Séance du
vendredi 31 janvier 2003 à
14h
55e
législature -
2e
année -
4e
session -
18e
séance
M 1452-A
Débat
M. Charles Beer (S). Monsieur le président... (Bruit de micro.)
Le président. Monsieur Beer, lorsque vous reprenez votre micro, tâchez de le faire avec douceur, car il semblerait que les auditeurs vous écoutant perçoivent un énorme bruit, et plusieurs remarques nous ont été faites sur la manipulation des micros. De plus, plusieurs personnes - notamment M. Catelain - ont saisi tout à l'heure le micro avec beaucoup de vigueur. Essayez donc de les manipuler discrètement, car cela provoque davantage de bruit parmi les auditeurs que dans cette salle. Merci beaucoup et excusez-moi, Monsieur Beer !
M. Charles Beer. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je tenterai d'agir à l'avenir avec autant de doigté que notre président !
En ce qui concerne la motion 1452, je souhaite en premier lieu saluer la réponse rapide du Conseil d'Etat. Le film «Mémoire de la frontière» est un support récent qui méritait en effet une réponse rapide du Conseil d'Etat.
Ceci dit, la motion telle qu'elle a été adressée au Conseil d'Etat ne nous avait satisfaits qu'en partie, car la diffusion de ce film ne revêtait pas un caractère obligatoire. Si le parti socialiste n'a pas vocation à imposer aux enseignantes et aux enseignants le programme et leurs supports, il n'en reste pas moins qu'au vu de l'importance de l'événement historique concerné nous estimions qu'il convenait de déroger à la règle. Telle n'a pas été la volonté du Grand Conseil, et telle n'a pas été la réponse du Conseil d'Etat.
Je me permets d'intervenir sur un seul point, à savoir le support réduisant le film de manière à le rendre plus accessible au cycle d'orientation. Je regrette que la réponse du Conseil d'Etat ait été donnée sous forme d'un conditionnel: «pourrait». Ce film mérite en effet, à mes yeux, un engagement de la part du Conseil d'Etat afin d'assurer la mise à disposition d'un support plus accessible pour l'ensemble des élèves du cycle d'orientation, et ceci compte tenu de l'importance de l'événement dont il est question. Je remercie par avance la présidente du département.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, je remercierai à mon tour grandement la présidente du département de l'instruction publique, qui a mis en pratique avec une très grande diligence la demande qui lui a été faite par la commission de l'enseignement. Il est toutefois heureux que ce Grand Conseil n'ait pas exigé une diffusion obligatoire de ce film dans toutes les classes: ce film n'aurait en effet jamais été diffusé aussi souvent qu'il l'a été si sa diffusion avait revêtu un caractère obligatoire. Nous ne sommes pas sans ignorer que les enseignants n'apprécient pas d'être trop dirigés car, étant eux-même de véritables professionnels, ils possèdent la capacité de décider des films à diffuser ou non.
Quelques commentaires de retour m'ont été faits de la part de classes ayant visionné ce film. Ce dernier a immanquablement eu des retombées, d'où la nécessité de disposer d'un dossier pédagogique. Il faut avouer que la longueur du film a constitué un désavantage, le taux d'attention de l'être humain se relâchant généralement après une quarantaine de minutes. L'attention des élèves a donc été difficile à maintenir jusqu'au bout. Cela a beaucoup moins été le cas dans les classes où des interventions personnelles de vécu ont été organisées.
L'essentiel est que la mémoire de ces années emblématiques pour nous et pour nos actions ait marqué les élèves, et ceci grâce à la justesse du film réalisé par M. Torracinta - qualité que nous avions tous reconnue à la commission de l'enseignement. Merci, Madame la présidente, pour ce que vous avez fait !
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au moment où nous avons discuté de la diffusion de ce film, j'avais présenté une motion relativement volontaire. A la suggestion de...
Le président. Monsieur Iselin, veuillez parler dans votre micro, s'il vous plaît !
