Séance du jeudi 13 juin 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 9e session - 43e séance

La séance est ouverte à 20 h 30, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf et Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et M. Erica Deuber Ziegler et Souhail Mouhanna, députés.

E 1159
Prestation de serment de M. HARARI Maurice, Juge suppléant à la Cour de cassation

M. Maurice Harariest assermenté.

Communication de la présidence

Le président. Je salue à la tribune du public les résidants du foyer La Caravelle, accompagnés de deux de leurs éducateurs, Mme Rigamonti et M. Rutschmann. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

IN 119
Initiative populaire pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et pour la défense du service public
IN 119-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 119 "pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et pour la défense du service public"

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). De plus en plus de personnes s'accordent à reconnaître que notre système fédéral d'assurance-maladie a fait fiasco, que l'on arrive de plus en plus dans une impasse et qu'il s'avère indispensable de réformer en profondeur cette assurance-maladie, qui, à l'heure de l'Europe, est quasiment unique en son genre sur notre continent. Tous les autres pays ont un système pratiquement équivalent de primes proportionnelles aux revenus, de caisse plus ou moins unique, bref un système moderne. Nous traînons un système totalement désuet, aux conséquences invraisemblables, dont surtout des augmentations de primes beaucoup trop importantes pour la majorité de la population et qui dépassent nettement la hausse des coûts, même s'il s'agit de limiter cette hausse des coûts. A ce sujet, j'aimerais rendre hommage au courage politique de M. Unger, qui détonne par rapport à son parti, lorsqu'il déclare qu'il faut maintenant limiter les coûts.

J'aimerais simplement rappeler que l'Alliance de gauche a déposé voici deux ou trois ans un projet de loi portant précisément sur la clause du besoin, projet qui n'a malheureusement pas reçu la grâce de ce parlement, puisqu'il se trouve que ce projet de loi, que vous soutenez implicitement aujourd'hui, Monsieur Unger, n'a pas été retenu, malgré une majorité de gauche, par les partis de l'Entente et certaines voix défaillantes de l'Alternative. Je tiens à dire que nous reprendrons ce projet de loi sur le plan cantonal et j'espère, Monsieur Unger, que vous soutiendrez à ce moment-là la clause du besoin et que les propos que vous avez tenus se concrétiseront par des actes ! Il faut effectivement dépasser aujourd'hui les paroles et prendre des décisions pour modifier fondamentalement la situation. Que l'on s'entende bien: nous savons que nos pouvoirs sont limités sur le plan cantonal et que c'est essentiellement sur le plan fédéral que de nouvelles solutions devront être trouvées.

A ce sujet, je dois dire, et je regrette d'employer ce terme à l'égard d'un gouvernement auquel on doit respect, mais le Conseil fédéral a été en dessous de tout. Lamentable ! Il s'est retiré un week-end à la campagne. Je crois même que c'était dans un monastère, ce qui aurait dû être de nature à susciter une réflexion sereine et qui aurait beaucoup plu à M. Blanc ! Mais la page fut blanche au terme de ses longs débats, si ce n'est qu'une conseillère fédérale, qui a eu à mon avis le tort de soutenir une loi plutôt que l'initiative de son parti, a reconnu que cette loi ne marchait plus. Reste à savoir à quel moment nous allons passer à un système - soyons modestes - comparable à celui de l'AVS, qui marche tellement bien dans notre pays, un système de cotisations proportionnelles aux revenus, avec une part patronale et une part de l'Etat.

Je dirai un sacrilège: on peut peut-être même prévoir 1% de TVA afin de faciliter cette caisse, une caisse unique, qui ne nécessite pas des réserves inutiles. Ces réserves des caisses-maladie sont un comble. Elles ont été constituées avec les primes des assurés et ont servi à spéculer en bourse, avec des centaines de millions de pertes comme résultat. C'est là où l'on en est dans ce pays. Il faut donc mettre un terme à ce système. Il y a eu de bonnes propositions de la part de différents partis, du reste de votre parti, Monsieur Unger, qui proposait la caisse unique sous la forme de la CNA. Mais tout cela est resté des propos en l'air.

En ce qui concerne l'Alliance de gauche, nous pensons qu'il est possible, dans l'attente d'un système fédéral digne de ce nom, d'améliorer la situation, comme nous l'avons proposé avec notre initiative en matière d'assurance-maternité.

J'aimerais rappeler que Genève a innové de manière exemplaire en matière d'assurance-maternité. Notre assurance cantonale sera très certainement bientôt remplacée par une assurance fédérale digne de ce nom, parce qu'il semble qu'un consensus soit en train de se dessiner. En attendant, face à la lenteur bernoise, que je connais bien puisque je siège depuis de nombreuses années aux Chambres fédérales, il est temps que l'on innove à Genève. L'Alliance de gauche a proposé une solution toute simple, qui est une copie conforme de ce qui a été mis en place à Bâle. Il s'agit d'une caisse publique à laquelle plus de la moitié des citoyens et des citoyennes bâlois sont affiliés, qui donne entière satisfaction et qui propose des primes 10% en dessous de la moyenne des primes. Vous pouvez toujours secouer la main, Monsieur Froidevaux, je ne vais pas ouvrir la polémique ce soir avec vous ! Vous êtes très intéressé par ce problème des coûts des soins maladie. Je ne veux pas ouvrir le débat avec vous ce soir. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je voudrais simplement dire que la caisse cantonale ne sera pas la panacée, mais constituera une amélioration. Nous en sommes convaincus. Ce que je regrette, au niveau du Conseil d'Etat...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...c'est que l'on vienne nous dire, face à cette proposition, que tous les volets sociaux de cette proposition seraient contraires au droit fédéral, y compris l'institution, pour la caisse cantonale, de l'obligation d'un paiement direct des factures par la caisse, comme certaines caisses-maladie le font aujourd'hui.

Le président. Voulez-vous conclure, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. J'en terminerai par là, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat veut dénaturer notre initiative. Nous vérifierons votre texte sur le plan du droit, Monsieur Unger. Mais lorsque vous allez jusqu'à prétendre qu'une caisse-maladie ne pourrait pas imposer, pour ses affiliés, le payement direct des factures, soit le système du tiers payant, en lieu et place du système du tiers garant dont on connaît tous les inconvénients qu'il comporte - vous savez que certaines personnes touchent l'argent, mais ne payent pas les factures - c'est absurde et ridicule. Le Conseil d'Etat se déjuge complètement. Mais rassurez-vous ! Comme il s'agit d'une initiative populaire, c'est le peuple qui aura le dernier mot !

M. Claude Aubert (L). En préambule, juste une petite information que je tiens des caisses-maladie elles-mêmes. Les caisses renâclent à la solution du tiers payant, parce que cela leur coûte 10% de plus, sachant qu'avec le système du tiers garant, 10% des factures ne sont jamais envoyées à l'assurance.

Cela étant dit, on a déjà discuté ici de la caisse-maladie voici quelque temps. D'autre part, chacun a sa solution pour la LAMal. J'y vois personnellement d'énormes avantages, vous en voyez les inconvénients. On ne va pas discuter de cela.

Ce dont je vais parler, c'est plutôt de la manière. Si, dans le texte de l'initiative, on a introduit des éléments visiblement contraires à la LAMal, la question est de savoir quel est le message que les initiants ont fait passer au public qui est venu la signer. Si vous apprenez qu'on propose des primes inférieures de 10% et que vous constatez un certain nombre d'avantages, il est évident que vous allez signer immédiatement cette initiative. C'est peut-être un procès d'intention que je fais, mais il y a probablement eu une évaluation coût/bénéfice au moment où l'on a su que cette initiative était contraire à la LAMal. On a néanmoins maintenu le texte. Pour moi, le problème est le suivant. C'est celui de la fusée et du satellite. Si l'on fait partir une magnifique fusée, on regarde la fusée et on ne voit pas le satellite. Le satellite, c'est en l'occurrence ce qui figure dans la deuxième partie de l'initiative, c'est-à-dire toute la question du maintien du service public. Vous voyez qu'il s'agit d'un texte extrêmement bien ciselé.

A notre avis, la première partie sur l'assurance-maladie fait partie de ce que l'on pourrait appeler une initiative jetable, parce que cela ne passera probablement pas au niveau fédéral. L'important était probablement, dans l'intention initiale, de faire passer la deuxième partie sur le service public.

Par conséquent, le parti libéral ne peut que regretter que l'on ait appâté le chaland par des arguments qui ne pouvaient pas tenir. Il faudrait faire attention à ce que les initiatives ne soient pas remplies, à l'avenir, de chausse-trappes. Le parti libéral refuse en l'occurrence le texte de cette initiative et ne sera pas d'accord avec la suite de la procédure.

Le président. Je vous rappelle que vous pouvez naturellement intervenir sur le fond, mais que le fond sera débattu en commission et que le sujet reviendra ensuite au parlement. Simplement pour que les choses soient bien claires !

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical a lu avec attention le rapport du Conseil d'Etat concernant l'initiative 119 et se joint à ses conclusions quant à la recevabilité de cette initiative. L'analyse politique qui vient d'être faite par M. Aubert m'apparaît particulièrement pertinente. Si nous devons effectivement nous prononcer sur l'aspect légal de cette initiative en commission législative, je me permets simplement, parce que j'ai été interpellé par M. Grobet, de lui faire quelques remarques pertinentes sur le fond de cette initiative.

Lorsque vous expliquez, Monsieur Grobet, que la LAMal est un objet désuet, je vous rappelle que c'est sans doute le système de financement le plus moderne d'Europe, qui a certes des défauts, mais qui est le plus récent et qui a reçu des prix européens tant ce système semblait bon. Cela dit, il présente des défauts et ces défauts doivent être corrigés.

Dans ce parlement, comme d'ailleurs dans d'autres débats publics, nous n'avons pas une idée cohérente du problème. C'est qu'il nous manque les aspects économiques, les flux financiers. Personne ne connaît les flux financiers qui sont liés à la LAMal. A ce propos, Monsieur Unger, je me suis permis de déposer une motion au mois de novembre, qui vous demandait précisément de faire état des différentes composantes permettant au Conseil fédéral d'augmenter les primes. Je l'avais fait à bon escient au mois de novembre, parce qu'il était alors évident que ce sujet allait devenir un sujet de fond au printemps suivant. Vous m'aviez alors répondu que vous disposiez de six mois pour répondre. Les six mois sont passés. Il eût été souhaitable, Monsieur le président, d'avoir cette réponse. Imaginant que je ne l'aurais point, j'ai redéposé une motion, qui est maintenant devant la commission des affaires sociales.

En première analyse, à la lecture des chiffres établis par votre prédécesseur, il apparaît de toute évidence que les flux financiers sont en faveur de l'Etat. Plus les tarifs fixés par la LAMal augmentent, plus le pourcentage prélevé sur les citoyens sert des prestations publiques. On comprend bien maintenant M. Grobet, qui voudrait faire une caisse unique, une caisse d'Etat. Cela deviendrait alors une nouvelle caisse, qui serait véritablement perceptrice d'impôt. J'ai rendu attentif ce Grand Conseil, lors de mon interpellation urgente d'hier, sur le fait que le refus du tarif médical a été imposé aux médecins privés par la médecine publique, afin que celle-ci puisse prélever davantage sur l'assurance-maladie. Il faut donc, pour que le parlement ait une vision claire de la situation, bien comprendre où va l'argent et qui reçoit en fin de compte les sous... J'entends M. Blanc parler des médecins. Le montant total que les médecins reçoivent chaque année à Genève représente 360 millions. Ces 360 millions n'ont pas varié, selon les chiffres du DASS. Par contre, entre-temps, l'assurance-maladie a augmenté de 400 millions, qui ont servi à financer toujours plus les hôpitaux, notamment les soins ambulatoires des hôpitaux, ainsi que de nouvelles prestations comme les établissements médicaux sociaux, soit à hauteur de 100 millions, ou les soins à domicile. Ce sont ces flux que vous devez, Monsieur le président, annoncer au parlement, afin que nous puissions entamer un débat sérieux et crédible. La LAMal étant devenue perceptrice d'impôt, nous devons avoir cette transparence. Dans ce sens-là, Monsieur Grobet, le débat que vous initiez est parfaitement sain. La solution, malheureusement, est parfaitement fausse.

M. Dominique Hausser (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... Pourquoi est-ce que ça coince, ce truc-là ? Je n'arrive pas à le régler...

Le président. Quelques secondes, Mesdames et Messieurs !

M. Dominique Hausser. J'ai un petit problème, car le sac de ma voisine est coincé sous mon banc ! (Brouhaha.)

Le président. Je vous adresse un avertissement, Madame Bolay !

M. Dominique Hausser. Excusez ce petit intermède ! Monsieur Froidevaux, entreprise privée, feu bleu, prétendument service public, j'y reviendrai en fin d'intervention, parce que je crois qu'il y a là quelques éléments importants.

Nous sommes aujourd'hui en train de débattre d'assurance-maladie pour la xième fois, c'est-à-dire à peu près chaque mois. Il y a quelques semaines, ce parlement a rejeté un projet de loi socialiste de caisse cantonale publique. Il est aujourd'hui confronté à une initiative qui, certes, présente quelques défauts, mais qui aboutira à un projet de loi totalement similaire après approbation par la population. Parce que la population est fatiguée d'entendre que les cotisations augmentent semaine après semaine, mois après mois ou six mois après six mois.

Tout le monde apporte des recettes. Ainsi, au niveau fédéral, l'UDC fait des propositions qui reviennent en gros à une médecine à trois vitesses. Le parti radical et le parti démocrate-chrétien formulent des propositions du type médecine à deux vitesses. Quant au Conseil fédéral, il débat longuement sur un certain nombre de propositions. Mais vous connaissez la structure du Conseil fédéral. Le résultat, ce sont de vagues emplâtres qui ne changent rien à la réalité. Nous avons aujourd'hui de nouvelles propositions. Le parti ouvrier populaire vaudois a déposé une initiative pour une caisse publique unique. Le parti socialiste fribourgeois a également proposé voici deux jours une caisse publique cantonale. Il y a même eu des propositions de caisse unique cantonale fribourgeoise. Je crois savoir que M. le conseiller d'Etat en charge du DASS a soufflé dans le creux de l'oreille de la conseillère d'Etat en charge de la santé publique fribourgeoise qu'il serait de bon ton de créer une caisse unique publique et romande en matière de soutien et de financement des prestations de santé publique. Il a l'air d'approuver... Mes oreilles ont donc bien entendu !

Ce qu'il est intéressant de relever dans tous ces projets, c'est qu'apparaît à chaque fois la nécessité de modifier la LAMal. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, la seule proposition concrète, qui sera votée en principe au mois de juin 2003, est celle qui vise à modifier la loi sur l'assurance-maladie et à donner des compétences en matière de politique de santé, en termes de coordination, au niveau fédéral, pour éviter des espèces de bricolages et des emplâtres en tous sens. C'est une initiative lancée voici cinq ou six ans par le parti socialiste...

