui opposer un contre-projet. Autant dire que les thèses de «moins d'Etat» de la droite et ses affirmations totalement fantaisistes sur le risque de fuite massive de gros contribuables en cas d'acceptation de cette contribution temporaire très modeste n'ont pas été jugées crédibles par la majorité de la population. Et pour cause.
Depuis que la droite brandit la menace de fuite des gros contribuables à cause de leurs impôts prétendument exagérés à Genève, force est de constater qu'elle est totalement incapable à ce jour de démontrer un quelconque fondement de ces craintes dans les faits. Les chiffres démontent cruellement les thèses martelées par la droite. Je me contente de rappeler ici que le nombre de contribuables à Genève ayant une fortune imposée supérieure à 1 million a augmenté de 65%; leur fortune cumulée est de 10,4 milliards. Et ceci avant la baisse d'impôts de 12% sur l'impôt cantonal. En ce qui concerne le nombre d'entreprises ayant eu un bénéfice supérieur à un million, il a plus que doublé. Et ceci avant la réduction de l'impôt sur le bénéfice pour celles ayant un rapport bénéfice-capital élevé, ainsi qu'avant la réduction générale de l'impôt sur la fortune de 10% - je rappelle que celle-ci est passée de 2% à 1,8%.
De deux choses l'une: soit la droite nous démontre chiffres en main - et ils sont là - que Genève a connu une accélération de l'augmentation de contribuables fortunés, physiques et moraux, depuis cette diminution d'impôts, et démontre également clairement la relation directe de cause à effet, soit elle cesse d'affirmer des contre-vérités à la population.
La vérité est que l'attrait de Genève réside en notre qualité de vie exceptionnelle, à savoir notamment la haute qualité de l'enseignement scolaire, de l'offre de logements, de soins médicaux, des communications, en un mot: la cohérence sociale. Priver Genève des moyens nécessaires pour continuer à maintenir cette qualité de vie qu'est la nôtre aura des effets non seulement sur le bien-être de toute la population, mais aussi et à coup sûr sur l'attractivité de Genève, autant en ce qui concerne le contribuable fortuné que les entreprises fournissant des emplois à la population.
Le parti socialiste ne nie pas qu'il puisse exister une infime minorité d'entreprises qu'une minime contribution supplémentaire - je rappelle qu'elle n'est que de 15 000 F pour une fortune imposable de 3 millions - pousse à renoncer à Genève. Mais ce sont souvent les mêmes qui, dès que la moindre possibilité d'économie fiscale se présente, n'ont aucun scrupule à plier bagages du jour au lendemain, laissant à Genève la prise en charge de la facture sociale des employés qui se retrouvent au chômage. Je veux croire que nous sommes tous en faveur d'un développement durable pour notre canton et que personne ici ne souhaite attirer ce genre d'entreprises à Genève.
Quant aux contribuables physiques fortunés, dont la raison principale, voire unique, de ne pas s'installer à Genève serait une économie relative et infime d'impôts sur leur fortune, limitée dans le temps - je rappelle qu'on parle ici de 7500 F en tout et pour tout, pour une fortune de 3 millions de francs - je doute qu'il y en ait beaucoup. Si ces contribuables aisés souhaitent venir s'installer à Genève, c'est précisément pour notre qualité de vie, sachant que le rapport entre celle-ci et la fiscalité actuelle est déjà très attractif et qu'il le restera même avec cette modeste contribution supplémentaire pendant une durée limitée de cinq ans. Cette contribution est à mettre sur un même plan avec l'exceptionnelle qualité de vie, un enseignement scolaire d'une haute qualité, des logements adaptés aux besoins de la population - là, il y a à faire - des hôpitaux compétents, des moyens de communication efficaces, un service public performant, des réponses rapides et adéquates aux besoins de la population sur le plan social. Nous devons nous donner les moyens d'assurer la pérennité de cette qualité de vie, et parmi ces moyens figure la diminution de la dette, ce qui n'est à ma connaissance contesté par aucun des partis ici présents. C'est précisément la diminution bienvenue de la dette que vise l'initiative 113, concrétisée par ce projet de loi. Et c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite tous à adopter ce projet de loi, qui va assurément dans ce sens. En ce qui concerne la motion, je réinterviendrai plus tard si on en parle.
Mme Michèle Künzler (Ve). Cette initiative a été acceptée par le peuple, et nous vous invitons à accepter cette concrétisation fort raisonnable, n'en déplaise à M. Roulet. Nous, nous sommes très favorables à cette concrétisation, et nous trouvons curieux qu'on veuille donner des leçons au peuple pour dire qu'il s'est trompé, que c'est une catastrophe, que c'est une augmentation aveugle, une fiscalité injuste, qu'on va tuer l'emploi ! Restons raisonnables ! Soyons décents ! Il s'agit d'une faible augmentation. Vous parlez de 7500 personnes physiques touchées, mais en réalité la plus grande part de la facture sera payée par environ 600 personnes, qui ont plus de 10 millions de fortune. Cette augmentation sera extrêmement faible, de moins de 1% de leur fortune. Leur fortune n'est nullement attaquée. Si cet argent avait été mis sur un compte d'épargne - mais j'en doute - les intérêts rapportés payeraient déjà cette augmentation d'impôts. Soyons raisonnables ! On n'entame même pas leur fortune !
En ce qui concerne les personnes morales, vous parlez de 700 personnes morales touchées. Effectivement, mais la majeure partie de la facture serait payée par 100 personnes morales. Or, il faut rappeler que ces 100 personnes morales cumulent 4 milliards non de chiffre d'affaires, mais de bénéfice ! Sur ce bénéfice, ils payeront 40 millions. Excusez-moi, mais sur 4 milliards de bénéfice, ce n'est pas grand-chose !
