Séance du vendredi 29 novembre 2002 à 14h
55e législature - 2e année - 2e session - 8e séance

M 1487
Proposition de motion de Mmes et MM. Charles Beer, Thierry Apothéloz, Christian Brunier, Loly Bolay, Alain Charbonnier, Antoine Droin, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Mariane Grobet-Wellner, Sami Kanaan, Véronique Pürro, Albert Rodrik, Maria Roth-Bernasconi, Françoise Schenk-Gottret, Carlo Sommaruga pour un engagement urgent des pouvoirs publics contre le chômage dans le secteur bancaire

Débat

M. Charles Beer (S). La motion dont nous avons à traiter est un peu décalée par rapport à deux points traités ici même précédemment : l'un qui concernait la place financière genevoise et l'autre, que nous venons d'aborder, qui concernait le partage du temps de travail. Cette motion ne s'intéresse pas directement à ce qui se passera dans l'avenir, mais simplement à ce qui est en train de se passer à Genève. Ainsi, nous constatons, depuis une année, que, selon l'office cantonal de l'emploi, le chômage a doublé. Le nombre des demandeurs et demandeuses d'emplois dans ce secteur atteint pratiquement 700. En outre, le nombre de places de travail supprimées, si l'on ajoute les suppressions effectives et les suppressions annoncées, est d'environ 1200. Notre motion propose quelques éléments d'analyse pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. Nous mettons particulièrement en évidence la sensibilité de la place financière genevoise en raison de son savoir-faire en matière de gestion de fortune. Ce secteur économique a été exposé à une croissance démesurée, un peu folle, sur le plan mondial, et qui a produit la bulle spéculative de la nouvelle économie, dont tout le monde reconnaît aujourd'hui les effets négatifs. Notre place financière est aussi affectée par des fusions au caractère inhumain par leur taille, par leurs conséquences et par leurs résultats. Un grand nombre de ces entreprises multinationales présentent, en lieu et place de comptes, de véritables écrans de fumée. Ces entreprises de l'économie casino ne sont pas seulement des multinationales du nom d'Enron, mais également des entreprises suisses telles que la Rentenanstalt.

Partant de ce constat, nous proposons que les pouvoirs publics se mettent au travail. Nous ne proposons pas qu'ils renoncent au travail obligatoire prévu par la loi sur l'assurance-chômage, mais nous souhaitons qu'ils le complètent, en lien avec les partenaires sociaux. Des mesures doivent être trouvées pour diminuer le taux de chômage, pour soulager les demandeurs et demandeuses d'emploi, notamment en dégageant des perspectives d'insertion économique durables. Parmi ces mesures, nous suggérons la réduction du temps de travail sur une base volontaire. Nous pensons aussi à la formation continue et au recyclage.

Il serait souhaitable, Mesdames et Messieurs les députés, vu l'urgence de la situation et les chiffres de l'emploi dans ce secteur que cette motion soit renvoyée le plus vite possible au Conseil d'Etat et que l'ensemble du Parlement lui fasse bon accueil. Elle ne devrait pas opposer la gauche à la droite, en tant qu'elle propose une démarche pragmatique à partir d'un constat douloureux.

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral avait demandé unanimement à Michel Halpérin d'être son porte-parole dans le débat sur cette motion. Il se trouve que, parce que notre ordre du jour vert a été épuisé, nous sommes passés à l'ordre du jour bleu. M. Halpérin, comme d'autres parlementaires d'ailleurs, est à son poste de travail et ne peut effectuer son travail de député, ce que nous regrettons fortement. Nous nous opposerons désormais avec véhémence à tout chamboulement de l'ordre du jour qui interdirait à l'un ou à l'autre de prendre la parole pour cause de travail. Par ailleurs, nous avons déposé un amendement à cette motion dans la précipitation de sorte qu'il subsiste une faute d'orthographe dans l'une des deux invites, mais vous l'aurez corrigée vous-mêmes.

En ce qui concerne la motion elle-même, je suis content que M. Beer ne fasse pas ici de la politique politicienne autour d'un sujet douloureux.

