Séance du vendredi 25 octobre 2002 à 14h
55e législature - 1re année - 12e session - 64e séance

PL 8701
Projet de loi de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Hugues Hiltpold, Jacques Jeannerat, Jacques Follonier, Pierre Kunz, Jean-Marc Odier, Pierre Froidevaux, John Dupraz, Marie-Françoise De Tassigny, Thomas Büchi modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Commissions permanentes)

Préconsultation

M. Antonio Hodgers (Ve). Je pensais que les auteurs du projet de loi interviendraient en premier... Quoi qu'il en soit, je me permettrai, à l'occasion de ce projet de loi, premier d'une série de projets qui visent à modifier le fonctionnement de notre Grand Conseil, de faire une déclaration de fond. Je serai un peu plus long sur celui-ci et bref sur les suivants.

Nous sommes tous d'accord pour dire que la problématique évoquée dans ces projets existe: il n'y a pas un parti qui conteste aujourd'hui le blocage, le retard que connaissent les travaux de notre Grand Conseil, notamment dans cette 55e législature. Reste à savoir quelles sont les options que nous pouvons prendre pour y remédier.

J'en vois deux principales. La première, qui est un peu celle des radicaux avec ces projets de lois, est de réduire les espaces d'expression des députés: réduire le nombre de commissions, supprimer les interpellations urgentes, supprimer les débats de préconsultation, en espérant réduire ainsi le temps de travail des députés et faire passer plus vite les projets.

Il est une autre option, face à cette problématique, qui consiste à donner aux députés plus de moyens pour faire ce qu'ils ont à faire, pour faire ce que leur charge implique. Et c'est plutôt, vous l'aurez compris, cette deuxième option que notre parti choisit. Si les questions soulevées par les projets de lois des radicaux, notamment, nous semblent pertinentes, la manière d'y répondre ne nous satisfait pas. Notre parlement doit se donner les moyens de faire face à la charge qui lui incombe et, dans ce sens, nous pensons qu'il faut plutôt élargir les pouvoirs du parlement, allonger le temps de travail. C'est dans ce but que nous avons déposé le projet de loi visant à instaurer une journée entière de session, et c'est pourquoi nous avions aussi demandé que ledit projet soit débattu avec ceux des radicaux.

Nous sommes contents que le parlement commence à traiter de ces questions. Nous avons déjà commencé les travaux en commission, de manière constructive, et je suis sûr que nous pourrons poursuivre dans ce sens-là. J'espère qu'une majorité de ce parlement, au lieu de saborder les droits des députés, voudra au contraire les renforcer en donnant aux députés les moyens de remplir leur mission.

Le président. Monsieur Vanek, je ne sais pas si vous avez malencontreusement appuyé sur la touche de M. Spielmann, mais vos deux micros sont allumés et seul un représentant par groupe peut s'exprimer... Monsieur Vanek, vous avez la parole, et puis vous me supprimez M. Spielmann ! (Rires et exclamations.)

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, je m'oppose bien entendu à ce qu'on prenne des mesures aussi drastiques à l'égard d'un collègue, qui est présent et qui s'exprimera peut-être tout à l'heure...

Le président. Jean, si tu m'entends, tu m'excuseras, je sais que tu as de l'humour !

M. Pierre Vanek. Deux mots sur cette série de projets de lois visant soi-disant à améliorer le fonctionnement du Grand Conseil. Je serai moins consensuel que mon collègue Antonio Hodgers: je crois qu'on doit admettre que le fonctionnement d'un parlement est contradictoire, prend du temps, implique des bagarres, implique que les choses n'aillent pas forcément aussi vite que le voudrait la majorité, impatiente de faire adopter certains projets de lois. Le constat consistant à dire que c'est de pire en pire, que notre Grand Conseil dysfonctionne, n'est à mes yeux pas fondé.

Je crois que pour faire aboutir plus rapidement certains projets - je le dis pour la majorité, car la minorité aura évidemment plus de peine - il faut se concentrer sur l'essentiel, veiller à une rédaction soigneuse des projets, taper assez fort sur ces clous-là et ne pas se disperser. Un des moyens, par exemple, de faire gagner du temps au Grand Conseil serait de retirer la kyrielle de projets de lois, souvent un peu contradictoires, visant à bidouiller le règlement du Grand Conseil. En bon libéral que je suis sur cette question, je pense qu'on ne peut pas réglementer de manière exhaustive le fonctionnement du Grand Conseil et qu'il faut parfois se fonder sur des modes de faire coutumiers, des us et des traditions, et puis surtout essayer de consacrer plus de temps à faire fonctionner effectivement le Grand Conseil, plutôt que de réformer son fonctionnement.