Acceptons donc cette initiative, qui ne mènera certainement pas à la catastrophe. Si quelqu'un fait fuir les contribuables, c'est vous ! A force de dire que la fiscalité est insupportable à Genève, qu'il n'y fait pas bon vivre, c'est vous qui faites fuir les contribuables. En réalité, il fait bon vivre à Genève, et la fiscalité y est légère. Faites-le savoir !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Il reste huit personnes inscrites, sans compter le rapporteur et le Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Je n'ajouterai que deux ou trois choses. D'abord, ce que Mme Künzler a dit à l'instant est vrai: vous faites une propagande tellement intense selon quoi les charges fiscales à Genève seraient excessives et feraient fuir les gens, qu'il est possible que certains fuient effectivement. Cependant, je ne pense pas qu'on vous croie, étant donné que les milieux auxquels vous vous adressez savent compter. Il y a quelques éléments objectifs qui sont donnés par exemple dans le matériel de l'administration fiscale fédérale: si vous prenez la dernière page, la page 73, sous «charges fiscales frappant une société anonyme ayant obtenu un bénéfice net de 400 000 F et dont le capital et les réserves s'élèvent à 2 millions de francs en 2001» - pour prendre un bon exemple bien ciblé - on voit qu'à Genève on est 1000 F moins cher en termes d'imposition qu'à Zurich ! (Protestations.) C'est ce genre d'éléments que vous occultez; ils sont dans cette petite brochure, si vous voulez la contester, adressez-vous à Berne, vous y êtes mieux représentés que nous !
Ensuite, ce pauvre M. Lamprecht, qui nous écoute avec attention, édite chaque année une excellente brochure de comparaisons internationales où, sur le plan fiscal notamment, Genève est comparée à d'autres grandes villes européennes ou même américaines. De cette brochure-là, il ressort une image bien moins calamiteuse que celle que vous vous employez à donner.
M. Pierre Weiss. C'est du marketing !
M. Pierre Vanek. Oh là là ! Moi, quand je reçois une brochure éditée par M. Lamprecht, je ne me permets pas de dire que c'est du marketing ! J'aimerais que le Conseil d'Etat proteste et réponde à M. Weiss pour garantir l'objectivité de toutes ces déclarations. Je ne m'étalerai donc pas sur ce point-là, M. Lamprecht répondra tout à l'heure.
Pour être sérieux... (Soupirs de satisfaction dans la salle.)...contrairement à M. Roulet, parlons de chiffres. Monsieur Roulet, vous avez été excessif et dit de grosses bêtises: vous avez parlé de hold-up et d'un produit qui serait dans «l'escarcelle de l'Alliance de gauche» - je l'ai noté - mais il ne s'agit évidemment pas de cela ! On peut débattre de l'opportunité de cet impôt, mais son produit, contrairement à toute une série de détournements qui ont été faits par des milieux plus proches de vos banques que des nôtres, n'est pas destiné à des portefeuilles privés, mais à la caisse de la République et canton de Genève, afin de rembourser cette dette qui vous préoccupait tant hier soir, mais qui ne vous préoccupe plus aujourd'hui.
Monsieur Roulet, vous avez dit... ou plutôt M. Roulet a dit, puisque je ne dois pas m'adresser à lui...
Une voix. On est entre nous !
M. Pierre Vanek. On est entre nous, mais M. Roulet parlait sans doute au nom d'un collectif de députés de l'Entente... Il a parlé de 700 entreprises dont le bénéfice dépasse le million, et dit que tout ça rapporterait 104 millions de plus aux caisses cantonales. Moi, je ne sais pas, je ne suis pas dans les entreprises pour vérifier ce qu'elles déclarent ou non de leurs bénéfices, mais je suis par contre à la commission fiscale, comme M. Roulet qui la préside. Concernant le volet «personnes morales» que nous avons adopté et qui - je le rappelle - est de 100 millions inférieur à une des variantes que nous avait proposées le Conseil d'Etat, un tableau a été distribué, qui indique que 360 entreprises seraient touchées et qu'elles rapporteraient 47 millions de francs par ans. Mais vous, Monsieur Roulet, vous ne vous basez pas sur ces chiffres, vous les multipliez allègrement par deux. Je ne sais pas ce qui vous autorise à le faire, si ce n'est le thème martelé par le PDC durant la campagne contre cette initiative selon quoi, en matière fiscale, deux plus deux ne feraient pas quatre. A l'Alliance de gauche, on pense que l'arithmétique a un sens. Vous parlez de 700 entreprises, alors qu'on en a 360 indiquées dans le rapport, et de 104 millions alors qu'il s'agit de moins de 50 millions.
J'aimerais aussi insister sur le fait que l'essentiel de cette contribution supplémentaire serait porté, d'après ces évaluations faites par le département, par des entreprises qui font un bénéfice brut supérieur à 7 millions. Je ne vais évidemment pas reprendre l'ensemble du tableau, mais des entreprises qui ne seraient que millionnaires en bénéfices fourniraient une contribution extrêmement modeste, avec un impact global dans les prélèvements prévus quasi inexistant.
Venons-en maintenant aux fortunes. Je pourrais demander à la cantonade combien paiera quelqu'un qui aurait la chance d'avoir une fortune déclarée d'un million et demi. Combien paiera-t-il de plus avec cette initiative qui vise à rembourser la dette publique ? Vous savez bien quelle est la réponse: pas un centime ! Savez-vous combien paiera quelqu'un qui a une fortune déclarée qui n'est que de 2 millions, pour contribuer à rembourser cette dette publique et alléger la charge des intérêts qui pèsent sur ce canton et vont aux banques ? La somme de 2 000 F par an ! Vous savez ce que ça représente ? C'est bien moins que l'augmentation annuelle de la facture d'assurance-maladie, par exemple, de la majorité de nos concitoyennes et concitoyens. (Protestations. Le président agite la cloche.)C'est ce type de charges que l'on présente comme étant un hold-up, comme étant inacceptable. C'est ce type de solidarité que vous récusez, et c'est normal ! Nous avons entendu dans cette enceinte M. Roulet récuser y compris des principes simples de progressivité de l'impôt, disant que c'était inique parce qu'on ne traitait pas le riche et le pauvre de la même manière. C'est vrai, vous avez cette position-là, elle est parfaitement antisociale, elle est au service des intérêts d'une toute petite minorité, et non de la majorité des habitants de ce canton, ni de cette République.
