Séance du
vendredi 28 juin 2002 à
9h40
55e
législature -
1re
année -
10e
session -
50e
séance
PL 8720-A
Deuxième débat
CHAPITRE 1: CHANCELLERIE D'ETAT
Comptes de fonctionnement
Les comptes de fonctionnement de la chancellerie d'Etat sont adoptés.
CHAPITRE 2: DEPARTEMENT DES FINANCES
Comptes de fonctionnement
Les comptes de fonctionnement du département des finances sont adoptés.
CHAPITRE 3: DEPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Comptes de fonctionnement
Office de la jeunesse (Rub. 360000)
M. Pierre Kunz (R). Permettez-moi, Monsieur le président, de demander l'attention du parlement pendant quelques minutes à propos de l'office de la jeunesse. Je crois en effet qu'il convient de porter une attention particulière au cas de cet office qui a été la cible des médias, des syndicats et du monde politique au cours des derniers mois. Chacun sait, dans ce parlement, que dans de tels cas le réflexe de défense habituel est d'exiger des moyens accrus au prétexte de leur insuffisance. Les articles parus récemment dans la presse en témoignent, presque tous les acteurs interrogés se sont exprimés en faveur de moyens supplémentaires.
S'agissant de ces moyens on notera quand même que les charges de fonctionnement de l'office de la jeunesse se sont accrues de près de 12% entre 1996 et 2001, soit nettement plus que la moyenne du département - fort bien géré au reste - dont les dépenses se sont accrues de 5,6%. Il est donc contestable de prétendre que l'office de la jeunesse a été insuffisamment doté, ceci d'autant plus que le budget 2002 prévoit une augmentation non négligeable de la dotation : près de 8%. Les cinq services composant l'office de la jeunesse forment véritablement une institution magnifique, d'une ampleur et d'une action inconnue ailleurs en Suisse et dans le monde. Comment dès lors expliquer la situation extrêmement pénible que vivent les collaborateurs des différents services de l'office de la jeunesse ? Cette situation était exprimée de manière poignante, voici une année exactement, dans une lettre adressée à la «Tribune de Genève» par M. Pierre Epiney, éducateur et chef de groupe à la protection de la jeunesse : «C'est, disait-il, la première fois que je ressens de la peur.» Pourquoi ? Très probablement à cause d'un profond malentendu.
Les missions et les responsabilités confiées par le législateur à l'office de la jeunesse sont manifestement disproportionnées par rapport aux possibilités d'action effectives du personnel de cet office. Ces missions et ces responsabilités prennent dès lors un poids insupportable pour le personnel de l'office. Le pouvoir politique et les médias donnent en effet à ce personnel le sentiment qu'il n'a aucun droit à l'erreur et que son travail peut et doit se faire au niveau du zéro problème, zéro défaut et zéro drame. Ce sentiment est multiplié par des attentes quasi illimitées et irréalistes de la population sensible, il faut aussi le dire, aux messages véhiculés par une partie de la classe politique et des médias. Ce message est celui du tout à l'Etat, un Etat que ces gens prétendent toujours omnipotent et infaillible. A cela s'ajoute une inadéquation entre le type de prestations dispensées et la structure interne, la réglementation de l'office de la jeunesse.
Cette institution, Mesdames et Messieurs les députés, constitue dans les faits une vaste entreprise de gestion des risques graves pesant sur la jeunesse. Mais l'organisation, la réglementation et la structure de cette institution sont fondées sur une vision purement administrative des tâches à accomplir. Il en résulte - c'est une faiblesse importante - que les ressources humaines ne sont pas véritablement animées, motivées et managées, mais administrées. Face à cette situation, il y a ceux qui, se fondant sur les besoins exprimés par la population, sur la dégradation du climat social ou sur l'augmentation de la violence, réclament simplement plus de moyens et plus de postes. Ils cèdent à ce que j'appellerais la pression de l'immédiateté. D'un autre côté, il y a ceux qui sont convaincus que l'accroissement des besoins exprimés par la population est largement le reflet d'une dérive de notre politique sociale. Ceux-ci exigent une définition claire du rayon d'action, des missions et des responsabilités assumées par les services de l'office de la jeunesse. Autrement dit, ils exigent la fixation de limites claires dans les prestations et une large information du public à ce sujet. En outre, ils veulent transformer l'actuel système administratif de l'office de la jeunesse en un ensemble cohérent et efficace de gestion des risques de l'enfance et de la jeunesse. Selon nous, seule la deuxième voie est praticable.
