Séance du vendredi 15 novembre 2002 à 14h
55e législature - 2e année - 1re session - 3e séance

M 1192-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes Alexandra Gobet Winiger, Mireille Gossauer-Zurcher pour une analyse cantonale de l'état des relations élèves-enseignants dans l'école publique et l'élaboration de formules de soutien aux membres du corps enseignant
Rapport de M. Guy Mettan (PDC)
Proposition de motion: Mémorial 1998, p. 2763

Débat

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. J'aimerais ajouter quelques précisions à ce rapport. D'abord, j'aimerais souligner que la commission a été très sensible au malaise des enseignants, notamment au phénomène de burn-out, et que ce malaise a été jugé par l'ensemble de la commission comme étant très réel et pas du tout inventé ou exagéré.

La commission a également été sensible à un certain manque de sensibilité - en tout cas apparent - de la part de la direction du DIP et surtout de la direction de certains établissements, par rapport à ce problème. C'est là un sentiment, je ne dis pas que c'est la vérité, mais nous avons eu parfois cette impression.

La commission a aussi été sensible au fait que le monde politique en général et ce Grand Conseil en particulier étaient au fond assez indifférents aux questions de la formation, aux questions de l'enseignement - qu'il soit primaire ou secondaire - et que cette indifférence était aussi un inconvénient. On avait l'impression que le monde politique s'ennuyait à considérer les aspects de la formation aujourd'hui.

En revanche, nous avons également reconnu que la direction de l'instruction publique et les responsables d'établissement sont en train de faire des efforts conséquents pour remettre un peu d'ordre dans ce que j'ai appelé «la confusion pédagogique», qui règne dans passablement d'écoles et établissements. Ces efforts méritent d'être poursuivis et développés.

La commission a aussi reconnu les efforts faits dans le cadre du programme «Respect» pour lutter contre les violences et les incivilités verbales qui ont cours à l'école, et dont les enseignants, notamment, sont les victimes.

En conclusion, vu ce qui précède et pour marquer notre solidarité à l'égard du métier difficile qu'est celui de l'enseignement, la commission vous recommande de voter à l'unanimité le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jacques Follonier (R). Cette motion, déposée en 1998, est quatre ans plus tard d'une brûlante actualité. Lorsque l'on écoute ce que dit M. De Marcellus et lorsqu'on lit son rapport, intitulé «De l'autre côté du miroir», on s'aperçoit que les élèves sont en général prêts à souscrire à plus de discipline, mais à certaines conditions, d'ailleurs très bien décrites dans ce rapport: tout d'abord, les enseignants doivent respecter leur enseignement et être très crédibles vis-à-vis des élèves; deuxièmement, les enseignants doivent respecter ces élèves et, par exemple, ne jamais intervenir par le biais de punitions collectives. Lorsque cette prise de conscience aura été faite de la part des enseignants, je pense qu'une grande partie des problèmes - des problèmes simples en tout cas - pourront se résoudre d'eux-mêmes. Mais il est clair que pour les problèmes plus graves, il y aura lieu de faire plus. L'organe de médiation qui a été proposé est peut-être une bonne solution, mais je ne suis pas certain que cela suffise. Le groupe radical compte donc sur le Conseil d'Etat pour étudier au plus vite des solutions concrètes et mettre sur pied une stratégie efficace pour résoudre ce problème dans les meilleurs délais.

M. Robert Iselin (UDC). Je voudrais en premier lieu féliciter les deux auteurs de la motion pour leur démarche. Je me suis déjà prononcé dans cette enceinte sur les problèmes d'éducation et je crois que ces problèmes sont, à Genève comme dans d'autres cantons suisses d'ailleurs, d'une gravité considérable.

Je voudrais également féliciter M. Mettan pour son excellent rapport, que je ne peux que vous conseiller de lire attentivement. Il est très bien fait. J'en ai retiré qu'une opposition grave semble exister entre la hiérarchie et les parents d'un côté, et les professeurs de l'autre. On constate ce que M. Mettan appelle du mobbing - je ne sais pas exactement ce que cela veut dire dans le cadre de l'éducation - ainsi qu'une discipline contestée et une autorité sapée. On constate également une diminution très nette de la transmission de la culture. On apprend avec un étonnement énorme que des parents n'hésitent pas à prendre des avocats pour défendre des enfants qui méritent d'être corrigés.