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
M. Charles Beer (S). Je me permettrai d'intervenir essentiellement sur la motion de l'Entente. Tout à l'heure, on a entendu parler d'appel à la raison. Il y aurait dans l'enceinte quelques agités tenant à tout prix à voir la volonté du peuple traduite dans les faits, et il y aurait à côté quelques raisonnables, susceptibles d'écouter les sirènes alarmantes des déclarations issues de la motion de l'Entente. Reprenons calmement les choses. Premier élément: lancement d'une initiative, qui avait laissé quelque peu prudents dans leurs réactions à la fois les syndicats et le parti socialiste qui ne s'y étaient pas directement engagés et avaient apporté certains éléments critiques, estimant notamment que si les entreprises gagnaient de l'argent, il aurait fallu que ces sommes soient reversées avant tout aux salariés plutôt qu'à l'Etat. Telle était la critique, à l'époque, des syndicats et du parti socialiste. Quand l'initiative a été soumise au vote populaire, il s'agissait de savoir si l'on préférait la situation proposée par l'initiative ou le statu quo. Les choix ont été faits et l'initiative a été soutenue par les milieux syndicaux et le parti socialiste.
Qu'a fait à l'époque l'Entente ? Qu'ont fait les milieux économiques ? Le résumé tient en un mot : rien. Vous avez estimé que le peuple était de toute façon vacciné contre toute hausse d'impôts, qu'en aucun cas il convenait d'argumenter, tant les choses étaient élémentaires, et vous n'avez tenu compte ni de la situation sociale, ni de la situation économique du canton, ni de la dette que se proposait d'attaquer l'initiative. Absence, au moment où il s'agissait de se prononcer, des milieux qui aujourd'hui crient panique.
Deuxième acte: la commission fiscale. Celle-ci a planché sur un projet très modeste - il faut le dire - de traduction du texte de l'initiative. Les 14% proposés par l'initiative sont très loin d'être atteints, puisque la proposition d'augmentation de 1% nous amène à peine à 11%, contre les 14 autorisés. Le chiffre de 2% de chômage - toujours concernant l'imposition des personnes morales - base de calcul proposée par le projet de loi ici présent, n'est pas le total des demandeurs et demandeuses d'emploi du canton, mais la base du SECO, c'est-à-dire la base la plus minime de calcul du taux de chômeurs et chômeuses du canton. Comment imaginer version plus légère d'application du texte de l'initiative ?
Qu'a fait l'Entente ? A lire le rapport, pas grand-chose, si ce n'est, pour une partie, s'opposer. Et surtout, elle n'a pas fait de rapport de minorité ! Pas la peine d'expliquer, pas la peine d'argumenter. Aujourd'hui - oh miracle ! - un texte sort pour dire qu'il y a péril en la demeure. Un péril qu'il n'avait pas valu la peine d'argumenter à l'époque, et qu'il n'a pas valu la peine de contrer par un rapport de minorité à la suite des travaux de la commission. Quel est donc votre sens des responsabilités ? Aujourd'hui, il s'agit tout simplement de tenir compte de la volonté populaire. En démocratie, la volonté populaire, c'est comme un jugement du Tribunal fédéral lorsqu'il y a séparation des pouvoirs - et c'est le cas dans notre pays - c'est sacré ! C'est la seule chose qui nous permette de vivre ensemble, c'est la seule chose qui nous permette de tenir ensemble. Le peuple veut une loi d'application, le peuple aura une loi d'application, et il aura à se prononcer sur cette loi. La moindre des choses, c'est que le gouvernement comme ce parlement traduisent la volonté populaire en lui proposant un projet qui - ma foi, il faut le dire - est le plus réaliste possible, pour ne pas dire le plus minimaliste possible. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Robert Iselin, qui est prié de parler dans le micro.
M. Robert Iselin (UDC). Je m'efforcerai de parler dans le micro, Monsieur le président.
Comme il y a eu déjà beaucoup d'orateurs avant moi, cela simplifie un peu ma tâche. L'UDC adhère complètement au point de vue présenté par les libéraux et autres partis de l'Entente. J'aimerais ajouter quelques idées supplémentaires. Je pense que la gauche devrait bien réfléchir, parce que la relative timidité de la loi qu'elle propose montre qu'elle-même a perçu l'énorme danger qu'elle contient. Les gros contribuables fuient le canton. Je sais que cela fait rire, mais il suffit d'aller à Monaco pour les trouver; il paraît qu'il y a un bistrot à Monaco où, à 10 h du matin, vous allez prendre un café et vous retrouvez à peu près trente ou quarante Genevois. (Protestations et chahut.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous écoutons M. le député Iselin, s'il vous plaît.
M. Robert Iselin. Personnellement, je dois vous dire que j'irais plutôt à Londres, parce qu'on peut y transférer je ne sais combien de revenus et ne rien payer du tout ! Et Londres, c'est plus amusant que Monte Carlo, sauf qu'il n'y a pas de bistrot où tous les Genevois se rencontrent, car la ville est trop grande. J'aimerais aussi dire ceci, et ce n'est pas la première fois que je le dis: l'étude des sociétés humaines montre que c'est dans les constructions sociales où existe une couche relativement riche que les couches plus simples - et tout aussi respectables - sont les mieux traitées.
On parle en ce moment dans cette enceinte de millions de fortune. Et si on parlait un peu des millions de perte qui viennent d'être enregistrées ! Quant à revenir sur la Banque cantonale - comme l'a fait mon collègue Spielmann, que je respecte et que j'apprécie beaucoup - il me semble, si j'ai bien compris, que la gauche était aussi représentée dans le conseil d'administration, et qu'elle porte donc au moins autant de responsabilité que la droite dans cette histoire. Et je ne ferai même pas le malin à ce sujet, car l'UDC n'y était pas, mais je ne suis pas assez faux-jeton pour dire que si on avait été là, on n'aurait pas été au conseil.
Quant aux comparaisons européennes, je ne sais pas ce qu'il faut en penser, mais à mon avis, cela ne vaut rien du tout. Si nous avons des taux qui sont déjà prohibitifs, à l'étranger, en Europe et même aux Etats-Unis, on connaît des taux qui sont de la spoliation. C'est la raison pour laquelle les capitaux fuient et privent leur pays de recettes importantes.
Le groupe UDC, qui comprend fort bien que cette loi doit passer devant le peuple, mais qui la combattra, laissera la liberté de vote à sa députation.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je voudrais tout d'abord répondre à un certain nombre d'arguments que la droite avait développés pendant la campagne qui a précédé l'initiative et qu'elle reprend aujourd'hui, comme si la population n'avait pas déjà entendu ces arguments, comme si on découvrait aujourd'hui seulement, par exemple et toujours selon la droite, que les conséquences de cette initiative seraient le départ des millionnaires et des entreprises. Je voudrais quand même rappeler, comme l'a dit le rapporteur, qu'avec 1,5 million, on ne paye rien de supplémentaire, qu'avec 2 millions, on payerait un montant maximum de 2000 F. Et vous dites que les gens voudraient quitter le canton à cause de cela ! Je ne sais pas si vous avez fait le calcul, mais 2000 F, c'est une somme inférieure aux frais de déménagement.