Une voix. Ben voyons !

M. Dominique Hausser. C'est une initiative absolument cohérente qui répond à l'ensemble des problèmes que vous soulevez : 1. Transparence. 2. Règles uniques pour l'ensemble des caisses. Même si elles sont multiples, c'est quelque part une caisse unique. Et pour l'ensemble des citoyens contribuables cotisants du pays, sans aucune discrimination. 3. Elle permet enfin de déterminer des cotisations liées à la capacité financière des contribuables. Une majorité de la population est aujourd'hui convaincue que l'on ne peut pas se contenter, si l'on veut être solidaire, de payer sur la tête de son enfant, alors même que l'on n'est pas sûr de pouvoir mettre du beurre dans les spaghetti de son gamin les quinze derniers jours du mois.

Enfin, et c'est le dernier point sur lequel je veux revenir, dans la proposition qui est faite par l'Alliance de gauche dans son initiative, nous devons clairement séparer les deux chapitres, parce qu'ils traitent de deux points différents. Le deuxième point est important. Aucun bien public ne doit être aliéné sans l'accord du Grand Conseil. C'est clair. Nous devrons trouver une formulation idoine sur cet aspect. Concernant le volet caisse-maladie, il est vrai que certains correctifs devront être apportés. Lorsque nous avions proposé notre projet de loi, nous avions tenu compte des restrictions de la LAMal, mais nous devons accepter, sous réserve expresse d'un alinéa clairement contraire à la LAMal, cette initiative...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Dominique Hausser. Si vous ne m'interrompiez pas n'importe quand... Nous devons clairement accepter ce volet, sous réserve de ce point-là. Le peuple tranchera et vous devrez finalement accepter la loi que vous avez refusée.

M. Jean Spielmann (AdG). Par rapport à ce qui vient d'être dit, permettez-moi d'ajouter quelques arguments. Tout d'abord, à l'adresse du Conseil d'Etat. Lors du vote du projet socialiste et lorsque le Grand Conseil a commencé à discuter de nos propositions, le Conseil d'Etat nous avait déjà expliqué que celles-ci n'étaient pas conformes à la LAMal, car elles prévoyaient d'offrir des prestations différentes en fonction du statut de la caisse et des personnes qui devaient lui être attribuées. Il n'y a toutefois aucune violation de la loi fédérale dans le texte que nous déposons. Nous proposons uniquement des correctifs par rapport aux versements effectués par le canton en plus de ce qui se fait au niveau fédéral. Il y a en effet matière à modification.

M. Froidevaux a précisé tout à l'heure que l'on ne savait pas qui recevait l'argent, mais que l'on savait en tout cas qui payait. Nous savons qu'il y a, dans ce canton, 23 000 personnes qui ne sont pas en mesure de payer leur assurance-maladie. C'est l'Etat qui la paye à leur place. En plus de ces 23 000 personnes, 100 000 personnes touchent une subvention pour leur permettre de payer leur assurance-maladie. D'où notre réflexion, sur la base d'une analyse des lois mises en place au niveau fédéral et de ce qui existe déjà dans le canton de Bâle, concernant la création d'une caisse-maladie publique, qui aurait l'avantage, elle, d'éviter le payement des prestations des caisses-maladie via les assurés Nous n'avons effectivement aucun contrôle, M. Froidevaux l'a dit. On ne connaît rien des flux financiers de la LAMal. C'est tout à fait vrai, mais c'est aussi voulu. Ce n'est pas le hasard. Ce n'est pas pour rien que l'on a supprimé, au niveau fédéral, tout contrôle des caisses. On ne sait rien ni au niveau statistique, à propos du nombre de membres, ni au niveau des flux financiers. Le canton, ses contribuables, doivent verser de l'argent à ces caisses sans aucun contrôle, sans aucun retour, sans savoir quelles sont les réserves et sans savoir comment cela fonctionne.

Compte tenu de la situation, nous sommes partis d'un postulat simple, à savoir créer une caisse publique. Cette caisse publique ne serait pas uniquement chargée d'accueillir les mauvais cas, mais tous les cas, et elle aurait comme base légale ce qui a été mis en place à Bâle et qui est considéré comme conforme à la LAMal. C'est-à-dire un système qui ne permet d'augmenter les primes d'assurance que si elles sont inférieures de plus de 10% à la moyenne des primes des autres caisses. Voilà le postulat que nous présentons. Nous proposons aussi que cette caisse publique s'ouvre à tout le monde et qu'elle offre à tous, et d'abord à la collectivité publique, une transparence. Celui qui voudra obtenir un subside, ou qui bénéficiera de la gratuité de sa caisse-maladie, sera libre de faire comme il veut. Mais s'il choisit une caisse privée, il payera lui-même sa caisse-maladie. Ce n'est plus l'Etat qui la payera à sa place. Je trouve donc tout à fait logique d'aller dans cette direction-là au vu de la situation actuelle de la LAMal.

Eu égard aux discussions et aux interrogations du Conseil d'Etat, à l'analyse et à l'avis de droit qui ont été rendus au sujet de la caisse bâloise, aux avis de droit concernant les modifications légales en vigueur dans un certain nombre de cantons, nous sommes tout à fait à l'aise quant à l'adéquation de cette loi avec le droit fédéral. Il n'y a aucun problème et nous le verrons bien dans l'analyse de détail.

Pour le surplus, on nous fait un procès d'intention lorsqu'on prétend, notamment le Conseil d'Etat, que l'on ne sait pas si les gens avaient connaissance de ce qu'ils signaient. Permettez-moi simplement de vous dire que la question de tous ceux à qui nous avons soumis l'initiative, à l'occasion des premières discussions que nous avons eues lorsque nous avons proposé la création d'une caisse publique, était de savoir ce qui se passerait après, craignant que la loi ne soit modifiée par la suite compte tenu de la majorité actuelle du Grand Conseil. Partant de là, nous avons effectivement proposé la création d'une caisse publique, mais aussi voulu donner la garantie à ceux qui signaient l'initiative que cette caisse resterait publique et que son statut ne pourrait être modifié que par un vote populaire. Voilà le motif de l'adjonction de la deuxième partie, qui me semble tout à fait cohérente et qui complète la proposition.

Il vous faut en effet quand même accepter l'idée, Mesdames et Messieurs les libéraux, qu'il y a un risque, après avoir fait signer aux citoyens et aux citoyennes une initiative leur proposant une caisse publique et après que cette initiative a passé en vote populaire, il y a un risque que cette loi soit modifiée par la suite au niveau du Grand Conseil. Il y a un risque et vous le démontrez aujourd'hui dans le domaine du logement. Vous aurez cependant quelques déconvenues à ce sujet. Les gens comprennent vos manoeuvres visant à démonter les droits acquis par des votes populaires. Avec notre texte, nous proposons non seulement la création d'une caisse publique, mais aussi le moyen législatif de conserver son statut public sans que le parlement ne puisse le modifier. Il faudrait un vote populaire pour procéder à ce changement de statut. C'est tout à fait cohérent. Les personnes à qui nous avons expliqué cela l'ont très bien compris. Nous avons précisé à ceux qui n'étaient pas persuadés qu'il fallait signer l'initiative que la caisse resterait publique en raison de la deuxième partie de l'initiative. Ils ont compris et cela nous a permis d'argumenter à ce niveau-là.

Quant aux autres problèmes posés - je m'adresse ici au parti socialiste - lorsque nous avons lancé l'initiative, il nous a publiquement indiqué qu'il n'y avait pas besoin de la signer parce qu'il avait lui-même rédigé un projet de loi qui allait tout régler. On a vu comment le problème a été réglé, Messieurs les socialistes ! Je ne sais pas où en est la loi, mais rien n'a été réglé pour le moment. Vous nous dites maintenant d'attendre parce que le parti socialiste est en train de lancer une initiative au niveau fédéral, qui contient tout ce qu'il faut pour changer les choses, et qu'il faut lui faire confiance pour aller de l'avant. Je vous rappelle simplement, Mesdames et Messieurs les socialistes, que vous aviez déjà déposé une initiative fédérale sur les caisses-maladie. Au moment où la LAMal a été mise en place, vous ne l'avez même pas défendue. Si nous avons aujourd'hui la LAMal, c'est aussi parce que les socialistes et les représentants socialistes au Parlement fédéral et au Conseil fédéral ont préféré la LAMal à l'initiative socialiste ! (Protestations.)Venir aujourd'hui expliquer à la population que nous avons la solution parce que nous déposons une initiative, c'est tromper les gens. Ceux-ci commencent à comprendre ce double langage. Nous n'avons pas de solution, mais nous proposons un texte légal. Le peuple se prononcera là-dessus. Avec nos propositions, le peuple a au moins un avantage: il sait que nous n'allons pas le tromper en retirant nos propositions... (Brouhaha.)Nous nous battrons jusqu'au bout ! Il faut, aujourd'hui...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur Spielmann, s'il vous plaît !

M. Jean Spielmann. ...il faut aujourd'hui des changements dans le domaine des caisses-maladie. Il faut bien sûr modifier la LAMal au niveau fédéral. On peut difficilement le faire depuis ici, mais on peut créer une caisse-maladie de niveau cantonal. Nous avons voulu le faire par une initiative afin que le peuple se prononce et pour faire cesser ces hausses de tarifs des caisses-maladie, pour que cesse cette non-transparence et pour que M. Froidevaux obtienne quelques réponses sur la question des flux financiers. Lorsque tout cela sera public, on saura qui paye quoi, qui reçoit quoi et combien.

Je crois que la population serait bien inspirée de soutenir cette initiative. Nous avons pleine confiance dans la sensibilité des gens et nous espérons bien que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat mettront cette initiative en votation le plus rapidement possible. Cela permettrait de corriger une partie des erreurs actuelles des caisses-maladie.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Vous me permettrez d'intervenir sur la forme et non sur le fond, puisque c'est sur la forme que l'on nous demande de nous déterminer ce soir.

Le président. C'est ce que tout le monde devrait faire...

Mme Stéphanie Ruegsegger. L'initiative 119 traite de deux problématiques qui intéressent tous les Genevois ou une immense majorité d'entre eux, à savoir d'une part les primes des caisses-maladie et plus globalement les coûts de la santé, d'autre part le service public. Ces deux thèmes sont certes fort intéressants, mais ils n'ont rien à faire dans une seule initiative. Nous rejoignons donc les conclusions du Conseil d'Etat lorsqu'il constate qu'il n'y a pas unité de la matière. Pour ce qui est de la caisse-maladie, vous me permettrez de ne pas revenir sur le fond, puisque, je vous le rappelle, nous avons déjà eu l'occasion de débattre de cette problématique voici quelques semaines. Le parti démocrate-chrétien avait alors expliqué ce qu'il pensait de ce type de solution visant à réduire ou à endiguer les coûts de la santé. Nous aurons également l'occasion, d'ici quelques mois, lorsque cette initiative reviendra devant notre parlement, de tenir les mêmes propos à ce sujet.

Pour ce qui est de la forme du volet caisse-maladie de l'initiative, nous constatons que celle-ci n'est pas conforme au droit fédéral en de nombreux points, que ce soit sur l'obligation d'assurance des personnes au bénéfice d'un subside cantonal, que ce soit pour ce qui concerne le mécanisme de fixation des primes ou encore, entre autres, l'assujettissement des personnes actives dans notre canton, mais non domiciliées à Genève. Si l'on enlève tous les éléments qui ne sont pas conformes au droit fédéral, on constate que ce volet-là de l'initiative est totalement vidé de sa substance.

Pour ce qui concerne le volet service public, nous constatons également que l'amplitude du champ d'action de l'initiative est tellement vaste que cela en est totalement ridicule. Ce n'est pas sérieux. Ce volet-là de l'initiative reviendrait à bloquer toute évolution dans l'accomplissement des tâches du service public. Ce n'est tout simplement pas sérieux !

Je conclurai très rapidement en disant, au final, que ce soit en ce qui concerne l'unité de la matière, mais aussi pour ce qui concerne le détail des dispositions de l'initiative qui, pour l'immense majorité d'entre elles, ne sont pas conformes au droit fédéral, que l'on peut effectivement se demander, comme l'a fait le Conseil d'Etat à travers son rapport ou comme l'a encore fait M. Aubert lors de son intervention, s'il n'y a pas eu duperie des citoyens, qui, eux, étaient de bonne foi lorsqu'ils ont signé ce texte. Mais je n'ai absolument pas les mêmes garanties quant aux intentions de l'Alliance de gauche.

Le président. Le Bureau pense, compte tenu des neuf intervenants encore inscrits, qu'il est temps de clore la liste. Je mets cette proposition aux voix.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. David Hiler (Ve). L'Alliance de gauche a déposé un texte intéressant, qui propose deux choses totalement distinctes. La première est la création d'une caisse-maladie publique. Nous avons eu l'occasion d'en parler récemment. La deuxième est l'introduction d'un référendum obligatoire lorsqu'il y a, pour parler simplement, privatisation.

Ces deux idées ne nous sont pas du tout antipathiques. En revanche, nous entendons clairement qu'elles soient proposées séparément au peuple, de sorte que celui-ci puisse se prononcer dans les meilleures conditions possibles.

Nous avons constaté, toujours sur la forme, qu'un certain nombre de dispositions, concernant le volet caisse publique, ne sont effectivement pas conformes au droit fédéral. Mais nous estimons, en accord avec le Conseil d'Etat, qu'il faut simplement corriger le texte - j'imagine que c'est finalement le tribunal qui corrige le texte dans ce genre de cas - et le soumettre au peuple, de sorte que nous ayons, sur le principe, et non pas sur les modalités d'organisation, une réponse.

En revanche, le deuxième volet méritera à notre avis une approche plus politique, dans la mesure où la portée exacte de ce texte doit être bien explicitée. S'agit-il vraiment d'introduire le référendum obligatoire lorsqu'il y a privatisation ou s'agit-il d'introduire le référendum obligatoire lorsqu'il y a transfert entre l'Etat et des fondations de droit public ou des entreprises autonomes ? La deuxième démarche nous paraîtrait inutilement lourde.

La démarche que nous proposons donc à ce stade est de scinder l'initiative et d'essayer de sauver tout ce qui peut l'être, de sorte à formuler deux propositions que le peuple puisse trancher.

Sur le fond, je vous rappelle ce que nous avons pu dire concernant les caisses-maladie publiques. C'est un tout petit élément de solution. Il faut bien l'admettre, la discussion doit avoir lieu à propos des cotisations. Cela se fixe au niveau fédéral. Est-ce que ces cotisations sont pondérées en fonction du revenu ou non ? Tant que cette décision n'est pas prise - nous sommes pour la pondération en fonction du revenu - je ne pense pas qu'il y aura une grande amélioration. Il n'est en revanche pas inutile d'avoir un intervenant public dans un tel marché, et surtout dans un marché pareillement administré.

