Séance du
jeudi 24 octobre 2002 à
20h45
55e
législature -
1re
année -
12e
session -
63e
séance
R 452-A et objet(s) lié(s)
Débat
M. Michel Halpérin (L), rapporteur. Ce rapport est le fruit d'un travail important de la commission des Droits de l'Homme, particulièrement par le volume. Nous avons en effet siégé pendant plusieurs mois sur ce sujet: c'était, pour la commission, une occasion de se pencher sur des questions touchant aux droits de l'homme en dehors de Genève et de la Suisse.
Nous avons eu le scrupule - je crois honorable - de ne pas nous précipiter sur ce thème de façon inconsidérée, légère ou superficielle. Naturellement, notre commission n'a pas les moyens de vérifier toutes les allégations qui sont portées devant elle. Elle a donc fait un constat d'humilité de ce point de vue, mais elle a néanmoins tenu à s'entourer d'un maximum d'informations accessibles et elle y est parvenue, notamment grâce à des dépositions qu'elle a recueillies, y compris, parmi les plus importantes, celle du Département fédéral des affaires étrangères et celle de l'ambassadeur de Chine en Suisse, qui nous ont apporté des explications et des éclaircissements sur ce sujet douloureux. Nous avons constaté que le problème qui nous était soumis relevait en effet des droits de l'homme, parce qu'il était contenu dans des textes et des instruments internationaux dont nous avons, nous aussi, la responsabilité de veiller à la mise en oeuvre, mais qui sont aussi des outils de la loi internationale auxquels la Chine a souscrit, notamment la Convention internationale contre la torture, les pactes internationaux des Nations Unies sur les droits civils et politiques et, pour mémoire, la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Nous nous sommes rendu compte que le problème qui nous était soumis par les premiers résolutionnaires n'était pas tant celui de la liberté religieuse que celui des moyens qu'un Etat peut mettre en oeuvre dans la répression des problèmes qui le dérangent.
La Chine - nous l'avons observé, notamment à l'occasion du rapport de la directrice de la Division des droits de l'homme du Département fédéral des affaires étrangères - a beaucoup évolué ces dernières années, dans le sens d'une manifestation plus scrupuleuse d'un intérêt pour la mise en oeuvre des droits de l'homme. Et, depuis une dizaine d'années, il y a une coopération entre la Suisse et la Chine sur ce thème qui mérite d'être saluée.
Nous avons constaté aussi que la Chine, pour des motifs qui lui sont propres, considère que le mouvement Falun Gong - mais il n'est pas le seul - est fauteur, chez elle, selon les autorités, de troubles à l'ordre public... Nous n'avons pas pu vérifier si ces accusations de troubles à l'ordre public sont fondées ou infondées, mais nous avons constaté, de l'aveu même des représentants de la Chine, que la répression qui est mise en oeuvre, pour faire pièce à ce que la Chine considère comme des perturbations à son ordre public, ne respecte ni le sens des proportions ni, surtout, les grands principes internationaux dans le respect de la procédure pénale ou administrative ou, tout simplement, dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique et morale des êtres humains.
C'est la raison pour laquelle notre commission a pu se rendre compte que la Chine - grand pays s'il en est - qui dit vouloir mettre en oeuvre les principes pour le développement des droits de l'homme, n'est pas à la mesure du respect des engagements internationaux auxquels elle a souscrit, et nous pensons que c'est notre devoir de le dire clairement, sans emphase, mais sans retenue inutile.
Je vous propose par conséquent d'accueillir à votre tour favorablement ce rapport qui a fait pratiquement l'unanimité de la commission. Je dis «pratiquement», parce qu'il y a eu une abstention, je crois, par rapport à un sujet secondaire à mon sens: c'est-à-dire savoir s'il était indispensable de faire référence au mouvement Falun Gong dans le texte de notre résolution de remplacement - la résolution 461 qui vous est proposée - ou s'il fallait préférer ne pas nommer ce mouvement.
Sur ce deuxième sujet, les oppositions et les avis étaient partagés de manière différente, mais il n'y a pas eu de divergences sur le principe général des constatations à faire et de la nécessité de respecter, en toute circonstance, certains principes relatifs aux droits de l'homme.
Voilà pourquoi ce rapport, me semble-t-il, peut être adopté, et je vous propose maintenant d'entrer en discussion sur ce sujet.
M. Guy Mettan (PDC). Tout comme Me Halpérin, j'aimerais saluer le travail très approfondi de la commission sur ce sujet, qui méritait, à mon avis, que l'on s'y penche avec beaucoup d'attention.
Personnellement, j'ai assisté à quelques-unes des séances et j'ai pu vraiment apprécier le déroulement des travaux qui ont été effectués ainsi que l'effort consenti par le président rapporteur, pour essayer d'établir un rapport aussi objectif que possible.
Je suis toutefois très réservé sur la forme de cette résolution, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement qui demande la suppression de la mention «entre autres sur les pratiquants du Falun Gong» et toute référence au Falun Gong dans les titres et les textes des deux résolutions.
Pour quelle raison ai-je déposé un tel amendement ? Ce qui me chicane dans cette résolution, telle qu'elle nous est proposée ce soir, c'est qu'elle fait une entorse grave aux principes des droits de l'homme. En effet, en pratiquant une sorte de discrimination positive en faveur d'une secte ou d'un mouvement religieux particulier, nous établissons une violation de l'esprit des droits de l'homme, parce que nous nous attaquons au principe même de l'universalité des droits de l'homme qui implique que toutes les victimes des violations des droits de l'homme doivent être considérées comme égales entre elles, et nous ne devons pas privilégier une catégorie de victimes parmi d'autres.