Il faut dire tout de même que nous avons déjà eu un débat sur le secret bancaire et sur la place financière genevoise. Suite à ce débat, le Conseil d'Etat a été saisi d'une demande formelle de ce Parlement visant à l'élaboration d'un rapport des impacts économiques et fiscaux de ce secteur sur notre économie. Dans ce contexte, le parti libéral ne tient pas à tirer sur l'ambulance et à faire de cette motion un enjeu de débat. C'est dans cet esprit que nous vous proposons la suppression de la seconde invite de la motion socialiste. Cette motion concerne l'organisation du partage du temps de travail. Or, s'il est un secteur qui s'est déjà organisé, sans l'aide de l'Etat, au niveau du partage du temps de travail, de la responsabilité environnementale, de la responsabilité sociale, c'est bien le secteur bancaire, grandes banques comme banques privées. Sans doute mon collègue Mauris qui travaille dans une des grandes banques de la place témoignera dans ce sens. Savez-vous que dans les banques les femmes ont un congé maternité largement plus long que celui que nous avons voté ici ? Oui, des mesures sociales sont prises dans ce secteur comme nulle part ailleurs. Il n'y a donc aucune raison d'intégrer dans cette motion une invite relative au partage du temps de travail.

Par ailleurs, nous proposons une invite supplémentaire qui a trait au renforcement du secteur bancaire. Cette invite demande au Conseil d'Etat de faire, vu l'urgence, tout ce qui est possible pour soutenir ce secteur économique.

Enfin, nous vous proposons de renvoyer le plus rapidement possible cette motion au Conseil d'Etat et de clore ce débat au plus vite.

Le président. Je rappelle simplement que c'est le Bureau et les chefs de groupes qui ont décidé de reprendre l'ordre du jour normal au cas où l'ordre du jour des extraits serait épuisé. J'ajoute que tout député qui présenterait un amendement sur lequel sa signature ne figurerait pas pourrait, à bon droit, contester qu'on ait présenté un amendement sous son nom. Pour ma part, je ne suis pas prêt à accepter des amendements présentés sans signature. La signature atteste en effet de l'accord formel du député.

M. Pierre Kunz (R). Depuis toujours la gauche a prétendu défendre les travailleurs. Simultanément, la gauche, la gauche genevoise en particulier, guidée par son mentor Jean Ziegler, s'est drapée dans le manteau de la vertu et de la moralité. C'est ainsi drapée qu'elle a pourfendu et tenté avec constance de détruire quelques-uns des fondements du système bancaire helvétique, sans jamais, bien sûr, réfléchir aux conséquences d'une telle attitude sur l'emploi. Voilà qu'aujourd'hui, rattrapée par les échéances électorales et par les réalités économiques et sociales, cette gauche, non seulement jette aux orties son manteau de vertu et de moralité, mais surtout tente d'exploiter ce qu'elle pense être une nouvelle niche électorale, un nouveau fonds de commerce politique. La gauche s'inquiète ainsi des préoccupations des employés du secteur bancaire. Mieux, elle souligne son inquiétude au sujet «des mesures à prendre pour le maintien des connaissances de la branche». Chose curieuse, parmi ces connaissances de la branche, figure sans doute la promotion du secret bancaire et des comptes numérotés. Voilà, Mesdames et Messieurs, un retournement qui restera dans les annales.

Au-delà de ce reniement, de ce qu'on pourrait appeler un blanchiment, on note dans cette motion une énorme part de méconnaissance pour ne pas parler de mauvaise foi. Les auteurs de ce texte font preuve d'une parfaite méconnaissance de la façon dont les chefs d'entreprise, en général, et les responsables bancaires en particulier, conçoivent et vivent leurs devoirs à l'égard de la collectivité et de leur personnel. Il y a aussi une incompréhension grave de la dépendance, je pèse mes mots, d'une entreprise par rapport à son personnel. Mesdames et Messieurs, si cette méconnaissance et cette incompréhension n'existaient pas, cette motion n'aurait jamais vu le jour.

Enfin, cette motion contient une dose immense de prétention. La prétention, largement répandue dans notre aquarium politique, qui nous amène à penser que nous savons mieux, nous acteurs de la politique, que les acteurs de l'économie comment il faut prévoir et organiser l'avenir des entreprises et de leurs employés. Certes les patrons se trompent parfois et certains dirigeants d'entreprises, fort heureusement peu nombreux, se comportent même de manière scandaleuse, inacceptable, inexcusable. Chacun devrait cependant admettre ici que nous les politiciens nous nous trompons au moins aussi souvent et que nous nous comportons parfois de manière aussi scandaleuse et inexcusable que les acteurs de l'économie.