Sur la deuxième question, à partir du moment où le peuple a souhaité que toutes les décisions en matière fiscale soient automatiquement soumises en votation, je ne vois pas pourquoi des décisions majeures, telle que la privatisation d'un établissement public autonome, ne le seraient pas. En revanche, s'il faut organiser un référendum obligatoire pour une cession d'actifs de l'Etat de Genève aux TPG, je me permets de dire que cette démarche nous paraîtrait inutilement lourde. Il faut donc, à notre sens, essayer d'arriver à un contre-projet. Mais nous pensons, et ceci est fondamental, que lorsqu'une initiative est mal rédigée ou pose des problèmes de rédaction, l'action du parlement, comme l'action du Conseil d'Etat, doit être de faire le mieux possible pour que le peuple soit consulté sur les deux objets.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet d'initiative de l'Alliance de gauche ressemble effectivement à grands traits à celui du parti socialiste. Le débat sur la notion populiste de caisse cantonale a déjà eu lieu. Je rappelle que l'UDC était à l'époque le seul parti au niveau national à s'opposer à la LAMal, dont M. Grobet a le grand mérite de reconnaître la faillite. M. Grobet a commencé son intervention en vantant les systèmes européens, dont on sait que certains sont en voie de délabrement avancé, tel que le National Health Service, ou le système français qui commence à péricliter. Ce qu'il nous propose finalement, c'est une caisse de plus et non pas une caisse nationale. Je ne vois donc pas très bien le rapport avec les systèmes européens.

Je rappellerai aussi ce qu'a récemment indiqué Mme Dreifuss par rapport à Tarmed : «Le principe d'une caisse cantonale a pour grand défaut de finalement faire augmenter les coûts, puisque la CNA, dans le cadre de la négociation sur la valeur du point, a relevé qu'elle avait négocié trop haut la valeur des points.» Je doute qu'une caisse cantonale, qui devra défendre à la fois le service public et les clients des caisses, osera négocier la valeur du point plus bas que les caisses privées.

En conséquence, le groupe UDC se rallie entièrement au rapport du Conseil d'Etat et le soutiendra.

M. Pierre Vanek (AdG). Sur la question de l'assurance-maladie, David Hiler a conclu son intervention en expliquant que le peuple devait avoir le dernier mot sur toute cette affaire. Il a parfaitement raison sur la faillite de la LAMal, sur l'idée d'une caisse publique unique et nationale avec des cotisations en fonction du revenu. Sur les limites de notre proposition, Christian Grobet a dit ce qu'il fallait dire. Quant aux allégations du député de l'UDC qui nous traite de populistes, alors que nous répondons, sur cette question, à un besoin d'une majorité écrasante de la population, elles ne méritent même pas de réponse.

J'interviendrai simplement sur deux ou trois choses concernant le deuxième volet de cette initiative, qui est, comme mon collègue Jean Spielmann l'a expliqué, évidemment lié au premier, puisqu'il s'agit de défendre les services publics. Nous en proposons en l'occurrence un, à savoir une prestation du canton de Genève en matière d'assurance-maladie, qui réponde, autant que faire se peut, aux besoins réels de la population. Nous avons proposé ce volet d'initiative, qui indique simplement, comme l'a rappelé David Hiler, que toute privatisation, toute forme que le gouvernement pourrait donner à telle ou telle privatisation, c'est-à-dire en les enrobant de sous-traitances, en les découpant en tranches de salami ou en procédant simplement à des cessations d'activités de service public, serait soumise à une votation populaire. Le député libéral qui est intervenu tout à l'heure, je crois que c'était M. Aubert, a voulu faire une démonstration en indiquant que la partie assurance-maladie était une partie «jetable» de l'initiative et que nos intentions profondes et cachées portaient en fait sur la défense du service public, que nous aurions voulu faire passer comme un satellite entraîné par la fusée ou la locomotive de propositions inapplicables sur l'assurance-maladie. Je crois que c'est à peu près ce que vous avez dit, Monsieur Aubert. Je vous vois opiner du chef pour confirmer mon diagnostic !

Mais écoutez, Monsieur Aubert, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce n'est pas du tout le cas. L'Alliance de gauche n'a pas besoin d'écrans de fumée ou de prétextes pour défendre le service public. Elle le fait à visage découvert depuis longtemps et elle l'a fait dans des cas qui tomberaient sous l'empire de cet article. Je veux par exemple parler de la cessation d'activités de la clinique de Montana, au sujet de laquelle un conseiller d'Etat de l'Entente, ici sur ces bancs, a défendu l'idée que cette cessation d'activités pouvait se faire sans aucune loi du Grand Conseil et sans que le peuple ne soit consulté. Nous avons dû batailler, à l'époque, d'abord pour obtenir que cette question soit soumise au Grand Conseil et ensuite pour qu'il se prononce. Une majorité de vos bancs s'est prononcée pour cette cessation d'activités. Nous avons dû, durant l'été, récolter des signatures pour obtenir un référendum là-dessus et on sait ce qu'il en est advenu. On sait que le peuple nous a donné raison et on sait que la clinique de Montana continue de fonctionner, heureusement, et à remplir un rôle médical et social parfaitement utile.

Sur la question des privatisations aussi, le même processus s'est produit sous l'empire du gouvernement monocolore, avec le Service des automobiles et de la navigation, où l'on nous a dit que ce n'était pas une privatisation, mais que ce n'était que la délégation pour vingt ou trente ans à une société privée d'une activité qui reste une activité d'Etat. C'était évidemment une privatisation. On sait les problèmes que la SGS, dont on nous vantait les énormes qualités pour gérer ce service, a rencontrés par ailleurs. Nous avons dû lancer un référendum et le peuple nous a donné raison.

Nous n'avançons donc pas à visage couvert, vous me l'accorderez, en la matière. Les opinions de l'Alliance de gauche sont connues. Nous pensons que les citoyen-ne-s ont le droit de se prononcer en dernière instance sur tout ce qui a trait à l'activité de la collectivité publique en matière de prestations publiques au sens large, qu'ils ont le droit de voir passer ces questions dans l'enceinte de ce parlement sous forme de projets de lois. Il n'y a aucune raison qu'il y ait un référendum obligatoire pour la moindre broutille en matière fiscale, mais qu'il n'y en ait pas un sur ces questions-là !

Maintenant, pour revenir au rapport du Conseil d'Etat sur cet aspect-là de notre initiative, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, on y lit des choses surprenantes. On y lit par exemple que notre texte serait compliqué, pas compréhensible, tordu. Vous avez dit qu'il avait été ciselé, Monsieur Aubert. On nous dit par exemple : «Faut-il inclure dans la liste des prestations publiques soumises à l'article 172 de l'initiative les seules prestations de puissance publique ou d'autorité ou faut-il avoir une vision plus large et étendre le champ d'application à l'ensemble des prestations offertes par la collectivité publique ?» Bien évidemment ! Il n'est pas question ici de prestations d'autorité. Nous entendons l'ensemble des prestations de la collectivité publique, de l'Etat, offertes à la population et pas seulement les prestations d'autorité et l'exercice de l'autorité publique par nos gendarmes, ou autres actes de ce type-là. Celles-là, vous n'entendez effectivement pas les privatiser.

Vous introduisez donc dans ce débat des incongruités et des problèmes soi-disant formels qui n'en sont pas. Les intentions de notre Alliance sont tout à fait claires en la matière. Le Conseil d'Etat, quant à lui, diffuse un écran de fumée. Je relève aussi d'autres considérations extrêmement surprenantes, où le Conseil d'Etat distingue la privatisation des moyens de production de la privatisation de la production d'une prestation publique. On voit, je vous invite à lire ce rapport pour ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas fait ou ceux de nos concitoyens qui ne l'auraient pas fait, on voit le type de subtilité jésuitique dans lequel une majorité de droite est prête à entrer pour procéder à des privatisations sans qu'il soit dit qu'elles en sont. De ce point de vue là, vous comprendrez que nous avons, si ce n'est «ciselé» l'article, du moins plus que précisé que toute privatisation ou toute cessation d'activités est soumise au vote des citoyens. Nous avons dû prendre quelques précautions, parce que l'on sait bien que vous n'allez pas procéder à des privatisations de front, mais que vous allez utiliser des méthodes plus...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur !

M. Pierre Vanek. ...subtiles et jésuitiques !

Le président. Vous devez conclure, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. Je finis ma phrase, Monsieur le président ! Cette crainte que nous avions est amplement confirmée par le rapport du même Conseil d'Etat sur notre initiative. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président. La parole est à M. Velasco... Je ne le vois pas, il n'est pas là. Je considère donc qu'il renonce. La parole est ainsi à M. Froidevaux.

M. Pierre Froidevaux (R). Je me permets de tordre le cou à une idée extrêmement répandue, qui consiste à dire que les flux de la LAMal sont véritablement opaques. Ils nous apparaissent à nous tous effectivement opaques. Mais je souhaiterais, Monsieur Spielmann, que vous relisiez la LAMal. Relisez l'article 23 ! L'article 23 fait obligation à tous les assureurs qui veulent fonctionner au titre de l'assurance-maladie de base, de donner toutes les statistiques nécessaires pour expliquer l'établissement des primes. L'article 21 de la LAMal prévoit spécifiquement - prenez note, car vous pourrez me répliquer juste après - l'article 21 prévoit spécifiquement, Monsieur Spielmann, que toutes ces informations sont transmises à l'OFAS et que l'OFAS interdit toute activité d'une assurance de base si elle n'a pas correctement répondu aux questions posées par l'OFAS. Dans l'hypothèse où l'OFAS ferait mal le travail - et M. Spielmann est là pour en rire - nous avons déposé en son temps une initiative cantonale permettant de donner les mêmes prérogatives au niveau du canton. C'est l'article 21A. Le DASS et M. Unger, comme son prédécesseur notamment, ont toute faculté pour exiger de la part des assureurs qui veulent déployer leurs activités à Genève, qu'ils transmettent toutes statistiques nécessaires à l'établissement des primes. Il est évident, chers collègues, que les assureurs, en tant qu'organismes privés, ne publient pas leurs comptes. Mais ils doivent les donner à un organisme neutre, l'Etat, afin que celui-ci sache dans quel sens va la politique de la santé. Lorsque vous cherchez à nous rassurer en nous proposant la création d'une caisse d'Etat, avec l'objectif de rendre les choses transparentes, c'est exactement le contraire qui se passe. L'Etat a déjà tout en main.

J'aimerais encore vous faire d'autres remarques, Monsieur Spielmann. Qui impose le tarif ? C'est le Conseil d'Etat. Qui contrôle les flux financiers ? Lorsqu'on examine la situation au sein du DASS, notamment à travers les établissements médicaux sociaux, on se rend compte qu'il n'y a aucun contrôle transversal. C'est un contrôle purement horizontal entre le chef du DASS et les différents services. Cela veut très clairement dire que l'Etat, et c'est là le grand défaut, ne joue pas son rôle d'arbitre dans la LAMal. Il est partie prenante. Il établit le tarif, il contrôle le tarif, il impose le tarif, il surveille le tarif. C'est là que nous devons reprendre notre leadership afin de connaître véritablement les flux. C'est dans ce sens-là que l'on doit travailler. M. Unger nous a dit que le parti radical n'avait pas de proposition à formuler, mais la proposition est simple, Monsieur le président. Donnez-nous ces chiffres, puisque vous avez l'obligation légale de les avoir ! Vous êtes le seul à Genève à pouvoir les exiger ! Aucun autre niveau, personne d'autre que vous ne peut les avoir. Donnez-les-nous et nous corrigerons à ce moment-là ! C'est dans ce sens-là que nous pourrons parvenir à une véritable solution, mais la vôtre ne fait qu'amplifier un système déjà mauvais !

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais simplement répondre à M. Froidevaux qui intervient pour expliquer à l'Alliance de gauche qu'elle raconte des histoires sur une situation opaque. Si les gens vous ont bien écouté et compris, vous exigez d'avoir des chiffres. Vous ne les avez donc pas. Vous citez les articles 21 et 23 de la LAMal, qui prévoient un contrôle, ainsi que l'article 21A que vous voulez concrétiser. Bien sûr que ce contrôle est prévu. Mais combien reste-t-il de personnes à l'OFAS aujourd'hui pour contrôler les caisses ? Que font les fonctionnaires de l'OFAS pour avoir une vision des chiffres et un contrôle sur les caisses-maladie ? Plus personne n'est capable d'effectuer ce travail. Plus personne ne le fait. Vous savez aussi bien que moi qu'il y a une opacité totale et qu'aucune caisse-maladie, contrairement à ce que vous venez de dire, ne donne ses chiffres, n'est capable d'établir un bilan et de le transmettre à l'OFAS, pas plus qu'au Conseil d'Etat. On ne sait pas, parce que les assurances ne veulent pas se plier à ce contrôle.

Partant de là, notre proposition est beaucoup plus simple. L'Etat paie les primes d'assurance-maladie à 23 000 personnes. Cet argent est versé aux caisses-maladie alors que ces caisses ne veulent pas de la transparence, ne veulent pas présenter leurs comptes, ne veulent pas respecter les lois, aussi bien l'article 21 que l'article 23. Si l'Etat le voulait, il ne pourrait même pas procéder à un contrôle, parce que les radicaux ont sabré le personnel à Berne, ce qui empêche l'Etat de fonctionner quand il s'agit de contrôler les bénéfices privés de vos petits amis, Monsieur Froidevaux, et principalement ceux des médecins, il faut le savoir.

Les gens ne sont pas stupides au point de ne pas remarquer que les primes d'assurance-maladie, si elles explosent, c'est parce que les caisses-maladie dépensent aujourd'hui peut-être plus d'argent pour faire de la publicité et attirer de nouveaux assurés. C'est une affaire publique et privée et une affaire de marché. A mon avis, il faudra à présent, contrairement, malheureusement, à ce qu'a dit Mme Dreifuss à la télévision le soir de l'acceptation de la LAMal, que le Suisse apprenne à faire son marché dans le domaine de l'assurance-maladie.

Nous voulons donc que la collectivité, que ceux qui paient des impôts sachent où va leur argent et imposent la transparence. Nous ne pourrons pas l'imposer aux caisses privées, car nous n'en avons pas les moyens, ni légaux, ni de contrôle. Vous le savez très bien et ce que vous dites est hypocrite, lorsque vous prétendez que le président du DASS doit disposer de ces chiffres. Cela fait des mois que des motions demandant la transparence ont été déposées. Et lorsqu'on l'exige, vous expliquez que c'est possible. Non, Monsieur Froidevaux, ce n'est pas possible, parce que vous avez coupé les ailes à tous ceux qui voulaient le faire ! Le seul moyen d'y arriver, c'est de créer une caisse publique qui soit sous le contrôle de la population, une caisse dont on connaîtrait les flux financiers et grâce à laquelle on connaîtrait ce que nous coûtent les médecins et les soins, ainsi que le coût de l'assurance-maladie. Voilà dans quelle direction il faut aller !