Les radicaux demandent donc au département de l'instruction publique de prendre ces réflexions en compte lors de la préparation du budget 2003 et de ne pas céder, Madame la présidente - mais je sais que vous ne le ferez pas - au réflexe de défense habituel de l'administration publique, à ce que je nomme syndrome de l'immédiateté.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le député, dans votre intervention il y a des éléments auxquels je suis sensible et d'autres avec lesquels je ne suis pas tout à fait d'accord. J'aimerais vous rappeler que l'office de la jeunesse est composé, et vous le savez, d'un certain nombre d'institutions qui n'ont pas les mêmes missions et qui sont complémentaires. C'est ainsi que nous avons à la fois le service santé-jeunesse, le service médico-pédagogique, le tuteur général pour les adultes et pour les mineurs, la protection de la jeunesse, sans oublier le service des loisirs. Chacun est organisé à sa manière en fonction des missions qu'il est censé remplir.
Nous savons tous, il est vrai, que la plupart de ces services, et notamment ceux qui touchent la protection de la jeunesse et le tuteur général, nécessitent de profondes transformations au niveau, d'une part, de la définition de leurs tâches et, d'autre part, de leur organisation. Jusque-là, j'entends bien ce que vous me dites. J'aimerais toutefois vous signaler que, concernant les tâches que nous avons, ou n'avons pas, à remplir, vous avez oublié des partenaires. D'où nous viennent la plupart de nos missions, sinon du pouvoir judiciaire et du Tribunal tutélaire ? La problématique est donc très réelle. Un certain nombre de mandats nous ont été confiés et lorsqu'ils sont devenus trop importants, nous sommes intervenus auprès dudit tribunal pour lui signaler qu'avec les moyens à disposition nous n'étions pas en mesure de répondre à la totalité de ses demandes.
Les services de l'OJ ont consenti - je peux vous fournir les chiffres depuis 1990 - comme d'autres, à des réductions annuelles de 2%, sous la pression des économies nécessaires durant les années 90; ils ont vu leurs effectifs diminuer, et non pas augmenter. Aujourd'hui, avec les augmentations prévues et votées par ce parlement, nous atteignons les effectifs du début des années 90. Il ne faut cependant pas oublier l'augmentation des responsabilités et des mandats, qui va parfois jusqu'à 20%.
De nouvelles missions ont donc été données à certains de ces services : lorsque le nouveau droit du divorce a donné aux enfants le droit d'être entendus lors des procédures de divorce, la protection de la jeunesse, je vous le rappelle, a été chargée de cette mission; lorsque vous avez décidé qu'il fallait augmenter le nombre de places de crèches ou encourager les mamans de jour, c'est la protection de la jeunesse qui s'est chargée de l'évaluation; lorsque les parents, qui eux-mêmes l'ont avoué dans certains journaux, souhaitent se défaire de leur responsabilité, c'est à la protection de la jeunesse qu'ils confient leur destinée, si je puis dire; lorsque nous avons à ouvrir de nouvelles institutions pour suivre des enfants en très grande difficulté, c'est au service médico-pédagogique que nous confions ces missions. Tout cela sans parler du tuteur général adultes qui voit malheureusement, dans les périodes sociales difficiles, affluer un plus grand nombre de personnes ne pouvant plus elles-mêmes prendre en main leur vie.
Vous évoquez donc plusieurs problèmes qui ne sont pas de même nature. Je ne suis pas du tout insensible à une réflexion un peu plus globale sur le plan social à propos de ce qui est confié ou non à ces services. Cela fait partie de nos intentions et je pense que c'est très important. Il faut cependant prendre garde au fait que nous ne pouvons pas, de nous-mêmes, nous désister de certaines de ces missions. La plupart de ces services, pendant des années, avaient de la peine à recruter. C'est pourquoi j'ai dit à plusieurs reprises à ce parlement qu'il était inutile d'ajouter des postes avant que les gens ne soient engagés. Aujourd'hui, le recrutement avance et les postes nouveaux sont indispensables.