Ainsi, prétendre que le monde politique doit s'engager à la place des milieux bancaires pour gérer la crise que ceux-ci traversent, c'est faire croire que ces derniers sont incapables de faire face à leurs obligations économiques et à leurs devoirs sociaux et moraux. Mesdames et Messieurs, même si cette motion utilise des termes tels que «concertation», «encourager», «convier», elle n'en est pas moins un moyen de discréditer les milieux bancaires avant même que ceux-ci aient eu le temps d'agir et de montrer qu'ils assument pleinement leurs responsabilités. Il s'agit d'une tentative de récupération indigne, que nous devons purement et simplement rejeter. Les radicaux refuseront aussi bien les amendements que le renvoi en commission.

M. Alain-Dominique Mauris (L). Monsieur Beer, vous en avez appelé au pragmatisme, et vous avez raison: soyons pragmatiques, prenons conscience que le monde bancaire n'est pas une affaire purement genevoise, mais une affaire mondiale. Soyons aussi conscients que ce n'est pas à Genève que l'on influence le marché mondial. Celui-ci échappe complètement aux bonnes volontés de chacun des membres de ce Parlement, de chaque citoyen de Genève. Une banque repose sur trois éléments : sur la formation de ses employés, leur excellence, sur les capacités que Genève peut offrir dans la compétition mondiale ou même seulement nationale, sur ses clients enfin. Toute personne qui travaille dans un commerce vous le dira, Mesdames et Messieurs les députés, la première nécessité, c'est d'avoir des clients. Or, ce que les clients adorent à Genève, c'est le secret bancaire. Sans secret bancaire, il est évident que nous aurons beaucoup moins de clients et donc beaucoup moins de banques. Il faut être conscients de cela et du paradoxe que constitue, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, votre critique du secret bancaire et le dépôt de la motion dont nous traitons aujourd'hui. Le secret bancaire est un élément en notre faveur dans la compétition mondiale.

Sachez enfin que ce n'est pas la première fois que le secteur bancaire sent passer le vent du boulet. Nous avons connu une situation semblable à celle d'aujourd'hui il y a quelques années déjà. Je me souviens que vos milieux critiquaient, il y a des années, le secteur industriel parce qu'il générait beaucoup de bénéfices et qu'il était prospère. Ce secteur industriel a aujourd'hui pratiquement disparu de Genève. Je me souviens encore des critiques qui pesaient sur les banques en raison de leurs supposés bénéfices faramineux, dont vous disiez qu'ils étaient honteux - pas vous Monsieur Beer, mais les milieux auxquels vous appartenez. On voit aujourd'hui le bilan du Crédit Suisse : il n'y a plus de bénéfices, mais des pertes. Alors je crois qu'il est préférable de réfléchir avant de critiquer des secteurs d'activités économiques lorsqu'ils sont prospères, plutôt que de leur lancer la bouée lorsqu'ils connaissent des difficultés. La question qu'il faut se poser, quand un secteur a le vent en poupe, c'est de savoir comment faire pour qu'il conserve sa place de leaderdans son domaine. Votre motion a cependant un mérite : elle tire la sonnette d'alarme comme nous l'avons fait à plusieurs reprises. L'amendement proposé par M. Roulet est très important car il s'agit bien aujourd'hui de mettre tous les moyens en oeuvre pour soutenir le secteur bancaire. J'en ai terminé, Mesdames et Messieurs les députés, et je reviendrai éventuellement, plus tard, sur la seconde invite de la motion. (Applaudissements.)