Le problème est très profond, et au risque de m'attirer les foudres de Mme la conseillère d'Etat en charge du DIP - ce que je regretterais vivement, mais on est bien obligé parfois de dire ce qu'on pense - j'estime que ces problèmes interpellent le Conseil d'Etat in corpore. L'éducation des nouvelles générations est un problème si grave qu'il est urgent, et même urgentissime, que le gouvernement s'en saisisse, afin que joue ce qu'un conseiller aux Etats appelle le système collégial positif.

Au surplus, je voudrais mentionner - je l'ai déjà fait tout à l'heure - que ces problèmes ne sont pas réservés à Genève. Il est intéressant d'apprendre - sauf erreur, je l'ai entendu ce matin à la radio ou lu hier dans un journal - que, dans le canton de Berne, on a donné aux enseignants le droit de renvoyer les élèves chez eux. Nous savons qu'il n'y a pas que des têtes échauffées à Genève, il y en a aussi à Berne, même si les Bernois ont toujours l'air tranquille.

Qu'ont fait les parents bernois ? Ils ont dit que si les enfants étaient renvoyés, le canton de Berne devait s'en occuper lorsqu'ils n'étaient pas à l'école. Le canton a refusé, en disant que c'était aux parents de s'occuper de leurs moutards. Ils sont allés jusqu'au Tribunal fédéral, lequel a donné raison au canton de Berne, en précisant que c'était aux parents d'éduquer leurs enfants...

Madame la conseillère d'Etat, nous avons entendu - et je n'ai pu que me réjouir de cette initiative, même si j'aimerais qu'il y en ait d'autres - que vous vous étiez adressée aux parents et aux enseignants au début de cet automne, pour demander que la discipline soit rétablie. Je pense que ces efforts doivent être poursuivis, sans relâche et avec sévérité.

Mme Janine Hagmann (L). Je n'avais pas l'intention d'intervenir, car pratiquement tout ce qui a été traité figure dans le rapport de M. Mettan. Je n'habite pas la ville de Genève, je n'ai donc pas la possibilité de donner une voix au candidat Mettan !

Ce sujet, qui est quand même un sujet bateau, a été traité sur une longue période. J'aimerais juste rectifier une toute petite erreur, Monsieur le rapporteur: le renvoi au Conseil d'Etat n'a pas été voté à l'unanimité, puisque le groupe libéral et le groupe de l'UDC se sont abstenus. Je crois que je peux vous expliquer pourquoi le groupe libéral s'est abstenu.

Le sujet était très important et a débordé du cadre pur du soutien qu'on pouvait apporter aux enseignants. Pour la petite histoire, la société pédagogique genevoise a organisé un forum l'année dernière, forum qui attire toujours une très grande participation, et le sujet de son forum était exactement celui de la motion. La SPG, dans ses conclusions, a donné à peu près les mêmes indications que nous donnons et que le département est en train de mettre sur pied, c'est-à-dire qu'il faut apporter un grand soutien aux enseignants. Ce qui se fait... d'où notre abstention !

D'autre part, ne pourrions-nous pas utiliser un autre terme que «burn-out» ? On n'arrête pas de dire, à la commission de l'enseignement, qu'il faut améliorer l'enseignement du français en apportant des notions de bon français aux élèves. Alors ne parlons pas de burn-out des enseignants ! On pourrait peut-être employer le mot lassitude ? Je crois que la lassitude ou le découragement des enseignants se retrouve également chez certains parents, car il y a tout de même bien des parents qui ont de la peine à tenir leurs enfants. Peut-être que ces attitudes se retrouvent aussi en ce moment chez quelques employés de banque ? Je ne suis pas sûre que les enseignants constituent un phénomène complètement à part.

Cela dit, il est évident que le tour de la question que nous avons fait a montré qu'on doit rendre hommage au corps enseignant qui, à part quelques cas qui se plaignent, mène sa barque avec un courage assez extraordinaire. Dans toutes les professions on trouve des épiphénomènes; la grande majorité des enseignants s'en sort rudement bien ! Il n'y a qu'à constater le niveau de nos élèves à Genève, il n'est pas si mal... quoi qu'en dise PISA !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'aimerais d'abord remercier la commission pour le travail soigné et de longue haleine qu'elle a conduit, ainsi que le rapporteur pour son rapport extrêmement fouillé, qui sera utile à chacun.