Maintenant, à Madame et Messieurs de l'UDC: j'espère bien que la population se rendra compte de ce que vous proposez, c'est-à-dire de n'assurer que le minimum. Avec de telles propositions, on se retrouvera très rapidement, s'agissant des assurances sociales, au plancher par rapport à ce qui se passe ailleurs. Votre proposition, vous le savez très bien, reviendrait tout simplement à démanteler totalement les assurances sociales. En vous entendant parler dans ce parlement, la population commence petit à petit à comprendre quelle est réellement votre politique. Vous prétendez ici défendre la population, mais ce n'est pas le cas. Ainsi, l'autre jour, quelqu'un s'est tout à coup étonné de ce que les conseillers d'Etat ne gagnaient que 270 000 F... Vos électeurs, les habitants de ce canton et ceux qui paient des cotisations maladie ont peut-être envie d'avoir d'autres représentants, qui posent de vraies questions, qui les défendent et qui défendent leurs intérêts, y compris dans le domaine social. C'est ce que nous faisons et ce que nous entendons encore faire.

Je veux encore simplement préciser au Conseil d'Etat et à ce Grand Conseil que l'Alliance de gauche ne se laissera évidemment pas faire par les arguties juridiques contenues dans le rapport du Conseil d'Etat. Nous porterons ce problème beaucoup plus loin. Je demande d'ores et déjà que l'on examine, en ce qui concerne la compatibilité des lois et la mise en place de cette initiative, ce qui se fait à Bâle, afin que l'on sache comment cela fonctionne et que l'on se rende compte des inepties contenues dans le rapport du Conseil d'Etat. S'il le faut, nous irons bien sûr jusqu'au Tribunal fédéral. Et je suis persuadé que nous aurons raison. De toute manière, le combat que nous menons ici pour une caisse publique et pour que cela change au niveau des caisses-maladie est un combat honorable et un combat qui doit être conduit, parce que la population en a assez de se faire gruger par tous les amis politiques que l'on trouve malheureusement en face de nous dans ce parlement !

M. Christian Grobet (AdG). Je fais maintenant ce que j'aurais dû faire en entamant ce débat et ce que j'ai demandé avec succès au Conseil national de pratiquer, à savoir que je déclare mes liens d'intérêt ! Je suis affilié à une caisse-maladie et je paie les cotisations sans disposer d'un quelconque pouvoir de décision. Mon lien d'intérêt s'arrête là ! Je ne représente pas les prestataires de soins et je n'ai aucun lien d'intérêt avec les organes de gestion des caisses-maladie. Que l'on soit clairs ! Je pense qu'il serait utile que chacun, dans ce débat, indique ses liens d'intérêt.

Ceci étant, j'aimerais dire à M. Froidevaux, qui connaît si bien toutes ces questions, que vous avez une piètre opinion de celui qui a si bien représenté votre parti pendant douze ans au Conseil d'Etat. S'il y a un magistrat qui a effectivement posé le problème de la surveillance et du contrôle des caisses-maladie, c'est bien Guy-Olivier Segond. Vous avez manqué ce soir une bonne occasion de vous taire dans ce domaine ! Et comme M. Spielmann l'a rappelé, les choses ne sont pas aussi simples que vous le prétendez. M. Unger, même s'il est là depuis peu de temps, pourra le confirmer.

Deuxième chose, Monsieur Froidevaux, il serait intéressant d'avoir plus de transparence du côté des caisses-maladie. Notre initiative en donnera l'occasion. Avec une caisse publique, qui comptera un grand nombre d'assurés, on obtiendra la transparence. Actuellement, il y a malheureusement une opacité totale du côté des prestataires de soins. Nous aimerions bien que ceux-ci rendent publics leurs comptes et que l'on sache exactement quels sont leurs revenus. Ne parlez pas, Monsieur, de déclarations fiscales, parce que vous savez aussi bien que moi que Mme Calmy-Rey n'a pas le droit de transférer à l'organe de surveillance les déclarations fiscales des prestataires de soins !

Maintenant, j'en arrive au fond du problème qui est ce soir, comme l'a rappelé notre président, la question de la recevabilité sur le plan formel de cette initiative. Cela fait longtemps que je siège dans cette salle et chaque fois que la gauche propose des solutions novatrices, la droite prétend, comme par hasard, que ces solutions se heurtent au droit fédéral. Je ne peux rien garantir. En tant que juriste, je serai peut-être un peu plus prudent que mon camarade Jean Spielmann, qui a cependant une bonne connaissance des réalités de la vie, mais je rappelle simplement que nous avons dû en maintes occasions aller jusqu'au Tribunal fédéral pour faire reconnaître qu'une initiative était compatible avec le droit fédéral, que ce soit pour la protection des locataires, pour les problèmes d'aménagement du territoire. Nous le ferons cette fois encore, faites-nous confiance ! Dans ce cas particulier, si votre intention est, comme Mme Ruegsegger le laisse entendre et comme le Conseil d'Etat l'indique aussi, de vider cette initiative de sa substance, nous irons jusqu'au Tribunal fédéral et nous verrons.

A ce sujet, j'aimerais préciser, puisque l'on va jusqu'à prétendre que nous invoquons deux choses différentes dans cette initiative, que la constitution de notre canton prévoit, en matière d'initiative constitutionnelle, deux formules, la révision totale ou la révision partielle de la constitution. Si l'on admet la révision partielle, cela signifie que l'on peut simultanément modifier divers aspects de la constitution. Contrairement à ce que le Conseil d'Etat a le culot de déclarer, nous n'avons rien caché aux citoyennes et aux citoyens dont nous avons sollicité la signature. Il est vrai que le PDC n'a pas l'habitude de récolter des signatures, ni d'ailleurs le parti radical et le parti libéral. Pour nous, c'est une habitude. C'est un peu une constante. Vous l'avez vu et vous le verrez encore dans quelques jours.

Ainsi, lorsque nous avons récolté des signatures pour notre initiative, nous avons clairement expliqué qu'elle poursuivait deux objectifs. Je peux vous dire que beaucoup de citoyennes et de citoyens ont signé l'initiative en raison du deuxième objectif. Il n'y a aucune ambiguïté à cet égard, Mesdames et Messieurs ! Si vous lisez le titre... Quel est le titre de l'initiative, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque vous êtes les deux derniers Mohicans présents ? C'est une initiative populaire «pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et la défense du service public.» Et l'on a le culot de dire que nous avons lancé une initiative en cachant le deuxième volet ! (Brouhaha.)

Dans l'exposé des motifs, si vous voulez bien en lire la fin... Je vous donne le texte, Monsieur Unger ! (L'orateur se déplace jusqu'au banc du Conseil d'Etat.)Vous ne l'avez pas lu, mais vous êtes excusable, car vous n'avez certainement pas signé l'initiative ! A la fin de l'exposé des motifs, il est clairement mentionné les raisons pour lesquelles nous avons introduit ce second volet. C'est pour éviter qu'une majorité de droite liquide cette initiative en catimini avec un projet de loi, une fois que le peuple aura créé la caisse publique, comme vous êtes en train de le faire avec la LDTR. Nous avons donc introduit ce référendum obligatoire pour les services publics et évidemment pour l'ensemble des caisses d'assurances sociales par cohérence.

Vous dites que l'on va trop loin...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. C'est parce que vous avez recouru à des astuces, comme dans l'affaire du Rhuso, qui voulait dépouiller le peuple de ses pouvoirs, c'est parce que vous avez recouru à des astuces que nous avons voulu être précis dans notre texte. Mais que celles et ceux qui s'inquiètent, comme Mme Ruegsegger, que cela aille trop loin, se rassurent: nous nous situons bien en deçà de ce qui se passe en Suisse alémanique, où l'on va jusqu'à élire devant le peuple certains fonctionnaires et où des référendums obligatoires sont organisés pour des choses bien plus modestes.

J'aimerais conclure en précisant que nous ne sommes pas dupes de ces arguties juridiques. C'est ce conservatisme qui vous marque sur les bancs d'en face, qui ne voulez pas de solution nouvelle. Nous en avons vu une démonstration récente ce matin, Mesdames et Messieurs: puisque les PDC et l'UDC nous font la leçon...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Grobet, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Christian Grobet. ...sachez que le PDC et l'UDC, ce matin, à Berne, ont refusé l'initiative pour le droit des invalides, qui a heureusement été approuvée par la gauche... (Brouhaha.)

Le président. On n'en est pas là, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. ...et cette fois-ci avec les radicaux ! Bravo !

Le président. La parole est au Conseil d'Etat. Monsieur Pierre-François Unger, vous avez la parole, mais, s'il vous plaît, ne mettez personne en cause, sinon cela va relancer le débat !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Vous imaginez bien que le Conseil d'Etat n'entend mettre personne en cause, puisqu'il souhaite, dans dix minutes...

Une voix. Plus fort !

M. Pierre-François Unger. Si vous pouviez monter un peu le volume du micro, Madame la mémorialiste, celui de ma voix étant à la limite... Nous entendons, disais-je, avoir conclu ce débat dans dix minutes de manière à ce que cette initiative puisse suivre son cours.

Permettez-moi, pour tous ceux qui, sans s'y ingénier, ont contribué à brouiller le débat, de rappeler quelques éléments pédagogiques. Par décence pour les anciens députés, disons que c'est pour les nouveaux !

Le traitement d'une initiative impose deux étapes. La première est celle d'une analyse juridique, la deuxième, qui est la prise en considération, est celle d'une analyse plus politique. Sur le plan juridique, il faut relever tout de même que, dans le paquet de ce que l'on appelle la recevabilité formelle, l'initiative respecte beaucoup de choses. Elle respecte l'unité de la forme, puisque c'est une initiative formulée, elle respecte l'unité du genre, puisqu'elle est uniquement constitutionnelle et ne mélange pas deux ordres législatifs. Elle pose cependant pour nous un problème au plan de l'unité de la matière... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur, reprenez tranquillement vos documents ! L'unité de la matière dit quelque chose de très simple et qui tombe sous le coup du bon sens. Lorsqu'on pose une question au peuple, il doit pouvoir, sans ambiguïté, répondre par oui ou par non. En l'espèce, vous posez deux problèmes qui méritent, chacun d'entre eux, d'être posés, nous ne le contestons pas...

M. Christian Grobet. Nous non plus !

M. Pierre-François Unger. Mais une seule réponse par oui ou par non ne permet pas de répondre à plusieurs cas de figure, certains voulant peut-être la caisse publique, mais pas le deuxième volet, d'autres pas la caisse publique, mais surtout le deuxième volet. Raison pour laquelle nous vous proposons simplement de scinder la thématique en deux.

M. Christian Grobet. On est d'accord !

M. Pierre-François Unger. Eh bien, c'est déjà un bon point ! Vous voyez, avec un peu de calme, on avance !

Le président. On aurait pu économiser un long débat !

M. Pierre-François Unger. S'agissant de la recevabilité matérielle, qui est le deuxième point sur lequel on doit se pencher sur le plan juridique, l'initiative doit être conforme au droit supérieur. Le débat est à la fois juridique et un peu politique, je vous le concède.

Le premier volet de l'initiative, si l'on admet qu'il y en a deux, porte sur la création d'une caisse cantonale d'assurance-maladie, avec des difficultés qui ont été soulevées lorsqu'on a traité du projet de loi 8300 il y a deux mois. Nous reverrons sereinement en commission les dispositions qui sont franchement contraires au droit fédéral, celles qui pourraient peut-être être harmonisées avec une interprétation du droit fédéral. Il y en a cependant une, je vous le dis aussi simplement que je le pense, à savoir celle qui consiste à demander au peuple s'il veut une caisse publique, quels que soient les atours dont on aura dû la parer, qui est une question à laquelle on ne pourra pas se soustraire et à laquelle le Conseil d'Etat n'entend pas que nous nous soustrayons. Je reprendrai là, simplement pour corriger un peu l'interprétation d'un député que j'ai juste sous les yeux, mais que je ne nommerai pas de manière à ce qu'il ne puisse pas se sentir visé... (Rires.)Il estime que l'on prétend que les gens ne savaient pas ce qu'ils signaient. Ce n'est évidemment pas ce que l'on a dit. Ce que l'on vous a indiqué dans le texte d'explication...

M. Jean Spielmann. C'est pire !

M. Pierre-François Unger. Je ne sais pas pourquoi vous réagissez, Monsieur Spielmann ! On a juste indiqué que l'on ne savait pas s'ils l'auraient signée si les dispositions n'avaient pas été incompatibles avec le droit fédéral. Bref, votre sophisme était plaisant et nous l'acceptons volontiers !

Sur le fond, Mesdames et Messieurs, la caisse cantonale pourra être étudiée en commission. Cela a déjà été fait pendant plus d'une année avec le projet socialiste. Elle offre un avantage indiscutable, celui de la transparence. On ne va pas revenir là-dessus. Si j'ose dire, il n'y a pas photo à ce sujet. En revanche, il ne faut pas se leurrer sur la taille critique de ce que l'on obtiendra dans un canton comme celui de Genève, qui est un canton universitaire, à forte densité médicale, où les primes maladie sont élevées. On ne gagnera pas d'argent. On gagnera en transparence, mais pas d'argent. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai pris la peine d'écrire à tous mes collègues de Suisse occidentale, avec lesquels nous partageons une sensibilité en matière d'assurance-maladie qui nous distingue probablement d'une partie de nos collègues alémaniques, pour leur demander s'ils étaient d'accord - sachant que Genève a cette initiative, que les Vaudois en ont une autre et que les Fribourgeois ont une motion - s'ils étaient d'accord que nous travaillions ensemble à l'élaboration d'une caisse publique romande. Cette caisse offrirait l'énorme avantage de préfigurer probablement la future caisse suisse. J'en reviens au modèle CNA que j'ai toujours défendu et que je continuerai à défendre. On aurait au moins cette sensibilité romande. Je ne sais pas ce que seront les réponses de mes collègues, mais sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que je leur ai déjà écrit, pour que nous puissions aborder ce sujet lors de la prochaine réunion de la CRASS au mois de septembre. Je vous tiendrai bien entendu au courant de l'évolution de cette discussion.

Vous voyez que le Conseil d'Etat ne cherche pas du tout, s'agissant de ce premier volet, à éviter de poser la question au peuple. Le bon sens dit aussi: «In dubio pro populo.» Quand bien même il ne resterait plus grand-chose de la formulation de base, à l'heure actuelle, avec ce que vivent les gens automne après automne, nous ne pouvons pas soustraire au peuple la question fondamentale d'une caisse publique, et celui-ci répondra oui ou non. Je ne vois pas que l'on puisse se soustraire à cette obligation.