Je voudrais également relever une chose, c'est que la droite prête très peu de vertus citoyennes à ses millionnaires ! On dirait qu'ils sont à côté de leurs valises, attendant de savoir s'il y aura une petite augmentation de la fiscalité pour partir ailleurs. Je pense que vous mettez tout le monde dans le même sac. C'est vrai qu'il y a des gens qui sont ainsi, mais je ne crois pas que tous les millionnaires qui sont à Genève soient aussi peu attachés aux vertus citoyennes que vous le prétendez.
Vous dites aussi que la population a été trompée, vous avez d'ailleurs eu tout le loisir de l'expliquer, mais ce que vous avez peut-être oublié dans votre analyse de la situation, c'est que la population est en réalité de moins en moins dupe de vos arguments. Elle voit bien qui sont les casseurs d'entreprises, ceux qui suppriment des emplois, qui coulent les entreprises - que ce soit Swissair, ABB, Crédit Suisse et j'en passe - et les patrons qui se mettent dans la poche des millions, laissant sur le carreau des milliers et des milliers de travailleurs. Des travailleurs que prennent en charge les collectivités publiques, dont vous visez la diminution des recettes, puisque vous demandez systématiquement la baisse de la fiscalité ! Il y a eu la baisse des 12%, vous avez plusieurs projets de lois concernant les droits de succession et bien d'autres choses... Et en même temps, vous demandez à l'Etat de réduire la dette ! Vous voulez tout à la fois ! Quelle contradiction ! Si vous aviez raison dans vos arguments concernant le départ de telle ou telle catégorie de gens, je crois que le canton de Vaud serait plein de millionnaires et que les finances publiques vaudoises seraient florissantes.
Regardons autour de notre pays, ne serait-ce qu'en France: Chirac voulait à tout prix, dans sa campagne électorale, réduire la fiscalité. On a vu comment les choses se sont passées ! Le déficit français est sorti des critères de Maastricht - d'ailleurs l'Allemagne aussi, et bien d'autres pays - et, comme vous pouvez l'imaginer, le gouvernement français ne va pas concrétiser les promesses de Chirac, puisqu'il n'est pas en mesure de le faire. Quant aux Etats-Unis, le modèle pour beaucoup d'entre vous, regardez donc le niveau de vie, regardez la situation sociale ! Quant à l'Angleterre, la Grande-Bretagne, puisque c'est un exemple que M. Iselin a donné, elle n'a pas trouvé meilleur moyen pour se sortir de ses problèmes socio-économiques que de vouloir partir en guerre, à quelques milliers de kilomètres de l'Angleterre, de même que les Etats-Unis. Mais nous ne sommes pas dupes de vos cris d'alarme, car ce que vous voulez en réalité, c'est que les patrons, les riches soient toujours plus riches, et que les travailleurs et les autres, de plus en plus nombreux, soient de plus en plus précaires. Ce que vous détestez, c'est que ces gens-là ne veulent plus se laisser faire. Ils ne sont plus dupes de ce genre d'arguments.
En définitive, lorsqu'ils suppriment des emplois, ces entreprises et ces millionnaires ne s'inquiètent pas de savoir si la fiscalité est avantageuse ou non par rapport à leurs attentes bénéficiaires, car ils cherchent le profit immédiat là où ils peuvent le réaliser, quel que soit le niveau de la fiscalité. Là encore, vous avez tort lorsque vous prétendez que la fiscalité est à l'origine des départs. Beaucoup d'entreprises - et vous le savez bien ! - ont cherché à venir à Genève. Ce qui importe pour elles, ce n'est pas seulement le niveau de fiscalité, mais c'est surtout l'infrastructure, le niveau d'éducation, le niveau sanitaire, et j'en passe. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'entreprises ont cherché à venir à Genève, mais elles n'ont pas trouvé de terrains, d'endroits où se fixer, ni de logements. Vous savez bien que la fiscalité n'est pas l'élément fondamental.
Si on imagine malgré tout que c'est la fiscalité qui est responsable, pourquoi dans les autres endroits, que ce soient les autres cantons ou les autres pays, les gouvernements et les responsables seraient moins intelligents que vous, Mesdames et Messieurs de la droite ? Pourquoi ne feraient-ils pas comme vous le conseillez, c'est-à-dire qu'ils baisseraient la fiscalité ? Peut-être qu'à partir d'un certain moment, dans ces régions-là, y aurait-il une prise de conscience de l'impossibilité de continuer ainsi, la fiscalité devrait remonter, et les millionnaires dont vous parlez seraient piégés. Ils ont intérêt à rester ici, car la fiscalité genevoise n'est pas aussi élevée que vous le prétendez, et je pense que les millionnaires dont vous parlez sont pour une bonne partie plus citoyens que vous ne le pensez.
Le président. Merci, la parole est à M. le député Reymond.
M. André Reymond (UDC). Merci beaucoup Monsieur le président.
Le président. Monsieur Reymond, veuillez vous lever, on parle debout.
M. André Reymond. Je ne voulais rien dire, car mon collègue M. Iselin a très bien résumé la situation; simplement, je voulais vous remercier, cher collègue, Monsieur le professeur, pour tous les arguments que vous donnez. Le critère de Maastricht, c'est bien de le citer, mais à quoi nous sert-il à Genève ? Nous ne sommes pas un Etat, mais un canton. Cela ne sert donc à rien de nous parler du critère de Maastricht, nous n'avons rien à y voir.
Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait beaucoup de millionnaires dans le canton de Vaud, mais ce n'est pas juste une question de millionnaires: il y a beaucoup de personnes qui travaillent dans des entreprises genevoises et, malheureusement, vont habiter dans le canton de Vaud, parce qu'elles ne peuvent pas trouver de terrains ou de logements d'une certaine catégorie à Genève, alors qu'elles aimeraient y payer leurs impôts. Mais je tiens à dire que nous défendons aussi les logements sociaux, car nous défendons aussi les personnes à revenus modestes. (L'orateur est interpellé.)