M. Charles Beer (S). L'essentiel du débat portera sur les amendements proposés par le groupe libéral. J'aimerais cependant souligner un élément du discours de M. Mauris. Selon lui, pratiquement tout nous échapperait; les instances démocratiques, le cadre régional ou national se trouveraient réduits au silence en ce qui concerne le secteur bancaire. Nous ne contestons certes pas l'aspect mondial du marché. Nous ne pensons pas régler le problème à Genève, mais, plus simplement, nous pensons qu'il y a de quoi discuter en matière de temps de travail et, vous l'avez dit vous-même, Monsieur Mauris, en matière de formation. Nous souhaitons que ces discussions aient lieu dans un cadre négocié. C'est pourquoi nous espérons que cette motion sera tout de même renvoyée au Conseil d'Etat, malgré le fait que M. Kunz, une fois de plus, n'en aura pas saisi l'enjeu.

M. Christian Brunier (S). A entendre M. Kunz et M. Mauris, j'ai le sentiment qu'il y a une sorte de démission du pouvoir politique. (Rires.)Nous nous trouvons face à une crise majeure dans un secteur économique extrêmement important pour Genève, puisqu'il représente environ 10% des emplois. Nous n'avons jamais dit le contraire. Bien sûr, lorsqu'il y a une crise, dans le monde bancaire, dans le monde industriel ou ailleurs, c'est bien sûr aux entreprises de trouver des solutions, mais il est juste que les syndicats soient associés à la recherche de solutions. D'ailleurs, les syndicats et les patrons sont souvent assis à la même table, même s'ils ne proposent pas les mêmes solutions. Cependant, l'autorité politique a aussi un rôle à jouer. Nous ne prétendons pas avec cette motion qu'il y ait un remède miracle, mais nous pensons qu'il est temps que l'ensemble des acteurs économiques, sociaux, politiques de ce canton se mettent autour de la table pour essayer ensemble de trouver les meilleures solutions pour répondre, localement certes, à une crise bancaire dont les causes sont internationales. Aujourd'hui, il semble bien que cette coordination des différents acteurs n'existe pas ou pas en suffisance. En entendant les interventions des députés de l'Entente sur cette motion, je me dis que nous avons eu raison de porter ce débat devant notre Conseil.

Prétendre que cette crise est causée exclusivement par les attaques contre le secret bancaire est une explication un peu simpliste. Nous avons eu un débat sur le secret bancaire, nous ne le ferons pas une nouvelle fois aujourd'hui. Néanmoins, je n'ai pas entendu, en tout cas sur les bancs de l'Entente, qu'une des causes de cette crise réside notamment dans les excès spéculatifs, dans les multiples fusions et rationalisations qui éliminent des emplois. On ne peut pas simplement rejeter la faute sur le débat, légitime au demeurant, au sujet du secret bancaire.

Enfin, je pense que cette motion est tout à fait pragmatique. Je ne sais pas si vous avez bien lu les invites. La première vise à mobiliser tous les acteurs à l'oeuvre dans le secteur bancaire. Je ne vois pas comment on peut être opposé à une telle proposition. La deuxième invite propose de mettre tout en oeuvre pour soutenir le secteur bancaire, et notamment, éventuellement, sur une base volontaire et négociée, le partage du travail. Pourquoi fermer aujourd'hui, a priori,telle ou telle piste pour essayer de résoudre ce problème? Je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas de remède miracle, il y a certainement toute une série de mesures susceptibles d'atténuer la crise de l'emploi dans les banques et je pense que nous n'avons pas le droit, nous responsables politiques, d'exclure l'une ou l'autre de ces mesures. La troisième invite quant à elle propose un certain nombre de mesures envisageables, qu'il s'agisse de la requalification, du recyclage des employés ou encore leur reconversion. Ce que nous souhaitons, c'est que les personnes touchées par des plans sociaux puissent retrouver, le plus rapidement possible, un emploi.

Je vous invite vraiment à renvoyer au Conseil d'Etat cette motion qui est pragmatique et qui ne vise qu'une chose, c'est la mobilisation de toutes et tous autour de ce problème qui touche aujourd'hui des milliers de travailleurs à Genève.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous ne savons toujours pas si cette motion sera prise en considération, rejetée, renvoyée au Conseil d'Etat ou en commission. Cependant, la liste des orateurs s'allonge et le Bureau vous propose de la clore. Elle comprend MM. Grobet, Iselin, Leuenberger et Kunz. (Protestations.)Je vous rappelle qu'après ces orateurs nous aurons encore un débat sur les deux amendements proposés. Je souhaiterais donc que les orateurs soient brefs. La liste est la suivante : MM. Grobet, Iselin, Leuenberger, Kunz, Weiss, Beer, Spielmann et Mme Bolay. Celles et ceux qui acceptent la clôture de la liste sont priés de lever la main.

