Séance du
vendredi 20 septembre 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
11e
session -
61e
séance
La séance est ouverte à 20 h 30, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Carlo Lamprecht et Mme Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Caroline Bartl, Erica Deuber Ziegler, Janine Hagmann, Michel Halpérin, André Hediger, Jean Rémy Roulet, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Je vous rappelle qu'après le budget seront traités:
- le point 84, plan directeur des TPG;
- la proposition de résolution 463, concernant la décision du Conseil fédéral sur les plantations à l'air libre du blé transgénique. Je vous rappelle les signataires de cette proposition: il s'agit de Mmes Leuenberger et Gauthier et de MM. Blanc, Baudit, Dethurens, Barthassat, Egger, Desbaillets, Vanek, Mettan et Brunier. A mon avis, on pourra la voter tout de suite;
- la proposition de résolution 464.
Annonces et dépôts
Néant.
Préconsultation
Le président. Je rappelle que chaque groupe a droit à dix minutes de parole en tout. Les débats sont ouverts. Personne ne demandant la parole, ce projet de loi est renvoyé...
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, avant de prendre la parole au nom du groupe libéral sur le projet de budget, je souhaiterais qu'on laisse le temps à Mme Calmy-Rey d'arriver pour entendre nos déclarations.
Une voix. J'appuie cette proposition.
Le président. Il y a toujours des affinités qui m'étonnent... Nous passons la parole à M. Iselin.
M. Robert Iselin (UDC). Je m'attendais à vrai dire à parler après un certain nombre d'autres orateurs, mais ça ne change rien au point de vue adopté par la délégation UDC.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je veux faire part, au nom du groupe de l'Union démocratique du centre, du profond désappointement que notre parti éprouve devant un budget qu'il faut bien qualifier de calamiteux.
On ne peut en effet qu'être atterré si l'on étudie la tabelle «résultats» qui figure à la page 2 de la présentation de Mme la présidente Calmy-Rey, une présentation qui découle évidemment - et probablement principalement - des options retenues par ses collègues.
Devant ce qu'on peut bien appeler des exigences, ou faut-il dire le refus d'appliquer ces principes de parcimonie qui ont contribué pendant des siècles au bon état financier de cette cité, nos édiles, et plus particulièrement Mme la ministre des finances - dont nous croyons pourtant connaître le désir que la conduite du ménage de l'Etat soit marquée du sceau de la sagesse - ont dû recourir très probablement à contrecoeur à ce qu'il faut bien appeler des artifices, pour ne pas parler de trucs.
Soyons précis, et surtout faisons de la bonne finance.
Ainsi, quand les intérêts passifs, par suite de l'évolution du marché, diminuent de près de 62 millions par rapport aux niveaux des années précédentes, on provisionne tout ou une très grande partie de ce gain inespéré, car une remontée des taux peut se produire à n'importe quel moment et provoquer, selon les cas, une charge d'intérêts plus importante que celle enregistrée pendant des exercices considérés comme «moyens». On peut aussi se demander quelle figure aurait fait ce budget si, au lieu d'une diminution de 60 millions, on avait eu une augmentation de 60 millions.
Que faut-il penser, dans l'optique d'une bonne finance, de la diminution par rapport à 2002 de près de 160 millions de francs du poste «Amortissements, provisions, réserves et irrécouvrables» ? C'est un tour de passe-passe vieux comme la finance occidentale que de réduire les amortissements et provisions pour enjoliver un résultat, car en l'espèce on ne saisit pas pourquoi les risques que ce poste doit couvrir auraient pareillement diminué d'une année à l'autre.
Du côté des revenus, on se demande ce qui, à un moment où nous vivons une conjoncture plus que maussade - le pire est selon toutes probabilités encore à venir - permet d'augmenter le produit des impôts de près de 175 millions. Même si Genève semble être un pôle d'attraction pour beaucoup d'acteurs de la vie économique - ce dont on ne peut que se féliciter - il ne paraît pas très sage de tabler par les temps qui courent sur une augmentation des recettes fiscales.
Quant aux recettes diverses, on ne comprend pas pourquoi elles haussent brusquement de 20 millions de francs, si ce n'est pour montrer que les résultats déjà engrangés sous ce poste en 2002 seraient supérieurs aux prévisions du budget.
En bref, ces considérations nous amènent à dire que les dépenses ont été artificiellement diminuées et les recettes artificiellement augmentées, et ceci pour un montant global d'environ 400 millions de francs. L'exercice du budget est - je le concède volontiers, pour l'avoir pratiqué pendant des années - un sport à hauts risques, risques qu'on peut atténuer en étant très prudent ou très conservateur, si l'on préfère ce qualificatif. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Je demande au Conseil d'Etat d'être un peu plus dissipé... discipliné !
M. Robert Iselin. Mais présenter un budget avec un minuscule boni - c'est psychologiquement moins éprouvant qu'une perte - alors qu'il n'y a, en fait, pas d'excédent de revenus, même particulièrement petit, mais un excédent de charges de 395 millions de francs, n'est pas acceptable aux yeux de l'UDC.
Dans un tel contexte, il conviendrait notamment, si l'on est animé par des principes de saine gestion, que les augmentations de postes, dans la mesure où elles sont vraiment justifiées, soient compensées par des diminutions dans d'autres secteurs. On n'ôtera pas en effet de l'esprit de la députation de l'UDC qu'il y aurait beaucoup à économiser dans une meilleure organisation de l'Etat.
Au vu de cette analyse, le groupe UDC ne peut que proposer le renvoi du projet de budget au Conseil d'Etat pour révision, dans le sens d'un meilleur équilibre des dépenses et des recettes. Par ailleurs, nous déposerons une motion écrite, si la nécessité s'en fait sentir. Elle est déjà prête.
M. Dominique Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est une surprise, pour nous en tout cas, de voir que le projet de budget 2003 du Conseil d'Etat est équilibré, malgré un contexte difficile. La politique de gestion financière rigoureuse du Conseil d'Etat mise en place en 1998 permet ainsi d'entamer avec une certaine sérénité une nouvelle période difficile. C'est sans surprise qu'on a pu lire, dans la presse d'hier, les attaques des libéraux sur ce budget, de fait complètement à côté de la plaque: les provisions les horripilent, parce qu'elles permettent selon eux de ne pas être transparents, alors même que ces provisions permettent une gestion prudente. Pour moi, en tout cas, contrairement à eux, le budget présenté par le Conseil d'Etat est parfaitement lisible et explicite.
Passons d'abord aux charges. Globalement, l'augmentation des charges est modérée, limitée à maintenir la qualité des prestations et à tenter de sortir de l'ornière les secteurs sinistrés ou à bout de souffle. Les charges de personnel augmentent, apparemment - et nous le vérifierons avec le budget détaillé - conformément aux demandes réitérées entre autres par les socialistes de renforcer le personnel dans des secteurs, je le répète, sinistrés et subissant la pression de l'augmentation de la population, très importante depuis quelques années. Je parle ici des secteurs tels que l'école, les soins, la justice et la police. Ceci en ayant intégré la suppression, certes partielle, de cette pratique ancestrale de la classe d'engagement inférieure à la classe de fonction.
L'augmentation des subventions - autre souci des libéraux - semble principalement liée à l'augmentation des tâches des principales entités publiques et des prestations directes à la population prétéritée de ce canton. Par exemple, à l'Hospice général, en deux ans, le nombre de personnes assistées est passé de 4000 à 6000 personnes, et cela malgré une vraisemblable croissance des postes de travail. En s'offusquant du système des subventions, les jeunes députés libéraux que sont Renaud Gautier et Pierre Weiss font comme si rien n'avait été fait avant eux, et que grâce à eux la République allait enfin pouvoir fonctionner.
Cela fait des années que nombre de parlementaires réclament aux grandes entités publiques des budgets et des comptes reflétant la réalité. Et si des améliorations ont pu être observées, il reste de gros problèmes, le pire cas étant d'ailleurs toujours l'Université, qui semble ne pas comprendre notre demande pourtant fort simple: un budget et des comptes qui comprennent la totalité des recettes et la totalité des dépenses, et qui soient un reflet précis des activités qui s'y déroulent. Ainsi, il est indispensable que le gouvernement nous présente ces prochains jours des budgets détaillés et complets des entités publiques (Hospice général, hôpitaux universitaires, TPG, Université, HES) ou largement subventionnées (la FSASD, les EMS, la FASe ou le parascolaire), qui explicitent ainsi l'unique petite ligne inscrite à ce sujet dans le budget de l'Etat. Ceci étant dit, les socialistes saluent tout de même la volonté réaffirmée par le Conseil d'Etat d'inclure les budgets et comptes de ces entités dans une présentation consolidée, dès la mise en route de la comptabilité financière intégrée.