Vous me permettrez deux ou trois observations, mais d'abord une remarque de principe: bien entendu, lorsque le Grand Conseil a à s'occuper de ce type de problématique, il doit se saisir de ce qui fait problème. Il arrive qu'en mettant ceci en évidence, on en arrive à oublier qu'il y a des arbres qui cachent des forêts. Comme l'a rappelé tout à l'heure Mme Hagmann, si je devais prendre l'exemple des enseignants de ce canton, je dirais qu'il y a une très grande majorité d'enseignants qui se portent bien, qui mènent un travail engagé, même si leurs conditions de travail ne sont pas toujours faciles. Les temps ont changé, cette profession - comme d'autres - s'est transformée, les élèves d'aujourd'hui ne sont pas nécessairement semblables aux élèves d'hier, et les parents aussi ont changé de mode de vie, oubliant parfois au passage quelques responsabilités. Tous ces faits changent les conditions de travail, changent le fonctionnement de l'école et nécessitent quelques réajustements, qui peuvent être du recadrage ou d'autres mesures qui n'étaient même pas envisagées il y a dix ou quinze ans.

Ce débat sur la profession de l'enseignant, sur ses difficultés, sur sa lassitude, est un débat autant international que national. Je rappelle que la conférence des directeurs de l'instruction publique a déjà mis en place une enquête dont nous voyons aujourd'hui les premiers résultats. De son côté, le département de l'instruction publique genevois, sur la base des démarches suisses et surtout en accord avec les associations professionnelles de ce canton, est en train de piloter une enquête complémentaire qui doit nous permettre de déterminer un certain nombre de mesures à prendre.

Cela me peine un peu de constater que si vous êtes préoccupés par le burn-out, cela n'est qu'assez superficiellement pour certains d'entre vous, compte tenu du brouhaha, Monsieur le président, qui règne dans cette salle. (Le président agite la cloche.)Merci.

J'aimerais dire ensuite une chose et faire une citation: vous auriez tort de penser qu'il y a un énorme fossé entre les enseignants d'un côté et l'institution de l'autre. Il peut y avoir des difficultés, des incompréhensions ou même, parfois, des dérapages. Je vous lirai simplement cette phrase, reproduite dans le rapport, du représentant de la FAMCO qui disait: «Contrairement aux idées reçues, le soutien de la hiérarchie existe, mais est probablement mal connu.» Et cela en dit long sur le fait que lorsqu'on est sur le terrain, on n'a pas toujours conscience de ce qui se fait et de ce qui peut se faire pour soutenir les enseignants. Je crois qu'il y a là des leçons à tirer dans le futur, y compris pour nous, en tant qu'institution, quant à la communication avec nos enseignants.

Nous l'avons dit à la commission, le DIP a un certain nombre d'actions en cours. Je ne vais pas les énumérer. Dans le fond, ce qui facilite le travail des enseignants, c'est le consensus politique sur un certain nombre de questions, et c'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance aux discussions qui ont lieu à la commission de l'enseignement, à celles qu'il y aura encore sur les réformes ou sur d'autres mises en route. Ce qui fait du bien à l'institution, c'est l'unanimité et le soutien de la population.

Pour terminer, je répondrai ceci à M. le député Iselin: après des années pendant lesquelles on a pensé d'abord aux droits avant de penser aux devoirs, dans la société peut-être encore plus qu'à l'école, la remise en route d'une valeur telle que le respect est un travail de longue haleine, qui ne peut être le seul fait de l'école, mais doit venir d'une volonté de cette société. Afin d'évoluer vers des règles et des valeurs qui permettent une meilleure vie en commun, le respect est un point central. La lettre que j'ai envoyée aux parents en début d'année scolaire n'est qu'un des points sur lesquels aujourd'hui nous nous engageons. Nous avons également besoin du soutien de ce parlement, de sa compréhension et d'un discours commun. Je ne doute pas que nous le trouverons dans le futur.

Mise aux voix, la motion 1192 est adoptée.