Mise aux voix, la proposition de clore la liste des orateurs est adoptée.

M. Christian Grobet (AdG). Je comprends bien, Monsieur le président, que vous essayiez de limiter la durée des débats trop longs, mais si vous admettez les députés qui appuient sur le bouton de demande de parole au moment où vous faites la proposition de clore la liste des orateurs, vous ne pouvez pas refuser ceux qui appuient 15 secondes après parce qu'ils étaient debout. Je pense qu'il faudrait trouver une solution.

Le président. Je vous remercie pour vos conseils, Monsieur le député.

M. Christian Grobet. Je vous demande de réfléchir, Monsieur le président, parce que je ne voudrais pas qu'il y ait des incidents. Ceci dit, j'en viens à la motion dont nous débattons.

Je ne sais pas si je dois dire que M. Kunz m'étonne, mais je crois que quand il s'exprime il vaut mieux ne plus s'étonner de rien. Quelles que soient les divergences qu'on peut avoir sur la politique menée par certaines entreprises, je crois que toutes celles et tous ceux qui siègent dans ce Conseil sont soucieux de la préservation de l'emploi. Alors, Monsieur Kunz, vous reprochez aux motionnaires de récupérer un sujet, d'être en quelque sorte opportunistes, mais qu'auriez-vous dit si nous n'avions pas débattu d'un problème qui concerne effectivement un nombre important de places de travail à Genève ? Si nous n'en avions pas débattu, nous aurions été, en tant que parlement de ce canton, parfaitement déconnectés de la réalité et des préoccupations de la population. Véritablement, Monsieur Kunz, il est totalement déraisonnable de penser que les pouvoirs publics ne doivent pas s'occuper de questions aussi importantes que celle de l'emploi. Ce d'autant plus que les milieux que vous représentez n'hésitent pas, en mille occasions - rappelez-vous Swissair - à solliciter l'Etat lorsqu'ils ont besoin non pas simplement d'un appui, disons logistique, mais d'un appui financier.

L'Alliance de gauche appuiera évidemment cette motion. Nous pensons que la question du partage du travail est une question importante. Je ne sais plus qui tout à l'heure disait que le monde bancaire était à l'avant-garde en matière sociale. J'ai l'occasion de siéger dans un conseil de fondation qui me permet de mieux connaître le monde bancaire et je le trouve d'un conservatisme extraordinaire en ce qui concerne les questions du partage du travail. Il y a un point sur lequel le monde bancaire n'est guère conservateur, c'est celui des salaires. Il est exact que dans le monde bancaire les salaires sont plus élevés qu'ailleurs, avec peut-être la conséquence que, lorsqu'il y a une crise, on veut se débarrasser de certains employés. Si on partageait un peu mieux les salaires, cela permettrait aussi de préserver des places de travail. En tous les cas, je sais que dans un certain nombre de banques le travail à mi-temps n'est pas admis, au contraire de ce que M. Roulet a prétendu tout à l'heure. C'est effectivement une problématique générale; au sein de la fonction publique des modalités de partage du temps de travail devraient aussi être trouvées. Je pense qu'entre des taux de 50% et 100% il y a toutes sortes d'arrangements possibles.

Je ne veux pas ouvrir à nouveau le débat sur le secret bancaire, mais comme certains ont cru devoir l'évoquer, j'entends seulement indiquer que le prétexte est fort mauvais. Si aujourd'hui il y a une crise, cela n'a rien à voir avec la question du secret bancaire. Au contraire, il y a d'autres raisons pour lesquelles le secteur de la gestion de fortune à Genève est fragilisé. La meilleure preuve est qu'aujourd'hui le secret bancaire n'est pas supprimé, et que la crise est là tout de même. On ne peut donc pas mettre sur le compte des seules critiques émises contre le secret bancaire la situation que nous connaissons actuellement.

