Séance du
vendredi 28 juin 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
10e
session -
52e
séance
IUE00032
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, j'ai pris connaissance de votre interpellation. Je rappelle que nous avons mis en oeuvre, à partir du 21 janvier, des moyens de lutte contre les dealers. Cette démarche a fait l'objet, le 21 mars, d'une première estimation chiffrée et on en suit les effets de mois en mois. Nous serons vraisemblablement en mesure de faire le point sur la situation pour la session du Grand Conseil du 20 septembre, durant laquelle je rapporterai devant ce Grand Conseil.
Il est légitime de craindre qu'à partir du moment où l'on chasse les dealers d'un endroit, ils se rendent dans un autre. C'est l'évidence même. Il s'agissait d'une hypothèse de départ et nous étions conscients du risque engendré, mais, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, nous ne nous faisons pas d'illusions. Cette politique doit être menée à long terme, de façon à ce que des mesures combinées aboutissent finalement à dissuader les dealers de venir à Genève se livrer à leur commerce. Car, dans le fond, c'est bien cela, preuve en est qu'aujourd'hui 50% des arrestations pour trafic qui ont eu lieu dans le quartier de Cornavin et à la place des Volontaires concernent des gens démunis d'autorisation de séjour et qui sont imputés à d'autres cantons. On voit donc bien que Genève, pour tout un tas de raisons, bonnes et moins bonnes, reste une ville attractive.
A ce jour, nous n'avons pas de chiffres significatifs à ce sujet, mais on sait que chaque année, à cette époque, il y a comme une espèce de transhumance qui fait que les dealers se déplacent vers les quais du centre-ville. C'est une sorte de tradition. Pour l'instant ce phénomène reste prédominant par rapport, si j'ose dire, aux migrations secondaires.
En ce qui concerne l'âge des dealers, il n'y a pas d'évolution vers le bas dans la gamme d'âge. Selon les différentes statistiques tenues par la police depuis le début de l'année, la part des mineurs n'a pas augmenté, elle est considérée comme négligeable en regard de la proportion d'adultes délinquants. Ce qui n'est pas étonnant car les mineurs ne font pas l'objet des mêmes mesures, encore que, à certains moments, on ne peut pas forcément éviter de s'y confronter. Mais c'est naturellement la prévention qui est et qui doit être privilégiée par rapport à la répression. Donc rien de très étonnant à ce sujet.
Le trafic de stupéfiants par métier est passible de vingt ans de réclusion et l'arsenal juridique à disposition est largement suffisant. Les peines prononcées sont le fruit d'une individualisation voulue par la loi. Selon une récente étude dont la presse s'est faite l'écho, le citoyen se montrerait moins répressif que les juges professionnels pour toutes les catégories d'infraction, hormis les délits sexuels.
Les divers flux migratoires de dealers et financiers sont beaucoup plus opaques, Monsieur le député, qu'on pourrait l'imaginer à première vue, et pour les combattre il est illusoire de croire que les moyens seuls du canton sont suffisants.
Par exemple, les écoutes téléphoniques sont soumises à des conditions draconiennes. De plus, l'usage très répandu de cartes à pré-paiement pour téléphone mobile, c'est-à-dire garantissant l'anonymat à leurs acquéreurs, rend vaine toute tentative d'identification des auteurs de transactions menées par ce vecteur de communication. La Confédération vient de rendre publiques des propositions pour tenter de corriger cette fâcheuse situation.
En outre, je dirai que la composition même du milieu des dealers, extra-européens pour la grande majorité, rend difficile et périlleuse, pour ne pas dire quasi impossible dans certains cas, toute infiltration des services de police, pas forcément dans le canton de Genève, mais sur le réseau européen et international.
Enfin, il n'est pas exact de dire que les dealers, entrés illégalement en Suisse, s'enregistrent auprès des ambassades. En effet, si le rapatriement est très difficile, voire impossible, c'est précisément parce que ces dealers arrivent en Suisse démunis de papiers d'identité, ou qu'ils refusent d'une façon ou d'une autre de les remettre aux services de police. Vous avez peut-être pris connaissance de l'enquête dans l'«Hebdo» de cette semaine qui rend compte du cas d'un dealer d'Afrique de l'Ouest venu sous trois identités différentes. C'est là une des difficultés constantes à laquelle se heurtent les polices de façon générale aujourd'hui.
A cela s'ajoute le peu d'empressement, je dois dire, de certains Etats à collaborer avec la Suisse...
Le président. Il va falloir conclure, Madame la conseillère d'Etat !
Mme Micheline Spoerri. Oui, Monsieur le président. Mais comme M. Unger hier, j'ai trois questions et je répondrai aux trois !
Le président. Oui, mais alors, choisissez les bonnes questions... (Rires.)Vous avez trois minutes pour répondre et vous avez déjà parlé cinq minutes !
Mme Micheline Spoerri. Ecoutez, on a tout le temps, je crois !
Le président. Bon, alors je vous laisse finir !
Mme Micheline Spoerri. Monsieur le député, pour répondre à vos questions - et j'entendais quand même les documenter - les actions dissuasives et répressives, initiées sur la voie publique par cette task force que nous avons mise en place, seront poursuivies.
Enfin, vous avez peut-être remarqué que, ces temps-ci, à réitérées reprises, des bandes et des réseaux ont été démantelés.
Quant à savoir s'il faut construire un nouvel établissement carcéral, je répondrai oui, car la capacité d'accueil à Champ-Dollon, c'est bien connu, est largement dépassée. Cette discussion est en cours sur le plan intercantonal et fait l'objet d'un concordat. Mais cela ne va pas tout résoudre.
J'ajoute que, concernant la commission de sécurité, comme je vous l'ai dit un jour, peu m'importe sous quelle forme les uns et les autres entendent collaborer à la réflexion sur la sécurité. Par conséquent, vous restez les bienvenus. Je m'arrête ici pour rester dans les temps !
Cette interpellation urgente écrite est close.