Séance du
vendredi 14 juin 2002 à
14h
55e
législature -
1re
année -
9e
session -
44e
séance
M 1291-A
Suite du débat
Le président. Nous reprenons le débat que nous avions entamé hier sur la motion 1291, rapport de la commission fiscale. Monsieur Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik (S). Le groupe socialiste ne peut pas souscrire, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, à l'amendement de M. Vanek qui consiste à rétablir les deux invites du texte initialement proposé par nos amis de l'Alliance de gauche. Nous pourrions accepter de rétablir la troisième invite, nous voulions en effet la conserver contre l'avis de la commission. Les propos explicatifs très détaillés de Mme Calmy-Rey en commission nous ont confortés dans cette position.
En revanche, la deuxième invite, nous ne l'accepterons pas plus en plénum qu'en commission. On nous a bien expliqué dans quelle mesure elle ne pouvait être mise en pratique. Les auditions relatées dans l'excellent rapport de M. Jeannerat montrent bien que cette invite ne peut pas être maintenue.
Le président. Je ne sais pas bien ce que je dois mettre aux voix. M. Vanek a proposé d'ajouter des invites. Est-ce que vous pouvez nous les donner, Monsieur Rodrik ?
M. Albert Rodrik. Certainement, Monsieur le président. Dans la motion de l'Alliance de gauche il y avait trois invites. La commission, dans sa majorité, n'en a conservé qu'une. M. Vanek, dans son intervention d'hier, nous a dit qu'il proposait en amendement de rétablir les deux invites. C'est cela qui doit être mis aux voix. Le groupe socialiste est prêt à souscrire au rétablissement de la troisième invite, mais pas de la seconde pour les raisons que j'ai exposées lors de mon intervention d'hier.
Le président. Cela me semble logique. Le problème est de savoir ce que je dois faire voter en premier. Je pense que c'est l'amendement de l'Alliance de gauche qui est le plus éloigné... Vous voulez la parole, Monsieur Blanc ? Je vous la donne.
M. Claude Blanc (PDC). Je comprends très bien M. Rodrik qui se rallie à la décision de la commission supprimant la deuxième invite, qui serait néfaste pour les finances de l'Etat. Par contre, je le comprends un peu moins quand il dit que la troisième peut être maintenue. J'aimerais bien qu'il nous explique à quoi sert cette troisième invite. En réalité, chercher à obtenir des accords avec d'autres cantons pour éviter la sous-enchère fiscale, c'est précisément ce que fait le Conseil d'Etat depuis des lustres, et rétablir ce texte, c'est enfoncer une porte ouverte. J'aimerais que vous m'expliquiez, Monsieur Rodrik, ce que vous allez apporter de plus à cette motion et surtout à la situation en ajoutant cette invite. Je crois que vous prenez cette position uniquement pour faire plaisir à vos soi-disant amis de l'Alliance de gauche qui n'hésitent pas, eux, à vous voler dans les plumes chaque fois que c'est possible.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Vanek qui vise à ajouter les deux invites suivantes au texte issu des travaux de la commission :
«à s'abstenir d'accorder des dégrèvements fiscaux à des entreprises qui sont dans une situation financière favorable ou qui veulent transférer leurs activités dans notre canton en supprimant massivement des emplois, contribuant ainsi à perturber la situation économique du lieu où ces emplois sont supprimés;
»à chercher à obtenir des accords avec d'autres cantons pour éviter la sous-enchère fiscale.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Rodrik visant à ajouter l'invite suivante :
«à chercher à obtenir des accords avec d'autres cantons pour éviter la sous-enchère fiscale.»
M. Pierre Kunz (R). J'aimerais vous dire pourquoi, sur le plan des principes, je ne peux pas accepter une telle invite. S'il est vrai que la sous-enchère est néfaste, il est aussi vrai que la concurrence est saine et notamment en matière fiscale. Je le dis très clairement parce que c'est une conviction profonde. Je pense que voter cette invite serait une incitation à lutter non pas seulement contre la sous-enchère fiscale, mais contre la concurrence fiscale elle-même. Je demande donc à ce parlement de ne pas voter cette invite.
M. Claude Blanc (PDC). Je répète la question que j'ai posée à M. Rodrik. A quoi cette invite nous avancera-t-elle compte tenu de la situation actuelle ?
M. Jean-Michel Gros (L). Quelques mots pour vous dire que les libéraux se rallient aux conclusions de la majorité de la commission fiscale. Ils acceptent ainsi la première invite de la motion, mais ils refuseront la proposition de réintroduire la troisième.
Je m'étonne que les partis de l'Alternative puissent soutenir cette invite qui vise à conclure des accords fiscaux avec les autres cantons. Mesdames et Messieurs les députés de gauche, vous qui tenez tellement à renforcer la législation sur les cartels, vous voulez créer un cartel fiscal en Suisse. Nous considérons pour notre part qu'une certaine concurrence fiscale en Suisse a des aspects positifs. Elle contribue à maintenir la fiscalité dans des normes acceptables. Quand on observe toutes les manoeuvres engagées soit par l'OCDE, soit par l'Union européenne, avec à leur tête les pays qui connaissent les fiscalités les plus lourdes, pour lutter contre ce qu'ils appellent une fiscalité dommageable, on voit bien à quoi pourrait conduire une trop grande harmonisation. Harmoniser les fiscalités, cela signifie s'aligner sur le pays, respectivement le canton, qui connaît la fiscalité la plus élevée. De cette harmonisation, les libéraux n'en veulent pas.
Il n'est bien sûr pas question d'aller débaucher une entreprise fribourgeoise en lui accordant des allégements fiscaux dans le dos des autorités locales. C'est d'ailleurs une pratique qui n'existe pas. Mais lorsqu'une entreprise étrangère décide de s'implanter en Suisse, Genève doit rester un canton compétitif au niveau fiscal. C'est pour ces raisons que le groupe libéral vous demande de voter la motion telle qu'elle ressort des travaux de la commission.
M. Jean Spielmann (AdG). En ce qui concerne la péréquation intercantonale et la concurrence fiscale entre les cantons, je voudrais tout de même rappeler ici que nous avons déposé, au Conseil national, une motion qui demandait que le calcul de cette péréquation ne permette pas l'anomalie qui consiste à ce que des cantons qui ont une charge fiscale inférieure à la moyenne des cantons suisses obtiennent de l'argent de contribuables de cantons qui font des efforts financiers supérieurs. Cette motion a été refusée. Il faut savoir qu'aujourd'hui, les citoyens contribuables du canton de Genève financent, via la péréquation intercantonale, des cantons qui ont des taux de prélèvement sur les personnes physiques et sur les entreprises inférieurs aux nôtres. Cela nous semble être une anomalie. C'est une chose qu'un canton décide de réduire sa fiscalité, mais que la loi fédérale permette ensuite à ce canton d'obtenir de l'argent de la part d'autres cantons, cela n'est pas acceptable. C'est trop facile de faire jouer la concurrence quand ensuite ce sont vos concurrents qui vous soutiennent financièrement.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Rodrik qui consiste à rétablir l'invite suivante : «à chercher à obtenir des accords avec d'autres cantons pour éviter la sous-enchère fiscale.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, la motion 1291 est adoptée.