Séance du vendredi 31 janvier 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 4e session - 18e séance

PL 8887
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la police (F 1 05)

Préconsultation

Le président. Nous passons maintenant au point 134 de notre ordre du jour. C'était théoriquement à la demande de Mme Micheline Spoerri. Je vous propose donc de l'attendre. C'était plus exactement le groupe libéral qui souhaitait, de peur que l'on ne traite pas l'objet...

Une voix. J'assume !

Le président. Vous assumez, Monsieur le conseiller d'Etat? Très bien: nous passons donc au point 134. Il s'agit d'un renvoi en commission, donc la parole est limitée à une personne par groupe et à cinq minutes par orateur. La parole est à M. le député Ueli Leuenberger.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les Verts examineront avec beaucoup d'intérêt et d'attention ce projet de loi en commission. Permettez-moi d'énoncer aujourd'hui quelques remarques.

Nous restons étonnés que la loi sur la police de Genève continue à ressembler davantage à une convention collective de travail qu'à une loi définissant clairement la mission et le fonctionnement de la police. La démarche du département aboutissant à la signature de la convention portant sur la procédure de modification de la loi sur la police me conforte par ailleurs dans cette idée. La loi, et avant tout le règlement actuel, parle beaucoup de hiérarchie, de plans de carrière, de classes salariales, d'uniformes, du nombre de pantalons, de pull-overs, de chemises et de cravates, mais elle ne dit malheureusement rien sur la mission de la police, sur la manière de remplir cette mission et sur le genre de service public que l'on est en droit d'attendre de la police.

Je salue naturellement la concertation entre le département, la hiérarchie de la police et les associations du personnel de la police. Je regrette cependant que cette réflexion se limite principalement aux conditions salariales et aux plans de carrière. Ce dialogue sera-t-il suivi par d'autres, et en premier lieu par un dialogue sur le climat à l'intérieur même de la police ? Des discussions régulières avec des gendarmes m'ont donné le sentiment que l'organisation militaire, ou trop militaire - pour ne pas dire parfois militariste - constitue certainement un handicap plus important que le port de l'uniforme au niveau du recrutement et de la lutte contre les démissions. Y aura-t-il par ailleurs un véritable dialogue entre la police, la société civile et les citoyens en général ? Le travail de proximité effectué par les îlotiers dans les quartiers ainsi que le nombre de postes de police que l'on trouve ouverts et accueillants lorsqu'on en a besoin sont des exigences que les Verts partagent avec une grande partie de la population genevoise et, j'ose même affirmer, avec une grande partie des femmes et des hommes qui travaillent dans la police.

Il est également important pour nous - et nous l'avons affirmé à maintes reprises - que les îlotiers ethniques retrouvent leur rôle et, avant tout, qu'ils soient reconnus par les autorités politiques, à commencer par le Conseil d'Etat. Genève a la chance de posséder des policiers expérimentés et formés dans ce domaine; d'autres policiers doivent encore être formés pour contribuer à la meilleure cohabitation entre citoyens dans un canton aussi multiculturel que le nôtre.

Ce n'est non plus pas un secret que les Verts souhaitent que la profession de policier s'ouvre le plus rapidement possible aux titulaires d'un permis C. Nous sommes convaincus que de l'attitude de la police, de ses modes d'intervention, de la qualité de la relation avec ses citoyens dépend finalement le climat général qui incite ou non des femmes et des hommes à choisir ou non cette profession, ou à ne pas quitter cette profession.

Je termine mes quelques observations en recommandant l'envoi de ce projet de loi à la commission judiciaire.