Autre aspect sur les dépenses: le poids des participations des transferts à la Confédération, aux cantons et communes est de plus en plus important. Avec une augmentation de près de 25% par rapport aux comptes 2001, ces participations - 370 millions - pèsent environ 6% des dépenses. C'est plus que les subventions aux institutions privées, presque la moitié des aides directes telles que l'OCPA, les subsides assurance-maladie, allocations d'études, aides au logement, et plus également que les intérêts passifs ou même que les amortissements.
S'agissant des recettes, maintenant: malgré la difficulté de l'exercice et la prudence nécessaire à l'examen et aux commentaires possibles sur ce sujet, il serait tout de même utile que le gouvernement daigne nous présenter une fourchette d'estimations et pas uniquement le chiffre qu'il a retenu, ce qui nous permettrait d'appréhender un tout petit peu mieux la réalité, même si cela reste un peu flou. Il n'empêche, Mesdames et Messieurs les députés, que les recettes expriment le tassement économique, une Bourse en pleine débandade, particulièrement liée à une gestion - allez, on va le dire - calamiteuse, voire mafieuse, de grands groupes économiques. La crise actuelle des milieux de la finance joue certainement un rôle. Mais les recettes restent également prétéritées - vous vous en doutez - par l'impact négatif des mesures libérales de baisse d'impôts.
La diversification du tissu économique doit être une priorité du Conseil d'Etat pour limiter le poids, l'impact d'un seul secteur sur les recettes. S'il est appréciable d'accueillir des entreprises extérieures apportant un savoir-faire important, celles-ci ont malheureusement un impact modeste sur le marché de l'emploi local. Il est dès lors important et indispensable de promouvoir l'économie endogène, locale, et de transformer, comme disait un de mes amis, la croissance en développement, et j'ajouterai même: durable.
Venons-en maintenant à la partie la plus douloureuse de ce budget: les investissements. Les dépenses d'investissements, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont 512 millions, soit 100 millions de plus que pour le budget 2002, tandis que les recettes d'investissements chutent de plus de 140 millions. Cela provoque, évidemment, une perte de l'autofinancement qui, aujourd'hui, ne se situerait qu'à hauteur de 38%. Le train annuel des lois d'investissement - qui nous embête depuis longtemps - diminue de près de 60%. Par contre la loi budgétaire annuelle et les investissements dits «grands travaux» augmentent respectivement de 25% et 76%. Si les investissements préconisés par le Conseil d'Etat sont nécessaires pour le développement des équipements publics comme les bâtiments scolaires, les transports publics ou les logements sociaux, cette situation est particulièrement préoccupante et aura un impact négatif sur les dépenses de fonctionnement dans les prochaines années, prétéritant ainsi la capacité de l'Etat à maintenir ses prestations.
L'augmentation des investissements informatiques, qu'on peut estimer aujourd'hui à environ 100 millions, pose également un problème: dans la mesure où les amortissements de ces investissements sont beaucoup plus rapides - entre quatre et huit ans - que ceux des constructions dites en dur - cinquante ans - leur impact est fort sur les charges de fonctionnement. Mais il faut se rappeler que, pendant deux ou trois décennies, aucun investissement sérieux n'a été fait, voire que des investissements dans des applications n'ayant jamais été mises en oeuvre ont parfois été réalisés. Il y a donc un important retard à rattraper et il faudra certainement encore attendre quelques années avant de voir la situation se stabiliser. Cet aspect doit être examiné avec attention et, concrètement, nous voulons connaître précisément l'impact de ces investissements, amortis sur une courte de durée, sur les dépenses de fonctionnement...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Dominique Hausser. La politique volontariste du Conseil d'Etat peut être assimilée, enfin, à une tentative de politique anticyclique - peut-être un peu anticipée en période difficile - mais c'est aussi, hélas, le reflet du rattrapage nécessaire suite au blocage de M. Philippe Joye et du gouvernement monochrome qui, entre 1993 et 1997, ne s'intéressaient qu'à la traversée de la rade... Ah, j'ai perdu une feuille... Où est-elle passée ?
Le président. J'espère que c'est votre conclusion, vous avez encore quinze secondes.
M. Dominique Hausser. J'ai une conclusion de deux phrases, si vous le permettez. Nous affirmons depuis des années, nous les socialistes, notre volonté de réduire la partie de la dette liée au déficit de fonctionnement des années 90. Cet objectif est aussi important que le maintien et le développement des équipements publics. Même si la diminution de la dette dépend aussi d'une gestion rigoureuse de la trésorerie - et nous nous félicitons de voir la mise en place d'un système de caisse unique - il n'empêche que, pour ne pas voir la dette s'aggraver, les socialistes ne pourront accepter la totalité des investissements proposés par le Conseil d'Etat. Une planification pluri-annuelle consolidée devra être élaborée avec le Conseil d'Etat in corpore,parce que cela touche tous les secteurs. Et je pense qu'il sera nécessaire de trouver au moins 100 millions.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, les attaques systématiques des bourgeois, libéraux, radicaux et associés à l'extrême-droite, visant au démantèlement de l'Etat et du service public au détriment de la majorité de la population de ce canton... (Exclamations.)
Le président. Votre temps est terminé, n'abusez pas !
M. Dominique Hausser. ...qui visiblement - et on le voit - se prolongeront avec le débat budgétaire, seront vigoureusement combattues par les socialistes.
Le président. Voilà, je crois que vous allez vous arrêter là. Merci, Monsieur Hausser, c'est terminé, je vous ai donné une minute de plus, ça suffit. Je crois que chacun doit respecter la règle; je vous ai, Monsieur Hausser, averti pour votre temps.
J'en profite, puisque j'ai la parole, pour dire que l'UDC a encore un crédit de quatre minutes. La parole est à M. Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs, vous comprendrez aisément que je me permets de ne pas répondre aux petites remarques perfides lancées par notre collègue Hausser, sinon je serais moi-même amené, par exemple, à prétendre sans fondement que ce budget est le budget du chef du département des finances et non celui du Conseil d'Etat. Il me semble qu'entrer dans ce jeu serait tout à fait hors de propos.
Je préfère dire ici que ce budget est doublement inacceptable. Il est doublement inacceptable pour une raison fondamentale et une raison comptable. La raison fondamentale est celle de l'absence claire de volonté de faire face aux difficultés que connaît notre canton en matière de finances publiques. Nous faisons de l'optimisation comptable, et nous en restons là. Nous la faisons bien, nous allons vers plus de transparence, en d'autres termes nous saurons de plus en plus vite quand nous allons mourir, grâce à cette transparence dans l'optimisation budgétaire. Encore faudrait-il avoir le courage d'affronter cette issue fatale. Or, de ce point de vue là, nous nous taisons, nous faisons comme si elle n'existait pas, nous ne faisons aucun effort en particulier pour la reculer et, si possible, pour l'éviter. Mais je reviendrai à cela plus tard.
Sur le plan comptable, ce budget est aussi inacceptable. Quelles que soient les comparaisons que l'on fasse entre le budget de l'an passé et celui de cette année, ou entre les comptes de l'an passé et le budget de cette année - en d'autres termes, en prenant la base qui nous arrange pour faire les comparaisons - ce budget marque en effet une augmentation qui n'est pas supportable. Il marque en tout cas une augmentation des dépenses supérieure à celle des recettes. Que l'on adopte un critère d'augmentation des charges lié à celle des recettes, ou à la croissance du revenu cantonal, ou à l'inflation cantonale, nous serions de toute façon arrivés, si nous avions adopté un autre critère, à des chiffres inférieurs d'environ 60 millions. C'est donc ce premier objectif que les libéraux poursuivront comme objectif a minimad'amélioration et d'amendement à ce budget. Ce qui revient à dire, en d'autres termes, que bien qu'il soit doublement inacceptable, nous entrerons en matière. Pourquoi ? Parce que nous ne pratiquons pas, contrairement à d'autres, la condamnation a prioriet que nous préférons analyser sur pièce ce qui nous a été livré aujourd'hui seulement, étant entendu qu'il est difficile de se livrer en un jour à une analyse détaillée et précise des centaines de pages que nous avons reçues...
Il y a un deuxième point pour lequel, dans cette augmentation des dépenses, il nous semble qu'il faudra amender ce budget: du point de vue du fonctionnement, il y a manifestement... comment dirai-je ?... des estimations erratiques en matière de recettes... (L'orateur est interpellé.)Erratiques, pas informatiques ! Et on nous fournit même des excuses pour cela: on a changé de système d'imposition, on est passé au postnumerando, qui plus est la situation économique cantonale évolue de façon brutale. Si je peux faire l'hypothèse qu'en cas d'amélioration générale nos recettes s'améliorent plus vite que la situation, en cas de dégradation générale, elles se dégradent également plus vite que la situation. Et je n'ai pas trouvé, dans les estimations des recettes fiscales du budget qui nous est présenté par le Conseil d'Etat, le reflet de ma crainte. Je crois par conséquent que d'ici à notre vote final sur le budget en décembre, nous en saurons plus, notamment sur la production fiscale pour cette année, et nous saurons à ce moment-là si nous pouvons ou non - et jusqu'à quel point - couper dans les dépenses.