Mais enfin, ce sont là des considérations générales. J'en viens maintenant au point 28 de l'ordre du jour et au projet de loi 8701. Celui-ci est précisément un exemple de ce que je disais. Je ne trahirai pas de manière scandaleuse - Monsieur Kunz, vous m'interromprez si c'est le cas - les secrets d'un travail en commission qui n'a pas encore fait l'objet d'un vote, en disant que la commission des droits politiques a déjà commencé à aborder ce projet de loi, avant qu'il ne lui soit renvoyé. Un certain nombre de problèmes autour de ce projet ont été évoqués et certains de ses auteurs ont accepté d'envisager, après une discussion relativement longue, que ce projet pourrait ne pas forcément être voté tout de suite, qu'il y avait sans doute d'autres moyens de moyenner... Bref, on aura pris pas mal de temps pour examiner un projet qui probablement n'aboutira pas à grand-chose et qui se présentait pourtant comme une réforme de fond de notre Grand Conseil.

En l'occurrence, il y a une chose à prendre en compte: la manière dont les commissions ont été créées répond quand même à un fonctionnement, à une construction organique, si je peux s'exprimer ainsi, des outils que se donne le Grand Conseil pour traiter les objets qui lui sont renvoyés. Cette structure des commissions a certainement des défauts, mais elle a aussi des qualités. Or, ici on propose de repartir de zéro; on déplore le grand nombre de commissions du Grand Conseil et on projette surtout de créer, c'est le fond, l'essentiel du projet de loi, de créer pour l'essentiel une commission permanente par département, qui traiterait les objets en lien avec un département, et donc un conseiller d'Etat. L'exposé des motifs vante le projet en indiquant que serait ainsi constituée «une équipe parlementaire pour chaque département... un team efficace» qui travaillerait avec les conseillers d'Etat. De ce point de vue là, mon opposition à ce projet est une opposition de principe: il s'agit en quelque sorte de mettre les parlementaires au service des conseillers d'Etat ou des départements, c'est un peu ce qui est visé, or je crois que ceci n'est pas l'ordre dans lequel... (Commentaires.)Non, et le Conseil d'Etat - M. Unger me l'indique à juste titre - n'a rien demandé de tel et se satisfait apparemment, sous certains aspects en tout cas, du fonctionnement actuel.

Cette idée de répartition par département, avec un «team» de députés qui serait le pendant, un appendice d'un département, parce que ses membres se spécialiseraient dans les questions liées à ce département ne me plaît pas du tout. L'image qu'elle renvoie du rapport entre l'exécutif et le législatif ne me plaît pas, mais de plus elle ne correspond pas à une pratique existante, qui est à mon avis justifiée. Vous n'êtes pas sans savoir que les conseillers d'Etat se réunissent après leur élection et se répartissent éventuellement les services...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur, à moins que votre intervention ne porte sur tous les projets concernant les modifications du règlement...

M. Pierre Vanek. Non, je conclus ! Pour ma part, j'ai connu la commission de l'énergie et des Services industriels dépendant du département de l'économie publique avec M. Jean-Philippe Maitre, du département des travaux publics avec M. Philippe Joye, du département de Robert Cramer... Cela signifie qu'il faudrait régulièrement bouleverser cette loi portant règlement du Grand Conseil, la bidouiller en continu en fonction des arrangements que pourraient prendre les conseillers d'Etat. Quant à moi, je préfère que les conseillers d'Etat s'arrangent comme ils l'entendent et que le Grand Conseil en reste à la répartition actuelle des commissions, quitte, le cas échéant, s'il y a des propositions concrètes de modification des attributions de telle ou telle commission, de suppression ou de regroupement, à ce qu'on les examine, sur des bases alors effectivement plus terre-à-terre. Et notre groupe les examinera volontiers.

Le président. Voilà ! Monsieur Vanek, j'espère que vous accepterez que je vous enlève une minute pour vos prochaines interventions puisque vous en avez fait une de plus sur ce projet...