M. Jean-Michel Gros (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral ne veut pas manquer de féliciter notre conseillère d'Etat Mme Spoerri pour avoir réussi quelque chose que je n'ai jamais vu depuis 1985 - date depuis laquelle je participe régulièrement aux travaux de ce Grand Conseil - à savoir une remise en confiance et une réattribution de la vocation du dialogue entre la police et le Conseil d'Etat. M. Leuenberger se plaint de ce que cette modification de loi ne couvre pas tout ce qu'il souhaiterait. Ceci est peut-être vrai, car il ne s'agit que d'une modification de la loi sur la police, et non d'une refonte complète. Cependant, le fait même d'avoir obtenu les signatures de tous les chefs de la police et de tous les syndicats de policiers constitue un mérite, mérite que l'on peut attribuer au chef du département de justice et police. Ce point figure par ailleurs d'ores et déjà à l'ordre du jour de la commission judiciaire de jeudi prochain, ce qui montre bien que nous considérons de façon unanime qu'il y a urgence à le traiter.

Ceci dit, le groupe libéral se montrera tout de même critique vis-à-vis de ce projet, car tout ne nous semble pas parfait dans le meilleur des mondes. C'est ainsi que, bien que le principe de l'ancienneté se trouve assoupli par cette loi, les articles des promotions, et notamment l'article 27, semblent conforter ce principe. L'ancienneté est donc toujours «d'actualité» - si j'ose me permettre cette formule quelque peu hasardeuse - au sein de la police, et peut-être devrons-nous examiner si cela n'est pas regrettable. Nous nous inquiétons de savoir, d'une part comment éviter les automatismes pour ceux qui ne le méritent pas, d'autre part comment contourner ces automatismes pour ceux qui le méritent vraiment. Ce n'est effectivement pas parce qu'un individu possède huit ou dix ans d'ancienneté qu'il doit automatiquement être promu à tel grade, et peut-être qu'un Pic de la Mirandole mériterait d'être nommé brigadier-chef au bout de deux ans ! Je n'ai pas regardé l'entier des grades de la police, mais ceci méritera d'être discuté. (Le président agite la cloche.)

Les policiers recherchent un sentiment de confiance dans la population, et cela est tout à fait justifié. Il y a en effet eu une période où ils ont perdu ce sentiment de confiance, et Mme Spoerri a selon moi joué un rôle dans la restauration du sentiment de confiance. Nous veillerons simplement en commission, notamment par le biais des auditions que nous agenderons, à ce que cette confiance soit à double sens. Il faut certes que les policiers aient confiance dans leur hiérarchie et dans les autorités, mais il faut également que la population ait une confiance totale dans la police. Il nous faudra donc examiner cela très en détail en commission.

Cette profession doit être revalorisée, c'est évident, mais je le répète: est-ce dans les automatismes que nous trouverons cette revalorisation ? Ces automatismes doivent à mon avis être assouplis, et c'est une question que le groupe libéral s'efforcera d'éclaircir en commission judiciaire dès jeudi.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous voici donc saisis de ce projet de loi promis depuis longtemps et déclaré urgent. Le groupe socialiste se réjouit du fait, comme l'ont déjà relevé M. Leuenberger et M. Gros, qu'il y ait eu une concertation et qu'un dialogue régulier ait été mené entre la présidente du département et les premières personnes concernées - soit les gendarmes, policiers, policières et autres agents de la police - par le biais des associations du personnel et des syndicats. Je ne suis toutefois pas certaine que, comme M. Gros l'a affirmé, cela soit la première fois qu'une telle concertation ait lieu. En effet, lorsque je présidais la commission judiciaire en 1994-1995, nous avions également fait une modification de la loi sur la police, et nous avions agi selon le même scénario. Cela correspond à la période où M. Bernard Ziegler se trouvait à la tête du département, et je tiens à lui rendre hommage.

Ce projet propose une mini-réforme, une réorganisation interne et une réactualisation du statut de policier ou de policière dans le but de réévaluer cette profession. Le problème de recrutement est certes inquiétant, mais il est aisé d'imaginer, lorsqu'on prend connaissance de l'organisation militaire de la police, que cet aspect fait hésiter beaucoup de jeunes (hommes ou femmes), peut-être même avec raison. Il faudrait dès lors se demander s'il ne convient pas de changer le management au sein de la police pour arriver à une organisation tout aussi efficace, mais qui ne soit pas inspirée de l'armée. (Commentaires.)