Je pourrais parler des investissements, mais je préfère parler des réformes structurelles qui sont nécessaires. Il y en a une, celle des subventions, pour laquelle je céderai très brièvement la parole à mon collègue Gautier, et il y en a une autre qui m'inquiète ainsi que tout le groupe libéral, à savoir la question du statut de la fonction publique. Vous avez remarqué que, dans les nombreux projets de lois soumis à notre examen sous ce point-ci de l'ordre du jour, se trouve un déplafonnement des salaires de la fonction publique. Un déplafonnement de la possibilité d'augmentation, qui devra être lié selon nous à une réflexion plus globale sur la modification de ce statut. Mais il faut bien voir ce soir qu'une augmentation du nombre de postes n'est pas nécessairement positivement corrélée avec une amélioration du statut. Or, il y a une augmentation de plus de 750 postes du nombre total de fonctionnaires de l'Etat de Genève. Par conséquent, il faudra là aussi que, les uns et les autres, nous prenions nos responsabilités et nous fassions des choix. Des choix comme ceux que nous devrons probablement faire sur l'endettement et comme ceux que nous, libéraux, ferons en ce qui concerne les projets de lois déposés pour une réduction de la fiscalité.
Différents projets sont déposés, dont un sur la suppression de l'impôt sur les successions et donations, qui occasionneraient au total une diminution des recettes de plus de 400 millions ! C'est cet argent que nous entendons laisser dans les poches des contribuables, parce qu'ils y ont droit, parce que c'est leur argent et parce que la solidarité à laquelle nous nous efforçons dans ce canton va au-delà de ce qui est imaginable. Compte tenu des conditions dramatiques d'élaboration du budget, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'avoir à son égard le courage qu'ont les députés bernois, socialistes compris, qu'a le Conseil d'Etat bernois, socialistes compris. Voilà la direction qu'il faut prendre, et il faudra également modifier les subventions. Je passe la parole à mon collègue Gautier.
Le président. Ecoutez, si vous êtes d'accord, c'est moi qui lui passerai la parole... (Rires.)Il restera trois minutes au parti libéral. Pour l'instant, la parole est à M. Hiler.
M. David Hiler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord signaler que la tâche du Conseil d'Etat est ardue. Pourquoi ? Tout simplement parce que faire face à l'incertitude est une des choses les plus difficiles. Lorsque vous vous situez dans une tendance avérée, d'une certaine durée, vous ne vous trompez, ma foi, qu'à chaque changement de tendance. Mais le reste du temps vous êtes dans le droit fil. Je dois dire que j'admire M. Weiss, qui a l'air de savoir ce qui va se passer. Vraiment, je suis admiratif, car jamais il n'a été si difficile de prévoir ce que sera la conjoncture, et particulièrement à Genève. Demain, il peut y avoir la guerre, et il peut y avoir une guerre de longue durée, avec des conséquences économiques extrêmement graves, c'est vrai. Il peut aussi - et c'est ce que nous espérons, je ne sais pas si c'est aussi votre cas, Monsieur Weiss - ne pas y avoir la guerre. Nous ne savons pas bien non plus à vrai dire - peut-être le savez-vous ? - quelle est la gravité aujourd'hui de la crise en Amérique latine. Va-t-on vers l'effondrement ou le redressement ? Si vous le savez, oui, vous êtes intelligent, j'irai en discuter avec vous, vous êtes en tout cas très informé.
Je pense quant à moi que le Conseil d'Etat est parti d'une position un peu plus humble et s'est dit qu'en somme il devait gérer un passage difficile. Quelle direction allons-nous prendre face à des signes totalement contradictoires, et particulièrement au niveau genevois ? Le chômage s'aggrave et on constate des effets de paupérisation, mais, en même temps, la population active augmente. Le secteur du private banking est, il est vrai, aujourd'hui sinistré, mais, en même temps, des entreprises de renom souhaitent les unes après les autres s'implanter à Genève. Et le Conseil d'Etat est obligé de trouver là-dedans un équilibre. A-t-il réussi ?
A ce stade, c'est-à-dire sur les chiffres globaux dont nous disposons depuis une semaine, je dirais que oui. Et je dirais surtout, par rapport à ceux qui ont parlé d'artifice, que la méthode utilisée ces dernières années fait aujourd'hui ses preuves. Car, au fond, que se passe-t-il ? Pendant des années, avec la complicité de l'ancienne majorité comme de l'ancienne minorité, le Conseil d'Etat et sa présidente en particulier ont d'abord rattrapé les provisionnements nécessaires, puis ont fait de généreuses réserves. L'écureuil du département des finances a effectivement mis quelques noisettes de côté, et c'est ainsi qu'avec des résultats d'exercices tout à fait modestes on a tout de même réussi à diminuer la dette d'un milliard par le biais de provisions et de réserves, où, il faut l'admettre, la cheffe du département a fait preuve de créativité. Mais peut-on reprocher à Mme Calmy-Rey d'avoir fait ces réserves ? Non, parce qu'à ma connaissance - en 47 ans d'existence, disons - j'ai l'impression qu'il est plus facile de faire des réserves quand on a de l'argent que lorsqu'on n'en a pas ! Raison pour laquelle nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation qui n'est pas dramatique, mais qui aurait pu l'être. Car, c'est vrai, c'est parce qu'elle n'est pas obligée aujourd'hui d'approvisionner ses provisions - si je puis m'exprimer ainsi - de constituer des réserves supplémentaires, qu'elle peut maintenir un équilibre.
A mon avis, le Conseil d'Etat a également fait preuve de discipline générale et il n'y a pas péril en la demeure... Ou plutôt si, il y a péril en la demeure: c'est M. Weiss, le péril ! (Rires.)C'est les 400 millions de M. Weiss ! Sans la diminution d'impôts, voulue par M. Weiss et ses amis, nous pourrions encaisser une ou deux années tumultueuses. Ce qui est certain, c'est qu'avec les recettes de M. Weiss et de ses amis, nous n'en encaisserons aucune et nous augmenterons la dette, parce qu'évidemment M. Weiss, comme tous ses prédécesseurs, a dit qu'il fallait couper dans les dépenses en s'assurant, bien sûr, de ne pas être trop précis sur ce sujet. Raison pour laquelle il se garde la possibilité de refuser éventuellement le budget, au cas où lui-même ferait preuve de moins de créativité que Mme Calmy-Rey et où, comme l'année passée, il serait capable de proposer grosso modo 200 000 à 250 000 F d'économies sur le compte de fonctionnement, après avoir préconisé une baisse de recettes de 400 millions. Nous attendons donc de voir si les autres courants de l'Entente - car il en existe - veulent suivre cette intéressante stratégie; pour notre part, ce n'est pas le cas.
Venons-en maintenant aux investissements. J'ai l'impression qu'ici il nous faut choisir entre deux maux. Il y a un véritable besoin en infrastructures et particulièrement en bâtiments, pour deux raisons: d'abord parce que la population scolaire augmente comme le reste de la population, ensuite parce qu'on a un retard assez impressionnant, précisément en raison du fait que, tant que la conjoncture était incertaine, chacun s'est efforcé de plafonner les investissements. Par ailleurs, nous avons quelques grands projets qui s'annoncent, il est vrai. Faut-il dès lors accepter l'éventualité - car à ce stade du budget, c'est une éventualité - d'un manque d'autofinancement ou faut-il restreindre durement les investissements ? A ce stade et sous réserve d'inventaire, il me semble nécessaire de faire tout ce qui est utile aujourd'hui à Genève, d'abord parce que nous avons l'occasion aujourd'hui d'être anticycliques, c'est-à-dire de laisser un peu filer les investissements. Etre «anticyclique», c'est justement prendre le risque d'investir un peu plus en période de ralentissement. L'autre raison, c'est que, s'agissant de bâtiments, les rénovations qu'on repousse d'année en année finissent par en augmenter le coût.
Pour ces raisons, nous accueillons - vous l'aurez compris - favorablement le budget présenté par le Conseil d'Etat. Et nous avons peut-être un conseil à lui donner: gardez-vous à votre droite ! (Applaudissements.)
Le président. Il restera trois minutes pour le groupe des Verts.
M. Philippe Glatz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, M. Hiler a dit: «Gardez-vous à votre droite», et je crois qu'il a certaines raisons de le dire. En effet, il y a une semaine, le projet de budget 2003 nous fut fort brillamment présenté dans ses grandes lignes et dans ses grands principes par Mme la ministre des finances, qu'on nous envie tellement que certains voudraient nous l'enlever pour la placer sur un siège à Berne, et je peux les comprendre. Vous allez comprendre pourquoi, tout à l'heure.
Je vais essayer de parler des grandes lignes de ce budget et en particulier de ce qu'a évoqué M. Hiler, soit la politique de l'écureuil.
Monsieur Hiler, vous l'avez dit, la tâche du Conseil d'Etat est difficile, et vous avez reproché en particulier à M. Weiss de tenter de se projeter dans l'avenir. Mais gouverner, c'est aussi prévoir ou tenter de prévoir.