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le problème posé est un vrai problème, dans le sens où nous devons nous poser des questions par rapport à l'efficacité de notre travail parlementaire. Il y a effectivement une surcharge des députés, et je pense que M. Vanek a notamment fait la démonstration que c'est aussi dans les séances plénières que le travail n'avance pas, parce que nous parlons beaucoup, même si peu de gens nous écoutent... Il y a là vraiment un grand problème. Nous sommes donc d'accord d'entrer en matière sur cette thématique, mais nous aurions préféré traiter de tous les projets globalement. Pour ma part, je serais même pour qu'on reprenne tout le règlement du Grand Conseil, qu'on l'examine du début à la fin pour avoir un texte cohérent qui soit adapté à la réalité d'aujourd'hui. Mais c'est peut-être un peu trop demander...

Je reviens sur le projet de loi 8701, puisqu'on m'a demandé d'intervenir sur celui-ci, et je ferai plusieurs critiques. La première, je viens de l'évoquer: j'ai l'impression qu'il y a un grand problème durant les séances plénières, où les projets sont bloqués parce qu'il y a trop de points à l'ordre du jour et qu'il y a un problème de circulation entre les commissions et les séances plénières. C'est une première constatation et une fusion des commissions n'améliorerait rien à cet égard. A notre avis, l'amélioration de notre travail, son efficacité dépend plus de l'engagement des parlementaires et des objectifs politiques visés.

Une autre critique porte sur le fait que cette fusion ne renforcerait pas le pouvoir législatif, bien au contraire. Vous proposez de créer des structures parallèles à l'administration cantonale: est-ce que ce parlement va devenir une mini-administration? Je crois vraiment que ce n'est pas le but d'un parlement. Autre chose: vous dites aussi que cela diminuerait le nombre de présidents de commission, mais ceux-là devraient travailler beaucoup plus; ils ou elles auraient une charge de travail supplémentaire. Un autre argument me semble pertinent: si on garde de petites commissions, c'est-à-dire des commissions qui ne sont pas trop chargées, on peut mieux écouter les citoyens et les citoyennes, on peut les auditionner, on peut être à l'écoute de la population, et ceci me semble extrêmement important. Je prendrai l'exemple de la commission des pétitions: parfois, on peut avoir l'impression que cette commission ne sert pas à grand-chose, parce que ce ne sont pas vraiment les grands projets politiques qui sont discutés dans cette commission. Mais j'ai l'impression - et on en a parlé en commission des droits de la personne - que cette commission permet justement d'être à l'écoute des gens et qu'elle joue un rôle de médiateur. En effet, dans cette commission, nombre de personnes viennent dire leur mécontentement par rapport à un problème qui se pose à elles, elles peuvent s'exprimer, bénéficient d'une écoute et font peut-être moins de bêtises que d'autres, qui ne peuvent pas s'exprimer face au pouvoir politique ou face à l'administration.

Vous dites également qu'on devrait définir des priorités. Je n'ai rien contre, mais si cela revient à laisser certains projets de lois dans les tiroirs, cela me semble quand même un peu délicat, parce que c'est antidémocratique et que chaque projet de loi doit finalement être traité. Si on trouve un projet de loi prioritaire, on peut éventuellement le traiter rapidement, mais il faut en parler.

Concernant la spécialisation croissante des députés, c'est déjà une réalité aujourd'hui. Mesdames et Messieurs les députés, qui lit tous les projets qui nous sont soumis pour une séance plénière? Qui a lu les cent dix-huit rapports, projets de lois, motions, etc. qui figurent à notre ordre du jour? Personne, je crois. Nous sommes obligés de faire confiance à nos collègues, puisque nous n'arrivons tout simplement plus à faire face à ce travail-là.

En dernier lieu, pour nous, ce qui est important, c'est de donner plus de moyens au parlement... (Commentaires.)Monsieur Gros, je suis désolée, mais puisqu'on a décidé de parler de chaque projet de loi, on parle de chaque projet de loi !

En conclusion, pour nous, ce qui est important, c'est de donner des moyens à ce parlement pour qu'il puisse bien fonctionner. La dernière décision de la commission des droits politiques, soit celle d'engager des secrétaires de commission, me semble une bonne décision. Enfin, malgré toutes les résistances que nous sentons dans la population, il faudra qu'on ouvre la discussion sur le parlement de milice. Il faut vraiment se poser la question de savoir si, aujourd'hui, il est encore pertinent que nous soyons des non-professionnels et si ce n'est pas ce problème-là qui ferme la porte du parlement à beaucoup de gens et notamment aux femmes.