Madame la présidente, vous estimez que le fait que les jeunes changent aujourd'hui plus souvent d'orientation que par le passé constitue un problème, et que ce fait est également ressenti dans la police. Il faut cependant se rappeler que cette flexibilité constitue une exigence du monde professionnel. Les jeunes se rendent en effet désormais compte que l'on n'apprend plus un métier pour la vie. Il faudrait donc étudier la manière de faire concorder ces différents discours.

Le groupe socialiste est malgré tout resté quelque peu sur sa faim quand il a étudié ce projet de loi. Vous aviez en effet annoncé en octobre 2002, Madame la présidente, que vous intégreriez les titulaires de permis C, et vous aviez indiqué à l'époque que cette mesure se ferait par voie réglementaire. Je me demande dès lors quand vous le ferez, et pourquoi vous ne l'avez pas fait par ce projet de loi. Une autre question devrait trouver réponse en commission: qu'en est-il de la police de proximité ? Quelle sera la structure qui permettra de mieux faire face aux urgences sociales ou psychomédicales ? Le projet de loi touche principalement à la réévaluation de la profession, mais pour nous, socialistes, il manque une réflexion générale sur une réforme concernant la sécurité publique, le recrutement et l'aspect social de cette problématique.

En dernier lieu, permettez-moi de dire, Mesdames et Messieurs les députés, que la meilleure police du monde ne résoudra pas les problèmes mis en avant actuellement au sujet de l'insécurité - qui semble être la préoccupation première de nombreux citoyens et citoyennes - et qui font le lit de l'extrême-droite. Notre réflexion doit mener plus loin. Le fait que des franges entières de la population se retrouvent marginalisées, voire exclues, du marché du travail et de la société tout court et que les acquis sociaux, souvent vitaux pour des personnes précarisées, soient remis en cause favorise le développement de la criminalité ordinaire. Face à ces problèmes, les mesures proposées ne peuvent se limiter à un renforcement de l'Etat policier. D'autres mesures telles que l'augmentation des moyens mis à disposition pour l'intégration des jeunes ou encore la lutte contre la violence conjugale seraient nécessaires, et j'espère qu'elles auront le même degré d'urgence que celle attribuée au projet de loi sur la police. Je me réjouis néanmoins d'étudier ce projet en commission, et, je puis vous l'assurer, le groupe socialiste s'impliquera dans la discussion.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je tiens à faire part du bon accueil que le groupe démocrate-chrétien fait à ce projet de loi. En effet, au moment où la profession de policier se voit décriée, malmenée et peu respectée, il nous semble tout à fait intéressant qu'après l'excellent dialogue instauré par la présidente du département avec les différents syndicats - dialogue qui débouche sur le travail qui fait l'objet de notre présente discussion - notre parlement se saisisse des problèmes de sa police, de sa gendarmerie et de sa police judiciaire. Il nous paraît important de travailler ensemble à une police qui se sente à l'aise et qui soit le reflet de sa population.

Une lecture rapide de ce projet de loi met en lumière un certain nombre de caractéristiques. L'on y constate par exemple une augmentation des effectifs. Nous pensons qu'il est souhaitable de donner un certain nombre de moyens supplémentaires à la police afin qu'elle puisse assurer une mission toujours plus difficile et dont les objectifs sont toujours plus nombreux. L'étoffement du système de l'encadrement ne nous paraît en revanche pas excellent, bien que nous comprenions la revendication légitime des membres de la police, qui souhaitent accéder, par le grade, à un certain étapage (notamment de leur salaire). Il nous semble pour notre part important de ne pas créer une armée mexicaine. La qualité de l'encadrement doit primer sur le nombre des personnes encadrant cette police.