Au budget 2003, vous l'accepterez ou non, il y aura des postes supplémentaires pour l'office de la jeunesse parce que certains besoins ont énormément augmenté durant ces dix dernières années. Cela ne signifie certainement pas qu'il faille cesser de se poser la question du fonctionnement. Il y a ainsi des travaux qui sont en cours et d'autres qui devront encore être entrepris. Je rappelle par ailleurs que le tuteur général adultes, et ceci fera l'objet d'un accord avec mon collègue chargé de l'action sociale, devrait impérativement être détaché du DIP parce qu'il s'agit d'une autre tâche, d'une autre mission et presque d'un autre métier.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous dire pour terminer que j'ai apprécié que vous rappeliez que le risque zéro n'existe pas et que ces services particulièrement exposés ont affaire à des gens qui sont sensibilisés et déstabilisés par nature. Il est donc dans l'ordre des choses qu'ils se plaignent davantage ou qu'ils ne comprennent pas l'action de l'administration.
Si j'avais un voeu, cela serait que les médias soient prudents sur la façon dont certains événements sont mis en exergue ou relayés, parce que, la plupart du temps, la caractéristique de ces services et du département fait que nous ne pouvons pas répondre publiquement aux attaques dans les journaux, pour la simple et bonne raison que nous avons la responsabilité de protéger la sphère privée de toutes celles et ceux qui font appel à nos services. Expliquer certains problèmes serait violer ce principe et nous nous refusons à le faire. Pour le reste, nous aurons à reparler des questions que vous avez soulevées lors du budget 2003.
M. Christian Brunier (S). Puisque nous parlons de l'office de la jeunesse, j'ai une question à poser au département. Je crois savoir que la loi sur l'office de la jeunesse date de 1958. Or, le règlement d'application n'a toujours pas été élaboré. Alors que cet office connaît quelques problèmes - je crois que nous le reconnaissons tous - je pense qu'un règlement d'application permettrait de clarifier un certain nombre de choses et notamment un certain nombre de missions. Ma question est donc : à quand l'élaboration d'un règlement d'application pour cette loi sur l'office de la jeunesse ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'aimerais simplement vous dire que le règlement d'application, s'il doit y en avoir un, devra suivre la redéfinition et la discussion sur les missions de l'office. J'examinerai donc votre question, bien que je ne pense pas que le problème vienne du règlement d'application. Je pense que, s'il doit y avoir un règlement, il devra suivre la discussion et le débat que j'évoquais tout à l'heure, notamment sur la définition des tâches, y compris concernant le tuteur général. A cette occasion, il y aura certainement une modification de la loi sur l'office de la jeunesse et sur la protection de la jeunesse ainsi que la modification ou la création, si elle s'avérait nécessaire, d'un règlement.
M. Thierry Apothéloz (S). J'interviens avec un peu de retard et je vous prie de m'en excuser, Monsieur le président... Ma question s'adresse à la présidente du département, à propos de la Fondation pour l'animation socioculturelle. Est-ce qu'elle peut nous expliquer en quoi consiste le dépassement de plus de 100 000 F sur les comptes de la FASe ? S'agit-il d'engagements de personnel ou de frais de fonctionnement ?
Une voix. Elle n'a pas écouté !
Le président. Je redonne la parole à M Apothéloz.
Une voix. Apothéloz, deuxième ! (Rires.)
M. Thierry Apothéloz. Je répète volontiers ma question. Elle s'adresse à Mme Brunschwig Graf, si elle a l'amabilité de m'écouter... Il s'agit de la Fondation pour l'animation socioculturelle: nous pouvons observer dans les comptes 2001 qu'il y a, si mes souvenirs sont bons, une augmentation de plus de 100 000 F. Ma question visait à connaître les raisons de cette augmentation. S'agit-il d'augmenter la dotation en personnel ou s'agit-il d'un dépassement dans les frais de fonctionnement de la FASe ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je n'ai plus sous les yeux la justification mais je vous donne la réponse de mémoire. Il ne s'agit pas de dépenses inconsidérées ou d'un mauvais mode de gestion de la FASe. Il s'agit, selon mes souvenirs, d'un renforcement sur le terrain des éducateurs de rue.
Les comptes de fonctionnement du département de l'instruction publique sont adoptés.