En effet, en Chine, beaucoup de mouvements religieux et politiques sont victimes de violations des droits de l'homme. Alors, pourquoi ne pas mentionner, dans un texte comme celui-ci, les catholiques, les protestants, les bouddhistes, les Tibétains, les musulmans, qui sont tous victimes de violations des droits de l'homme en Chine ? Pourquoi privilégier un seul mouvement ? Il s'agit d'une discrimination positive et - je le répète - d'une violation grave du principe de l'universalité des droits fondamentaux de l'homme.
Je citerai deux exemples tirés de l'actualité pour appuyer cet argument et pour montrer que, si nous adoptons cette résolution telle qu'elle nous est présentée, nous risquons - ici, au Grand Conseil - d'être envahis de propositions du même genre qui contribueront justement à dénaturer les droits de l'homme.
Monsieur le président, je sais que vous êtes très engagé dans la défense d'Israël, et vous avez raison... (Dénégations du président.)Je m'adressais à M. le président et rapporteur de la commission...
Le président. Ah, je croyais que vous vous adressiez à moi ! Cela dit, ce serait très volontiers !
M. Guy Mettan. Non, il ne s'agit pas de vous, Monsieur Annen !
Vous êtes très engagé, disais-je, dans la défense d'Israël, et vous avez raison, parce que j'estime que les citoyens de cet Etat doivent pouvoir vivre en sécurité, en tout cas dans les frontières reconnues de 1948.
Mais, supposez maintenant que deux aguichantes représentantes de la Palestine... (Exclamations.)...avec de belles petites bottes, viennent faire le siège des députés au Grand Conseil pour leur demander de déposer une résolution qui condamnerait les violations des droits de l'homme en Israël, notamment à l'égard des pratiquants du Hamas... Monsieur le rapporteur, vous seriez indigné, si on vous faisait une telle proposition ! Pourquoi ? Parce que vous savez que le Hamas n'est pas un mouvement innocent qui prône la pratique simple de l'islam, mais un mouvement qui recommande de soutenir les attaques terroristes contre les Israéliens. Et, donc, vous trouveriez qu'il s'agit d'une discrimination positive et d'une violation de l'esprit d'universalité des droits de l'homme.
Messieurs de la gauche... (Exclamations.)
Une voix. Il y a aussi des dames !
M. Guy Mettan. Je reprends le même exemple: supposez maintenant, Messieurs de la gauche, que des représentantes israéliennes viennent au Grand Conseil vous demander de déposer une résolution qui condamnerait l'attitude de l'autorité palestienne à l'égard des droits de l'homme et, entre autres, défendrait les colons de Hébron, qui, malheureusement, empêchent l'accès aux tombeaux des patriarches..
Une voix. On pourrait revenir au sujet !
M. Guy Mettan. Je vous donne des exemples pour montrer... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de respect, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs !
M. Guy Mettan. ...qu'il s'agit d'une atteinte grave au principe de l'universalité des droits de l'homme, et je trouve dommage que ce Grand Conseil cède à ce type de démarche. Je trouve cela d'autant plus dommage qu'il ne s'agit pas, en l'occurrence, de n'importe quel mouvement, mais d'une secte qui a été reconnue comme telle. On ne peut pas faire abstraction de ce fait dans le cas du Falun Gong. Vous avez tous ici été sollicités par leurs représentants...
Une voix. Harcelés !
M. Guy Mettan. ...voire harcelés. Et je trouve grave que nous fassions référence à un mouvement qui est certes honorable mais qui est considéré par la majorité des observateurs comme une secte et que nous ne parlions pas du Tibet - ni du dalaï-lama - où des millions de personnes subissent les violations des droits de l'homme de la part du gouvernement chinois. Personnellement, je ne peux pas accepter qu'à Genève, capitale mondiale des droits de l'homme, patrie d'Henry Dunant...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur Mettan !
M. Guy Mettan. ...une résolution de ce genre soit déposée dans ce Grand Conseil !
C'est pour cette raison que je vous prie d'accepter cet amendement, pour dire oui à la condamnation des violations des droits de l'homme en Chine et non à l'apologie d'un mouvement religieux particulier !
M. Christian Brunier (S). J'espère, après avoir entendu M. Mettan, que la défense des droits de la personne n'aura rien à voir avec le côté aguichant ou pas des personnes qui sont victimes des violations des droits de l'homme... Je crois que c'était un exemple complètement déplacé et je suis franchement choqué par les propos que je viens d'entendre !
Une chose est sûre: la plupart des députés présents aujourd'hui sont convaincus que la Chine est - malheureusement - une des dictatures actuelles les plus cruelles. D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de lire les publications d'Amnesty International, entre autres le rapport annuel. Ces violations, qui touchent bon nombre de groupes très différents, sont très nombreuses, que ce soit en Chine ou à l'extérieur de la Chine - je pense notamment au Tibet.
Fait plus inquiétant, on sait que les dictatures baissent les armes à un moment donné lorsqu'il y a une pression internationale, mais, aujourd'hui, la pression internationale - celle des démocraties particulièrement - est en train de diminuer sensiblement, tout simplement parce que la Chine représente un potentiel économique important. En effet, de nombreuses démocraties ferment les yeux sur les violations qui sont perpétrées actuellement en Chine et qui se développent encore, malgré la soi-disant ouverture de ce pays.
En préconsultation, les socialistes avaient été un peu gênés par le projet soumis à ce parlement, car ce projet distinguait une catégorie qui souffre, assurément, de la dictature chinoise, et nous pensions - nous le pensons toujours - qu'il n'est pas sain de segmenter, si je puis dire, les victimes d'une dictature et qu'il faut défendre aussi bien les victimes membres du mouvement Falun Gong que les défenseurs pacifiques qui se battent aujourd'hui pour l'autonomie du Tibet, ou les militants qui se battent quotidiennement pour la démocratie, qu'ils aient des sensibilités de droite, de gauche, ou qu'ils soient apolitiques, ou encore les défenseurs des droits de la personne, les syndicats libres, les différentes communautés religieuses...