S'agissant du deuxième volet, sans non plus nommer personne, admettons tout de même qu'il y a quelque chose qui tient du capharnaüm. La sous-traitance du nettoyage des locaux dans lesquels nous sommes en ce moment serait examinée, d'après l'initiative, à pied d'égalité avec la privatisation d'un service public. Cela pose tout de même un petit problème. Aller devant le peuple pour demander si l'on peut changer, le cas échéant, de sous-traitant pour le nettoyage de ces locaux me paraît très honnêtement constituer un éventuel abus de démocratie. L'initiative ne définit pas assez clairement ce qu'est une activité relevant de l'Etat, d'un service public ou d'un établissement public autonome. Il y a trop d'interprétations possibles.

En outre, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative vous demande, à vous parlementaires, pour quelles tâches vous avez été élus. En effet, elle remet fondamentalement en cause notre organisation politique et particulièrement la délégation de pouvoirs que le souverain vous a consentie. J'y vois personnellement une forme d'attaque anti-parlementariste, qui provient d'habitude de milieux qui ne me sont pas très chers.

En revanche, là encore, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas du tout au fond de ce que vous proposez dans ce volet sur les services publics. Nous n'avons aucune objection, bien entendu, à ce que le Grand Conseil ait davantage voix au chapitre lors de transferts d'activités publiques, tant le sujet est sensible pour la population. Prenons l'exemple de la Poste ou de deux ou trois autres services publics, où, à travers le timbre ou le paquet par exemple, les gens recherchent une forme d'identité nationale. Et ils y ont droit. Je n'ai donc aucun état d'âme là non plus à ce que nous travaillions ensemble à mieux préciser ce que vous entendez par sous-traitance, privatisation, service public, établissement autonome. Dans ces conditions, il me paraît parfaitement possible, plausible et vraisemblable de définir un contre-projet qui puisse être soumis au peuple, sachant que votre parlement, puis le peuple pourront être amenés à opérer des choix clairs sur des sujets dont l'importance ne peut en aucun cas être niée à l'heure actuelle. (Applaudissements.)

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.

L'IN 119 est renvoyée à la commission législative.

PL 8752
Projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, René Ecuyer, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani, Jeannine De Haller, Jocelyne Haller modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (D 3 16)
PL 8753
Projet de loi de Mme et MM. Jean Rémy Roulet, Mark Muller, Pierre Weiss, Janine Hagmann, Gilles Desplanches relatif à la correction de la hausse des impôts due à l'harmonisation fiscale
PL 8756
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP-V) Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (D 3 16)
M 1458
Proposition de motion de Mme et MM. Stéphanie Ruegsegger, Pierre Weiss, Gilles Desplanches, Pierre Froidevaux, Jean-Marc Odier, Alain Meylan, Jean Rémy Roulet, Patrick Schmied, Jacques Jeannerat pour une analyse approfondie des répercussions de la LIPP V sur les différentes catégories de contribuables, notamment les familles et la classe moyenne (entre 60'000F et 140'000F de revenu imposable)
M 1459
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek, René Ecuyer, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani, Jeannine De Haller, Jocelyne Haller sur l'adaptation de la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) du 22 septembre 2000 (D 3 16)

Préconsultation

Le président. A l'unanimité des chefs de groupe et du Bureau, il a été décidé que chaque groupe disposerait de quinze minutes, avec plusieurs intervenants s'il le désire, pour s'exprimer. Le Conseil d'Etat également.

Avant de donner la parole à Mme Calmy-Rey, je salue notre ancienne présidente, Mme Reusse-Decrey, qui nous fait l'amitié d'être parmi nous ! (Applaudissements.)Elle s'apercevra vite que c'était plus facile sous son règne que sous le mien !

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. J'ai déclaré le 17 mai dernier, dans une interview, que le Conseil d'Etat entendait déposer un projet de loi au Grand Conseil avant l'été, projet de loi qui porterait sur deux axes. Le premier, pour lisser la bosse du barème B, car les couples mariés sont en effet pénalisés par le barème d'imposition, qui connaît une très forte progression pour la tranche de revenu imposable se situant entre 45 000 et 60 000 F. Ce phénomène est un héritage de l'ancien droit. Le deuxième, afin d'augmenter le montant déterminant pour les charges de famille, de même que les frais de garde.

Nous avons tenu nos promesses. Et même plus, puisque nous avons ajouté aux mesures annoncées celle de l'augmentation des revenus des enfants mineurs ou majeurs à charge.

En nous conformant aux exigences de la loi fédérale d'harmonisation, contraignantes pour tous les cantons, le canton de Genève a dû diminuer le nombre de ses déductions. Il a dû supprimer la déduction partielle des rentes AVS-AI, la déduction pour allocations familiales, mais aussi la déduction pour versement sur les carnets d'épargne des enfants, la déduction pour mariage, la déduction pour veuvage, la déduction pour frais de déplacement des enfants. Et nous devrons supprimer la déduction LPP à partir de l'année fiscale 2002. Le droit fédéral se traduit aussi par un changement important dans le calcul de la valeur locative des biens immobiliers. Je me souviens qu'une personnalité libérale très influente m'avait interpellée à l'époque par voie de presse, expliquant en substance que Mme Calmy-Rey ne pourrait pas faire autrement, avec l'harmonisation à la loi fédérale, que d'augmenter fortement l'impôt de tous les retraités... (L'oratrice est interpellée.)...M. Coutau !

Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous avons fait autrement. En faveur des propriétaires, nous avons assuré une réduction des éléments de revenus et de fortune de 4% par année d'occupation et nous avons limité la valeur locative à 20% des revenus bruts du contribuable. La situation des rentiers et celle des familles avec enfants a pu être améliorée grâce au rabais d'impôt, qui permet de bien cibler les modifications d'impôts sur des groupes de contribuables déterminés. En outre, étant donné qu'il suppose un avantage constant pour les contribuables possédant les mêmes caractéristiques familiales, son introduction a permis une baisse des barèmes bien plus importante que celle qu'aurait permise un système de déduction sur le revenu brut. Genève s'est donc beaucoup battu pour limiter les effets de hausse de l'impôt des contribuables dus à l'harmonisation à la loi fédérale. Le système du rabais d'impôt et la baisse des barèmes se sont montrés performants, puisqu'ils parviennent à limiter à 25% les contribuables subissant une augmentation d'impôt, 75% d'entre eux devant au contraire connaître des diminutions d'impôt.

Il est évident, Mesdames et Messieurs, que nous pouvons faire mieux. A l'époque, nous avons été limités par la contrainte que nous nous étions nous-mêmes fixée, à savoir celle de la neutralité financière. Finalement, nous constatons aujourd'hui que le barème B, c'est-à-dire celui qui s'impose aux couples et aux personnes mariées, corrige moins fortement que le barème A. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité présenter un projet de loi en faveur des familles et en particulier en faveur des familles de la classe moyenne.

Le projet de loi qui vous est présenté ce soir contient quatre modifications de la loi sur l'imposition des personnes physiques, qui conduisent à corriger l'impôt des familles. Tout d'abord, une modification du barème de l'impôt sur le revenu du couple - splitting. Le nouvel article de loi propose le lissage de la bosse dans l'idée d'élargir la phase de transition entre les taux qui définissent le splitting. La zone de passage entre les deux pôles du splitting est élargie à l'intervalle de 45 000-140 000 F de revenu imposable au lieu des 45 000-60 000 F aujourd'hui. La diminution d'impôt qui en résultera sera en moyenne de 322 F par contribuable. Elle ne touche que les contribuables imposés au barème B. Deuxième mesure, l'augmentation du montant déterminant pour la première charge de famille, qui passe de 4 500 F à 7 000 F. Troisième mesure, l'introduction d'une déduction pour frais de garde pour toutes les familles. A l'instar de la déduction actuelle pour les familles monoparentales, la modification de la prise en compte des frais de garde a un double effet. D'une part, elle met sur pied d'égalité les familles mariées ou concubines avec les familles monoparentales en matière de déductibilité des frais de garde de leurs enfants de moins de 12 ans, en accordant à toutes les familles les avantages consentis jusque-là aux seules familles monoparentales. En corollaire de cet ajustement, la déduction forfaitaire des frais de garde de 2 500 F, qui se trouvait dans le rabais d'impôt, disparaît. Quatrième mesure, l'augmentation des montants de revenus des enfants mineurs ou majeurs. Nous avons souhaité, avec cette modification, doubler les montants de revenus pour les enfants mineurs ou majeurs. Ces montants constituent les critères de définition de la charge de famille et n'ont pas été adaptés depuis des années. Ils passent de 6 800 F pour une charge entière à 13 600 F, et de 10 200 F pour une demi-charge à 20 400 F. Ces dispositions entreraient en vigueur avec effet sur l'année 2001.

De fait, le projet de loi propose des mesures transitoires pour 2001. Pour cette année-là, il s'agit non seulement d'améliorer le sort des familles avec enfants, mais aussi de faire en sorte qu'aucun dommage rétroactif ne soit infligé à quiconque, que les avantages consentis jusque-là aux familles monoparentales soient préservés, tout en assurant une faisabilité des modifications pour l'administration fiscale cantonale.

Les effets financiers de la loi sont une perte supplémentaire pour l'Etat, une moins-rentrée des recettes fiscales, évaluée à 40 millions pour l'année fiscale 2001 et à 50 millions pour l'année fiscale 2002. Ces évaluations sont fondées sur 186 000 contribuables et 60% de la masse fiscale. Ces chiffres doivent donc encore être majorés pour obtenir une évaluation plus réaliste.

Le projet de loi permet, pour les familles imposées au barème B, de diminuer leur imposition à revenu brut égal à partir de 40 000 à 50 000 F de revenu imposable. Pour les autres, elles sont protégées par le rabais d'impôt.

Le projet de loi du Conseil d'Etat cible les familles et favorise en priorité les classes moyennes. Je vous demande de bien vouloir le renvoyer en commission afin qu'il puisse être examiné par la commission fiscale.

M. Christian Grobet (AdG). Comme Mme Calmy-Rey vient de le rappeler, nous avons dû modifier voici deux ans notre loi sur les contributions publiques pour l'adapter aux exigences du droit fédéral en matière d'harmonisation fiscale, ce qui a eu pour conséquence la suppression d'un certain nombre de déductions, notamment pour les personnes âgées et pour les familles. Il y avait également une rectification de la valeur locative, qui touche directement les propriétaires qui seront à l'avenir un peu moins favorisés par rapport aux locataires. Mme Calmy-Rey l'a expliqué, c'était le minimum des minimums en vertu des exigences impératives du droit fédéral.

Toute cette opération avait été présentée, en tout cas ici, devant ce Grand Conseil et dans les rapports de la commission, comme devant être une opération blanche. Pas seulement en ce qui concerne les rentrées fiscales. Sur le plan global, il était prévu qu'il y aurait une petite perte fiscale, mais il ne devait pas y avoir d'augmentation d'impôts pour la plupart des contribuables, à revenus constants bien entendu, par rapport au système applicable précédemment. Or, de fait, il s'est avéré cette année que de nombreux contribuables ont eu une augmentation d'impôts. Certains, ce qui était tout à fait normal, en raison d'une augmentation de revenus, mais un certain nombre d'autres contribuables sans qu'il n'y ait eu une augmentation de revenus. On a parlé d'environ 25% des contribuables, ce qui n'est pas rien.

Y a-t-il eu une erreur dans la mise au point du système correctif adopté par le Grand Conseil voici deux ans pour compenser la suppression des déductions fiscales, ou est-ce que l'on a renoncé à procéder à certaines rectifications pour que certaines catégories de contribuables, plus particulièrement les familles avec enfants, restent dans une situation constante ? Je ne veux pas ouvrir ici le débat de savoir s'il y a eu erreur ou pas. Nous prenons acte des déclarations de Mme Calmy-Rey. Mais il est patent qu'il y a en tout cas des rectifications qui doivent être apportées si l'on veut que certaines catégories de contribuables ne subissent pas une augmentation d'impôts par rapport au système antérieur.

A ce sujet, nous saluons le dépôt du projet de loi du Conseil d'Etat, visant précisément une catégorie particulière de contribuables qui a effectivement besoin d'une rectification, à savoir les familles. Nous restons dans l'expectative en ce qui concerne les personnes âgées. Nous ne sommes pas toujours convaincus, Madame Calmy-Rey, que la situation est véritablement prévue pour l'avenir, mais nous ne demandons pas mieux que d'en être convaincus. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une motion, visant à ce que les experts puissent travailler avec des représentants qualifiés des différents partis siégeant au Grand Conseil. Je vous remercie d'avoir d'ores et déjà donné suite à cette demande. Pour nous, il est impératif que nous soyons absolument certains des implications de la réforme complémentaire qui nous est proposée ce jour. Nous ne pourrons pas voter la tête dans le sac. Je l'ai déjà dit lors de la dernière séance du Grand Conseil.

Je voudrais enfin demander le renvoi de notre projet de loi en commission, qui aura certainement eu le mérite de faire accélérer le dépôt du projet de loi du Conseil d'Etat. Nous demandions, du reste, que celui-ci le fasse pour le 15 août, et nous vous remercions là aussi, Madame Calmy-Rey, d'avoir fait diligence.

Je vous rappelle que ce projet de loi contient une clause essentielle, que nous avons fait figurer délibérément, à savoir que la réforme porte sur le même type d'approche qu'il y a deux ans et pas sur des réductions linéaires qui favorisent évidemment les hauts revenus par rapport aux petits. Deuxièmement, nous demandons que les correctifs entrent en vigueur pour les déclarations d'impôts de cette année, c'est-à-dire avec effet rétroactif. Si nous avons prévu cette clause dans notre projet de loi, c'est qu'il semblait - mais peut-être avez-vous été mal interprétée par la presse - que cela vous paraissait difficilement réalisable. Entre-temps, vous avez rectifié le tir en expliquant très clairement que vous étiez d'accord avec cette application à titre rétroactif - cela figure dans le projet de loi - nous y sommes également sensibles. Or, nous pensons que notre projet de loi a contribué à ce dénouement favorable, même s'il n'est que provisoire, puisque nous n'en sommes qu'à la présentation du projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous demandons que notre projet de loi soit renvoyé, au même titre que celui du Conseil d'Etat, en commission.

Mme Janine Hagmann (L). Erreur fatale, couac ou pas, parodiant Gavroche sur les barricades, j'aimerais dire: «Je suis tombée par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau, submergée de soucis, c'est la faute à Calmy» !

En effet, moi qui étais à la commission fiscale, fière et heureuse d'avoir voté à l'unanimité une loi fiscale novatrice, je suis vraiment tombée par terre, le nez dans le ruisseau, lorsque j'ai appris par la presse les soucis provoqués par cette loi. Avais-je été trompée ? Mal informée ? D'où venait l'erreur d'appréciation ?

