Séance du
jeudi 19 septembre 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
11e
session -
57e
séance
GR 331-A
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur J. S. est né le 2 juin 1974. Il est de nationalité yougoslave, originaire du Kosovo, marié avec deux enfants, nés en 1999 et en 2002. Il réside actuellement, comme à l'époque des faits, en Thurgovie.
Le 5 novembre 1996, en provenance de Thurgovie, il est surpris en flagrant délit... Monsieur le président, il y a un problème avec ce micro !
Le président. Prononcez comme il faut, Monsieur Velasco !
M. Alberto Velasco. ...de vol à l'étalage: six paires de jeans 505, marque Levis, au magasin Balexert, pour un total de 450 F. Il reconnaît les faits.
A l'époque du vol, il vit en Thurgovie. Il est sans profession et requérant d'asile. Depuis 1995, il possède un livret de requérant et, de 1995 à 1997, il perçoit une indemnité de 112 F par semaine.
Le 3 janvier 1997, il a été condamné à quinze jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans et à une expulsion de cinq ans du territoire helvétique.
Actuellement, Monsieur S. est marié à Madame B. S., titulaire d'un certificat de capacité d'assistante dentaire. D'après ce que je sais, elle est bien intégrée chez nous.
Ce monsieur travaille depuis le 1er février 2001 pour la maison Kifa en Argovie et ses patrons sont élogieux à son égard. La famille, qui loge depuis le 1er avril 1999 dans un locatif, ne fait l'objet d'aucune plainte des locataires.
Monsieur et Madame S., de par leur revenu et leurs activités, pourvoient à leur subsistance et à leurs obligations quotidiennes sans aucune assistance. Enfin, depuis cet événement, Monsieur S. n'a eu aucune autre condamnation.
Il est titulaire d'un permis de séjour du canton de Thurgovie. Ce canton ne peut pas prolonger le permis de séjour vu la condamnation du 3 janvier 1997 prononcée à Genève. Si Genève révoquait la condamnation du 3 janvier 1997 concernant l'expulsion du territoire suisse, le canton de Thurgovie pourrait accéder à la demande de prolongation du permis.
Monsieur le président, on peut se demander pourquoi cette condamnation n'a pas été exécutée... A ce sujet, je me suis informé au Palais: il se trouve que Monsieur S. étant à l'époque requérant d'asile, l'exécution administrative de cette condamnation ne pouvait pas être effectuée, car on ne peut pas expulser un requérant d'asile. De ce fait, Monsieur S., qui vit chez nous, est marié, a deux enfants, est intégré, a un travail, devrait maintenant être expulsé pendant cinq ans du territoire ! Cela pose un problème humain et éthique.
La commission a examiné la question et le problème dans son ensemble. Elle a considéré, dans sa majorité, qu'il fallait accorder la grâce à Monsieur S. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir suivre les recommandations de la commission.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai une question à vous poser, Monsieur le rapporteur.
D'après ce que j'ai pu comprendre, la grâce porte sur l'ensemble de la peine. Comment se fait-il que l'on puisse être condamné à quinze jours de prison, assortis d'un sursis de cinq ans, pour le simple vol de quelques jeans ? J'ai de la peine à le croire ! Il me semble qu'il manque un élément dans ce dossier...
En matière de droit pénal, je vous rappelle qu'une de ses fonctions est d'expier la faute, mais aussi de protéger la société. Or si le juge a infligé un sursis de cinq ans, c'est effectivement pour empêcher que cette personne ne recommence. A ma connaissance, un tel sursis n'est pas infligé pour un vol d'une si faible amplitude.
Pourriez-vous me répondre, sur ce dernier point ?
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur le député, le sursis concerne l'expulsion du territoire suisse, et non la peine de quinze jours.
La question est de savoir s'il est possible qu'il ait été condamné à une peine de quinze jours fermes pour le vol de ces paires de jeans ainsi qu'à l'expulsion pendant cinq ans. Oui, Monsieur, je peux vous dire qu'il a réellement été condamné pour cette raison: c'est une peine assez lourde, mais c'est la vérité !
A l'époque, ce monsieur était requérant d'asile. Or, du point de vue administratif, il n'est pas possible d'expulser un requérant d'asile et de le renvoyer dans son pays. C'est arrivé dans certains cas et ce parlement, justement, s'est prononcé contre de telles expulsions quand le pays d'origine connaît une situation difficile ou est en état de guerre.
A l'époque, en 1997, le Kosove était dans la situation que vous connaissez. Je soupçonne donc - et c'est ce que l'on m'a dit au Palais - que c'est pour ces raisons que les autorités n'ont pas expulsé Monsieur S. C'est un cas exceptionnel, mais c'est ainsi !
M. Gilbert Catelain (UDC). M. Velasco a répondu partiellement à ma question, mais j'ai quand même des doutes... Déjà, le principe de la grâce me paraît antidémocratique ! J'aime bien la séparation des pouvoirs. J'ai confiance dans le pouvoir judiciaire, mais, dans le cas présent, je me demande s'il n'y a pas eu des antécédents. En effet, pour un cas grave d'opposition aux actes de l'autorité, on écope normalement de trois mois de sursis. Pour avoir eu cinq ans de sursis, à mon avis, il doit y avoir autre chose au niveau des antécédents. Je pose la question: y a-t-il eu des antécédents ?
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur le député, il n'y a rien dans le dossier ! Le juge concerné n'a rien inscrit à ce sujet. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'y a pas d'antécédents. Maintenant, s'il y en a et que le juge n'a pas voulu les mentionner, c'est un autre problème, Monsieur Catelain !
M. Gilbert Catelain (UDC). Au vu des éléments indiqués par M. Velasco, qui m'a l'air tout à fait sincère sur ce dossier, il me semble qu'il y a un réel manque d'information. Je propose donc que le dossier soit renvoyé en commission de grâce, pour complément d'information.
Le président. Je vais donc mettre aux voix le renvoi du dossier en commission.
Le résultat du vote est douteux.
Il est procédé au vote électronique
Mis aux voix, le renvoi du dossier en commission est adopté par 34 oui contre 28 non et 2 abstentions.
Le président. Je demanderai donc au rapporteur de bien vouloir faire un complément d'enquête s'il le peut...