M. Mettan s'est risqué à faire un inventaire, moi je ne m'y risquerai pas parce qu'on oublie toujours des gens, et je crois qu'il a oublié beaucoup de communautés religieuses qui souffrent tout autant si ce n'est plus que le Falun Gong.
Au sein de la commission, une légère ouverture s'est faite, et le projet qui est soumis aujourd'hui à ce parlement parle de manière globale des atteintes aux droits de l'homme en Chine, mais il reste tout de même focalisé sur les membres du mouvement Falun Gong.
Nous avons discuté longuement au sein du groupe socialiste. Certains d'entre nous pensent que la commission a fait preuve d'ouverture et que ce projet est acceptable. D'autres, au contraire, pensent que cette ouverture n'est pas suffisante et que les membres du Falun Gong sont mis en évidence, par rapport aux membres des autres communautés qui souffrent pourtant tout autant des violations des droits de l'homme. Le résultat est simple: nous avons décidé d'accorder la liberté de vote au sein du groupe socialiste. Chacun votera donc en son âme et conscience.
M. Antonio Hodgers (Ve). Le rapporteur a fait un rapport très complet des travaux de la commission, et je tiens à dire ici publiquement que le travail de M. Halpérin au sein de la commission des droits de l'homme est une grande valeur ajoutée, tant au niveau de la qualité de sa présidence que de l'apport du matériel juridique international.
Cette qualité se ressent dans le nouveau texte qui a été déposé. Les considérants sont précis sur les traités internationaux auxquels nous voulons faire référence et que la Chine a signés.
C'est cette manière de cibler un sujet qui permettra à notre parlement de voter des textes qui auront une visibilité intéressante. En ce sens, ce qui a été dit par MM. Mettan et Brunier est vrai, à savoir que le Falun Gong n'est pas forcément la première victime du régime chinois et que bien d'autres le sont également. Bien d'autres Chinois - on a mentionné les Tibétains - subissent aussi cette dictature.
Cependant, il nous semble que, pour que le parlement ait une démarche crédible, quand il est saisi d'un sujet comme il l'a été pour la problématique du Falun Gong, et qu'il fait des auditions sur ce sujet - vous l'avez vu dans le rapport, les auditions ont toutes porté sur le Falun Gong - il est normal qu'il ressorte de ses travaux une conclusion qui reflète le contenu de ces auditions, même si, comme l'a dit M. Brunier, nous avons élargi un peu la portée de la résolution. Si nous avons choisi cette démarche, c'est pour des raisons de crédibilité et non pour dire que les souffrances que connaissent d'autres groupes sont moins fortes que celles du mouvement Falun Gong.
M. Mettan a parlé de discrimination positive, de l'universalité des droits de l'homme qui devrait être étendue... Alors pourquoi ne parler que de la Chine ? Pourquoi la commission ne fait-elle pas seulement un rapport portant sur toutes les violations des droits de l'homme sur l'ensemble de la planète ?
Monsieur Mettan, notre commission n'a pas pour mission de faire ce que fait déjà la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ! Elle ne va pas chaque année vous soumettre un rapport exhaustif sur l'état des droits de l'homme dans le monde ! Le parlement décide de nous renvoyer des sujets précis. Nous menons des travaux, nous procédons à des auditions sur ces sujets et il est normal que nous rapportions sur ce que nous avons fait et entendu. Dans ce sens, je pense que votre amendement est malvenu, d'autant plus que les arguments que vous avez avancés ce soir sont parfaitement ridicules. Il est en effet ridicule de vouloir comparer la problématique qui oppose le Falun Gong et d'autres communautés au régime chinois à ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient où les violations des droits de l'homme sont commises par les Palestiniens comme par les Israéliens. Que je sache, le gouvernement chinois ne s'est pas plaint des violations des droits de l'homme qu'il subit de la part du Falun Gong ! A mon avis, votre comparaison ne tient vraiment pas la route et votre amendement n'est pas sérieux !
En conclusion, je dirai que nous avons travaillé sur le Falun Gong. Si, aujourd'hui, le parlement faisait de cette résolution une résolution plus générale sur les violations des droits de l'homme en Chine, je pense que la commission perdrait de sa crédibilité et que les travaux qu'elle a effectués perdraient tout leur sens.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Je viens d'entendre de votre bouche, Monsieur Mettan, que «cette résolution privilégiait certaines victimes»... Monsieur Mettan, les victimes du Falun Gong en Chine sont déjà mortes !
J'aimerais ce soir me situer en tant qu'auteur de la première résolution. Elle était certes rédigée de manière imprécise - elle a même été taxée de propagande pour le Falun Gong: cela a été dit en commission - mais elle était surtout un cri du coeur devant l'horreur de ce qui se passe en Chine.
Cette résolution proposait en fait au Grand Conseil de la République et canton de Genève, qui est une ville mondialement reconnue comme étant la ville des droits de l'homme, de dire non à ce qui se passe en Chine, de dire que nous ne sommes pas d'accord, que cela doit cesser, pour contribuer à la pression internationale qui augmente de jour en jour.
Cette résolution a fait l'objet de réactions de rejet en débat de préconsultation, débat qui avait porté non pas sur la défense des droits de l'homme mais sur le fait de savoir si le Falun Gong était une secte ou non, certains députés craignant que le Grand Conseil ne soit soupçonné de soutenir ce mouvement... Ce n'est pas du tout ce que la résolution demandait ! Et puis le problème de savoir si ce mouvement était une secte ou non a été fortement relayé par les médias.