Si vous permettez, vous parlez d'amnisties fiscales. Vous parlez de la France, or celle-ci est effectivement en train de revoir à la baisse ses impôts sur les grandes fortunes ! Il y a des projets de lois sur les amnisties fiscales qui sont débattus en Italie et en Allemagne. C'est pourquoi je pense que ces arguments-là sont en notre faveur.
Je vous prie de penser à une chose: c'est vrai que nous condamnons les grands entrepreneurs qui ont profité de gros bénéfices et ont fait couler de grandes entreprises...
M. Claude Blanc. Blocher...
Le président. Monsieur le député Blanc, s'il vous plaît !
M. André Reymond. Nous condamnons les entrepreneurs qui ont fait couler des entreprises telles que Swissair ou la SBS, et qui sont partis avec de gros pactoles dans leurs poches. Mais, je vous en supplie, pensez que notre canton a besoin de personnes qui paient les impôts, pour que la situation sociale ne se détériore pas à Genève.
M. Guy Mettan (PDC). Beaucoup de collègues ont déjà très bien dit tout le mal que nous pensons de cette initiative, et ils ont exposé d'excellentes raisons pour appuyer leur argumentation. J'en ai encore deux nouvelles que j'aimerais vous exposer. Avant, j'aimerais reconnaître tout de même que le menu qui nous est proposé dans ce projet de loi a été relativement allégé, et qu'il a été rendu un tout petit peu plus appétissant, au sens que la gauche - je le reconnais - a fait un tout petit effort pour nous le présenter sous une forme qui pouvait éventuellement passer. Toutefois, nous trouvons ce brouet encore beaucoup trop lourd, tellement lourd que nous aimerions nous en passer totalement, et pour deux raisons que j'aimerais ajouter à ce qui a déjà été dit.
La première raison, c'est que l'évasion fiscale qui serait consécutive à une nouvelle hausse d'impôts ne concernerait pas seulement les personnes physiques, c'est-à-dire ceux que nos amis de la gauche appellent les multimillionnaires, mais aussi les personnes morales. Celles-ci, je le souligne, ont déjà connu pour beaucoup d'entre elles une augmentation de la pression fiscale avec le taux unique à 10%, puisque beaucoup d'entre elles étaient auparavant soumises à un taux de 6%. Et que vient-on faire ? Ces nombreuses entreprises à qui est maintenant appliqué un taux de 10% vont connaître une nouvelle augmentation de la pression fiscale. Or ces entreprises sont, pour beaucoup d'entre elles, dans les services. Et on sait que rien n'est plus facile à délocaliser qu'une entreprise de service ! L'exode fiscale risque donc aussi d'atteindre ces personnes morales.
Il y a un deuxième aspect qui n'a pas été assez souligné à mon sens, c'est la notion de politique économique anticyclique. Je crois que la gauche, qui mène volontiers une politique keynésienne en période de difficultés économiques devrait être sensible au fait que dans une telle période, il importe de réinjecter de l'argent dans le circuit économique pour favoriser la circulation monétaire et la consommation. Ce n'est pas en augmentant les impôts qu'on réinjecte de l'argent dans le circuit de la consommation, mais c'est au contraire en les diminuant ! Du point de vue du bon sens de la politique économique anticyclique, on devrait se passer d'une telle initiative en ce moment.
En conséquence, nous allons, nous le parti démocrate-chrétien, remplir le mandat constitutionnel qui nous a été confié par le peuple - et ça ne nous pose aucun problème de le remplir - nous le remplirons aussi bien que la gauche l'avait fait à l'époque de la traversée de la Rade. C'était là aussi un mandat constitutionnel donné par le peuple, mais qui avait ensuite vu l'opposition de la gauche couronnée de succès. Nous comptons bien avoir le même succès que la gauche lors de la traversée de la Rade, c'est-à-dire que nous lutterons par tous les moyens lorsque ce projet de loi passera devant le peuple, de sorte que cette lutte se conclura par un refus du peuple.
Par conséquent, le parti m'a confié la tâche de déposer un non symbolique à cette initiative lorsque nous procéderons au vote tout à l'heure, non qui sera ensuite concrétisé par un non populaire lors de la votation du 18 mai prochain. (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Notre collègue Roulet a terminé son allocution avec un appel du pied. Je voulais lui répondre et lui confirmer les raisons pour lesquelles le groupe socialiste, à l'instar de ses collègues de l'Alternative, votera le projet issu de la commission fiscale.
La première est formelle. En bonne démocratie, pour que les règles constitutionnelles soient respectées, la majorité doit assumer la responsabilité de se faire violence pour que les choses aillent devant le peuple, et comme elle a un problème de conscience ce soir, nous devons assurer le fait que le véhicule allant vers le peuple se mette en branle. Et donc, ce serait déjà une raison suffisante pour que nous soyons parmi ceux, brancardiers, qui porteront ce projet devant le peuple.
M. Claude Blanc. Brancardiers, c'est le mot!
M. Albert Rodrik. Mais il y a peut-être des raisons plus profondes. A deux reprises cette semaine, l'Entente a pris à témoin l'opinion publique des misères qu'on lui faisait à ce sujet. Et comme j'ai eu l'occasion de le dire à mon cher collègue Roulet, elle a raconté la moitié de l'histoire. Je lui avais promis que l'autre moitié de l'histoire, pour l'Histoire, je la raconterai ce soir.
Quelle est l'autre moitié de l'histoire, Mesdames et Messieurs ? Quand cette initiative a été lancée, le groupe des Verts et le groupe socialiste ont travaillé pendant deux ans en commission fiscale pour, s'y j'ose dire, gommer certaines aspérités peut-être malvenues de cette initiative, pour faire en sorte de conjuguer ses vertus et réduire ses quelques vices. Et plus que ça, l'Alliance de gauche a eu l'intelligence et l'élégance d'accepter ce processus, pour apporter un projet de loi parfaitement intelligent et digeste ! Quel accueil a-t-il reçu ? Une droite conquérante, issue euphorique des élections en novembre 2001, a enterré glorieusement les efforts de la gauche. Triste et penaude, Gros-Jean comme devant au soir du 2 juin, elle fait maintenant pleurer dans les chaumières. Dommage ! Triste, très triste !