Il y a quelques mois, Mme Calmy-Rey annonçait un scoop à la commission fiscale: elle réservait une surprise aux contribuables, qui s'appelait «GEtax». Il s'agissait d'un CD-Rom, très convivial selon l'appellation habituelle, qui permettait non seulement de remplir sa déclaration d'impôt, mais encore de prendre connaissance tout de suite du total obtenu par l'informatique. Et c'est là que les surprises commencèrent. Etonnement, stupéfaction, puis doute. Cette augmentation fiscale était-elle possible, réelle ? Le rabais d'impôt et sa neutralité promise étaient-ils un leurre ? En commission - souvenez-vous, Madame la présidente - les libéraux avaient tapé sur la table. Non seulement ils voulaient une neutralité globale, mais encore une neutralité par catégorie de contribuables, admettant, il est vrai, plus ou moins 2% de différence. J'entends encore notre très estimé collègue Nicolas Brunschwig vous dire: «Mais, Madame la présidente, vous savez que nous pouvons accepter 2% en plus ou en moins, mais nous voulons cette neutralité pour toutes les catégories.»

Vous nous dites maintenant que les revenus ont augmenté en deux ans. Mais heureusement qu'ils ont augmenté ! Nous nous en réjouissons tous ! Seulement, je me pose une question : lequel de vos experts a essayé de remplir le CD-Rom avec les chiffres de 99 ? Si un seul l'avait fait, il se serait rendu compte que quelque chose ne jouait pas avec le rabais d'impôt, puisque, à chiffres équivalents, le résultat ne l'était plus. M. Grobet a dit que 25% des gens avaient enregistré une augmentation d'impôt. C'est vrai, mais un contribuable sur quatre, c'est tout de même pas mal ! Je n'admets pas que l'on me réponde que c'est la faute à pas de chance si ceux qui appartiennent à une famille avec trois enfants, qui sont propriétaires et qui ont déposé 500 F sur le carnet d'épargne de chaque enfant, accumulent malheureusement les augmentations.

Je ne pense pas que ça va être votre fête ce soir, Madame la présidente, mais je vous assure que la lecture du total indiqué en bas du CD-Rom n'a pas permis à bon nombre de familles genevoises de faire la fête. Dépêchons-nous donc de corriger cela, car c'est bien d'une correction qu'il s'agit ! Renvoyons en commission tous les objets qui nous sont soumis ce soir, afin que la commission fiscale puisse les étudier à fond, avec des experts extérieurs, à qui elle demandera des renseignements précis.

Les libéraux ont été les premiers à réagir aux articles de journaux. Ils ont pondu un projet de loi qui devra aussi être étudié. Si bien que nous demandons à cette assemblée de renvoyer le tout en commission fiscale. (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). Lorsque nous avons changé de loi fiscale à Genève, nous ne l'avons pas fait simplement parce qu'il y avait des idées dans l'air. Nous l'avons fait pour répondre à une obligation extrêmement claire, qui était celle de l'harmonisation fiscale au niveau fédéral. Lorsque nous avons commencé nos travaux, et lorsque nous les avons finis, il y avait un certain nombre de choses que nous savions, notamment une qui vient d'être évoquée par Mme Hagmann, à savoir la question de la valeur locative. Nous savions que la loi fédérale était beaucoup plus rigoureuse que ne l'était auparavant la loi genevoise. Nous savions pertinemment aussi qu'un certain nombre d'éléments du revenu - les allocations familiales et un certain nombre de rentes - seraient taxés ou taxés différemment. J'aimerais quand même qu'on se rappelle que chaque groupe, à l'exception de l'UDC qui n'était pas dans cette enceinte, le savait ! Comme nous savions qu'un certain nombre de personnes allaient perdre et qu'un certain nombre de personnes allaient gagner.

Ce sont là les faits de base qu'il faut rappeler. Nous avions un système très différent de celui qui a été adopté par les Chambres fédérales. Cela nous a obligés à beaucoup plus de corrections que d'autres cantons. A partir de là, si vous connaissez un changement de système fiscal où il n'y a que des gagnants, vous me le présenterez ! Lorsqu'on change l'architecture... (L'orateur est interpellé.)Non, ça, ce n'est pas un changement de système fiscal, c'est un changement de barème, Monsieur ! Et comme vous le savez aussi, cela profite plus à certains qu'à d'autres.

Ceci dit, il est évident que lorsque vous n'avez plus la possibilité légale, par une décision des Chambres fédérales, d'opérer certaines déductions, vous allez à l'évidence avoir des gagnants et des perdants. Nous le savions quand nous avons commencé nos travaux et nous le savions quand nous les avons finis. Ce qui nous a été dit à l'époque, d'après les simulations présentées par le département, c'était qu'il y aurait plus de gagnants et que ce serait, effectivement, plutôt dans les classes de revenus les plus élevés que nous trouverions les perdants, mais pour des moyennes relativement faibles. C'est la situation telle que nous la connaissions.

Depuis lors, il y a eu une déclaration de Mme Calmy-Rey, expliquant que quelque chose n'allait pas dans ce système pour les familles. Je l'ai, pour ma part, lue attentivement dans la «Tribune». Ensuite, un certain nombre de docteurs sont venus se pencher au chevet du malade, comme toujours, avec des solutions miracles qu'ils avaient inventées dans les douze dernières heures, ce qui montre une créativité assez intéressante ! Nous n'avons pas voulu, à vrai dire, nous précipiter sur ce type de solutions. En revanche, je dois quand même constater que le passage des premiers chiffres et des premières données en commission fiscale a tout de même provoqué un malaise. Sur un échantillon de déclarations assez faible il est vrai, il semble que, si l'on applique la même méthode de calcul, nous obtenions effectivement les résultats qui pouvaient être prévus, c'est-à-dire un certain nombre de gens qui gagnent et un certain nombre de gens qui perdent. Le contribuable, lui, ne voit pas ça, parce qu'il y a bel et bien augmentation de revenus. Or, je ne suis pas sûr que nous ayons entièrement pris conscience du fait qu'il y avait, en adoptant le rabais d'impôt - qui est une formule que nous soutenons, soyons très clairs là-dessus - un problème dans la pente du barème fiscal. C'est-à-dire que pour des personnes qui améliorent légèrement leur situation, l'impact fiscal est assez fort, et c'est probablement quelque chose de discutable.

Maintenant, nous ne prétendons pas être de grands spécialistes de ces données, mais nous n'avons pas entendu - et ça, je m'en rappelle tout de même - malgré la qualité des intervenants, que ce soit M. Clerc ou M. Brunschwig, de véritables contre-propositions qui auraient permis de faire beaucoup mieux que le projet du Conseil d'Etat.

Ce qu'on est en train de nous demander, et que je trouve un peu gênant, c'est de corriger des erreurs qui, par ailleurs - et j'aimerais tout de même le signaler - ne sont pas avérées par les chiffres et ne sont plus reconnues par le département des finances, ni par les experts dont vous avez pu lire la prise de position dans la presse. Ils ont procédé à une démonstration sur un petit échantillon et ont expliqué qu'ils estimaient que leurs prévisions étaient justes.

Ce premier point pour dire que les deux motions qui demandent un rapport, au-delà d'autres mesures, soit la motion libérale et la motion de l'Alliance de gauche, doivent à notre avis être renvoyées aujourd'hui au Conseil d'Etat, sans plus de discussion en commission. En effet, quelle que soit notre couleur politique, nous sommes tous intéressés à connaître ce rapport. Mais il y a un bémol. Je vois mal comment nous aurons ce rapport avant la fin de l'année, puisqu'il faudrait effectivement pouvoir comparer les résultats attendus avec les résultats finaux.

On nous propose maintenant un certain nombre de mesures en faveur des familles. Nous souscrivons - à vrai dire en dehors de toute analyse sur le résultat et sur la neutralité ou non des mesures prises - à une augmentation de la déduction pour le premier enfant. Le système que nous avons retenu, c'est-à-dire - Monsieur Barrillier, je vous l'explique au passage - une déduction plus forte pour le deuxième, le troisième, le quatrième et le cinquième que pour le premier enfant, n'est pas un bon système. Il est intellectuellement peu défendable. C'est ici que la neutralité financière a pesé de tout son poids. Il faut changer ce système et nous pouvons le changer rapidement.

Le deuxième point, c'est que l'on n'a pas indexé les barèmes comme on aurait dû. Ainsi, lorsqu'un adolescent ou un jeune adulte gagne de l'argent, il fait perdre une possibilité de déduction à ses parents à partir d'un certain niveau de revenu. Là encore, il y a une certaine pingrerie, qui a des effets désagréables, il faut le reconnaître.

En revanche, faut-il aller beaucoup plus loin ? Faut-il revoir la courbe du barème B, celui des couples mariés ? Faut-il, sur la lancée, revoir celui du barème A ? Faut-il changer les taux d'imposition ? Sur ces derniers points, nous nous permettons de vous dire que nous aimerions être informés, car nous avons passé, la dernière fois, soixante ou quatre-vingts heures à étudier. Et il paraît que le parlement a mal fait... C'est possible, mais ce n'est pas certain à ce jour. Le fait de partir à l'assaut pour changer tout le système ne nous paraît pas constituer d'emblée une excellente chose. Nous sommes donc prêts à prendre des mesures ponctuelles, du moment que nous sommes certains d'en avoir les moyens. Quant à toucher à toute l'architecture du système, nous ne le ferons qu'avec des données complètes. Or, nous savons que nous n'aurons ces données qu'en fin d'année. En ce qui concerne notre doute sur le barème B, sur les modifications proposées, il peut être levé. En effet, sur ces questions, il faut bien le reconnaître, ce n'est que lorsqu'on a passé plusieurs heures avec une machine à calculer que l'on commence à avoir les idées plus claires, et pas avant.

En définitive, Mesdames et Messieurs, au stade actuel, nous sommes défavorables à la proposition du parti libéral, car nous ne voyons pas en quoi une baisse généralisée corrigerait certains effets pervers du nouveau système. Nous ne le voyons pas et nous n'irons donc pas dans ce sens. En ce qui concerne le projet de loi de l'Alliance de gauche, dont le grand mérite était de dire que le Conseil d'Etat allait déposer un projet... (Rires.)...nous pouvons estimer à ce stade qu'il a perdu quelque utilité, puisque le Conseil d'Etat a bel et bien déposé ce projet, quoi qu'on en pense. Mais nous savons comment cela se passe au parlement : personne ne retire jamais un projet de loi avant qu'il ait emprunté tout le circuit. L'Alliance de gauche fera la même chose que chacun d'entre nous, et ce n'est pas grave. En revanche, nous souhaitons travailler sur les propositions du Conseil d'Etat, lorsque celles-ci pourront être considérées sans référence aux erreurs éventuelles, constatées ou non. Dans ce cas, nous sommes prêts à aller rapidement de l'avant. Dès lors qu'il s'agit d'une remise en cause d'un système, cela nous paraît plus compliqué.

J'aimerais préciser pour finir que nous savions, tous les partis savaient, qu'il y avait une distribution sociale différenciée parmi les gagnants et les perdants. Au moment où tout le monde crie haro sur le baudet, nous sommes, en ce qui nous concerne, tout de même très contents d'avoir monté un système qui n'a pas péjoré la situation de gens qui ont déjà bien assez de difficultés comme cela dans la vie. Ce point-là, nous l'avons obtenu par le rabais d'impôt et nous y resterons fidèles. Pour le reste, tout est question maintenant d'analyses et d'études. La précipitation dans ce domaine serait aussi grave que la précipitation dans la communication de Mme la conseillère d'Etat. Ses effets seraient tout aussi négatifs.

M. Robert Iselin (UDC). Je suis trop jeune dans cette enceinte pour savoir si ce parlement a souvent l'occasion de se prononcer sur des affaires dans lesquelles l'esprit de justice doit prévaloir avant tout. Mais il est certain que dans le problème qui nous occupe aujourd'hui - à savoir quel soutien économique est-on en droit d'exiger des citoyens vis-à-vis de leur Etat, de leur République ? - il incombe que cet esprit prévale de la manière la plus étendue possible. Or, cela ne semble pas être le cas.

Le projet de loi qui nous est soumis, certes, cherche à protéger, à épargner les familles avec enfants, les relativement jeunes et les plus jeunes encore, qui sont au début de leur ascension économique. C'est bien dans l'esprit de cette Cité. Les nouvelles générations sont l'avenir de notre société, et elles doivent être soutenues autant que faire se peut.

Aussi, le projet qui nous est soumis se préoccupe-t-il principalement, je dirais même uniquement, de cette classe de nos concitoyens. Voyez sur ce point les correctifs apportés par l'article 7, soit les déductions pour frais de garde des enfants, et par l'article 14, alinéas 3 et 5 de la bientôt fameuse LIPP V.

L'UDC n'a rien à objecter à ces mesures qui encouragent une institution, pilier de notre société, qui nous est chère, la famille. Par contre, une tranche de la population de ce canton semble avoir été complètement oubliée, en dépit de la neutralité de la loi garantie à l'époque de son introduction. Il s'agit d'une certaine section des contribuables, à savoir tous ceux d'entre nous qui ont dépassé l'âge de 65 ans, c'est-à-dire ces citoyennes et citoyens qui, pour la plupart, vivent de pensions qui ne sont que peu ou pas du tout adaptées à l'évolution du coût de la vie. Ce sont eux qui, par un travail acharné, ont créé en un bon siècle, et plus particulièrement depuis cinquante ou soixante ans, l'armature et la prospérité helvétique que le monde entier nous envie. Ce sont eux qui, à la sueur de leur front, ont créé la Suisse moderne. Ce sont eux qui ont élevé ces enfants, parfois jusqu'à 4, 5, 6 ou plus, qui, grâce à l'éducation reçue, peuvent prospérer et vivre une vie meilleure que celle de leurs parents. Et maintenant, ce sont eux - du moins est-ce l'impression que laisse la loi et les commentaires qui nous sont soumis - qu'on oublie et qu'on considère, excusez l'expression, comme des serfs, taillables et corvéables à merci ! Car ces concitoyens et concitoyennes-là ne peuvent plus se défendre en changeant de place de travail ou en se recyclant ! Un plaisantin de mes amis m'a précisé : «Sauf à entrer au Grand Conseil» ! Ils ne peuvent plus augmenter leur charge de travail, car ils n'en ont plus la force, ni d'ailleurs l'occasion. Et ils ne peuvent plus émigrer vers des cieux plus cléments, car ils n'ont plus la capacité d'adaptation pour ce faire, et parce que leurs intérêts familiaux sont ici, sur place, et qu'ils ne veulent pas devenir des personnes déplacées, sans racines locales.

Celui qui vous parle a cherché à déchiffrer - je l'ai fait avec bonne volonté, aidé par quelques connaissances fiscales emmagasinées à l'université et affinées pendant quarante ans de vie professionnelle - les commentaires accompagnant la loi qui nous est proposée. Si je vous disais qu'une chatte, même si elle a fait trois ans de droit fiscal, n'y retrouverait pas ses petits, je n'irais pas trop loin ! Le moins que l'on puisse dire est que ces textes ne brillent pas par leur clarté et ne sont guère limpides. J'admets bien volontiers que je peux me tromper. Par contre, avant d'entériner un projet de loi qui semble boiteux et incomplet, je pense que ce Grand Conseil a le droit d'exiger que sa lanterne soit mieux éclairée. S'il ne parvenait pas à cette conviction, il ne remplirait pas sa fonction de législateur.