Si, au premier abord, le projet de budget 2003 peut nous apparaître plutôt bien ficelé et globalement positif - pour paraphraser un maître de la langue de bois - force est de constater qu'en matière budgétaire, malgré une majorité nouvelle au Conseil d'Etat - effectivement, Monsieur Hiler - les années se suivent et se ressemblent. En fait, les charges et les produits augmentent, petit à petit, lentement mais sûrement, avec - il est vrai - toutes sortes de bonnes justifications ou nécessités décrites comme impératives, mais sans jamais dégager d'excédent par trop excessif, ni dans un sens, ni dans l'autre. Les charges et produits restent toujours dans une zone de résultats apparemment parfaitement acceptables, parce que neutres. Il s'agit là d'une véritable performance, puisque, nous le savons, nos recettes - et M. Hiler l'a rappelé tout à l'heure - sont largement tributaires des cycles économiques, alors que nos charges sont, pour la plus grande part, la résultante de nombreuses obligations légales, dont nous députés, en particulier, sommes les principaux responsables, du fait des lois que nous ne cessons de voter et sur lesquelles nous n'avons par la suite que très peu d'influence en termes de périodicité annuelle.
En fait, la performance budgétaire de ces dernières années résulte de ce que je me permettrai de qualifier avec M. Hiler de technique de l'écureuil. Vous l'aurez compris, celle-ci consiste, les années de vaches grasses telles que nous les connûmes, trop brièvement il est vrai, à faire des provisions ou réserves, elles-mêmes destinées à être utilisées les années de vaches plus maigres. Cette manière de faire procède d'une prudence qu'il est coutume d'apprécier positivement, au regard de ce que nous enseigne le bon sens populaire. Elle permet de lisser avantageusement les comptes de résultats, tout en donnant l'impression de mieux absorber les variations liées aux cycles économiques.
Cette manière de procéder, qui apparaît ici comme frappée du sceau du bon sens, est surtout, de mon point de vue, d'une très grande habileté politique. Elle est mise en application au service de l'Etat, elle est destinée à accroître sa puissance et son emprise, tout comme à lui conférer une plus grande stabilité.
En effet, si, dans les années de vaches grasses, les excédents apparaissaient comme trop importants, ceux-ci réveilleraient immédiatement, tant à la droite qu'à la gauche de l'échiquier politique, des velléités nouvelles. La droite arguerait de ces excédents pour justifier et demander une diminution d'impôts; la gauche arguerait de ces mêmes excédents pour inventer et exiger de nouvelles prestations étatiques. Dans une situation contraire de déficit trop prononcé, nous assisterions au combat inverse, tel que trop souvent exercé.
Par conséquent, la politique de l'écureuil, celle consistant à lisser les résultats, conduit ici, faute d'excès, à une plus grande sagesse, à une plus grande harmonie. Voilà pour sa vertu.
Si je la qualifiais tout à l'heure de grande habileté politique, c'est qu'elle place son auteur au-dessus de la mêlée, ce qui est l'apanage de tous les grands hommes politiques - et reconnaissez avec moi, Mesdames, qu'il vaut mieux dire «grands hommes politiques» que «grandes femmes politiques»...
Une voix. C'est bien vrai, ça !
Le président. Vous vous trompez de débat, Monsieur. Continuez, s'il vous plaît !
M. Philippe Glatz. «Grands hommes» dans le sens générique de genre humain.
M. Hiler ne voit que des vertus à cette politique de l'écureuil. Néanmoins, on peut aussi y trouver certains vices. Lisser les résultats attendus peut également conduire à une certaine passivité politique. Lisser les résultats attendus peut fausser la réelle vision de l'exercice annuel. Ceci peut avoir pour conséquence une perte du sens des responsabilités, tant il est vrai que, lorsque les résultats apparaissent comme relativement bien équilibrés, il n'y a pas lieu de trop s'inquiéter... le consensus mou s'installe plus facilement et les réflexions s'émoussent...
Pour le surplus et en ce qui concerne le budget dans son détail, je crois que MM. Hausser et Weiss ont largement cité de très nombreux chiffres.
Le groupe démocrate-chrétien - je dois le dire - entre en matière sans trop d'enthousiasme. Il souhaiterait réellement qu'il n'y ait pas d'augmentation de charges supérieure aux recettes attendues, et là nous nous posons, nous aussi, un certain nombre de questions, compte tenu de ces fameux cycles économiques. Quelles seront les recettes auxquelles nous pouvons nous attendre au terme de ces années ? Correspondent-elles vraiment aux prévisions que nous faisons aujourd'hui ou seront-elles moindres ? Vous l'avez dit, Monsieur Hiler, les risques sont grands dans le futur: une guerre, la crise en Amérique du Sud ou d'autres choses. Quelles en seront les conséquences pour le canton de Genève ?
Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien entre en matière à propos de ce projet de budget, mais il restera extrêmement attentif, tant dans ses travaux dans le cadre de la commission des finances que dans ses autres travaux, quant à l'examen de toutes ses justifications.
Le président. Il restera au parti démocrate-chrétien trois minutes.
M. Thomas Büchi (R). Mesdames et Messieurs les députés, vous vous en doutez, le groupe radical n'a pas tout à fait la même vision des choses que les derniers préopinants. Avant de parler de budget, il n'est pas inutile de faire un tout petit peu d'histoire et de remonter dix ans plus tôt, au Sommet de Rio 1992. Alarmée par les conditions de vie qui se dégradent pour l'homme sur cette planète, la Suisse a adhéré aux accords de Rio 1992 et aux principes du développement durable. En avril 1999, Genève a adopté son Agenda 21. Et quel en était le fondement principal, première vision réjouissante et non égoïste d'un vrai projet de société responsable ? Tout le monde le sait par coeur, il s'agit de satisfaire à nos besoins aujourd'hui, sans mettre en péril le fait que les générations futures devront aussi pouvoir satisfaire aux leurs.
A la première lecture de ce budget, le groupe radical est atterré et constate, en ce qui concerne les très sages préceptes que je viens d'énumérer, que le budget 2003 nous emmène vers une dérive. Très clairement, Genève vit au-dessus de ses moyens. En continuant ainsi, nous allons gravement compromettre la marge de manoeuvre et les conditions de vie de la génération prochaine. Il y a douze mois, à la même période, le groupe radical tirait déjà la sonnette d'alarme et s'inquiétait vivement du glissement inexorable qui mène notre canton dans la spirale infernale de l'endettement. On est à peu près dans une situation similaire à celle du canton de Berne, que M. Weiss a évoquée tout à l'heure. Nous fustigions alors le manque de réformes entreprises en ce qui concerne le fonctionnement, l'augmentation inquiétante de subventions de toutes sortes, et la surcharge presque insupportable pour nos finances que constitue la nécessité d'absorber à l'avenir la gestion calamiteuse de notre Banque cantonale. Bref, malgré des indicateurs économiques beaucoup plus favorables qu'aujourd'hui, nous avions refusé ce budget, jugeant insuffisantes les seules coupes faites dans les investissements et les vagues promesses de réformes reportées d'année en année, et qu'on attend toujours.
Que constatons-nous aujourd'hui ? Malgré un projet de budget légèrement excédentaire de 9,4 millions sur les résultats des comptes de fonctionnement courant, la spirale de l'endettement s'est remise en marche. Pire, le coût et les augmentations de subventions explosent littéralement: 79,5 millions pour les HUG, soit 11,3% d'augmentation, alors que l'on avait promis plutôt une diminution; 25 millions, soit 25% de plus pour l'Hospice général; ou encore 10,7% de plus pour les Transports publics. Vous le voyez, rien n'a changé: nous sommes remis devant le fait accompli et nul besoin de s'appeler Cagliostro pour dire que l'avenir s'annonce plutôt compromis.
Comme au début des années 90, après les centaines de milliards disparus en fumée dans les Bourses mondiales, l'économie s'enfonce à nouveau dans une crise extrêmement grave. Les banques, les assurances, les compagnies aériennes soit font faillite, soit diminuent drastiquement leurs effectifs. La courbe du chômage remonte d'une manière inquiétante. Inévitablement, les sociétés morales vont payer moins d'impôts et, avec l'introduction du système de taxation postnumerando, l'effet sur les recettes sera bien plus immédiat. Comment allons-nous faire face ?
Mesdames et Messieurs les députés, gouverner c'est prévoir, et c'est pourquoi le groupe radical, encore une fois, prend ses responsabilités et tire la sonnette d'alarme. Il demande la discussion immédiate et le renvoi du budget au Conseil d'Etat, afin que ce dernier nous présente dans les plus brefs délais un nouveau budget, objectivement plus adapté à la situation actuelle.
En conclusion, dans leur démarche, les radicaux sollicitent l'appui de tous les groupes qui se sentent responsables vis-à-vis des générations futures.