C'est pour cette raison que nous avons décidé de renvoyer cette résolution à la commission des Droits de l'Homme. Je m'y étais opposée à l'époque et, je dois l'avouer aujourd'hui, j'avais tort. Je me permets ici de remercier les députés titulaires ou remplaçants qui ont travaillé en commission parce qu'ils ont beaucoup écouté, ils ont dépassé leurs préjugés et ils sont entrés en matière sur cette sinistre réalité.
Nous avons volontairement laissé de côté le harcèlement dont feraient l'objet les pratiquants ici en Suisse, ce qui ne veut pas dire que ces problèmes n'existent pas. Premier exemple: l'Association suisse de Falun Gong avait loué une grande salle à Genève. Le gérant de cette salle avait donné l'autorisation, mais, peu de temps après, ce gérant s'est vu proposer une somme de 10 000 F pour renoncer à louer la salle à cette association...
Deuxième exemple: il existe une liste noire des personnes qui ne peuvent pas voyager en Chine. Dans les pays où se rend le dictateur Jiang Zemin, des ressortissants suisses n'ont tout simplement pas pu acheter des billets d'avion et l'entrée dans ces pays leur a été refusée. Ce n'est pas l'objet de cette résolution, mais cela pourrait faire l'objet d'une autre résolution. On peut tout de même sérieusement se demander si l'Etat ne doit pas intervenir et empêcher l'Ambassade de Chine d'agir ainsi sur le territoire suisse. Mais il est vrai aussi que nous avons des lois et des procédures à suivre dans notre pays et que rien n'empêche les pratiquants du Falun Gong de porter plainte contre le harcèlement dont ils s'estiment victimes.
Il ressort des travaux de la commission une nouvelle résolution qui a été cosignée par sept députés sur neuf, ce qui montre que la commission a pris conscience de ce problème. Si les considérants de cette nouvelle résolution sont beaucoup plus adéquats, éclairant de manière imparable la répression qui sévit actuellement, les invites, elles, ont été transformées dans un style «politiquement correct».
La première résolution «dénonçait» une situation, or «dénoncer» est une affirmation publique d'une position opposée... La deuxième «déplore» des violations avérées des droits de l'homme, entre autres sur les pratiquants du Falun Gong. «Déplorer» signifie avoir de l'affliction, et je pense que notre Grand Conseil peut se sentir affligé pour les victimes de cette répression.
Je le regrette personnellement, mais j'admets toutefois que c'est un «passage obligé» pour aller un peu plus loin dans la défense des droits de l'homme, mais tous les droits pour tous les hommes...
Une voix. Et les femmes !
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz. Et les femmes, bien sûr !
Et il faut surtout couper court aux détournements de conscience de ceux qui prétendent défendre les droits de l'homme mais pas pour les pratiquants du Falun Gong.
En tant qu'auteur de la résolution 452, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter la résolution 461, telle qu'elle est issue des travaux de la commission, qui représente une prise de position de Genève face à ce drame et qui contribuera à faire avancer les droits de l'homme.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Nous l'avons entendu: personne ne nie ici que les droits de l'homme sont violés en Chine. La commission l'a admis à l'unanimité, et je tiens à saluer la qualité du travail que nous faisons dans cette commission, d'une façon aussi neutre que possible.
La commission a donc pu, dans ce climat, définir les articles pertinents des textes internationaux qui interdisent les violations des droits humains touchés par cette résolution.
Certains de ces droits font partie du jus cogens,c'est-à-dire du droit des gens qui, sous aucun prétexte, ne peut être violé, alors que d'autres droits fondamentaux peuvent parfois être restreints si les principes de la légalité ou de la proportionnalité sont respectés.
Or, dans le cadre de cette résolution, nous sommes face à des violations graves du jus cogens:l'atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle, les traitements inhumains et dégradants.
Mesdames et Messieurs les députés, face à ces violations, nous ne pouvons nous taire, car qui se tait consent ! Toute personne, quoi qu'elle fasse ou qu'elle ait fait, a droit au respect de sa vie et aux droits les plus élémentaires. Comme l'a dit M. Halpérin, nous devons veiller ici à Genève, avec notre commission, à l'application de ces droits. Même un assassin, même un violeur - ça me fait mal de le dire... - a droit à ce qu'on respecte sa vie, à ce qu'on ne le traite pas de manière inhumaine.
Dans ce sens, j'ai toujours soutenu cette résolution. En réalité, cela m'est bien égal que le Falun Gong soit considéré comme une religion ou comme une secte. Cela ne change rien: personne ne doit être traité de manière inhumaine. Nous ne devons pas l'admettre !
La discussion a beaucoup porté sur l'opportunité ou non de mentionner le Falun Gong dans notre résolution. Vous l'avez entendu, les députés du groupe socialiste ne sont pas tous d'accord à ce sujet, mais j'ai quand même la permission de vous donner mon avis... (Rires.)Cela prouve la liberté dont nous jouissons dans notre groupe et la largesse d'esprit qui y règne ! (Exclamations.)
Comme M. Hodgers, je trouve que la crédibilité de la commission se
trouverait diminuée, si nous donnions une portée plus générale à cette résolution en évoquant les violations des droits humains en Chine en général. En effet, ce sont des adeptes de ce mouvement qui ont voulu cette résolution. Si demain des Tibétains formulaient le même voeu, j'aurais exactement la même attitude. Ce serait pareil pour des personnes qui vivent dans des pays où il y a encore aujourd'hui - malheureusement - de graves violations des droits humains. Pour moi, cela ne change rien. Mais il faut effectivement rester dans un certain cadre, quand on nous propose un sujet. Même si ces personnes nous ont un peu ennuyés, parce qu'elles sont venues souvent - je ne pense pas qu'on puisse parler de pression - même si cela m'a parfois un peu gênée, il faut néanmoins reconnaître que ce mouvement est actuellement en première ligne par rapport aux violations des droits humains.
Pour ces raisons, je vous invite à refuser l'amendement de M. Mettan, d'autant plus que j'ai trouvé ses arguments pas du tout convaincants et même plutôt à côté de la plaque !
M. Pierre Schifferli (UDC). Je tiens également à saluer le remarquable travail qui a été accompli par le rapporteur, M. Halpérin. Son rapport est tout en nuances.
Nous avons effectivement modifié profondément le texte de la première résolution pour tenir compte d'une réalité qui n'est ni blanche ni noire. Il y a dans cette affaire beaucoup d'histoire: c'est l'histoire de la Chine. Il est intéressant à cet égard de lire dans le rapport ce qu'a déclaré l'ambassadeur de Chine: «Le fondateur de la secte se décrit lui-même comme une sorte de réincarnation de Bouddha. Le gourou exerce un ascendant spirituel sur ses pratiquants par la séduction, le lavage de cerveau et la menace.» De la part de l'ambassadeur d'un parti communiste, il est assez remarquable d'entendre parler de «lavage de cerveau»... Il savait de quoi il parlait !
Je pense qu'il a aussi dit la vérité en ajoutant un moment après: «Or, la situation a beaucoup évolué depuis la Révolution culturelle des années 70. La Chine a souffert à cette époque d'une véritable catastrophe dont ont été victimes les non-croyants aussi bien que les croyants et tous les autres acteurs de la vie sociale et culturelle. Le gouvernement ne veut plus revoir des drames de cette nature.»
Nous devons le croire. Tous ceux qui connaissent la Chine le savent: ce pays a fait d'énormes progrès, absolument extraordinaires, sur le plan économique mais aussi dans l'organisation de la vie sociale, dans la mise en oeuvre de nouvelles lois et de protection des droits des citoyens.
Evidemment, le régime reste un régime non démocratique.
Pour nous, il ne s'agissait pas de faire l'apologie du Falun Gong ou de dire si ce mouvement était une secte ou non: ce n'était pas la mission confiée à notre commission. Il fallait simplement examiner si cette association était particulièrement victime de violations répétées et constantes des droits de l'homme, et nous avons constaté que tel était le cas. C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution dit: «entre autres sur les pratiquants du Falun Gong».
Si vous prenez connaissance du texte de cette proposition de résolution, vous verrez qu'elle mentionne aussi de façon générale les violations des droits de l'homme en Chine. Je pense donc que nous pouvons garder la teneur actuelle de ce texte.
Je suis étonné, surpris et, au fond, assez satisfait, de constater que les condamnations morales et politiques du régime chinois viennent aussi de la gauche. On peut même dire que ces condamnations - que nous n'entendions pas auparavant - augmentent au fur et à mesure que l'idéologie socialo-communiste n'est plus vraiment de mise dans ce pays. Mais est-ce une raison, pour nous, de refuser le texte de cette résolution ou de supprimer les termes: «entre autres sur les pratiquants du Falun Gong» ?
Nous avons constaté, au cours des auditions, que les violations des droits de l'homme étaient particulièrement importantes à l'égard des adeptes de ce mouvement. Et si cette organisation est aujourd'hui en butte à la répression du gouvernement et à des méthodes que nous devons critiquer, c'est parce qu'il s'agit d'une organisation qui, dans une certaine mesure, peut faire concurrence à la vie sociale, culturelle, politique, organisée pour l'instant encore de façon monopolistique par le parti au pouvoir en Chine.
Il faut savoir que toute une série de dirigeants relativement influents du Falun Gong étaient en même temps membres de l'administration politique du gouvernement chinois, des autorités provinciales et même, parfois, membres du parti communiste. Alors, il est évident que l'organisation communiste ne pouvait tolérer une concurrence de ce type qui s'exerçait sur le plan politique, spirituel et parareligieux.
Notre groupe estime que cette proposition de résolution doit être acceptée telle quelle, puisque le sujet de la résolution qui nous était soumis portait sur le Falun Gong. Cela ne veut toutefois pas dire que nous ne serions pas prêts à aborder le sujet d'autres violations des droits de l'hommes commises en Chine, qu'il s'agisse des violations à l'égard des minorités nationales comme la minorité tibétaine ou les Ouigours dans le Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, ou encore du non-respect de certaines libertés religieuses à l'égard d'églises chrétiennes.
M. Thomas Büchi (R). Nous ne pouvons pas, dans ce parlement, admettre une notion des droits de l'homme à deux vitesses. La notion fondamentale sur laquelle sont basés les droits de l'homme est de ne jamais accepter que l'on fasse aux autres ce que l'on ne voudrait pas qu'on nous fasse: c'est ce qui conduit à un véritable humanisme.
Je ne veux pas répéter ce que certains de mes préopinants, M. Schifferli, M. Hodgers et d'autres, ont dit auparavant, mais je tiens également à remercier M. Halpérin pour la qualité de son rapport. En effet, nous avons travaillé de façon extrêmement précise et sérieuse sur cette problématique, et cela n'a pas été simple.
Dans la nouvelle résolution issue des travaux de la commission, chaque mot a été pesé, chaque mot a été réfléchi et discuté. Nous avons procédé à beaucoup d'auditions: l'Association suisse du Falun Gong, Amnesty International, l'Association mondiale contre la torture, le gouvernement chinois par le biais de son ambassadeur, et le Département fédéral des affaires étrangères. Il faut savoir que le Département fédéral des affaires étrangères est déjà intervenu en Chine exactement dans le sens de cette résolution. Nous ne sommes de ce fait pas du tout en porte-à-faux avec la vision fédérale sur cette question.
Nous avons disposé, au fil des auditions, d'un matériel très étoffé pour nous faire une opinion absolument objective. Je dois aussi dire que la commission des Droits de l'Homme traite pour la première fois d'un sujet, sans être un tribunal. Nous l'avons précisé à plusieurs reprises: nous ne sommes pas un tribunal, mais c'est la première fois que nous sommes saisis d'un sujet qui doit rendre cette commission crédible. Elle n'est pas comme la commission des Droits de l'Homme de l'ONU, parfois soumise à des pressions intolérables. Nous avons le privilège de faire partie d'une commission des Droits de l'Homme libre de toute influence extérieure et de toute pression. Et c'est bien en relation d'ailleurs avec le passé humaniste - qui date de plus de cinq cents ans - dont se prévaut Genève.
L'enjeu du vote de ce soir dépasse largement le problème du Falun Gong et les droits de l'homme en Chine en général. Il en va également de la crédibilité et de l'utilité de notre commission ! Il faut donc voter cette résolution telle qu'elle vous est proposée ce soir, parce que nous avons principalement traité du problème du Falun Gong.
Monsieur Mettan, vous n'avez d'ailleurs pas vraiment participé aux travaux de notre commission... Vous êtes venu à la dernière séance, alors que nous avions déjà travaillé quatre mois sur ce sujet ! Vous n'avez donc pas pu vous faire une opinion réaliste des travaux que nous avons effectués au sein de cette commission. Je crois même, Monsieur Mettan, que vous rentriez justement de Chine, si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit lorsque vous êtes arrivé à la dernière séance de commission, pour le vote final. Moi, je n'accepterai pas que l'on dénature nos travaux de commission d'une façon aussi malhonnête, et c'est un radical laïc qui vous le dit, Monsieur Mettan !
Pour terminer, quelles que soient les convictions d'un être humain, cela fait mal de savoir qu'il est torturé et tué. Et la souffrance, quelle qu'elle soit, doit engendrer notre compassion.
Votons cette résolution telle quelle ! Faites confiance à la commission des Droits de l'Homme qui a travaillé avec beaucoup de conscience et de sérieux. Genève en sera grandie et sa commission des Droits de l'Homme crédible.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Que celles et ceux qui acceptent cette proposition veuillent bien le faire en levant la main...
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Antoine Droin (S). J'ai entendu parler de la crédibilité de la commission, ce qui me gêne quelque peu... En effet, la commission des Droits de l'Homme est crédible quelle que soit la manière d'appréhender la question du Falun Gong et des droits de l'homme. Ce n'est pas parce qu'on traite exclusivement du Falun Gong ou des droits humains en général que la commission a plus ou moins de crédibilité !
Cela dit, je suis favorable à l'amendement proposé par M. Mettan ce soir, puisque c'est ce que j'avais proposé au moment du dépôt de la résolution dans ce plénum.
En fait, s'agissant des droits de l'homme en Chine, nous sommes quelque peu pris en otage par le gouvernement chinois. En effet, il ne faut pas oublier que la Chine a intégré l'Organisation mondiale du commerce et qu'elle va recevoir dans quelques années les Jeux olympiques. Si la Chine attire notre regard d'Occidentaux sur Falun Gong, c'est précisément pour nous faire oublier le reste: toutes les exactions commises actuellement sur les autres minorités et qui portent aussi atteinte aux droits de l'homme. Plus l'échéance des Jeux olympiques se rapprochera, plus il est probable que le gouvernement chinois réduira petit à petit sa pression sur Falun Gong, pour montrer au reste du monde que les droits humains sont respectés par la Chine, tout en continuant les exactions sur les autres minorités: cela n'est pas acceptable, Mesdames et Messieurs !
Si nous attaquons la Chine à propos des violations des droits humains dans cette résolution, cela doit porter sur toutes les minorités et pas seulement sur Falun Gong !
M. Claude Blanc (PDC). J'ai participé à une bonne partie des travaux de la commission des Droits de l'Homme sur ce sujet en tant que remplaçant, mais je n'ai pas pu assister à la dernière séance à laquelle participait M. Mettan.
Je dois tout d'abord rendre hommage à M. Halpérin, président rapporteur, qui a fait un excellent rapport compte tenu de la complexité des travaux. Je dois aussi souligner la qualité des travaux de la commission qui s'est donné la peine de travailler vraiment consciencieusement.
Toutefois, j'aimerais attirer l'attention des députés qui avaient signé le projet de résolution 452 sur le fait que le texte de la nouvelle résolution, tel qu'il est issu des travaux de la commission, est terriblement réducteur. En effet, il semble que la portée de votre résolution était beaucoup plus générale.
Par exemple, le premier considérant a trait à l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies sur la liberté de religion. Or, dans le projet de nouvelle résolution, tel qu'issu des travaux de la commission, il n'est plus question de l'article 18. On a essayé de dire que le Falun Gong ne pouvait pas être considéré comme une religion, mais selon ce que j'ai entendu en commission la différence n'est pas grande entre une secte et une religion. Et je dis souvent qu'une religion est une secte qui a réussi, et je sais de quoi je parle ! (Exclamations.)