Nous vous avions demandé d'être raisonnables, d'être modérés - et Dieu sait, en 25 ans d'activité politique, combien de fois on est venu dire à la gauche qu'il fallait qu'elle soit raisonnable ! - mais les donneurs de leçon en «raisonnabilité» n'étaient pas là ce soir-là, ils étaient absents. Et bien entendu, euphoriques, on mit à la poubelle deux ans de travail, abominablement marqué par le travail des Verts et des socialistes et, encore une fois, en commission, l'Alliance de gauche a accepté, intelligemment et élégamment... (Brouhaha et protestations. Le président agite la cloche.)...la version la plus légère de la concrétisation.
Mme Künzler vous a donné les raisons du bon sens, Mme Grobet-Wellner vous a parlé de fiscalité, M. Beer vous a parlé d'économie, ils vous ont dit le pourquoi et le comment. Ne nous faites pas pleurer ! Ne faites pas pleurer dans les chaumières ! Vous nous avez mis dans cette situation, il faut maintenant boire la coupe jusqu'à la lie. Le groupe socialiste votera le rapport Vanek et le texte qui en est issu. Merci de votre écoute.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme la liste des orateurs a été close, M. Spielmann est le dernier député inscrit et Mme Brunschwig Graf prendra la parole ensuite. (Protestations.)Nous avons voté une motion d'ordre, j'ai suivi ce qu'a fait M. Pétroz, qui a appliqué l'article 78A et vous a annoncé la clôture de la liste des intervenants. Monsieur le député Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann (AdG). Permettez-moi d'intervenir maintenant sur les orientations données par la motion et sur les quelques arguments qui ont été échangés. Tout d'abord, en ce qui concerne les faits. (Brouhaha.)Il n'est pas exact d'affirmer - comme l'ont fait la plupart de ceux qui se sont exprimés sur les bancs d'en face, dont M. Iselin qui l'a dit de manière imagée - que les millionnaires fuient Genève. S'ils fuient Genève, Monsieur Iselin, expliquez-moi pourquoi leur nombre a doublé en une dizaine d'années ! Expliquez-moi pourquoi, alors qu'il y en avait environ 4000 en 1990, ils sont plus de 7300 aujourd'hui. La réalité contredit totalement ces fausses affirmations.
Et permettez-moi de préciser encore qu'avec ce projet de loi nous ne remplissons pas le mandat que nous a donné le peuple en votant l'initiative, puisque celle-ci était bien plus précise en ce qui concernait les augmentations et aurait pu bien mieux répondre à ses objectifs qui étaient de renflouer les caisses de l'Etat et permettre ainsi d'investir et de travailler mieux pour réduire le chômage. Il est donc totalement faux de dire et de répéter - et vous le ferez probablement encore pendant la campagne - que les millionnaires fuient Genève. Non, Mesdames et Messieurs, les millionnaires viennent à Genève, ils s'y multiplient. Ils profitent, bien sûr, de la crise - comme je l'ai expliqué tout à l'heure - au travers des décisions économiques qui sont prises dans ce pays tant au niveau fédéral qu'au niveau cantonal. Il y a donc là des mensonges et de fausses affirmations qui visent à faire peur à la population. Vous avez vu ce qu'elle en pensait lors du vote de l'initiative, elle confirmera probablement cette décision, parce que rien ne vient justifier les faux arguments que vous développez ici. Si vous avez simplement la volonté de gagner cette votation, essayez de trouver d'autres arguments plus crédibles, qui correspondent davantage à la réalité.
Dans un deuxième argument développé tout à l'heure par MM. Reymond et Iselin - encore qu'on puisse difficilement parler d'argument développé - il a été dit qu'il fallait savoir être responsable et que, par exemple, la gauche était au moins aussi responsable que la droite dans la déconfiture de la Banque cantonale. Monsieur Iselin, je vous renvoie au Mémorial du Grand Conseil, je vous renvoie aux multiples interventions que nous avons faites ici afin d'attirer l'attention des vrais responsables sur les actes illicites qui se déroulaient à la Banque cantonale. Or, nous avons reçu des volées d'insultes de tous vos amis politiques - puisque vous soutenez aujourd'hui aussi bien les libéraux que tous ceux qui leur sont proches. Et je dirais même que si l'on ouvre un peu la focale pour observer quelle est la politique de l'UDC, également au niveau national, on se rend compte que ses membres participent précisément à la politique de fermetures d'entreprises, de délocalisation, d'exportation des activités, et qu'il suffirait - peut-être aura-t-on un jour l'occasion d'en parler - de voir quelle est la pratique politique du leader UDC au niveau national, tant en ce qui concerne les emplois en Suisse que le profit qu'il tire des possibilités offertes d'expatrier ses biens et ses bénéfices. Peut-être est-ce là une vision un peu particulière du patriotisme, du côté de l'UDC. Mais ne venez plus nous donner de leçons sur ce terrain-là et essayez d'être un petit peu plus civique et en adéquation avec les réalités économiques de ce pays.
Sur le fond, vous êtes en train, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, de défendre une politique qui est contredite par les faits, contredite par les statistiques, contredite par la logique et contredite surtout par la population ! La plus grande partie de la population, qui vit aujourd'hui dans des conditions difficiles - presque toutes les familles connaissent le chômage - et peine souvent à joindre les deux bouts, se rend compte qu'il y a dans ce pays des gens d'une arrogance et d'une suffisance rarement atteintes, des gens qui, plus ils provoquent de catastrophes économiques et créent du chômage, plus ils touchent d'indemnités de départ et cumulent les millions. La population en a assez de cette arrogance-là. Le vote qui a été fait sur cette initiative permet de corriger timidement cette réalité-là, et les gens sauront saisir l'occasion de vous exprimer leur désir de plus de justice fiscale et de participation des grandes fortunes - aussi ! - aux dépenses de la collectivité pour résorber le chômage. Et contrairement à ce qui est dit dans la motion libérale, nous ne nous satisfaisons pas d'un taux de chômage de 6%, ni même de 3 ou 4%, comme c'est le cas dans cette motion. Notre volonté est de réduire ce taux de chômage et de donner une dignité à chaque citoyen de ce canton, en lui trouvant un emploi qui lui permette de vivre et de faire vivre sa famille. Pour vous, le chômage est devenu une réalité immuable qu'on ne peut pas changer ! Vous dites que nous avons quasiment fait une escroquerie en disant aux gens que nous voulions un impôt complémentaire jusqu'à ce que le taux de chômage baisse à moins de 2%, vous dites que c'est impossible, qu'on aurait mieux fait de dire que ce taux ne pouvait baisser. Cela signifie que nous avons une divergence politique de fond: nous voulons diminuer le chômage, vous le provoquez et dites même qu'il est immuable, parce que vous pensez que votre politique l'est. Mais on verra tout ça au moment des résultats du vote.