Le président. Il reste cinq minutes pour le parti radical.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais pas vous infliger une série de chiffres qui pourraient lasser plus d'un. Je vais m'attacher essentiellement à répondre à un certain nombre d'interventions et à certaines provocations que je viens d'entendre. Tout d'abord, je voudrais relever que certains ont demandé... (Brouhaha.)
Monsieur le président, je préfère m'interrompre en attendant que le silence revienne, à condition que vous me redonniez mes dix minutes. C'est à vous de décider. Je ne peux pas parler tant que les autres font un tel brouhaha, qui me dérange encore plus que les gens qui le font...
Le président. J'attire votre attention sur le fait qu'il n'y a pas grand monde en face de vous.
M. Souhail Mouhanna. Cela ne fait rien, je sais que certains ont horreur d'entendre des choses intelligentes...
Je voudrais développer un peu ce que je pense, et de ce projet de budget, et de ce que j'ai entendu. M. Iselin voulait tout à l'heure renvoyer le budget au Conseil d'Etat, parce qu'il y aurait eu je ne sais quels trucages et quels rafistolages et quelles cachotteries. Moi, j'attends avec beaucoup de curiosité la démonstration que M. Iselin pourrait nous faire en commission des finances pour nous prouver ce qu'il dit. Car deux ou trois slogans lancés aujourd'hui comme ça ne suffisent pas... M. Iselin ne croit pas le Conseil d'Etat: je ne vois pas pourquoi le Conseil d'Etat et d'autres iraient croire M. Iselin quand il dit que ça ne va pas. J'attends d'être en commission des finances - car j'espère que ce projet de budget sera renvoyé à la commission des finances, comme cela se fait d'habitude - pour voir effectivement si les critiques que nous avons entendues sont justifiées ou non.
Autre remarque que je voudrais faire: en écoutant le dernier intervenant, M. Büchi au nom du groupe radical, il m'a finalement semblé que les libéraux étaient passés au centre et le PDC à l'extrême gauche ! Peut-être s'agit-il d'une tentative des radicaux d'occuper une place qu'ils pourraient croire libre à l'extrême droite, mais elle est aujourd'hui occupée... C'est donc une tentative électoralement perdante.
Ceci étant dit, les groupes qui ont dit qu'ils refusaient ce budget parce que - selon les termes de M. Weiss - il était «doublement inacceptable», sont les mêmes qui ont accepté tous les budgets déficitaires des années précédentes. Je les ai là; j'avais déjà signalé ce point au moment des comptes. Le déficit 1991: moins 531 millions; 1992: moins 468 millions; 1993: moins 497 millions; 1995: moins 397 millions; 1996: moins 461 millions; 1997: moins 579 millions, et j'en passe. Eh bien, vous avez accepté tous ces budgets ! Mais à partir du moment où les budgets et les comptes deviennent bénéficiaires, vous n'êtes plus d'accord...
Par rapport à cela, j'ai quand même relevé une erreur au niveau de la présentation, Madame la présidente du département des finances. Je vois que, quand les comptes sont devenus bénéficiaires, quand nous sommes - comme on dit - passés dans le noir, vous avez mis ça en rouge. Normalement, ça devrait être en noir. Quant au rouge, ce sera plutôt notre couleur, celle des travailleurs et travailleuses de ce canton, des milieux victimes de cette politique que la droite a menée pendant des années. Notre colère sera rouge, si vous voulez remettre en cause l'Etat social. Cela, vous devez le savoir ! Je pourrais qualifier ce que j'ai entendu tout à l'heure de la part de M. Weiss et d'autres, de propos d'apprentis sorciers, tout simplement ! C'est trop facile de dire ici: «Nous voulons ceci, nous voulons cela, coupez 400 millions par ici, 700 postes par là.» Quelle est la conséquence de cela ? Il y aura des conséquences, Mesdames et Messieurs. Cette politique-là n'est pas nouvelle. M. Weiss a fait, je dirais, de l'attaque contre l'Etat, du «moins d'Etat», de l'attaque contre la fonction publique, son fonds de commerce... (L'orateur est interpellé.)Vous avez déjà essayé, on a vu ce que cela a donné. On a supprimé entre 1500 et 2000 postes pendant les années 90. Est-ce que les comptes de l'Etat se sont améliorés ? Au contraire ! On a pris à la fonction publique près de trois milliards. Est-ce que les choses se sont améliorées ? Pas du tout, la dette s'est aggravée !
Ceux qui prétendent nous donner des leçons d'économie oublient que, lorsqu'on parle de croissance du revenu cantonal, le budget fait partie de cette croissance, il nourrit cette croissance. Et ça, vous feignez de l'ignorer. Les salaires font partie de cette croissance, justement, ils alimentent l'économie. Quant aux investissements, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas la fonction publique qui se les met dans la poche, mais les milieux que vous représentez. C'est vrai que M. Weiss propose avec une grande facilité de supprimer 700 postes...
M. Pierre Weiss. Je n'ai pas dit ça, Monsieur Mouhanna !
M. Souhail Mouhanna. Vous avez parlé de 715 postes ! En plus, on veut réduire les recettes de l'Etat de 400 millions, en parlant au nom des contribuables: on veut faire cadeau de 400 millions aux contribuables... Mesdames et Messieurs, les contribuables ne sont pas égaux ! Pour celui qui gagne 3000 F par mois ou pour celui qui en gagne 300 000 F, la ristourne n'est pas la même, et vous le savez très bien. Ce que vous voulez, c'est faire des cadeaux aux gens que vous représentez. Je ne parle pas ici de tous les libéraux, car je sais qu'il y a des libéraux - malheureusement, ils sont peu nombreux - qui ont encore le sens de l'Etat. Je ne parle pas non plus de tous les patrons, car je sais qu'il existe encore des patrons - bien qu'ils soient une espèce en voie de disparition, malheureusement - qui ont encore un sens citoyen de l'entreprise.
On nous dit que la Bourse ne va pas, mais qui gère la Bourse ? Les multinationales, et ce sont là les gens qui sont vos modèles, Mesdames et Messieurs. Et vous venez nous donner des leçons ? Ce qui vous gêne, c'est qu'une entité publique comme l'Etat de Genève, ou que d'autres entreprises publiques soient bénéficiaires et qu'elles gèrent mieux que vous, justement, l'économie du canton.
Le modèle que vous préconisez est responsable de la misère, de la précarité... Eh bien, nous allons le combattre ! Vous cherchez effectivement la provocation vis-à-vis des travailleurs et travailleuses de ce canton. Vous cherchez à aggraver la précarité, le chômage et la pauvreté. Essayez donc, nous verrons bien ! Je vous donne rendez-vous, parce que la politique ne se fait pas seulement au parlement, elle se fait par la démocratie directe également, et par l'exercice des droits des citoyens et des droits syndicaux. Vous devez le savoir !
Le président. Il restera trois minutes pour l'Alliance de gauche. Monsieur Kunz, vous avez la parole pour le parti radical, il vous reste cinq minutes.
M. Pierre Kunz (R). Contrairement à ce qui se passe dans les autres cantons helvétiques - le projet de budget 2003 qui nous est soumis aujourd'hui en témoigne, les propos de M. Mouhanna et compagnie aussi, d'ailleurs - à Genève, on continue à s'accrocher aux ambitions de faire grossir encore l'administration et le service public, au prétexte illusoire - on le sait bien maintenant - d'améliorer la vie quotidienne des gens.
Le projet de budget qui nous est soumis, Monsieur Hiler, ne reflète pas de la prudence budgétaire, comme s'en vante le Conseil d'Etat, ni n'est l'illustration de la politique de l'écureuil. En fait, il est fondé sur une bonne dose de couardise politique... (Huées.)Il met en évidence l'aisance avec laquelle le Conseil d'Etat revient sur ses promesses de rigueur financière et de réformes. Au premier souffle d'une brise contraire, celle que nous sentons effectivement actuellement, s'abritant derrière le miroir aux alouettes des investissements, le Conseil d'Etat continue dans la voie de l'immobilisme et de l'absence de volontarisme politique. Qu'est-ce qu'il nous propose ? Il nous propose le maintien de toutes les habitudes existantes s'agissant des dépenses de fonctionnement. Faut-il rappeler qu'entre 1996 et aujourd'hui celles-ci ont augmenté de 30% ? Que l'inflation a été de 6% dans ce canton ? Le Conseil d'Etat se contente de nous proposer une nouvelle hausse des grilles salariales de la fonction publique. Et il nous propose une augmentation de postes là où il pense que les choses doivent changer. Pourquoi pas ? Mais il le fait sans diminuer les dotations en personnel - pourtant, il pourrait ainsi entreprendre des économies - c'est-à-dire qu'il renonce à toute traque des tâches superflues de l'Etat...
Des voix. Lesquelles ?
M. Pierre Kunz. ... à toute recherche de gains de productivité, à tout choix politique...
Une voix. Dis-nous, Pierre, lesquelles ?... (Le président agite la cloche.)