M. Claude Blanc (PDC). Ce débat est l'illustration de la physionomie qu'a notre Grand Conseil. La preuve, on vient de l'avoir: Mme Bernasconi s'est étendue pendant près de dix minutes pour dire des choses que tout le monde savait et que plus personne n'écoutait. Et dès l'instant où on ne vous écoute plus, chère Madame, c'est le moment d'arrêter de parler parce qu'on a tout dit... (Protestations, huées.)

Mesdames et Messieurs les députés, permettez tout de même à un dinosaure qui a un bel avenir derrière lui de livrer quelques réflexions sur le travail de notre Grand Conseil. Je ne parlerai pas d'un projet de loi en particulier. Il y en a quatre qui sont de même nature et qui ne méritaient pas un débat chacun: on aurait au moins pu faire un seul débat pour les quatre, on aurait ainsi déjà gagné beaucoup de temps. Depuis dix-sept ans que je siège au Grand Conseil, c'est au moins la trente-cinquième fois qu'on nous propose des modifications du règlement pour améliorer le fonctionnement du Grand Conseil. Mais ce n'est pas en modifiant sans cesse le règlement, Mesdames et Messieurs les députés, que vous améliorerez le fonctionnement du Grand Conseil; c'est en modifiant notre propre comportement que nous améliorerons le travail du Grand Conseil. Nous parlons souvent pour ne rien dire... (Exclamations.)Nous avons introduit la Télévision dans cette enceinte: je pense que c'est très bien que les citoyens puissent nous voir à la télévision, c'est très bien pour eux, mais cela devrait nous rendre un peu plus modestes et ne pas nous pousser à rechercher les feux de la rampe à chaque séance. J'en veux pour preuve la séance d'hier soir: après le dîner, nous n'avons traité qu'un seul sujet, celui du Falun Gong. Ce sujet est très intéressant en soi, il pose un vrai problème, mais quelles conséquences a-t-il sur la vie des gens dont nous sommes responsables directement ici, à Genève? Nous avons devant nous deux piles de projets de lois qui attendent depuis des mois, comme celui-ci qui date du 25 février. Il a huit mois, Mesdames et Messieurs les députés ! Deux piles de projets attendent, dont certains sont très importants pour la vie des citoyens de ce canton, et parce que nous ne sommes pas capables de travailler plus rationnellement, nous les oublions.

En l'occurrence, vous pourrez modifier le règlement tant que vous voudrez: tant que nous n'aurons pas modifié notre comportement, nous n'arriverons pas à améliorer les travaux de ce Grand Conseil. Et permettez au vieux que je suis de vous dire que je suis très inquiet pour l'avenir de notre parlement, parce qu'il est en train de se saborder lui-même par son attitude. Voilà, je n'en dirai pas plus et, d'ailleurs, j'annonce que je ne prendrai pas la parole sur les autres projets !

Le président. En ce qui me concerne, je vous considère comme un jeune «vieux», Monsieur Blanc !

M. Jacques Pagan (UDC). Chers collègues, M. Blanc vient de dire d'excellente manière ce que je m'apprêtais à vous exposer, ce qui fait que mon intervention sera extrêmement courte. Je constate effectivement, bien qu'étant novice dans la pratique des procédures de ce parlement, que nous sommes assiégés de toutes parts par des motions, résolutions, projets de lois, etc. Si certains textes sont très importants, d'autres le sont un peu moins, d'autres enfin nous paraissent un peu anecdotiques, ce que je trouve très dommage parce que cela a naturellement pour conséquence de surcharger l'activité de notre parlement. D'autre part, j'ai pu constater, même si je suis un novice, que certains dossiers, certains textes, au niveau de l'exposé des motifs, n'étaient pas assez explicites, et que, dans le fond, on demandait à la commission saisie de procéder aux diverses investigations, qui font perdre un temps considérable. Je crois que les auteurs des motions, résolutions, projets de lois, etc., seraient bien inspirés, dans l'intérêt même de la qualité des travaux de ce parlement, d'étudier leur sujet soigneusement et d'arriver, si possible, avec un dossier relativement complet, pour faciliter le travail de la commission et permettre ainsi le traitement plus rapide de celui-ci.

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement.