Séance du
jeudi 28 novembre 2002 à
17h
55e
législature -
2e
année -
2e
session -
6e
séance
IU 1331
M. Carlo Sommaruga (S). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Spoerri sur le même thème, mais vu sous un autre angle.
Le DJPS, dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique répressive contre le petit trafic de stupéfiants dans certains lieux de la ville comme la gare Cornavin et la place des Volontaires, a créé une Task Force autour de laquelle d'importants moyens sont mobilisés, malheureusement, sans résoudre le problème de fond, même si une diminution des récidives immédiates a pu être constatée à court terme.
Cette opération policière médiatique a augmenté le nombre d'arrestations de consommateurs de stupéfiants et de petits dealers, générant manifestement un surcroît de travail considérable pour les services de police, sans que l'efficacité des mesures à long terme, heureusement, soit prouvée.
En effet, la plupart des personnes arrêtées se retrouvent rapidement dans la rue aux mêmes endroits ou ailleurs. Le petit trafic, chassé des lieux d'intervention, se disperse dans la ville.
Le sentiment général de sécurité de la population, je dirais, qui est visé par ce genre d'opération, n'a pas progressé. Ceci dit, en raison de l'affectation à cette action policière d'un nombre non négligeable de membres de la police judiciaire, et en raison de l'augmentation du volume de cas et de dossiers traités par cette police judiciaire, celle-ci, déjà très chargée, ne peut plus faire face de manière performante à toutes les tâches relevant de l'appui au pouvoir judiciaire, alors même qu'il s'agit de l'une de ses missions fondamentales.
Dès lors, plutôt que de dire, comme cela a été fait dans la presse, que la justice pénale est dopée, il conviendrait plutôt de dire qu'elle est en manque.
Ainsi, diverses enquêtes judiciaires portant sur des crimes et délits économiques, des infractions à l'intégrité corporelle et sexuelle, en général, notamment des enfants, ou des trafics de stupéfiants, nettement plus importants que quelques grammes échangés dans la rue, nécessitant une intervention technique, du temps et du personnel, sont actuellement fortement ralentis ou même remis en cause.
A titre d'exemple, l'exploitation des données téléphoniques demandée par des juges d'instruction, notamment, pour des portables, puis certaines auditions et la rédaction de rapports, sont différées au détriment d'un travail rapide et efficace des juges d'instruction.
Il apparaît ainsi que l'affectation d'importantes forces de la police judiciaire à la Task Force affecte le travail judiciaire dans les dossiers les plus complexes nécessitant un appui important du juge d'instruction.
Mes questions sont les suivantes:
Le département entend-il mettre en péril l'efficacité de l'appareil judiciaire pénal au niveau de l'instruction en continuant à affecter des forces de police judiciaire disproportionnées à la Task Force par rapport à l'effectif global disponible ?
Le département entend-il concrètement réaffecter à la justice pénale, afin qu'elle puisse poursuivre son travail et l'ensemble des criminels, les moyens en hommes et en femmes dont elle disposait avant son action courante et la création de la Task Force ?
Si oui, à partir de quand la justice pénale, au niveau de l'instruction, pourra-t-elle à nouveau compter sur cette force de travail de la police judiciaire, dont elle disposait avant ?
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je suis moins consternée que pour l'interpellation précédente, mais tout de même...
Monsieur, vous nous énumérez une série de conséquences prématurées, et vous vous permettez de dire que les résultats du travail entrepris concernant le trafic de drogue ne sont pas ce qu'ils devraient être, qu'ils ne sont pas bons, etc. Je trouve que vous vous avancez beaucoup. Personnellement, je m'avance moins que vous et, pourtant, je suis un tout petit plus renseignée que vous sur les résultats de notre travail.
Ce défaitisme n'est pas très citoyen. Il est peut-être dû au fait que la politique entreprise est sur le bon chemin et que ceux qui ne sont pas d'accord avec elle essaient de la fragiliser, ou alors, c'est que vous êtes mal renseigné.
Le bilan intermédiaire, avec toute la prudence qui s'impose, nous paraît encourageant et nous continuons à travailler et à vérifier les résultats.
Votre idée de fragiliser la justice pénale parce qu'on aurait mis en priorité une petite fraction policière à la Task Force me paraît disproportionnée. Je ne sais pas si vous connaissez le nombre de policiers à la police judiciaire et celui qui est à la Task Force, mais nous avons quelques unités à la Task Force pour plus de 200 unités à la police judiciaire. Alors, je ne vois pas en quoi la priorité qui est mise sur le trafic de drogue pourrait fragiliser la justice pénale.
En tout cas, Monsieur le député, cette démarche me vaut beaucoup de courrier et d'encouragements, en particulier, de la part de parents. Je ne sais pas si, dans votre sphère privée, vous avez eu à souffrir d'enfants toxicomanes. Je souhaite que non, mais je peux vous dire que toutes les mesures mises en oeuvre sont largement approuvées par beaucoup de témoignages de gens qui m'encouragent à le faire.
Je reviens sur la fragilisation de la justice pénale. Je ne vois pas en quoi je devrais être soupçonnée et je crois qu'il y a une disproportion entre votre question et le peu d'unités de police judiciaire qui ont été priorisées pour la Task Force.