M. Pierre Kunz. Ce projet de budget, Mesdames et Messieurs les députés, montre que les finances cantonales ne sont pas maîtrisées. Elles dérivent. Elles dérivent sous l'oeil complaisant de Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat en place, qui ne veulent pas accepter de reconnaître que nous ne sommes plus en mesure - nous n'avons même probablement jamais été en mesure - de financer tout ce que nous avons promis aux Genevois.
Ce projet de budget représente une triple trahison. D'abord, comme l'a souligné mon collègue Büchi, c'est une nouvelle trahison à l'égard des principes du développement durable... (Rires et applaudissements.)Eh oui ! Des principes que le Conseil d'Etat et que vous aussi, Mesdames et Messieurs, ne ratez jamais une occasion de nous rappeler. Des principes qui sont pourtant écrits dans des lois que vous avez votées et que la commission de l'économie a encore rappelés récemment. Que dit-elle ? «Dans son action, l'Etat respecte les principes du développement durable, à savoir un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs besoins.» (L'orateur est interpellé.)Vous pouvez rire, mais recourir, comme on l'a fait...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Kunz.
M. Pierre Kunz. J'ai été interrompu souvent, vous m'accorderez deux minutes ! (Protestations.)
Le président. Si la gauche continue à être bruyante, je vous donnerai une minute supplémentaire. Pour le moment, vous n'en avez plus qu'une.
M. Pierre Kunz. Recourir à l'emprunt, comme on l'a fait depuis une décennie, ça n'est donc rien d'autre qu'accepter qu'aujourd'hui nous consommions à notre grand profit, avec de grandes largesses, des ressources que nous pompons sur les générations futures...
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Ce n'est pas nous qui avons voté les baisses d'impôts !
M. Pierre Kunz. Madame la conseillère d'Etat, j'aimerais vous faire remarquer que la deuxième trahison - je renoncerai à la troisième - c'est à vous qu'on la doit. La deuxième trahison, c'est celle que vous avez fait adopter par ce Grand Conseil quand, il y a un mois, vous avez dit devant tout ce plénum que les 50 millions de cadeaux fiscaux faits aux familles ne représentaient aucun problème pour l'équilibre budgétaire. Aujourd'hui, on s'aperçoit que ça n'est pas le cas!
Le président. Concluez, Monsieur Kunz, s'il vous plaît. Madame la conseillère d'Etat, s'il vous plaît, un peu de calme.
M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs, c'est vrai, les radicaux n'ont pas de responsabilité gouvernementale. Mais vous, Mesdames et Messieurs les PDC et les libéraux, vous devriez admettre qu'indépendamment de vos responsabilités gouvernementales, vous avez des responsabilités à l'égard du peuple. Et continuer comme cela, c'est nier les responsabilités que vous avez à l'égard du peuple. Parce que vous savez très bien qu'à la fin de l'année vous n'aurez pas eu les moyens de faire les économies nécessaires, vous n'aurez pas eu les moyens de régler les problèmes que vous vous êtes, Monsieur Weiss, engagé à résoudre aujourd'hui. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! J'attends le calme. La parole est à M. Renaud Gautier pour trois minutes.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je serai bref pour deux raisons: d'abord parce que Pierre Weiss me laisse peu de temps - c'est une question d'habitude... (Rires.) -ensuite, parce que somme toute je ne vois pas très bien ce que l'on pourrait ajouter à tout ce qui a été dit. On pourrait d'ailleurs continuer pendant quelques heures, chacun disant quelque chose.
Je voudrais juste vous rappeler deux tous petits éléments. D'abord, l'article 201 de notre règlement du Grand Conseil, qui définit les compétences de la commission des finances: «Dès le début de la législature, le Grand Conseil nomme une commission de quinze membres, chargée d'examiner - d'examiner ! - les comptes, le budget, les demandes de crédits, etc.» La deuxième remarque que je voudrais faire est celle-ci: certains d'entre nous, les privilégiés qui ont reçu le dernier livre à la mode dans la parution de cet automne - le projet de budget - auront l'occasion de voir que sur les 567 pages que comporte cette bible, 34 pages concernent 49% du budget, soit respectivement 3 milliards. Le reste, c'est-à-dire les 530 autres pages, concerne les 3,7 milliards restants. Ces 34 pages concernent les subventions - vous savez que c'est un peu un dada chez moi - mais cela pose quand même in finela question de savoir ce qui se passera l'année prochaine, quand plus de 50% du budget concernera des subventions et que moins de 50% du budget concernera effectivement le fonctionnement du petit Etat.
Si je mets en rapport le déséquilibre que je perçois entre cette présentation, d'une part, et les compétences qui sont attribuées à votre commission des finances, d'autre part, je me pose somme toute deux questions. In fine,qui a la responsabilité du budget ? Est-ce effectivement à cette assemblée, ou à une partie de celle-ci dans le cadre de la commission des finances, d'arriver à modifier un projet qui nous est proposé par le Conseil d'Etat ? Ou, somme toute, est-ce le Conseil d'Etat qui devrait, finalement, prendre ses responsabilités par rapport au budget ?
Deuxième remarque sur les subventions: ne devrions-nous pas effectivement nous poser la question de savoir s'il n'y a pas urgence - tel qu'il a été dit d'ailleurs dans le discours de Saint-Pierre - à mettre en place, pour l'ensemble des subventionnés, des contrats de prestations qui nous permettront, j'imagine, à la fois de mieux effectuer notre travail et surtout de mieux percevoir les prestations que l'Etat délègue à d'autres ? Ce sont quelques réflexions que je vous laisse et dont, j'en suis sûr, nous aurons l'occasion de reparler d'ici le mois de novembre.
Le président. La parole est à M. Marcet pour l'UDC: vous avez encore quatre minutes.
M. Claude Marcet (UDC). Madame la présidente, vous savez que j'ai confiance en vous, mais cela ne m'empêche pas de faire un examen attentif des comptes de notre communauté. Vous me savez aussi attaché à un certain nombre de principes et de règles comptables, et c'est uniquement sur ce sujet-là que j'aimerais m'exprimer maintenant.
Vous savez que l'un des grands principes de ce que j'appellerai notre droit comptable, c'est la prudence. Dans ce domaine de la prudence, l'un des grands principes est celui qu'on appelle le principe d'imparité. Le principe d'imparité veut que la totalité des charges soit prise en compte, tandis que seules les recettes effectivement réalisables soient également prises en compte. Je ne m'intéresserai pas aux recettes, je vais m'intéresser aux charges. Je souhaiterais avoir la certitude - mais je ne l'ai pas - que la totalité des charges qui nous incombe est effectivement inscrite dans notre budget. Je ne prendrai qu'un seul exemple et n'interviendrai même pas sur les normes IAS. Vous savez que notre Etat est garant d'un certain nombre d'institutions de prévoyance et que, dans le cas de ces institutions de prévoyance, il y a actuellement un certain nombre de dérapages comptables, qui aboutissent à ce que notre Etat soit garant de la totalité de ces découverts. Lorsque je pense à telle corporation de droit public dont la dérive à ce niveau-là est de l'ordre de 140 millions, je me dis - toutes choses restant égales d'ailleurs - que la dérive en ce qui concerne notre Etat serait peut-être de quelques milliards. Je me pose donc la question de savoir si effectivement la totalité des provisions pour risques et charges a bien été comptabilisée.
Je reviens dès lors sur les normes IAS. Je me permets de vous rappeler la 19, elle est très précise à ce niveau-là: la totalité du déficit technique pour la totalité des personnes qui sont déjà en retraite doit être provisionnée. Je vous rappelle que la totalité du déficit technique pour les personnes qui ne sont pas encore à la retraite doit être provisionnée sur un certain nombre d'années. Je doute, Mesdames et Messieurs, que la totalité des charges qui nous incombent et qui incomberont demain à nos enfants figure actuellement dans notre budget.
Le président. La parole est à M. Spielmann, pour trois minutes.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne la couardise politique et l'intervention de M. Kunz tout à l'heure, je me permettrai quand même de faire deux observations.
La première, Monsieur Kunz, concerne le fait que vous parliez au nom du parti radical qui était aux affaires pendant des années. M. Mouhanna a dit tout à l'heure quels résultats vous avez obtenus: plus de 500 millions de déficit par année, et une augmentation de la dette. On voit où on en est aujourd'hui avec la dette de l'Etat: c'est le fruit de votre activité, Monsieur Kunz, et c'est peut-être aussi pour ça que, lorsque vous vous êtes présenté au Conseil d'Etat, le peuple vous a mis à votre vraie place et vous a refusé l'accès au Conseil d'Etat. C'est déjà un premier aspect positif, car cela permet un début de rétablissement des finances publiques, Monsieur Kunz... (Rires.)Je pense que plus on vous donnera la parole et plus vous vous exprimerez, moins il y aura de gens qui vous suivront et mieux se porteront les finances publiques !
Deuxième observation: Monsieur Kunz, vous venez nous faire la leçon, mais, pas plus tard qu'hier, vous proposiez des projets de lois concernant la Halle 6 qui ne permettraient plus aujourd'hui de la construire... Quand on voit les positions que vous prenez ce soir et les propositions que vous avez faites au dernier budget... Je ne vais pas vous faire l'insulte de reprendre les propositions qui avaient été faites par M. Lescaze dans son rapport de minorité au moment du budget. Rien, trois fois rien: moins de 100 000 F d'économie ! Et vous venez ici nous parler de couardise politique ? Faites dans ce cas des propositions cohérentes, faites des propositions politiquement intelligentes, et peut-être que le peuple continuera à vous suivre, et peut-être aurez-vous un jour une chance d'être un candidat qui puisse passer la rampe.
Quant aux libéraux, ils nous expliquent que dans la gestion des comptes d'Etat - et je crois effectivement que c'est là un gros problème - 49% des charges de l'Etat échappent au contrôle du Grand Conseil. Mais, Mesdames et Messieurs d'en face, qui a voulu autonomiser les services ? Qui a mis en route les privatisations ? Qui a mis en route une politique où le Grand Conseil et la population via ses élus se dessaisissent d'un certain nombre de domaines, à tel point qu'on a des lignes budgétaires de 700 millions de francs sur lesquelles on ne peut pas intervenir, ni savoir comment elles sont gérées ? Qui a voulu cela, si ce n'est vous-mêmes ? Et aujourd'hui, ce sont les libéraux qui viennent nous dire: «Attention ! Il y a un gros problème dans le budget: 50% des charges ne peuvent pas être examinées, on va donc faire des investigations spéciales pour aller contrôler ce qui se fait là.» Cela veut dire, si j'ai bien compris, que vous renoncez donc à votre politique de libéralisation, que vous renoncez à autonomiser les services et que vous souhaitez les réintégrer à l'Etat, pour que la population et les députés puissent contrôler les dépenses et les réorienter en fonction des besoins de la population et non plus seulement de vos intérêts personnels... C'est une orientation qui me réjouit et je pense que cela va dans la bonne direction.
En clair, si vous mettiez en harmonie vos paroles et vos actes, on pourrait effectivement faire un bien meilleur budget et continuer à réduire les dépenses et la dette, comme on a commencé à le faire à partir du changement de majorité, à partir du moment où il n'y a plus eu ni radicaux, ni libéraux aux finances du canton. Et c'est certainement ça l'aspect le plus positif qui nous permettra d'avancer pour l'avenir. (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu des mots tels que «dramatique», «inacceptable»... Permettez-moi par charité de vous mettre en garde contre la surenchère dans les mots, parce qu'elle cache la faiblesse des arguments, et surtout elle pose un problème: jusqu'à quand serez-vous capables de tenir ce langage, notamment celui sur la rigueur dans la croissance des charges ? Est-ce qu'il va se traduire par des votes en commission ? Jusqu'à présent, je n'ai rien vu de concret en commission, en particulier du côté de M. Iselin et de l'UDC.
Deuxièmement, vous vous heurterez très probablement à un problème de cohérence. Vous fustigez l'attitude soi-disant irresponsable du Conseil d'Etat, mais non seulement vous ne proposez rien sur les charges, mais vous voulez encore diminuer les recettes fiscales de 400 millions de francs, ce qui générerait des déficits très importants. En réalité, je vais vous le dire, je pense que vous aimez les déficits. Quand je regarde ce qui s'est passé dans les années 90 - en 1991: 531 millions de déficit; en 92: 468; en 93: 497; en 94: 424; en 95: 397; en 96: 461; en 97: 579 millions de déficit - je crois véritablement que vous devriez faire attention aux termes que vous utilisez.
Mesdames et Messieurs les députés, je l'ai dit, ce budget ne suscite pas l'enthousiasme. Il a été difficile à élaborer, mais c'est un budget raisonnable, qui est un compromis entre des règles de prudence financière et les besoins de la population. Le Conseil d'Etat a dû trancher. Il a dû trancher entre l'autofinancement des investissements et la réponse à des besoins en matière d'infrastructures, l'accompagnement de la croissance qui est celle que nous constatons aujourd'hui dans notre canton: croissance de la population, croissance des frontaliers, croissance de l'emploi. Nous ne pouvons donc pas rester immobiles et passifs. Bien au contraire, le Conseil d'Etat a choisi d'accompagner cette croissance: nous avons abandonné les règles de stricte rigueur financière - qui nous auraient permis d'autofinancer complètement les investissements - pour des règles économiques, en termes de volonté d'agir de façon anticyclique, dans une période qui est incertaine et plus difficile.
En ce qui concerne les charges de fonctionnement, elles s'adaptent. Et c'est un grand mérite que de pouvoir adapter nos charges. J'ai rencontré mes collègues de Suisse romande il y a près d'une semaine: nous sommes le canton dont les charges croissent le moins fort. Dans les autres cantons, les croissances des charges sont égales à celles que nous avions les années précédentes: 5%, 6%, 7% d'augmentation des charges. Pourquoi avons-nous la chance d'avoir des charges qui s'adaptent ? Parce que la politique que nous avons menée a aujourd'hui des conséquences automatiques sur la croissance des charges. Premièrement, les intérêts passifs diminuent. Là, nous n'y sommes pratiquement pour rien, si ce n'est peut-être un peu du côté de la gestion des liquidités: disons que nous avons accru la part variable de la dette, ce qui fait que nous profitons mieux des bas taux d'intérêts actuels. Le deuxième élément, ce sont les provisions: nous avons effectivement créé de nombreuses provisions dans la période où les choses allaient bien - plus de 800 millions de francs - et aujourd'hui, nous n'avons plus besoin de continuer à provisionner. La plus grosse provision, celle de l'administration fiscale cantonale, diminue particulièrement, je dirais de façon naturelle, dans la mesure où, avec les mesures en faveur des familles et la diminution subséquente des recettes fiscales, le reliquat diminue et donc les besoins de provisionnement aussi. Nous avons ainsi pu dissoudre cette provision à hauteur des irrécouvrables, sans la reconstituer et en restant dans des normes de couverture de risques tout à fait acceptables et comparables à celles que nous avions les années précédentes.
Mesdames et Messieurs les députés, vous n'allez pas me reprocher d'avoir mis en place une sorte de frein à l'endettement non automatique ! Parce que c'est de cela qu'il s'agit. L'objectif du Conseil d'Etat a été de mener une politique budgétaire stable dans le temps, c'est-à-dire de garantir le financement des prestations publiques quels que soient les aléas de la conjoncture. Et nous avons utilisé pour ce faire l'instrument des provisions. Nous l'avons utilisé, Monsieur Marcet, au-delà de ce que les règles comptables prévoient, c'est-à-dire que nous avons surdoté certaines provisions, nous avons créé des provisions qui sont à moitié des réserves, en plus des réserves. Nous avons donc aujourd'hui une dotation de 800 millions que j'espère ne pas devoir utiliser trop fréquemment. Franchement, dans cette période d'incertitude, je suis moi aussi un peu inquiète. Si cela devait durer trop longtemps, on risquerait d'absorber la totalité de nos provisions et, pour ne rien vous cacher, j'aurais souhaité une ou deux années supplémentaires de bonne conjoncture pour qu'on puisse véritablement se donner les moyens de dépasser un moyen terme.
Mais le but, c'est de financer de façon stable - et c'est là que je rejoins le développement durable de façon plus pertinente que vous ne le faites concernant la politique budgétaire - de financer de façon durable les prestations publiques. Et ça n'est pas un défaut, Monsieur Iselin, que d'avoir utilisé des provisions, c'est au contraire une qualité de s'être donné les moyens de pouvoir le faire aujourd'hui. C'est vrai qu'aujourd'hui je mange mes noisettes, un tout petit peu, une ou deux sur la centaine que nous avons mise de côté. Et j'estime que c'est une bonne chose. (Brouhaha.)
Du côté des recettes, il faut tout de même que je vous dise une chose par rapport aux inquiétudes qui peuvent se faire jour sur l'estimation des recettes. Dans le budget 2003, vous avez l'estimation de la production 2003, et nous avons le différentiel entre le réel produit en 2002 et l'estimé 2002 qui a été fait l'année dernière. Sur la production 2003, nous avons donc appliqué des critères de prudence: la croissance de cette estimation 2003 est extrêmement faible, elle chute pour les personnes morales. En ce qui concerne le différentiel 2002, je vous dis franchement que nous ne sommes pas encore capables de calculer l'impôt puisqu'il ne doit venir que dans une quinzaine de jours; nous aurons alors des informations plus précises. Cela étant dit, le système postnumerando a un effet de lissage, puisque le différentiel vient l'année suivante pour les personnes physiques et l'année d'après pour les personnes morales.
De plus, nous avons aujourd'hui un certain nombre d'employés de multinationales qui travaillent dans notre canton. Cela a été une volonté du Conseil d'Etat que de les faire venir, cela a été une volonté du Conseil d'Etat que de leur dire oui et de les accueillir à bras ouverts. Ces entreprises viennent, et les principales multinationales que nous avons fait venir depuis 1998 produisent un total de 100 millions supplémentaires d'impôt à la source. Nous avons tenu compte de ces effets, c'est-à-dire de l'augmentation des contribuables - de gros contribuables - pour évaluer les recettes 2003.
Bien entendu, Mesdames et Messieurs, ce budget n'est pas parfait... Je vous l'ai dit, nous n'avons pas atteint l'idéal. Et nous n'avons pas respecté la règle selon laquelle les charges ne doivent pas croître plus vite que les revenus. C'est ainsi. Là encore, il a fallu faire un arbitrage. Nous avons effectivement choisi de doter un certain nombre d'institutions publiques des moyens nécessaires à leur travail; il y a aussi un certain nombre de transferts de charges qui nous viennent de la Confédération. Il n'y a pas que des investissements de beaux et de bons: les charges de fonctionnement sont aussi, parfois - en matière d'instruction, en matière de santé - à considérer comme des investissements, en particulier dans des périodes incertaines. Nous avons souhaité, là aussi, répondre à ces besoins. J'ai fait la comparaison par rapport aux comptes 2001, c'est vrai, mais je ne cherche pas d'excuse pour dire que la croissance n'était pas différenciée charges/revenus par rapport aux comptes 2001; par rapport au budget, effectivement, nous avons une croissance des charges supérieure. Eh bien, nous verrons en commission ! Moi, je demande juste au parlement de bien vouloir prendre ses responsabilités. Je comprends votre langage: vous privilégiez la rigueur financière par rapport à d'autres arguments de politique de type économique. En ce qui me concerne, je suis - je crois pouvoir le dire - relativement conservatrice en matière financière, mais pas fondamentaliste - c'est ce qui me distingue de vous.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de bien vouloir renvoyer ce budget en commission et je me réjouis de voir si nous pouvons l'améliorer encore un peu ensemble. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter sur la demande de discussion immédiate, faite par le groupe radical.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est rejetée.
Ces projets sont renvoyés à la commission des finances.
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). L'objectif de cette résolution est très clair: nous trouvons très regrettable que le Conseil fédéral ait donné son autorisation pour un essai de plantation de blé transgénique en plein air, alors que la loi Genlex est en révision. Or, cette nouvelle loi n'autoriserait visiblement plus ce genre d'essai. De plus, on ignore actuellement les conséquences d'un tel essai sur les autres plants non modifiés, de même que sur la résistance aux antibiotiques, alors que c'est justement là l'important.
L'Office fédéral de l'environnement avait vu juste l'an passé en refusant cette demande faite par l'EPFZ; il s'appuyait alors sur une étude approfondie de la question. Afin d'évaluer correctement les conséquences sur l'environnement, il faut connaître avec plus de précision ce qui a été modifié et, malgré les demandes d'informations complémentaires émanant notamment du canton de Zurich, la demande d'essai de l'EPFZ ne contenait même pas toutes les informations...
Le président. Excusez-moi deux minutes, Madame Leuenberger. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, un peu de silence. J'attire votre attention sur le fait que nous avons encore une résolution et le point 84 à traiter ce soir. Je vous demande donc un peu de silence et de discipline pour qu'on puisse finir le plus rapidement possible. Vous pouvez poursuivre, Madame Leuenberger.
Mme Sylvia Leuenberger. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que nous n'avions pas obtenu les informations requises par l'ordonnance sur la dissémination dans l'environnement et la directive européenne relative au même sujet. Le Conseil fédéral a donc tout faux en acceptant ce recours contre la décision d'interdire cette plantation en plein air. Il aurait suffi d'attendre l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale pour se prononcer. Par ailleurs, il n'y a aucune urgence pour la recherche sur la maladie de la carie du blé, qui est en cause: cette maladie n'est pas fréquente et peut être traitée de façon classique avec succès. Le fait que tous les agriculteurs aient cosigné cette résolution prouve qu'il y a bien un problème là-dessous et que des pressions économiques sont certainement exercées sur le Conseil fédéral. M. Leuenberger lui-même est d'accord sur le fond avec le directeur de l'Office fédéral de l'environnement. La révision de la loi n'a été qu'un prétexte.
Je vous demande simplement de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, pour que celui-ci l'achemine vers M. Moritz Leuenberger. Merci.
Le président. Avant de passer la parole à M. Dupraz, je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue Michel Ducret. (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, Genève croit devoir donner des leçons au Conseil fédéral. Croyez-vous que le Conseil fédéral reçoit des instructions et des ordres d'un parlement d'une petite province comme Genève ? (Protestations.)C'est totalement ridicule, déplacé et inutile ! Quoi qu'en dise Mme Leuenberger, la procédure a été régulièrement suivie, et le Conseil fédéral a pris cette décision sur la base des lois en vigueur à l'heure actuelle. En effet, on ne gouverne pas un pays en attendant que le parlement vote des lois futures...
Je prierai ce parlement de ne pas voter cette résolution, qui ne fait que discréditer Genève auprès de l'autorité fédérale.
M. René Desbaillets (L). Concernant cette résolution que je soutiens, et par rapport aux propos de notre collègue John Dupraz vis-à-vis des décisions du Conseil fédéral, je pense que, lorsque le Conseil fédéral déraille, on est en droit de décrocher les wagons et de décider de ne pas le suivre. Faire des essais en serre avec des OGM, d'accord; travailler sur des OGM dans le domaine de la médecine, d'accord; mais faire des essais de plantes génétiquement modifiées en plein air, avec le risque de voir des pollens s'éparpiller dans la nature sans savoir ce qu'ils vont donner, c'est autre chose... On ne peut pas prouver par exemple que le fait qu'une abeille butine des pollens de blé génétiquement modifié, ou plutôt de colza, sera sans conséquence. Quel miel cela va-t-il donner ? On ne le sait pas ! On joue aux apprentis sorciers. Ce revirement du Conseil fédéral, comme par hasard, rappelle l'histoire du deuxième pilier: il y a de grosses pressions faites par des Novartis, des Sandoz, etc. dans le seul but de faire profiter leurs actionnaires. Puisqu'on a tous voté, John Dupraz y compris, pour le développement durable, il faut savoir raisonner. Certains disent qu'avec les manipulations génétiques on va pouvoir lutter contre la faim dans le monde. Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas la manipulation génétique qui va faire augmenter la production mondiale de céréales ou autre; il faut simplement partager un peu mieux les denrées alimentaires et tout le monde mangera à sa faim. Il faut donc soutenir cette proposition. (Applaudissements.)
Le président. Qui a dit qu'il n'y avait pas deux courants de pensée chez les libéraux ?... Je donne la parole à M. Dethurens.
M. Hubert Dethurens (PDC). Pour une fois, je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon copain John Dupraz, John Dupraz qui, entre autres, est très ami avec M. Pascal Couchepin... Je pense que, si Genève peut amener quelque chose dans ce débat, il doit le faire et très vite. Personne ne veut des OGM. Les agriculteurs n'en veulent pas, les consommateurs n'en veulent pas. Pourquoi faire des OGM ? Il y a quelques années, une hormone a été découverte, c'était la somatotropine: on piquait les vaches avec cela et elles produisaient 20% de lait en plus. Or, on ne sait plus quoi faire du lait en Suisse. Que va-t-on faire d'OGM que personne ne mangera, qu'on va produire pour devoir les éliminer ensuite par divers procédés ? Je vous encourage donc à voter cette résolution et à l'envoyer à Berne. Peut-être bien que la petite voix de Genève ne sera pas significative à Berne, mais si tous les cantons faisaient cet exercice, je pense que la Suisse pourrait prendre une position significative dans ce domaine. C'est vrai qu'en Suisse, comme l'a relevé M. Desbaillets, on est peut-être soumis aux pressions de grandes firmes comme Novartis... Eh bien, on peut dire à ces firmes-là que nous ne voulons pas d'organismes génétiquement modifiés. Une fois de plus, je vous remercie de voter cette résolution.
Mise aux voix, la résolution 463 est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Loly Bolay (S). Comme on l'a dit tout à l'heure, j'aimerais que l'on vote cette résolution sans débat. Je demande tout simplement qu'elle soit envoyée au Comité du Prix Nobel. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mise aux voix, la résolution 464 est adoptée.
Le Grand Conseil prend acte du rapport RD 440-A.
Mise aux voix, la résolution 460 est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons une grande journée demain. Je vous donne rendez-vous demain matin à 9 h 30 à l'ONU pour la rencontre avec les internationaux. Pour ceux qui ne seront pas à l'ONU, je vous donne rendez-vous pour notre match de football à 18 h à Veyrier-Village. Pour ceux qui hésiteraient encore à venir, la commune de Veyrier offre l'apéritif à l'ONU et au match de football... Je vous souhaite une bonne soirée.
La séance est levée à 22 h 5