Pour l'immédiat, nous nous réjouissons de parler de tout cela en commission judiciaire et, je le répète, le groupe démocrate-chrétien fait un excellent accueil à ce dialogue qui s'instaure avec le corps de police du canton.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est très satisfait que ce projet de loi arrive suffisamment tôt devant ce Grand Conseil, et je me réjouis personnellement de pouvoir le traiter en commission. Je suis surtout satisfait pour le personnel de la police genevoise, qui travaillait dans un climat professionnel relativement malsain et peu favorable à la sécurité de ce canton. Ceci étant dit, je remercie Mme la conseillère d'Etat pour la rapidité avec laquelle elle a oeuvré avec les différents partenaires de son corps de police, et ceci dans un esprit de concertation. Cette concertation a finalement permis d'aboutir à un compromis acceptable par tous, ce qui devrait favoriser les travaux au sein de la commission. Au niveau fédéral, un tel travail aurait selon moi pris au moins deux ou trois ans, ce qui montre bien l'engagement mis par Mme la conseillère d'Etat dans ce dossier.

Cette modification de loi n'est finalement qu'une mesure d'urgence, car elle seule ne permettra pas de résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, ce dont, je crois, nous sommes tous ici conscients. Il est donc vrai, pour rejoindre les propos du représentant des Verts, que cette loi constitue davantage un règlement d'organisation qu'une définition des missions auxquelles la police est censée faire face. Or, il serait souhaitable, à long terme, de mentionner ces missions dans la loi.

J'ai pour ma part quelques craintes au niveau des mesures prévues dans le cadre de la promotion et de l'évolution des carrières. Si l'on doit attendre douze ans pour devenir brigadier afin de respecter un certain profil de carrière par rapport à chaque engagé de la gendarmerie, il me semble que l'on risque d'être confronté d'ici quelques années à un effet boomerang. Il faut en effet savoir qu'au niveau des démissions le déficit en matière de conduites constitue généralement la deuxième cause de démission. L'on risque donc de perdre ce que l'on a gagné en devant engager de mauvais cadres.

Ce projet de loi ne doit pas nous dispenser de rechercher d'autres gains de productivité. Je rappellerai les mesures prises par la police de New York qui, avec les mêmes effectifs, a obtenu un gain de productivité de plus de 60 % en faisant preuve d'imagination et en responsabilisant davantage les collaborateurs par rapport à la tâche à fournir. On irait dès lors plutôt dans le sens d'un contrat de prestations axé sur les résultats à obtenir. Je crois que nous devons tous rester ouverts et imaginer de nouvelles formes de travail et d'organisation. Je souhaiterais quant à moi, dans l'esprit du groupe UDC, qu'on ne réglemente pas toute l'organisation de la police dans la loi, mais qu'on laisse une certaine latitude au chef de la police quant à l'organisation de ses services.

M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux, tout comme les autres groupes, accueilleront favorablement cette loi et se réjouissent d'en débattre en commission.

Si le groupe radical ne veut pas d'Etat policier, il est bien certain que nous souhaitons une présence et une structure policière ferme à Genève. L'on ressent en effet actuellement un certain mal-être dans le corps de police, ce qui est probablement imputable à différents facteurs. J'en vois pour ma part deux: le premier a trait à la question de la respectabilité, ou du manque de respect. Il s'agit là d'un problème de société beaucoup plus vaste qu'un problème auquel seule la police se trouverait confrontée - cette dernière ne constituant qu'un maillon de la problématique. Dans une société en pleine évolution, on constate jour après jour la dégradation d'une certaine respectabilité. Il faudrait parvenir à raffermir le respect que l'on doit à cette police, pour autant qu'elle soit bien structurée et ferme. Le deuxième problème réside dans le manque d'effectifs. Il n'est pas normal que certains secteurs d'une population de 60 000 habitants ne soient couverts que par trois gendarmes la nuit. Or, cela est la réalité. Si la loi augmente l'autorisation des effectifs, cette mesure n'améliorera pas pour autant le niveau du recrutement. Il faut donc étudier les différentes possibilités qui puissent être envisagées au niveau du recrutement. J'en vois quant à moi deux: rendre attractif cette profession de différentes manières et élargir les possibilités de recrutement. A ce stade, le groupe radical n'est pas opposé à une discussion sur la possibilité de recourir à des détenteurs de permis C pour le recrutement à l'entrée des écoles.

Nous tenons toutefois à préciser qu'il y a longtemps déjà - lors de la dernière législature - le groupe radical avait déposé une motion s'enquérant des différentes missions de la gendarmerie. Il lui semble en effet qu'un grand nombre de missions pourraient être déléguées à d'autres fonctionnaires ne revêtant pas nécessairement l'uniforme de gendarmerie. L'uniforme doit à mon sens être présent dans la rue, mais les missions actuelles de la police ne doivent pas toutes être nécessairement effectuées par des personnes revêtant l'uniforme. Il existe en effet un certain nombre de tâches administratives où l'aide de personnel administratif pourra être encore renforcée. Et, si l'on veut aller voir beaucoup plus loin dans la délégation de compétences, pourquoi ne pas envisager, pour les nombreux accidents et dégâts matériels - je dis bien «dégâts matériels», donc sans blessé - d'avoir recours à d'autres personnes pour faire des constats de police ? Je vous rappelle qu'en France la gendarmerie ne se déplace pas sur les lieux d'un accident lorsqu'il n'y a pas de blessé. Il y a donc un horizon de pistes à explorer, exploration qui sera le travail de la commission. Cette tâche s'avérera passionnante, car elle touchera un grand débat de société.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons eu l'occasion de faire part durant ces dernières années (et, je le précise, avant l'arrivée de Mme Spoerri au département) de notre insatisfaction quant à la façon de travailler de la police. Nous avons dénoncé en premier lieu la fermeture des postes de police le soir, et même durant la journée. C'est ainsi qu'il arrive de téléphoner à un poste de police et de tomber sur un répondeur signalant que personne ne peut répondre ! Certains sont allés jusqu'à fermer le poste de police dans la gare, ce qui est invraisemblable. Il y a en outre une absence d'îlotiers: ceux-ci ont disparu et je puis vous assurer, Madame Spoerri, que les citoyens et citoyennes se plaignent de l'absence de la police au service de la population !

Nous savons que vous avez hérité, Madame, d'un département qui s'est beaucoup effiloché en quelques années. Vous avez trouvé ce département dans un triste état, avec des dossiers très lourds à reprendre, et nous tenons à relever le courage dont vous faites preuve face aux difficultés auxquelles vous vous trouvez confrontée, plusieurs services devant être totalement reconstitués. Nous ne vous tiendrons en aucun cas grief de la situation telle qu'elle existe, et nous vous remercions d'avoir pris l'initiative d'avoir rencontré les syndicats de la police. Le personnel était en effet insatisfait et reprochait le manque de dialogue avec votre prédécesseur - ce qui était un comble, mais enfin il s'agit de la réalité ! Entretenant des relations avec un certain nombre de syndicalistes, nous savons que les réunions qui se sont déroulées l'automne dernier ont été appréciées par le personnel et que ce projet de loi répond à leurs désirs.

Ce projet de loi ne constitue cependant à nos yeux qu'un premier pas. Il propose certes une augmentation des effectifs, à laquelle nous n'étions pas opposés, mais il nous apparaît insuffisant par rapport aux problèmes que nous venons d'évoquer. Nous estimons du reste - mais peut-être que, faute d'effectifs, la police n'aurait effectivement pas pu assumer ses tâches - que les postes de police doivent rester ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Non seulement nous maintiendrons cette revendication contre vents et marées, mais nous souhaitons également que la liste des postes de police soit indiquée dans la loi et ne soit pas laissée à la libre discrétion du département. Je tiens à dire d'emblée que nous ne vous accusons nullement d'envisager la fermeture des postes de police. Toutefois, certains postes ayant été fermés, nous demandons que la loi garantisse le maintien des postes de police. Il est d'autre part indispensable de rétablir des îlotiers afin de maintenir une police de proximité qui soit au service de la population. On a vu que quatre-vingt à cent agents de police assument des tâches administratives. Or, il est impératif que la plus grande partie de ces tâches soient prises en charge par des personnes ne possédant ni l'uniforme, ni la formation d'un policier à cet effet.