Je donnerai un autre exemple, c'est celui du Tessin qui démontre toute la fragilité du secret bancaire. Il a en effet suffi à l'Italie de voter une première loi d'amnistie fiscale à laquelle succédera une seconde pour que le secteur bancaire du Tessin s'effondre littéralement avec des conséquences beaucoup plus importantes qu'à Genève. J'espère du moins que nous ne nous trouverons pas dans cette situation. Bref, cet exemple tessinois démontre que toute cette affaire de secret bancaire est extraordinairement fragile et qu'au lieu de vous raccrocher, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, à une institution dont on sait qu'elle disparaîtra fatalement, il vaudrait mieux nous préparer à cette disparition.

M. Robert Iselin (UDC). Je serai bref, mais je ne peux pas m'empêcher d'être stupéfait de constater qu'après avoir tiré à boulets rouges sur le secret bancaire il y a 15 jours, on veut maintenant s'occuper de ces chers banquiers, les pauvres, qui ont la vie si difficile... De toute façon, contrairement à ce que dit M. Grobet, le travail à temps partiel est connu et pratiqué depuis longtemps par des banques parfaitement conservatrices comme les banques privées. Je trouve un peu fort qu'on se mêle de leur donner des leçons. Finalement, je pense que ce Grand Conseil doit savoir que dans la plupart des cas les banquiers qui se sont trouvés obligés de réduire le nombre de leurs employés par suite de la conjoncture internationale auront offert aux employés des conditions de préretraite assez extraordinaires.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts soutiennent la motion ainsi que l'amendement défendu par les socialistes. Il n'est pas question ici d'une campagne de soutien à la politique bancaire suisse. Nous continuerons d'exprimer nos critiques à ce sujet. Ce dont il est question ici, c'est, dans une situation de crise importante, de trouver des solutions pour les employés du secteur bancaire. Nous ne comprenons absolument pas que quiconque puisse s'opposer à la concertation, à la recherche de solution pour les nombreux employés de ce secteur, menacés de chômage. Nous soutenons donc cette motion, car nous estimons qu'il est important que l'Etat joue un rôle dans ce secteur économique comme dans d'autres, en particulier lorsqu'il peut favoriser la concertation.

Evidemment, nous pensons qu'il est utile d'examiner de près les mesures proposées et de laisser le soin aux partenaires sociaux de se déterminer sur celles qui leur semblent les plus intéressantes. Les Verts défendent depuis longtemps le partage du temps de travail, et si c'est une solution propre à éviter le chômage dans ce secteur, il est clair que nous la soutenons.

M. Pierre Kunz (R). M. Brunier estime que les invites de cette motion sont de nature pragmatique. C'est sur ce point que nous divergeons. Permettez-moi, Monsieur Brunier, de considérer que ces invites sont plutôt de nature éolienne. C'est du vent ! Prétendre que nous devons inciter le Conseil d'Etat à se pencher sur la problématique de l'emploi dans le secteur bancaire, me rappelle ce que le conseiller d'Etat Cramer nous disait hier soir à propos de la loi sur les cimetières : le Conseil d'Etat sait qu'il doit faire appliquer la loi. De la même manière, il y a un département de l'économie dont on peut penser qu'il est parfaitement au courant des enjeux de la crise actuelle dans le secteur bancaire. Ce département, il n'y a pas à en douter, est déjà en contact avec les intéressés. Je le répète, ces invites sont de nature éolienne.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, il est impossible de figer l'évolution de l'économie. Or, d'une certaine façon, c'est ce que voudrait faire cette motion. Il est vrai cependant qu'elle le fait avec les meilleures intentions.

J'aimerais tout d'abord souligner, Monsieur Grobet, que dans le cas de Swissair, certaines personnes ont effectivement demandé aux pouvoirs publics d'intervenir pour recapitaliser cette société qui avait connu une mauvaise fortune et une mauvaise gestion. Je fais partie des opposants à cette recapitalisation de Swissair, et dans les rangs libéraux, nombreux sont ceux qui pensent de même. Nous estimons qu'il n'est pas du ressort de l'Etat d'intervenir dans le fonctionnement de sociétés privées, surtout lorsque celles-ci sont aussi mal gérées.

En ce qui concerne la crise que traverse aujourd'hui le monde bancaire genevois, il faut souligner tout d'abord que la solution du partage du travail n'est pas applicable à ce secteur. Il y a, comme l'a dit M. Iselin, de nombreux emplois à temps partiel. On ne peut cependant pas imaginer un partage du travail au sens d'une réduction du temps de travail sans réduction proportionnelle des rémunérations. Or, certains sur les bancs d'en face, M. Mouhanna par exemple, s'opposent à une réduction des rémunérations. On voit bien par là que le remède proposé est pire que le mal, puisqu'il conduit tout simplement à une augmentation du coût unitaire du travail et par conséquent à une augmentation des tarifs demandés aux clients, à une diminution de l'attractivité de la place financière genevoise.

Si le partage du travail sous cette forme n'est pas applicable, pourrait-on imaginer le partage des salaires ? Mesdames et Messieurs les députés, le partage des salaires existe déjà dans le secteur bancaire. En 2001, il y a eu, grosso modo, une baisse de 30 à 40% des bonus qui sont versés aux employés et aux cadres du secteur bancaire, notamment dans le domaine plus particulier de la gestion de fortune. Je vois M. Grobet qui m'indique que la diminution a été plus forte encore. En 2002, nous ne savons pas encore ce qu'il en aura été, parce que, généralement, c'est au début de l'année qui suit que les collaborateurs sont informés de ces décisions, mais on peut imaginer que des réductions supplémentaires seront opérées. Comment peut-on proposer dès lors le partage des salaires à un secteur qui l'applique de lui-même, sauf à vouloir rendre, pour les emplois qui sont encore rentables, la place financière genevoise moins attractive ?

Le Tessin a pu mesurer la rapidité des mouvements dans ce monde bancaire suite à l'amnistie fiscale italienne, et il faut bien nous rendre compte que si des mesures d'amnistie fiscale venaient à être adoptées dans d'autres pays limitrophes, par exemple par la France ou par l'Allemagne, alors il faudrait envisager pour les employés du secteur bancaire une adaptation dans le sens de la mobilité géographique. Voilà une mesure qui pourrait être proposée mais qui serait particulièrement douloureuse parce qu'elle amènerait ces employés à modifier leur lieu de résidence et donc à quitter Genève. Soyons donc réalistes, la requalification est une chose possible, mais ne pensons pas que le partage du travail au sens où il a été évoqué par M. Mouhanna puisse avoir une influence salvatrice.

M. Charles Beer (S). Je souhaiterais retirer aux bancs d'en face l'oreiller de paresse que constitue l'argument selon lequel le soutien au secteur bancaire tiendrait tout entier dans la défense du secret bancaire. J'aimerais vous rappeler qu'aujourd'hui il y a 730 demandeurs et demandeuses d'emploi, inscrits à l'office cantonal de l'emploi et dont les professions sont strictement liées à l'industrie bancaire. Or, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, c'étaient seulement 320 personnes qui étaient dans cette situation l'année dernière. On ne peut pas dire que les 410 nouveaux demandeurs d'emploi ont été licenciés à cause d'une levée du secret bancaire qui n'est pas encore intervenue. C'est un peu fort de ne désigner qu'une seule cause à cette crise. Le secret bancaire est un élément de discussion qui certes est important, mais qui permet surtout aux groupes radical et UDC de se cacher derrière un argument factice pour ne pas examiner une problématique qui les gêne.

Quant à nous, socialistes, nous sommes tout à fait à l'aise, tant du point de vue politique que du point de vue syndical. Je noterai simplement une chose, en Allemagne, il existe une place financière relativement forte, des banques relativement fortes, au point qu'elles sont susceptibles de reprendre, peut-être, certaines des grandes banques helvétiques. Dans ces établissements bancaires pourtant, il existe des syndicats forts, un temps de travail réduit, une productivité évidente. A partir de ce constat, vous ne pouvez plus prétendre que l'on ne peut pas défendre l'emploi dans ce secteur tout en combattant le secret bancaire.