En fait, la commission a essayé de réduire son appréciation des violations des droits de l'homme en Chine au seul problème du Falun Gong - qui est un vrai problème que personne ne conteste - alors que les signataires de la résolution initiale avaient voulu aborder le problème d'un point de vue beaucoup plus général. Mais j'ai compris pourquoi la portée de cette résolution a été réduite: pour ne pas entrer dans la dialectique de la liberté de religion ! C'est une notion qui est en effet taboue pour un certain nombre d'entre nous... Eh bien, non, elle ne doit pas être taboue et vous ne pouvez pas dire que le Falun Gong ne peut pas être assimilé à une religion par le fait qu'il est une secte. Si c'est une religion, il faut traiter le problème comme tel.
D'autre part - et c'est ce qui est à mon avis le plus important - le troisième considérant de la première résolution évoquait «la politique d'expulsion et d'arrestation systématique des pasteurs protestants, l'emprisonnement de nombreuses personnalités du clergé de l'Eglise catholique, la destruction des mosquées et l'arrestation de personnes ayant enseigné le Coran». Toutes les religions monothéistes sont citées sauf une - je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Pourquoi la commission n'a-t-elle pas voulu conserver cette dialectique ? Je n'ai pas vraiment compris...
En tout cas - et M. Halpérin m'en donnera acte - j'ai essayé d'aller dans cette direction. Je n'aurais pas voté le texte tel qu'issu des travaux de la commission, et je pense que la proposition d'amendement de M. Mettan permet d'atténuer les effets de ce que je considère comme une dénaturation du projet de résolution initial. Nous n'allons pas refaire la résolution ici en séance plénière, mais si nous acceptons l'amendement de M. Mettan, je le répète, nous atténuerons les effets de cette réduction - à mon avis malencontreuse - que la commission a faite par rapport à la volonté des initiants.
M. Guy Mettan (PDC). Je remercie M. Brunier et M. Hodgers pour leur intervention.
J'ai d'abord cru que M. Brunier allait contester mes propos, mais je constate qu'il a dit ce que je pensais avec d'autres mots, et je l'en félicite. M. Hodgers a aussi dit la même chose, mais malheureusement il n'est pas arrivé aux mêmes conclusions...
J'aimerais simplement dire à Mme Roth-Bernasconi et à Mme Blanchard-Queloz que le Falun Gong n'est pas plus en butte à la répression que les autres mouvements en Chine. Vous devez donc faire attention aux effets induits par la presse et les médias, et je sais de quoi je parle dans ce domaine.
Ce qui se passe, c'est que le Falun Gong compte des militants à l'étranger qui sont très actifs et qui bénéficient de l'écoute de certains députés de ce Grand Conseil et de certains journalistes. C'est uniquement par cet effet de distorsion qu'on a l'impression qu'ils sont davantage confrontés à la répression du gouvernement chinois que les autres.
M. Büchi a voulu contester mon travail car je n'ai pas suivi la plupart des séances de commission... Il oublie que cela fait quatre ans que je m'occupe du problème des violations des droits de l'homme ! En effet, j'ai reçu, le 13 avril 1999, M. Wei Jin Cheng, porte-parole des dissidents politiques en Chine - eux aussi victimes, eux aussi massacrés - et M. Seto Wa, autre porte-parole des dissidents.
Le 10 août 1999, j'ai reçu le dalaï-lama qui m'a offert une écharpe que j'ai ici... (L'orateur est interpellé.)Je la mets, je la mets ! La voilà ! Pourquoi ? Parce qu'il trouvait que c'était bien qu'on s'engage pour soutenir les Tibétains en butte aux violations des droits de l'homme.
Il se trouve que, le 20 mars 2000, j'ai reçu le Falun Gong - eh oui ! - pour qu'il puisse s'expliquer, et il a pu le faire en toute liberté.
Il se trouve que, le 4 avril 2001, j'ai reçu M. Harry Wu, porte-parole de « Set our people free», un mouvement politique en Chine.
Il se trouve que, le 28 mars 2002, j'ai reçu le porte-parole d'un autre mouvement qui défend les dissidents et les personnes victimes des violations des droits de l'homme.
Il se trouve qu'il y a dix jours j'ai rencontré à Hong-Kong M. le pasteur Waldmeyer, représentant de la Fédération des églises protestantes de Suisse qui lutte justement contre les violations dont sont victimes les protestants en Chine, qui sont eux aussi massacrés.
Alors, je vous demande pourquoi il faudrait ce soir que nous défendions, que nous privilégions un seul mouvement et que nous oubliions tous les autres qui sont aussi torturés, qui sont aussi massacrés ! Monsieur Büchi, je vous demande de tenir compte également de ces victimes-là. (Applaudissements.)
M. Michel Halpérin (L), rapporteur. D'abord, la moindre des politesses est que je restitue ce florilège de remerciements que j'ai reçu des membres de la commission, en disant à quel point j'ai moi-même été sensible à la qualité du travail qui s'est fait autour de ces projets de textes. C'est probablement la moindre des choses que nous travaillions sérieusement sur des sujets sérieux, mais ce n'est pas toujours le cas, alors, quand cela arrive, permettez-moi de le souligner. Vous savez que j'ai le compliment avaricieux, donc, pour une fois que je le fais de bon coeur, profitons-en !
M. Hodgers et d'autres rappellent que notre commission, en se penchant sur ce problème, faisait ses premières armes sur ce sujet particulièrement délicat des droits de l'homme en dehors de notre pays. Nous avons vocation, comme je le dis souvent, à accueillir plutôt qu'à condamner, parce que nous sommes une petite minorité de pays à travers le monde à respecter scrupuleusement les droits de l'homme - ou à essayer - alors qu'il se trouve une grande majorité qui estiment que ce n'est pas leur priorité. Nous avons tous eu un scrupule: faire taire nos tentations partisanes... Nous y sommes parvenus, et ce n'est pas un moindre résultat dans cette enceinte !
