Séance du jeudi 30 janvier 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 4e session - 16e séance

IU 1350
Interpellation urgente de M. Pierre-Louis Portier : Projet d'implantation de logements provisoires (requérants d'asile) à Pinchat

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Mon interpellation s'adresse à M. Moutinot, chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Monsieur Moutinot, vous n'ignorez pas qu'il y a quelques semaines, votre projet d'implanter des logements provisoires pour abriter des requérants d'asile dans la région de Pinchat a suscité une très forte émotion, voire la colère de certains habitants de la région. Elle a en outre suscité l'opposition des autorités de Carouge - puisque ce centre serait implanté sur Carouge - mais également, vous le savez, de celles de Veyrier, puisque cette parcelle est à la frontière de la commune d'où je viens.

A la suite de cette opposition, les autorités et les habitants du quartier s'étaient rencontrés. A l'issue de cette rencontre, vous nous aviez dit que vous aviez enregistré nos remarques, qui faisaient notamment état de la présence de trois écoles, et que vous alliez nous donner des nouvelles. Depuis, plus rien ! Or, la mairie de Veyrier a reçu il y a deux semaines un avis de mise à l'enquête publique pour l'implantation de logements provisoires dans la région du plateau de Vessy, sur une grande parcelle propriété de l'Etat - il y avait enquête publique car cela se faisait en dérogation de la zone agricole. Mais nous n'avions au préalable reçu ni lettre, ni téléphone de votre part, encore moins de contacts personnels ! Ceci a suscité, vous le savez car la presse l'a relaté, l'ire du Conseil municipal lors de sa séance de la semaine dernière. Ce même Conseil municipal a énergiquement réagi en demandant une nouvelle fois, par le biais d'une motion, au Conseil administratif de s'opposer à ce projet. Il a également, dans la foulée et sur pression du Conseil administratif, voté une autre motion vous invitant à venir vous expliquer et à discuter d'une solution qui soit humainement gérable avec les faibles moyens de notre commune par rapport à de tels problèmes. Je rappelle au passage qu'avec le cumul des deux centres, on peut compter quelque cinq cents requérants d'asile sur notre commune.

Or, coup de théâtre, Monsieur le président Moutinot ! Aujourd'hui même, on me faxe un plan avec un troisième projet d'implantation de centre de requérants d'asile sur la commune de Veyrier ! Or, en regardant le plan que j'ai à disposition, je constate qu'il s'agit du copié-collé des deux précédents - et je précise en passant que la commune de Veyrier n'est absolument pas au courant et qu'il n'y a eu aucun avis de mise à l'enquête. Si l'on cumule tous les projets que vous projetez sur notre commune, ce n'est pas moins de sept cent cinquante personnes qui pourraient être abritées sur le territoire de la commune, soit quasiment - et je le tiens de votre propre bouche - le quota de Genève en matière de prise en charge ! Reconnaissez que ceci est vraiment étonnant, incompréhensible, et que ce n'est en tout cas pas ainsi que l'on pourra résoudre les problèmes !

Mes questions sont au nombre de trois: premièrement, allez-vous répondre positivement à l'invitation du Conseil Municipal de Veyrier formulée par la motion votée le 21 janvier dernier ? Deuxièmement, qu'en est-il de ce troisième, nouveau et dernier projet sur la parcelle située au nord du chemin des Beaux Champs, juste devant la maison de Vessy ? Troisièmement, allez-vous persister dans cette politique du fait accompli, ceci au détriment de toute tentative de collaboration, de négociation avec les communes ? Si oui, comment pouvez-vous justifier une telle attitude ne générant que blocage et mauvaise humeur des élus locaux, et desservant à coup sûr la difficile mise en oeuvre de notre politique d'asile sur le plan cantonal ?

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Monsieur le député, vous savez que le Conseil d'Etat n'entend pas, sur le fond, accepter que les requérants d'asile dorment sous terre. Nous avons donc engagé un certain nombre d'actions, qui vont de la location ou l'achat de bâtiments à la construction de bâtiments provisoires. Vous savez aussi que tous nos projets en construction, sans exception aucune, font l'objet de recours de la part des communes ainsi que d'un certain nombre de voisins. Dès lors, j'ai annoncé au sujet du projet de Pinchat - qui ne se trouve pas sur votre commune, Monsieur Portier ! (Brouhaha.) -aux trois communes de Carouge, Veyrier et Troinex ainsi qu'aux recourants qu'une réunion aurait lieu pour négocier le nombre final de lits ainsi que les mesures d'accompagnement à prendre. Ceci dit, une telle réunion implique d'admettre ce principe, car si je suis toujours favorable à la négociation des modalités et des nombres, une opposition de principe rendrait toute négociation pour le moins difficile. La négociation est donc ouverte pour ce qui est de Pinchat.

Concernant Vessy, je peux comprendre votre réaction par rapport au fait que je n'ai pas pris contact avec vous préalablement; je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses si vous en avez été froissé. Mais - car il y a un «mais» - votre commune a reçu une lettre officielle de mise à l'enquête publique. S'il faut, pour chaque projet de construction, préalablement discuter... Non, Monsieur Portier, ne riez pas, car l'on est en train de nous demander de créer, en matière de construction, une procédure parallèle à la procédure officielle, alors que cette dernière est précisément destinée à recueillir les oppositions et les remarques des uns et des autres. Or, cette procédure parallèle, où l'on discute et l'on négocie, ralentit et complique souvent les choses. L'autorité doit, à un moment donné, dire ce qu'elle veut, et il est normal que cela engendre des réactions et des discussions. Mais le fait d'anticiper par une procédure parallèle qui n'aboutit souvent à rien ne fait que rallonger les délais de procédure, ce que vous ne souhaitez sûrement pas !

A la question de savoir si je répondrai à l'invitation du Conseil municipal de la commune de Veyrier, je répondrai par la négative. La raison en est que je reçois à l'heure actuelle un nombre conséquent d'invitations sur tous les sujets de la part des conseils municipaux: requérants d'asile, nature, constructions, circulation. Cela dépasse matériellement mes capacités de répondre positivement à ces invitations ! Je vous rappelle par ailleurs que c'est la mairie, et non le Conseil municipal, qui représente l'interlocuteur naturel du Conseil d'Etat. En revanche, comme cela a été le cas lors de la première réunion à laquelle vous avez fait allusion, j'associerai à la négociation sur cette question, en plus de vous-même si vous le souhaitez, les groupes représentés au municipal, le président du municipal et d'autres.

Je répète clairement qu'un conseiller d'Etat ne peut institutionnellement pas répondre automatiquement favorablement à des convocations d'un Conseil municipal. Je vous dirai, entre parenthèses, que le Conseil Municipal de la Ville n'arrête pas de me convoquer, et j'adopte exactement la même attitude envers lui, car il ne m'est institutionnellement et matériellement pas possible de répondre à toutes ces convocations. Mais il va de soi, Monsieur le député-maire, que nous trouverons un moyen de discuter avec les autorités municipales ainsi qu'avec votre population.

Quant à votre troisième et dernier projet, je serai intéressé à le voir, car je n'en ai à ce jour pas connaissance.

Cette interpellation urgente est close.