Le président. Monsieur le rapporteur Vanek, je vous cède la parole. Vous avez trois minutes.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Trois minutes ? Normalement on a sept minutes...
Le président. Non, il y a une petite divergence concernant l'article appliqué lors de la clôture de la liste, mais...
M. Pierre Vanek. Dans ce cas, ne perdons pas de temps à en discuter, et parlons du fond. J'essaierai d'être bref, Monsieur le président. Mon premier point concerne le chômage. Je n'avais effectivement pas relevé ce point-là, mais dire que le taux normal de chômage est de 3%, c'est quelque chose que nous n'acceptons pas et Jean Spielmann l'a expliqué.
Deuxièmement, M. Mettan a parlé de ces gens que la gauche appelle des multimillionnaires. Qu'est-ce que c'est que ça ? Il y a bien des multimillionnaires ! A partir de 2 millions de fortune, on est multimillionnaire...
Il faut préciser quelques éléments bien sûr. Selon les estimations du département des finances, les 80% des très modestes recettes supplémentaires induites - et allant dans le sens du remboursement de la dette de ce canton qui pèse sur les épaules de l'ensemble des contribuables - viennent de gens qui ont une fortune supérieure à 3 millions. La majorité d'entre eux a 5 millions. On est vraiment dans un cas de figure où les gens sont très riches et peuvent non pas se débarrasser de leurs biens pour jouer aux Saint-François d'Assise, mais contribuer de manière très modeste - selon le titre de l'initiative - à la solidarité nécessaire en ces temps de crise. Rendons acte au parti libéral: il a tout de même un peu fait campagne, notamment dans «le Nouveau Libéral» où il expliquait que tout cet argent avait été gagné, que c'était le fruit du travail d'une vie, de gens qui n'avaient pas été des cigales, mais des fourmis, etc. Non ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Jean-Michel Gros. Vous êtes abonné au «Nouveau Libéral» ?
M. Pierre Vanek. J'ai payé l'abonnement 70 F, Monsieur Gros...
Non ! On ne devient pas millionnaire à hauteur de 5, 10, 100 millions de milliards par le travail et le labeur d'une vie, on le devient par le travail et le labeur d'autrui. Il s'agit là de rendre non pas ce qu'on devrait, mais une toute petite part.
J'en viens maintenant à la motion puisque, Monsieur le président, nous avons deux objets. On a expliqué la fonction de cette motion, et là aussi on pourrait gloser sur le fait qu'on y trouve cette même pudeur. Dans la version initiale, il était écrit «les plus gros des contribuables», puis cela a été tracé et remplacé par «d'importants contribuables». Ciel ! Osons dire la vérité ! Il y a des gros contribuables, il y a des multimillionnaires dans cette République. (Brouhaha. M. Halpérin entonne« L'Internationale». )
Le président. Monsieur Vanek, veuillez terminer.
M. Pierre Vanek. Je conclus par une phrase sur les invites de cette motion. Cette motion invite le Conseil d'Etat à «évaluer avec célérité les conséquences néfastes de la mise en oeuvre de l'initiative 113, pour l'économie générale». Soit l'évaluation a été faite - et elle l'a été par vous, bien avant que l'initiative ne passe en votation populaire - et il n'y a pas de raison de faire perdre son temps au Conseil d'Etat, d'autant plus que vous pouvez être assez confiants politiquement pour penser qu'il donnera la même évaluation que vous, puisqu'il est du même bord; soit vous voulez une évaluation et une étude sérieuses sur les effets de cette initiative, et il faut alors amender cette motion, en demandant au Conseil d'Etat «d'évaluer avec célérité les conséquences de la mise en oeuvre de l'initiative» et, évidemment, il faut barrer la deuxième invite qui demande au Conseil d'Etat de prendre ouvertement position contre la mise en oeuvre de l'initiative, puisque c'est le résultat de l'évaluation qui conduira le Conseil d'Etat à prendre une position. Mais si elle est déjà prise, cela ne sert à rien de lui demander une évaluation ! Ceci est de la gesticulation politicienne, ça n'est pas très sérieux. (Protestations.)Messieurs, vous êtes d'habitude un peu plus malins, mais soyons sérieux. Que demandons-nous au Conseil d'Etat ? Une étude et une évaluation sérieuses sur cette initiative ? Bien volontiers ! Mais on ne peut lui livrer les conclusions par avance, cela n'est pas nécessaire, ce sont de grandes personnes - pour ne pas dire de grands garçons, puisqu'il y a aussi des filles - qui prendront leurs responsabilités. (Chahut.)Et ils prendront une position politique, mais laissez-les marcher sur leurs propres jambes, ils n'ont pas besoin de cette mauvaise béquille que vous apportez avec ce petit papier.
Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, puis nous voterons d'abord sur la motion avec l'amendement qui vous a été distribué, ensuite nous prendrons acte de l'initiative et nous voterons sur le projet de loi. Madame la conseillère d'Etat, vous avez la parole.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai failli oublier que j'allais prendre la parole, bercée que j'étais par les différents cris et émotions qui ont traversé cette enceinte !
Tout d'abord, une première chose et une position claire, celle du Conseil d'Etat, que nous avons confirmée mercredi. Le Conseil d'Etat, vous le savez - cela a été dit par la responsable des finances de l'époque - était opposé à l'initiative 113. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir s'il changera d'avis, en fonction du projet de loi que vous allez adopter. Je vous rappelle que c'est sur un projet de loi que vous votez et que le peuple votera ensuite.
Le Conseil d'Etat ne changera pas d'avis, et cela pour les raisons suivantes. Je dirais même que les interventions entendues ici ce soir confirment cette position. Tout d'abord, une remarque: il est vrai que les effets de la fiscalité ne peuvent être démontrés par des chiffres immédiats. Elle obéit, comme beaucoup de lois économiques, à des éléments qui ne sont pas toujours mesurables et qui ont beaucoup à faire avec l'appréciation d'une situation, avec le sentiment que les gens ont de ce que le régime politique en place va faire ou ne pas faire, ainsi qu'avec la prévisibilité du régime fiscal.