Nous avons aussi voulu nous pencher sur ce sujet avec un sérieux raisonnable, parce qu'il ne suffit pas de sautiller en criant «droits de l'homme, droits de l'homme» pour avoir raison en matière de droits de l'homme. Il faut se pencher sur les textes de base, ce que nous avons fait. Je les ai même annexés à mon rapport, parce que j'ai pensé qu'il serait intéressant pour certains d'entre vous de reprendre connaissance des textes fondateurs à partir desquels nous devons examiner une question qui nous est soumise. Et puis nous avons fait le travail sérieusement, parce que nous avons essayé de nous concentrer sur les problèmes qui nous étaient soumis. L'ambassadeur de Chine était très en verve le jour où nous l'avons reçu, et il nous a offert, en cadeau de visite, un proverbe de son pays - et vous savez que les proverbes chinois sont les plus remarquables du monde et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Je le rappelle pour ceux qui auraient lu un peu vite ce trop long rapport: «Cent ouï-dire ne valent pas un seul coup d'oeil»... Notre commission a travaillé un peu selon ce principe, avant même qu'on le lui rappelle sous cette forme, en essayant de faire en sorte de ne pas tenir pour acquis ce qui était simplement abondamment répercuté par d'autres.
Nous avons donc dans cet esprit - et c'est ici ma réponse à M. Blanc - essayé de nous pencher sur ce qui nous était effectivement apporté en matière de faits par des organismes compétents: Amnesty International ou l'Organisation mondiale contre la torture, ou encore le Département fédéral des affaires étrangères.
Nous n'avons pas écarté, comme le disait M. Blanc, la réflexion sur la nature du Falun Gong parce que nous ne voulions pas nous poser de questions sur les religions... Nous avons évité cette question parce que nous avons estimé - que le Falun Gong soit une religion ou non, qu'il soit une secte ou non, et j'ajoute que la définition que les gens de Falun Gong nous ont donnée n'est ni celle d'une religion à proprement parler ni celle d'une secte à proprement parler, mais plutôt d'une école de spiritualité comme il en existe d'autres - nous avons estimé que nous n'étions pas en mesure de dire si l'article 18 de la Déclaration des droits de l'homme était ou non concerné par nos travaux. En revanche, même si c'était une secte - plusieurs l'ont dit - cela ne justifiait pas, quand bien même l'ordre public chinois serait par hypothèse menacé, les traitements qui étaient réservés à ses membres.
J'ajoute que notre rapport - et c'est ici une réponse aux remarques de M. Mettan sur le problème de l'universalité ou non de nos travaux - n'a pas du tout occulté les problèmes d'autres groupes nationaux ou religieux en Chine. Je vous rappelle cette phrase qui figure en page 15 de ce rapport: «Le Falun Gong n'est d'ailleurs pas seul concerné: la sévérité de la répression en Chine à l'égard des opposants politiques et des minorités, notamment religieuses, est notoire depuis des décennies, même si la Chine est depuis quelque temps passée, selon le mot d'un commissaire, «du statut d'Etat totalitaire à celui d'Etat autoritaire.»
Nous avons donc pris ces éléments en considération pour arriver à la conclusion que, si nous avions un débat très large sur les droits de l'homme en Chine, nous risquions de nous emballer sur des thèmes que nous n'avions pas suffisamment traités. C'était peut-être le moyen d'éviter qu'on vienne, un jour prochain, nous proposer d'examiner le cas d'un autre groupe minoritaire victime de mauvais traitements en Chine... La plupart d'entre nous ont en conscience accepté ce risque, plutôt que de nous entendre dire que avions dénoncé en bloc l'ensemble des violations, même celles que vous n'avions pas constatées. En ce sens-là la crédibilité de notre travail aurait effectivement pu être mise en cause.
Enfin, nous avons fait le choix, pour les raisons que j'ai déjà expliquées, non pas de rétrécir le texte des initiants de la première résolution, mais de nous contenter de ce que nous avions nous-mêmes pu élaborer au sein de la commission, pour vous proposer des constatations dont nous n'ayons pas à rougir, ni à un titre ni à un autre. C'est pourquoi nous avons supprimé la «dénonciation de la Chine» pour la remplacer par «un regret fort» de la manière dont elle n'applique pas les traités auxquels elle est elle-même partie, et pourquoi nous avons visé les gens du Falun Gong «entre autres», c'est-à-dire pas à l'exclusion des autres victimes de cette répression.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je crois que le travail qui a été fait est cohérent et consistant, et c'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je persisterai dans les aboutissements qui ont été les nôtres.
Le président. Nous sommes en présence de deux résolutions. Mais nous allons voter la résolution 461, celle qui est issue des travaux de la commission. Avant cela, je vous propose de voter l'amendement proposé par M. Mettan, qui vise à supprimer les mentions «entre autres sur les pratiquants du Falun Gong» dans l'intitulé et l'invite de la résolution. Cet amendement concerne uniquement la résolution 461 dans la mesure où la résolution 452-A, si j'ai bien compris, va être retirée. Est-ce clair ?
Le résultat du vote est douteux.
Il est procédé au vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 33 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 461 est adoptée. Elle est renvoyée pour information au Conseil fédéral et à l'Ambassade de Chine.
Le président. J'espère maintenant, à titre personnel, que le Falun Gong arrêtera de me harceler comme il l'a fait ces derniers temps... Monsieur Büchi, vous avez la parole.
M. Thomas Büchi(R). Je veux simplement intervenir sur une question formelle, Monsieur le président. Au nom de ses auteurs, j'annonce le retrait de la résolution 452, puisque la résolution 461 a été votée.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de la résolution 452.