Il me paraît donc urgent et absolument nécessaire que la réforme envisagée soit examinée par des experts indépendants, qui devront travailler rapidement, en accord avec la commission fiscale, soit, mais qui devront examiner en tant que spécialistes fiscaux la portée de cette loi sur le plan politique, où elle se meut avant tout.

La majorité de l'UDC - je crois pouvoir le dire - est donc favorable à la désignation, sous une forme ou sous une autre, d'un expert par parti, d'un groupe qui sera chargé, le cas échéant d'entente avec la commission fiscale, d'examiner la portée de cette loi et les remèdes à y apporter, afin d'éviter un nouveau pataquès. Et qu'ils n'oublient pas, ce faisant, que les sociétés humaines qui ont illustré positivement l'histoire et qui sont demeurés des exemples pour les générations qui ont suivi, sont celles qui ont révéré et respecté leurs anciens, reconnaissant que les têtes blanches ont souvent une sagesse qu'elles n'ont pas encore. «Senatus populusque romanus», disaient les Romains de la République, «le Sénat et le peuple romain», marquant bien par là le respect qu'un Etat dont nous sommes encore les héritiers devait aux plus anciens de ses concitoyens. Malheur au peuple d'une république qui n'observe pas ce principe. Je vous remercie de m'avoir mal écouté !

M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous voici donc en face d'une véritable rafale de textes, que le groupe libéral va naturellement vous proposer de renvoyer tous ensemble à la commission fiscale.

Ce que disait tout à l'heure M. Hiler du sort qu'il faudrait réserver aux motions n'est évidemment pas faux, mais nous avons tous un certain sentiment d'urgence face à cette situation. Nous ne voyons donc pas vraiment l'intérêt d'attendre la fin de l'été, et à plus forte raison la fin de l'année, Monsieur Hiler, pour savoir ce que pense le Conseil d'Etat des causes et des effets, à plus forte raison s'il peut répondre à cette question en même temps que nous essayons de résoudre ces problèmes. Par conséquent, il vaut mieux que tous ces textes partent ensemble. Certains sont de trop, mais nous nous en apercevrons à la fin, cela n'est pas grave.

La deuxième remarque que je voudrais faire, c'est que nous sommes saisis, depuis deux jours, d'un texte très remarquable. Je dis qu'il est remarquable, d'abord parce qu'il émane du Conseil d'Etat et qu'il faut saluer l'effort fait par ce Conseil pour corriger les insuffisances de notre copie antérieure, ensuite et surtout parce qu'il a été fait dans des délais records. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas souvenir d'avoir vu un texte élaboré avec une telle vélocité par nos autorités. Il faut donc saluer l'administration et lui rendre cet hommage. Quand il le faut, elle le peut. Il faudra que nous nous en souvenions à l'avenir, lorsqu'on nous exposera que des difficultés techniques ou autres rendent improbables l'aboutissement d'un projet avant des lustres. (Rires.)

La troisième remarque que je voudrais faire, c'est que l'on n'a évidemment pas toujours le temps de faire court lorsqu'on va vite. Le résultat est pour le moins touffu. Quand j'observe que le projet que nous propose le Conseil d'Etat et que l'on nous invite, à juste titre, à traiter très rapidement, ne compte pas moins de 25 pages d'exposé des motifs, avec graphiques réservés aux initiés seulement, je me dis qu'il va falloir un très gros effort de préparation pour maîtriser la matière, si nous ne voulons pas commettre à notre tour des erreurs que nous devrons nous reprocher à nous-mêmes par la suite. Cela, vous en conviendrez, nous fâcherait. Par conséquent, quand je fais la comparaison entre la simplicité presque évangélique du projet libéral et la complexité du projet de l'autorité exécutive, j'ai une petite sympathie pour le projet libéral, pas seulement par adhésion naturelle, mais parce que, là au moins, on est à peu près sûr de ce que l'on fait ! (Rires.)

Cela a l'air d'être une galéjade, mais ce n'en est pas une, pour une raison très simple. La loi que nous avons adoptée, avec les assurances du gouvernement concernant la neutralité de cette loi dans ses effets, n'était pas destinée à procurer une nouvelle recette au canton. Si, pour obtenir un résultat neutre, il faut baisser le barème, c'est une simplification. Et le chiffre que nous avons retenu un peu au hasard ne semble nullement démenti par les statistiques que nous a présentées Mme la cheffe du département. En conséquence de quoi - nous l'avons déjà dit et je le répète ici - s'il apparaissait, à l'examen, que le projet de loi libéral favorisait trop de contribuables - et il suffit, pour que nous en soyons convaincus, que l'on nous fasse la démonstration qu'une partie seulement des contribuables ciblés est touchée par cette hausse d'impôts involontaire - nous serons d'accord de réduire à cette catégorie-là. Si on nous fait la démonstration, Madame la présidente du Conseil d'Etat, que le projet du Conseil d'Etat est meilleur et plus rapidement réalisable, nous pourrions nous y rallier. Mais nous avons un doute, parce qu'il tend à ancrer dans le marbre des textes qu'on ne peut plus jamais changer, notamment le système de rabais d'impôt dont M. Hiler est très content, mais qui ne nous a jamais fait très plaisir.

Nous allons donc voir ce qui se passe au cours des travaux de commission. Je voudrais rappeler ici, puisqu'on a beaucoup crié haro sur le baudet et autres mots peu gentils pour notre ministre des finances, qu'en ce qui nous concerne, parce que nous sommes libéraux, nous avons toujours eu une application très rigoureuse du principe de la présomption d'innocence. S'agit-il d'une erreur fatale ? S'agit-il d'une faute ? S'agit-il d'un propos délibéré, voire d'un traquenard ? S'agit-il de rien du tout, comme on nous l'a expliqué récemment, mais d'un rien assez coûteux ? Il faut bien le reconnaître, nous ne le savons pas, et nous n'allons par conséquent pas vous le dire aujourd'hui, Madame, étant donné l'amitié que nous vous portons. Nous nous bornons à réserver notre jugement sur ce point. Nous allons cesser d'écouter vos experts dans la presse, pour les entendre, eux ou d'autres, peut-être un peu plus détachés de leur copie, dans les travaux de commission. (Applaudissements.)

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le parti démocrate-chrétien, comme les autres groupes et de nombreux contribuables, a été choqué lorsqu'il a découvert à quelle sauce certains contribuables genevois étaient mangés avec le nouveau système LIPP. Vous me permettrez de revenir brièvement sur les deux ans de travaux en commission que nous avons menés au sujet de cette LIPP.

Durant ces deux ans, tout d'abord, nous savions sur quels éléments nous devions travailler et quelles contraintes nous avions pour mener à bien nos travaux, notamment la contrainte de la LHID. Invoquer aujourd'hui la LHID pour nous dire que c'est ce qui a mené à cette situation, n'est pas très honnête, car nous connaissions ces contraintes et nous avons mené, durant deux ans, des travaux qui visaient à une neutralité de la réforme pour chaque catégorie de contribuables. On nous avait garanti cette neutralité en vote final, et je vous rappellerai, Madame la présidente, que vous nous disiez encore, lors du débat en plénum, que la réforme était globalement neutre pour chaque catégorie de contribuables, sauf peut-être dans les marges. Or, il se trouve que ce ne sont pas les marges qui ont été touchées, mais le milieu, puisque c'est la classe moyenne, et notamment les couples et les familles, qui est pénalisée en priorité par cette réforme.

Le parti démocrate-chrétien avait voté une réforme neutre pour chaque catégorie de contribuables, et il entend que cette neutralité soit aujourd'hui garantie, d'où sa colère.

Je m'exprimerai ici sur la motion, mon collègue Blanc s'exprimera sur les projets de lois qui nous sont proposés. La motion, de l'Entente en l'occurrence, demande que soient connues les causes qui ont provoqué la situation que nous connaissons aujourd'hui, que des corrections soient apportées à cette situation et, enfin, qu'un bilan un peu sérieux et approfondi sur la LIPP soit fait. En ce qui concerne les causes, nous avons déjà eu une séance de commission au cours de laquelle le département, comme à son habitude, nous a fourni force tableaux - auxquels nous n'avons pas toujours tout compris, il faut l'avouer, tellement ils étaient obscurs - pour nous indiquer que cette réforme était en fait conforme à ce que nous avions voté il y a bientôt deux ans. Permettez-nous de vouloir poursuivre les travaux en commission, pour aller un tout petit peu plus loin, car, comme l'a dit Mme Hagmann, nous avons toujours des doutes sur la neutralité de cette réforme pour chaque catégorie de contribuables. En effet, en reprenant les chiffres de 1999, on arrive apparemment à des différences conséquentes. En outre, l'augmentation des revenus n'est en aucun cas une explication suffisante à cette augmentation d'impôts.

Quant aux corrections, le Conseil d'Etat nous propose aujourd'hui un projet de loi. Nous nous en réjouissons. Nous nous réjouissons également du fait que ce projet de loi propose des corrections en priorité pour les familles, car vous savez que le parti démocrate-chrétien est particulièrement attaché à la famille. Par contre, nous serons attentifs en commission à ce que la neutralité soit garantie pour chaque catégorie de contribuables, et pas seulement pour les familles.

Pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi est donc le bienvenu, mais il n'est qu'une mesure d'urgence... (L'oratrice est interpellée.)Non, non, tu auras encore besoin de parler, Claude, tu as d'excellentes propositions à faire tout à l'heure ! Ce ne sont que des mesures d'urgence. La motion demande d'aller un tout petit peu plus loin, puisqu'elle demande un bilan de la LIPP et notamment un bilan des conséquences du rabais d'impôt en général pour les contribuables genevois. La motion demande donc non seulement des correctifs d'urgence, un pansement, mais également un diagnostic plus complet de cette réforme, et je pense que ce sont deux projets qui peuvent évoluer en parallèle. Nous voterons bien évidemment le plus rapidement possible les mesures d'urgence, mais avec un travail sérieux en commission. Nous ne voterons pas à la hussarde. Et nous demanderons également que ce bilan approfondi de la LIPP soit fait.

Je terminerai juste sur la motion de l'Alliance de gauche, par rapport à sa proposition de réactiver la commission d'experts. Il me semble que cette commission a produit certains chiffres qui, aujourd'hui, ne sont pas vérifiés. Si nous repartons avec une commission d'experts, il serait peut-être bon que nous en revoyions la composition.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Mesdames et Messieurs les députés, avant de vous exposer les raisons qui poussent le parti socialiste à accepter les mesures proposées par le Conseil d'Etat, je profite de l'occasion pour affirmer qu'il est de notre devoir d'expliquer que l'impôt progressif est le moyen le plus juste pour assurer la redistribution des richesses. En effet, seul l'impôt direct prend en considération la capacité contributive, les moyens dont chacun dispose. C'est tout simple: les riches paient plus que les pauvres. Il faut que les citoyens et les citoyennes fassent le lien entre les impôts et les prestations de l'Etat. L'école qui fonctionne, les hôpitaux qui permettent de soigner chacun et chacune, les routes sur lesquelles nous roulons, les bus qui sont à l'heure, tout cela profite à toutes et à tous. Il faut comprendre que l'impôt direct est l'instrument le plus juste pour assurer ces prestations.

Mais venons-en au problème qui nous occupe aujourd'hui. Il y a deux ans, ce parlement a modifié les lois fiscales pour les rendre compatibles à la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. Cette loi a permis à notre canton de faire de l'ordre dans sa réglementation. En effet, nous savons toutes et tous que la baisse d'impôt est un argument électoral de poids, qui donne des illusions aux contribuables en faisant croire que leur vie sera meilleure si on diminue les impôts. Ainsi, chaque groupe politique veut introduire des déductions favorables à ses électeurs et à ses électrices, que ce soient les personnes âgées, les locataires, les propriétaires, les indépendants, etc. En l'occurrence, de nombreuses déductions incompatibles avec la nouvelle loi fédérale se trouvaient dans la loi genevoise. La loi fédérale a permis de supprimer les inégalités criantes qui découlaient de ce favoritisme électoral. En effet, on ne voit pas pourquoi un rentier AVS ne serait taxé que sur la moitié de son revenu, alors qu'une vendeuse élevant seule ses enfants est imposée sur la totalité de son modeste revenu.

L'entrée en vigueur de la nouvelle LIPP a donc diminué les possibilités de déductions ou les a introduites dans le rabais d'impôt. Presque toutes les catégories sociales se voient retirer certains avantages fiscaux. Ce qui peut provoquer une certaine grogne. Mais pour atténuer les effets de cette suppression pour certaines catégories de personnes, le département a introduit le rabais d'impôt.

Le rabais d'impôt favorise fortement les personnes à revenu modeste et constitue de ce fait un instrument de politique sociale juste, soutenu depuis toujours par le parti socialiste.

Cela étant, la cheffe du département des finances a annoncé, il y a quelques jours, que les déclarations d'impôt qui sont revenues jusqu'à présent laissent prévoir que les rentrées seront supérieures à ce qui avait été prévu. Elle aurait pu se taire et ne rien dire. Cela aurait évité que certains partis politiques ne s'engouffrent dans la brèche pour crier haut et fort que c'était injuste, avant d'examiner réellement la question. Elle a préféré jouer franc jeu, afin de pouvoir faire profiter de cette manne les personnes les plus touchées par le coût élevé de la vie, soit les familles avec des enfants à charge. Dans ce sens, Mesdames et Messieurs, la présidente vise juste. En effet, on sait qu'aujourd'hui le facteur le plus courant pour tomber dans la pauvreté est d'avoir un enfant. Notre société riche n'a pas encore réussi à proposer une politique familiale digne de ce nom. Toutes les mesures favorisant cette catégorie de la population doivent donc être saluées, car il s'agit de notre avenir à toutes et tous.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, nous avons été convaincus que les simulations proposées aux députés avant le vote de la nouvelle LIPP étaient correctes. Les raisons des rentrées fiscales supérieures aux prévisions découlent de plusieurs éléments qui ont déjà été expliqués. Je renonce donc à le faire.

Le groupe socialiste salue les propositions de modifications contenues dans le projet de loi du Conseil d'Etat. En effet, la modification du barème marginal du splitting permet d'atténuer des hausses d'impôt pour une catégorie de familles qui font déjà un grand effort pour la collectivité publique. L'augmentation du montant déterminant pour la première charge de la famille et l'introduction d'une déduction des frais de garde pour toutes les familles font partie des mesures de politique familiale exigées depuis longtemps par notre parti. En dernier lieu, il est également juste d'adapter les montants des revenus des enfants mineurs ou majeurs, car ce sont souvent les enfants de familles modestes qui gagnent déjà tôt leur croûte.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste sera partie prenante dans les travaux de la commission fiscale et y participera avec toute son énergie et sa compétence, pour que nous puissions soumettre le plus rapidement possible aux contribuables citoyens et citoyennes une loi fiscale tenant compte de la réalité des familles d'aujourd'hui.