M. Robert Iselin. Excusez-moi, Monsieur le président ! ...à la suggestion du député Hodgers - qui m'a toujours rendu de grands services, y compris au début de ce parlement - j'ai atténué le désir que j'exprimais dans cette motion. Je souhaitais, par le biais de cette dernière, faire savoir que je me trouvais à disposition afin de faire valoir le point de vue de la génération de la guerre. Je l'ai d'ailleurs répété au directeur de l'enseignement secondaire, en lui communiquant mon numéro de téléphone ainsi que mon numéro de fax. (Brouhaha.)Si ce film est moins extrême qu'un film scandaleux montré par la Télévision suisse romande, il reste néanmoins légèrement biaisé pour un individu qui, comme moi, a vécu la guerre . Or, je tiens à ce que vous sachiez que je n'ai eu aucun appel pour venir présenter le point de vue de la génération de guerre.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre d'éléments ont été évoqués dans le cadre de ce débat. Je me permets pour ma part de rappeler que, lors de la présentation de ce film à la commission, une majorité à la fois de la commission et du parlement souhaitait donner des directives, contrôler le contenu de ce film et, éventuellement, le visionner avant de décider de l'octroi d'une subvention. J'étais de ceux qui considéraient qu'une entière liberté devait être laissée à celui qui choisissait les images des événements qu'il présentait comme étant sa version personnelle de l'histoire de cette période. Mon intervention était notamment dictée par le fait que tout un pan de l'histoire avait été occulté: ont en effet été oubliés ceux qui ont lutté durant cette période, ceux qui ont été emprisonnés pour avoir aidé des réfugiés à traverser ainsi que ceux qui ont été emprisonnés, y compris dans ce canton, pour avoir aidé des résistants de l'autre côté de la frontière. Il y a là, à mon sens, une occultation volontaire, politique - je peux l'affirmer aujourd'hui, puisque les auteurs du film ont travaillé en toute liberté. Je l'avais d'ailleurs dit à l'époque: je souhaitais que les gens aient la liberté de présenter leur film, mais que nous ayons pour notre part la liberté de critiquer la présentation de ce film.
Ce film contient donc une orientation précise, qui a été donnée par ses auteurs. Si tel est leur droit, je possède également le droit d'affirmer que ce film ne correspond pas à la réalité historique, les actes de toute une partie de la population genevoise qui a eu l'honneur de se battre à cette période dans des conditions difficiles et qui a été emprisonnée par les responsables politiques genevois n'apparaissant pas dans ce film. Les tensions sociales extraordinaires qui ont marqué Genève ainsi que la naissance de nouveaux mouvements et partis politiques pendant cette période sont également absentes. Les jeunes ne sauront donc rien de ces événements en visionnant ce film. C'est pourquoi je ne suis nullement gêné par une diffusion restreinte. Les uns et les autres auraient cependant des raisons de réécrire l'histoire d'une manière différente de celle qui a été choisie par les auteurs de ce film.
Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, après quoi nous prendrons acte de ce rapport.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je souhaite remercier les uns et les autres pour leurs interventions. Je fais par ailleurs savoir à M. le député Beer que j'ai pris note de sa demande et que je veillerai à ce que son souhait de transformer le conditionnel en présent, voire en futur, soit réalisé.
Je tiens par ailleurs à souligner la nécessité de prendre en compte la grande difficulté à effectuer la condensation d'un tel film, à l'égard duquel on a entendu les critiques et les insatisfactions des uns et des autres:en effet, plus l'on rétrécit, plus l'on choisit. Vous aurez donc compris que le choix initial dans sa version longue n'était déjà pas forcément de nature à satisfaire.
Je souhaite évoquer, dans un domaine complémentaire - et je m'adresserai plus particulièrement à M. le député Iselin - non pas ses offres, qui n'ont pas reçu de suivi, mais une opération mise récemment sur pied avec le consul général de France. A l'occasion de la réception gratuite, samedi dernier, par les écoles genevoises du livre du journaliste et écrivain français Richardot, intitulé «Une autre Suisse», j'ai comparé l'histoire à une pièce obscure dont on choisit l'éclairage. Ainsi, toute pièce donne, selon la façon dont on l'éclaire, une vision et un relief différents des objets qui se trouvent dans cette pièce ou de la forme de la pièce. Il s'agit toujours de la même pièce, elle abrite toujours un certain nombre d'objets, mais l'emplacement de la lampe donne, en fonction d'un certain nombre de critères, un éclairage différent. Il s'agit précisément du problème auquel nous devons faire face: cette époque de l'histoire a en effet montré à la fois des actes héroïques, des actes quotidiens courageux et des actes de lâcheté ou d'injustice, et chacun peut dès lors se sentir interpellé par l'ensemble de ces actions. Les livres qui sont offerts dans les écoles genevoises par des résistants français, qui ont trouvé en Suisse l'écho nécessaire pour continuer leurs activités et qui se sont cotisés pour les offrir, seront partagés avec des lycées français qui ne les avaient pas reçus, de façon que les écoles puissent bénéficier de cette partie aussi de l'histoire.
Nous aurions tort de nous diviser les uns et les autres, car chacun détient une part de l'histoire qui a été vécue, soit directement, soit indirectement. Le bien, le mal, le quotidien, tout était vrai au même moment. Je propose que vous preniez acte de ce rapport et que, dans la mesure du possible, nous nous préoccupions dans nos écoles, et de façon durable, de permettre la pluralité des visions et des opinions ainsi que la connaissance de l'ensemble des faits dans toutes leurs colorations, sans qu'aucune d'entre elles soit niée.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.