Cette initiative présente un premier défaut, que le projet de loi restitue: il s'inscrit dans une optique conjoncturelle. Je crois pouvoir dire que le Conseil d'Etat, comme vous tous, souhaite réduire le chômage. Il n'y a donc pas de doute à avoir à cet égard. Cela étant, si l'on adopte une optique conjoncturelle, cela signifie qu'on modifie le régime fiscal au gré de la conjoncture. Or, pour les entreprises comme pour les particuliers, il n'y a pas de pire système qu'un système qui varie de cette façon-là et qui modifie les conditions. Ceci n'est pas du tout lié aux montants des conditions, ni aux prélèvements. Le fait de diminuer les prélèvements n'exerce pas du tout d'influence sur ce désagrément-là. Il n'en a aucune.
Or, le message que vous envoyez est un mauvais message. Vous l'envoyez d'ailleurs dans des circonstances particulières, puisque, si nous parlons aujourd'hui des comptes 2002 de façon beaucoup plus prudente, c'est parce que nous connaissons les résultats des personnes morales qui devront être inscrits dans les comptes 2002. Si nous parlons aujourd'hui avec prudence des comptes 2002, c'est parce que nous aurons à évaluer le différentiel, au niveau des personnes physiques, entre celles à qui il faudra rembourser quelque chose et celles qui auront réellement quelque chose à payer une fois la notification faite. C'est une réalité. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que le climat n'a pas besoin d'être encore alourdi. Je peux vous dire que je n'étais pas ministre des finances au lendemain du vote. Mais ayant quelques contacts avec les milieux économiques et rencontrant au fil du temps un certain nombre de personnes et de responsables économiques, je peux dire que l'inquiétude était alors grande. Elle ne l'était pas tellement pour les montants. Encore une fois, elle l'était pour le climat que cela allait déclencher et pour ce que cela signifiait comme message politique sur l'orientation de la politique fiscale qu'entendait suivre ce canton.
Je vous rappelle que la LIPP, en ayant opté pour le barème d'impôt, choisit déjà d'une certaine façon de modifier la courbe fiscale et de faire en sorte qu'elle soit légèrement plus marquée s'agissant des hauts revenus. Et même les corrections ne modifient pas tout à fait cet élément-là. C'était donc le signal d'une certaine orientation dans la politique fiscale, un signal qui n'était pas grave, mais auquel s'ajoutera celui donné par le projet de loi, dès lors que celui-ci sera voté par le Grand Conseil.
Le Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs, est parfaitement conscient des devoirs démocratiques. Il en a aussi été parfaitement conscient en commission fiscale, puisqu'il a fourni tous les éléments nécessaires pour que le vote puisse avoir lieu et que vous puissiez avoir le choix. Il ne s'agit donc pas aujourd'hui de déplorer le fait que la loi soit ce qu'elle est. Il s'agit de dire que nous sommes les uns et les autres contraints d'exécuter la volonté exprimée. Mais il est du devoir du gouvernement de dire, aujourd'hui comme hier, que ce type de politique fiscale, aussi noble soit-elle dans l'esprit de ceux qui la prônent ici, aussi saines soient les intentions de ceux-ci, a un effet mauvais. Ce mauvais effet, dans la période que nous vivons, est un signal dont nous n'avons pas besoin. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat est opposé au projet de loi. Il le dira au cours de la campagne, le moment venu, non pas en faisant campagne, mais dans de sa responsabilité habituelle lors d'un vote populaire, à travers la brochure qui sera publiée. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote. Nous allons d'abord prendre acte du rapport de la commission fiscale concrétisant l'initiative populaire 113. Puis, nous passerons à la motion 1512, qui a deux amendements très simples qui seront mis aux voix sans discussion, d'entente avec les Verts qui ont proposé le premier, et avec l'Alliance de gauche qui a proposé le second par la voix de M. Vanek. Ensuite, nous voterons la motion 1512 amendée ou non, puis nous voterons le projet de loi 8917.
M. Christian Grobet (AdG). Je m'étonne, Monsieur le président, que vous vouliez faire voter d'abord une motion qui a été rajoutée à la dernière minute à notre ordre du jour, ceci avant de voter sur l'objet principal qui est le projet de loi. Or, la règle veut qu'on vote d'abord la loi, avant les points qui ont été rajoutés à l'ordre du jour, s'il y en a. Je vous prie de respecter la coutume.
Le président. Monsieur le député, cet ordre particulier m'a été demandé par les auteurs de cette motion, puisqu'elle propose une condition au vote du projet de loi. A partir du moment où vous vous y opposez - et c'est vrai qu'elle a été rajoutée en urgence - je vais simplement faire voter sur la question de l'ordre. La volonté de l'assemblée sera ainsi plus claire. Pour ma part, je n'ai aucune objection dans un sens ou dans l'autre. Celles et ceux qui souhaitent que nous votions la motion 1512 avant le projet de loi 8917 sont priés de lever la main.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Mis aux voix, le rapport IN 113-D est approuvé.
Le président. En ce qui concerne la motion 1512, nous prenons l'amendement le plus éloigné, présenté par Mme la députée Anita Cuénod, qui consiste à biffer la seconde invite. Le vote nominal est demandé. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 43 non contre 36 oui.
Le président. J'ai un second amendement présenté par les Verts, qui proposent à la première invite «à évaluer avec célérité les conséquences néfastes et bénéfiquesde la mise en oeuvre de l'initiative 113». (Le président est interpellé par Mme Künzler.)Madame Künzler, votre représentante au bureau m'a dit que vous ne vouliez pas prendre la parole.
Mme Michèle Künzler. Je voulais juste dire que de toute façon, lorsqu'on fait une étude sérieuse, il faut rechercher les conséquences positives et négatives. D'autre part, nous demandons le vote nominal. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 42 non contre 37 oui.
Le président. Le vote nominal est demandé pour le vote sur la motion, ainsi que pour le vote sur le projet de loi.
Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1512 est adoptée par 43 oui contre 37 non.
Mis aux voix, le projet 8917 est adopté en premier débat.
Deuxième débat
La loi 8917 est adoptée par article.
Troisième débat
La loi 8917 est adoptée par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8917 est adoptée en troisième débat, dans son ensemble, par 37 oui contre 6 non et 1 abstention.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève sans débat de préconsultation.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux à 21h.
La séance est levée à 19h30.