Je souhaite par ailleurs, si vous me permettez, Madame la présidente, revenir sur un autre élément. Vous n'étiez en effet pas là hier soir.

Le président. Vous êtes bientôt au bout de votre temps de parole, Monsieur Grobet.

M. Christian Grobet. J'en prends note. Je souhaitais vous dire, Madame, que l'image de la police dépendra du fait qu'un certain nombre d'affaires ne se reproduisent plus. L'affaire des deux garçons - peu importe la thèse entre les deux garçons et la police - qui ont été gardés trois heures de temps sans être amenés immédiatement à l'hôpital, alors qu'ils s'y trouvent encore aujourd'hui - ce qui montre bien la gravité des blessures dont ils ont été l'objet - a révolté la population. Il est en outre inacceptable que le chef de la police n'ait pas prononcé un mot sur cette affaire. Je peux d'ores et déjà vous annoncer, Mesdames et Messieurs les députés, que nous reviendrons sur notre demande de crédit d'une commission d'enquête. Le refus, lors d'une dernière séance, de notre proposition d'enquêter sérieusement sur des affaires aussi graves que celles-ci risque d'encourager les mauvais éléments de la police à persévérer, d'entretenir la mauvaise image de la police et, surtout, de rendre difficile le recrutement de personnes valables, car ces personnes ne souhaitent pas prêter la main à de telles affaires. Je tiens à préciser que les mauvais éléments ne constituent qu'une minorité au sein de la police, la très grande majorité des agents accomplissant leur devoir de manière tout à fait correcte. Du reste, je tiens à dire que nous avons décliné l'invitation de M. Coquoz au petit déjeuner auquel il nous avait invités en raison des événements du bois de Vernier, et ceci afin de manifester notre désapprobation. Je précise que nous avons pris cette décision alors que nous ignorions encore le lieu qui accueillerait ce petit déjeuner. Nous pensions naïvement que cette rencontre aurait lieu à la cafétéria de l'hôtel de police. Je ne connais pas la manière dont la police gère les deniers des contribuables, mais il me semble tout de même excessif d'organiser un petit-déjeuner à l'hôtel Métropole !

Un certain nombre d'éléments doivent donc être clarifiés, et il s'agit de faire preuve d'autorité. La police tenant à conserver son statut référant à l'armée, il faudra trouver un mode d'enquête différent de celui chargeant une seule personne d'examiner les dérapages qui se sont produits au sein de la police.

Le président. L'ensemble des groupes se sont exprimés. La parole est maintenant à Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat, après quoi le tour de préconsultation sera terminé.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais remercier ce parlement, dont j'ai écouté avec attention le débat de préconsultation. Je retiendrai de ce débat la volonté et l'ouverture générale de dialogue au sein du département... pardon, du parlement ! Ceci n'est même pas un lapsus, car cette volonté de dialogue et d'ouverture à l'intérieur de notre enceinte a été semblable à celle qui a régné au sein du département et de l'institution policière toute entière. Vous traiterez donc d'un dossier qui est le fruit d'une large consultation auprès de l'ensemble des acteurs. Cette manière de procéder me semble très saine pour nos institutions et, partant, pour notre population et pour notre République genevoise.

Je n'entrerai pas en matière sur les questions évoquées par Mme la présidente de la commission et par M. le député Grobet; je répondrai en temps opportuns aux interpellations. Mais laissez-moi d'ores et déjà vous dire que le signal que vous donnez aujourd'hui en affirmant d'une seule voix qu'il s'agit d'un véritable débat de société et que ce débat est digne d'intérêt met dans le coeur de l'institution policière un plus dont, je suis convaincue, elle vous est d'ores et déjà reconnaissante.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.