Prenons note des chiffres de l'office cantonal de l'emploi qui nous indiquent ceci : il y a 240 personnes sur les 730 citées qui ne disposent pas d'une formation de niveau CFC. Où donc est la formation si admirable des employés du secteur bancaire ? Il convient donc, et M. Weiss, l'a évoqué tout à l'heure, de prendre des mesures de formation du personnel avant que celui-ci se retrouve au chômage. A cet égard, la loi sur le développement économique votée durant la législature précédente prévoyait qu'en cas de chômage important au niveau macro-économique, un fonds pour la formation et le perfectionnement professionnel serait doté de façon extraordinaire. Cette somme, qui équivaut pratiquement à 2 millions par année n'est pratiquement pas employée alors qu'elle vise précisément à former, durant son temps de travail, le personnel des entreprises, et ceci entreprise par entreprise. Or, on constate aujourd'hui que pratiquement aucun établissement ne recourt à ce type de mesures, soit parce que les entreprises ne les connaissent pas, soit parce que l'aspect prospectif et l'effet de levier n'existent pas. Nous ne pouvons donc que relever une fois de plus que la mobilisation de l'ensemble des acteurs sur le plan de la formation et de l'aménagement du temps de travail est nécessaire. Il faut souligner que les deux éléments vont de paire. Il ne saurait y avoir de requalification du personnel, de formation continue, sans abaissement du temps de travail parce que vous savez bien qu'une formation en dehors des 42 heures hebdomadaires de travail revient à ne dispenser aucune formation professionnelle.

Je vous invite donc à voter la motion telle que nous l'avons amendée. Soutenir ce texte, c'est être favorable à des mesures d'encouragement concertées, sur une base volontaire, en examinant le cas de chaque entreprise, de manière que l'ensemble des forces puisse être rassemblée autour de mesures constructives et qui n'ont rien d'idéologique, sans rapport avec les discours radicaux et UDC.

Mme Loly Bolay (S). Je serai brève car il est bientôt l'heure de la pause.

Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse abritait en 1998, sur des comptes numérotés, 3000 milliards de francs provenant de l'étranger. C'est-à-dire plus du tiers de la masse monétaire mondiale. Je me souviens d'un débat dans cette enceinte, en 1998, lors de la fusion de l'UBS avec la SBS. C'est suite à une perte colossale de l'UBS, 950 millions, sur des produits dérivés que cette banque ne maîtrisait pas, que des centaines, voire des milliers de personnes se sont retrouvées au chômage. A l'époque nous disions, à gauche, qu'il fallait rappeler aux banques leur rôle social qu'elles ont oublié depuis de nombreuses années.

Aujourd'hui, il est choquant d'entendre M. Ospel, directeur de l'UBS, demander à M. Villiger d'arrêter immédiatement les négociations sur le second volet des bilatérales quand on sait que les autres milieux économiques attendent avec impatience la fin de ces négociations.

Il est aussi choquant qu'aujourd'hui des banques licencient du personnel tandis que les cadres et certains employés font des heures supplémentaires. Cela est honteux, car il n'est pas normal que les heures supplémentaires dans les banques servent à compenser les postes supprimés.

C'est tout ce que j'avais à vous dire. Comme M. Beer, je vous demande d'appuyer le renvoi de notre motion amendée au Conseil d'Etat. J'ajoute que je demande le vote nominal.

Le président. Je mettrai aux voix la prise en considération de la motion, mais auparavant je mets aux voix les trois amendements qui ont été déposés. Le plus éloigné du texte original vise à supprimer la deuxième invite, à savoir : «à adopter dans la concertation, un vaste plan de partage du travail couplé avec des mesures de formation continue». Cet amendement a été déposé par M. Roulet et Mme Berberat.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Le second amendement vise à ajouter une nouvelle invite ainsi formulée : «à examiner tous les moyens par lesquels le secteur bancaire genevois peut être renforcé». Cet amendement a également été déposé par M. Roulet et Mme Berberat, il fait l'objet d'un sous-amendement de MM. Droin, Beer, Brunier et de Mme Bolay sur lequel nous voterons ensuite.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je mets enfin aux voix le sous-amendement socialiste qui se formule ainsi : «... peut être renforcé, notamment la baisse du temps de travail, volontaire, entreprise par entreprise.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le résultat est douteux, il est procédé au vote électronique.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 30 oui et 6 abstentions.

Le président. A la demande de Mme Loly Bolay, nous procédons au vote nominal sur cette motion.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1487 est adoptée par 61 oui contre 9 non et 7 abstentions.

Appel nominal