M. Thomas Büchi (R). Lors de la dernière session, le groupe radical avait appuyé votre proposition, Madame la présidente, d'attendre votre projet de loi avant un renvoi en commission, et de ne pas statuer immédiatement et à la hâte sur les projets déposés soit par l'Alliance de gauche, soit par le parti libéral. Un des arguments que nous avions défendu à ce moment consistait à dire que le Conseil d'Etat avait bien plus de moyens que nous autres du Grand Conseil pour préparer un projet bien élaboré et bien étayé. Nous avions aussi indiqué qu'il ne fallait pas tirer sur le pianiste et qu'il fallait, s'il y avait une faute, plutôt contribuer à la réparer pour rétablir l'équité.

Nous avons reçu ce projet de loi voici trois jours. Comme milicien, ce n'est pas facile d'en tirer une synthèse, d'en comprendre toute la difficulté et de l'analyser au vu de l'imbroglio auquel nous sommes confrontés.

Nous avons quand même quelques doutes et une certaine perplexité par rapport aux experts qui ont commis la première faute. Nous osons espérer, Madame la présidente, que vous avez nommé d'autres experts pour vous aider à élaborer ce projet de loi !

Une voix. C'est nul ! Nul !

M. Thomas Büchi. C'est gentil ! C'est très gentil, Monsieur Hausser ! En l'état, nous allons donc nous limiter à souligner les objectifs du parti radical en matière fiscale.

Nous défendons tout d'abord une neutralité absolue du système genevois sur la base des directives liées à l'harmonisation fédérale. Nous voulons la poursuite d'une politique sociale objective sur le plan fiscal, mais surtout, nous ne voulons sous aucun prétexte alourdir le fardeau fiscal des classes moyennes, c'est-à-dire des artisans, des indépendants, des cadres, etc.

Que nous propose-t-on ? Conformément à votre promesse, votre projet de loi propose de corriger les hausses anormales constatées et de garantir la neutralité du dispositif. Or, il nous semble que vos propositions, en première analyse, favorisent les revenus les plus modestes et ne garantissent absolument pas que la classe moyenne, véritable colonne vertébrale de notre société, ne subira pas un préjudice, qui lui fasse payer l'entier de la facture.

Quant à la solution libérale... (Exclamations.)...qui nous paraît quand même avoir été déposée un peu hâtivement, elle a le mérite trompeur de la simplicité, avec sa réduction linéaire pour tous les revenus. Il n'est pas besoin d'avoir fait Sorbonne pour savoir que 2% de 1 000 F, cela fait moins que 2% de 1 million par exemple ! (Applaudissements.)

Une voix. Les libéraux aiment ce qui est simple !

M. Thomas Büchi. Surtout que les hauts revenus ne sont pas du tout touchés par le problème qui nous préoccupe. Alors notre proposition, la proposition radicale, c'est de fusionner les deux dispositifs pour atteindre la neutralité et l'équité.

Votre proposition de base, Madame la présidente, constitue un socle que nous approuvons. Mais il faut la compléter pour réparer l'injustice causée à la classe moyenne. Ainsi, le groupe radical propose de remédier à cette situation en modifiant le projet de loi libéral avec une réduction de 3%, au lieu des 2%, mais avec un plafonnement du revenu annuel à 150 000 F. Nous proposerons cet amendement en commission. (Brouhaha.)Ainsi, la parité sera rétablie à la satisfaction de tous. Voilà pourquoi nous proposons de renvoyer en commission tous ces projets de lois et surtout d'y travailler avec diligence, parce que les délais sont très courts. Nous y contribuerons du mieux que nous pourrons. (Applaudissements.)

Mme Marie-Françoise De Tassigny (R). Après tous les fiscalistes en herbe de notre enceinte, je ne me lancerai pas dans les questions de rabais d'impôt, 3%, 2%... Je remarquerai tout simplement que la constitution genevoise a comme première mission le soutien à la famille et que les familles se sont senties extrêmement touchées par cette nouvelle fiscalité. Elles nous ont interpellés. Je remercie Mme Calmy-Rey d'avoir enclenché une démarche très rapidement. Il est certain que la commission fiscale va la peaufiner, la pondérer, mais ce qui est très important, c'est que nous puissions tranquilliser le plus rapidement possible les familles qui, pour certaines, envisageaient déjà de quitter le canton ou même d'aller en France voisine. Je trouve vraiment déplorable, alors que le canton est en train de mettre en place une politique familiale, que nous soyons trompés par une fiscalité qui n'appuie pas les familles.

M. Claude Marcet (UDC). Je rappelle que nous sommes passés de la LCP à la LIPP en fonction d'un certain nombre de principes impératifs de droit fédéral. J'ai entendu un certain nombre de choses ce soir, mais j'aimerais tout de même rappeler...

Le président. Faites attention, Monsieur Marcet... Il y a la télévision et vous avez les mains dans les poches !

M. Claude Marcet. Je m'excuse ! J'aimerais donc rappeler un certain nombre d'éléments. Pour passer de la LCP à la LIPP, un certain nombre de mesures correctives ont dû être mises en place. Ces mesures correctives touchent la totalité des contribuables, peu ou prou, et ce dans toutes les classes. Dès lors que vous avez envisagé une neutralité globale, il est totalement illusoire de prévoir une neutralité classe par classe, car vous aurez, dans chaque classe, des éléments totalement différents, qui vont influer de façon parfois positive, parfois négative sur les impôts des contribuables précités. De toute manière, je tiens à remercier ici Mme Calmy-Rey, car je trouve qu'elle a eu l'honnêteté intellectuelle d'agir très rapidement dès qu'elle s'est aperçue d'un certain nombre de dérives à ce niveau-là. Je pense que la meilleure des choses que nous puissions faire, c'est d'aller dans le sens d'une étude approfondie de ce dispositif en commission fiscale, en n'oubliant pas une chose: si vous voulez la neutralité pour tous, nous allons vers une réduction massive des impôts en raison de ce qui précède.

M. Pierre Vanek (AdG). L'essentiel a été dit. J'aimerais juste revenir sur un ou deux points qui ont été évoqués par nos collègues libéraux. Mme Hagmann s'est félicitée de la promptitude avec laquelle le parti libéral aurait réagi. C'est certes vingt-quatre heures, semble-t-il, d'après les dates, après le projet de loi de l'Alliance de gauche qu'il a déposé un projet de loi sur cette question. C'était le 30 mai, mais il aurait peut-être été utile d'attendre le lendemain du 2 juin...

La qualité essentielle que M. Halpérin vante dans ce projet de loi, c'est sa simplicité évangélique. Effectivement, tout le monde comprend ce que signifie une baisse de l'impôt de 2%, non ciblée, une baisse pour tout le monde, une baisse pour les riches et pas pour ceux qui ne paient pas d'impôts parce qu'il n'y a rien à baisser, une baisse bien plus importante pour ceux qui sont bien plus riches. M. Büchi, avec un talent mathématique remarquable, nous a fait la démonstration sur le 2% d'un million et sur le 2% de 1 000 F, je ne la referai donc pas. Mais nos concitoyennes et concitoyens ont été capables, le dimanche 2 juin, de comprendre que l'on pouvait prendre, en matière de fiscalité, des mesures un tout petit plus fines que celles qui sont proposées par le parti libéral, des mesures comme celles qui sont contenues dans l'initiative adoptée par une majorité de nos concitoyens ce week-end-là. Ces mesures ciblent effectivement un certain nombre de catégories qui ont les moyens de contribuer un peu plus, des moyens aptes à répondre aux besoins de notre collectivité en matière de financement, notamment pour rembourser cette dette qui pèse de manière très lourde sur les épaules de nos concitoyens et sur les finances de la collectivité.

M. Halpérin a donc expliqué que le projet de loi libéral était d'une simplicité évangélique. C'est mal connaître l'Evangile - M. Blanc pourra intervenir sur cette question-là - parce que c'est un projet de loi qui favorise les riches et qui défavorise ceux qui le sont moins, et ce n'est évidemment pas là l'esprit de l'Evangile !

Quant au projet de loi de l'Alliance de gauche, il a des mérites certes limités, mais en tout cas le mérite de considérer qu'il faut atteindre les objectifs fixés par la LIPP, telle que votée, pour parvenir à une neutralité par rapport aux différentes catégories de contribuables, en opérant un certain nombre de distinctions et en jouant avec les instruments à disposition. Il a aussi eu le mérite évident de pousser le Conseil d'Etat, je le remercie encore de l'avoir fait, à aller rapidement vers des solutions que nous examinerons sur la base des faits, sur la base de l'étude de ces tableaux dont M. Halpérin disait qu'ils étaient abscons et que l'on pouvait difficilement les comprendre. Nous nous y attellerons pourtant et nous regarderons cela de plus près en commission fiscale.

Une dernière chose sur le projet de loi libéral, qui sera bien entendu renvoyé en commission. Il est évident que si la situation, on le vérifiera, est telle que décrite dans le rapport du Conseil d'Etat, c'est-à-dire qu'à revenus constants les trois quarts des contribuables ont bénéficié, avec cette LIPP V, de réductions d'impôts et qu'un quart d'entre eux - Mme Hagmann a insisté là-dessus en disant que ce n'était pas rien - ont vu leur situation se péjorer un tant soit peu du point de vue fiscal, vous m'accorderez, Madame Hagmann, Mesdames et Messieurs, que ce n'est pas en baissant de manière linéaire les impôts pour tout le monde que vous réglerez le problème de ce quart qui émerge et qui aurait, selon vous - c'est une question que nous examinerons, on trouve ces éléments dans le rapport du Conseil d'Etat - été maltraité par la révision fiscale votée par ce parlement. Ce n'est pas une réponse à la question, mais une réaction réflexe du parti libéral correspondant à son discours standard et traditionnel : «Il faut baisser les impôts de manière générale.» Sur ce point, Mme Roth-Bernasconi a eu raison d'intervenir. On entend systématiquement, du côté du parti libéral, des discours remettant en cause la progressivité de l'impôt. C'est un élément essentiel de justice sociale à laquelle nous sommes attachés et que nous défendons.

M. Pierre Weiss (L). Dans cette opération, je crois qu'il faut de temps en temps parler vrai. Il m'a semblé que les uns et les autres étaient empreints d'une compassion hypocrite à l'occasion... (Protestations.)Mais il faut quand même s'en tenir à une ligne de communication lorsqu'on essaye de communiquer. Sinon, on est pris dans ses propres rets. Cette ligne de communication a été très clairement indiquée dans l'excellent journal qu'est «Entreprise romande»... (Brouhaha.)...par Mme Micheline Calmy-Rey. Je la cite : «Enfin, je me dois de l'avouer: nous constatons aujourd'hui, avec la rentrée des premières déclarations, que nous n'avons pas évalué à sa juste mesure l'augmentation d'impôt qui touche les familles, insuffisamment protégées, même sous le régime genevois humanisé.» Ce n'est pas moi qui ai écrit cela, mais c'est un discours que Mme Calmy-Rey a prononcé à l'assemblée générale de la Fédération des syndicats patronaux. Je la remercie d'avoir dit ce soir-là une vérité. Malheureusement, dans les jours qui ont suivi, d'autres, mais pas elle, ont exprimé d'autres vérités. Et comme l'a relevé M. Hiler, mais aussi d'autres collègues, ces autres vérités ne coïncident pas exactement avec celle de Mme Calmy-Rey. Il s'agira donc, et c'est la première chose d'ailleurs que demandent les motions déposées par l'Entente et l'Alliance de gauche, il faudra donc que l'on sache quelle est LA vérité, et non pas une vérité, en la matière, et sur les responsabilités, et sur les causes, et sur les effets. On ne peut pas à la fois corriger quelque chose et n'avoir rien à corriger. On ne peut pas à la fois avoir plus d'argent qui entre dans les caisses de l'Etat et prétendre que l'Etat en perd. Il y a là quelque chose d'incohérent. Il faut sortir de cette incohérence et cela ne peut se faire évidemment par la seule lecture de ce projet d'une trentaine de pages du Conseil d'Etat.

Le deuxième point qu'il est important de relever, c'est que ce projet constitue, par rapport aux premières déclarations de Mme la présidente du Conseil d'Etat, une amélioration. En effet, on vise à permettre aux contribuables de voir l'augmentation pour l'année 2001 également annulée pour partie. On peut discuter des modalités. Néanmoins, en même temps qu'il y a une amélioration pour certains, on introduit pour d'autres une inégalité. Je vois là dans le projet du Conseil d'Etat un vice fondamental, qui est, pour les contribuables imposés à la source, l'impossibilité pour 2001 de voir leur impôt restitué. Il serait donc bon que le département des finances songe au moins, lorsqu'il sera moins pressé par les événements, à une solution d'amélioration, j'allais dire une solution des délais... On me souffle... Une solution des délais pour améliorer ce projet de loi ! Soit dit en passant, ceux qui accusent d'un excessif simplisme ou en tout cas de simplicité évangélique le projet libéral lui reconnaîtront le mérite, à lui, de ne pas être inégalitaire... (Rires et brouhaha.)Les citoyens, lorsqu'ils ont voté sur l'initiative libérale qui prévoyait et qui a abouti à une baisse d'impôt de 12%, ne l'ont pas trouvée inégalitaire. Tous ceux qui payaient des impôts ont vu leurs impôts baisser de 12%. Il n'y a pas eu une baisse de 12% supérieure pour ceux qui gagnaient 1 million ou 100 000 F et une baisse de 12% inférieure pour ceux qui gagnaient seulement 50 000 F. Seulement, il est vrai que certains ne payent pas d'impôts. Pour ceux qui ne payent pas d'impôts, je crois qu'il serait bon que M. Vanek n'oublie pas, par exemple, qu'ils reçoivent beaucoup de l'Etat. On ne peut pas à la fois ne pas payer d'impôts, vouloir que ses impôts baissent et en même temps recevoir de l'Etat des montants eux-mêmes en augmentation.

Nous sommes trop simples, nous dit-on. Je crois que le projet de loi du Conseil d'Etat, lui, est trop compliqué. Il est parfois même incohérent. Je trouve par exemple étonnant que l'on songe à augmenter la déduction pour frais de garde effectifs pour toutes les familles ayant un revenu brut de moins de 50 000 F. 50 000 F, c'est donc 4 000 F par mois. Il m'étonnerait beaucoup, à quelques centaines de francs près, mais je suis probablement moins imprécis que les spécialistes de l'administration fiscale sur ce point, il m'étonnerait beaucoup que des personnes ayant un revenu de 50 000 F brut puissent en plus avoir des frais de garde. Il serait au contraire bon...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député ! Il vous faut conclure.

M. Pierre Weiss. ...que le montant de la déduction soit lui-même augmenté. Nous avons au fond eu, dans cette affaire, un détournement de loi au détriment des contribuables. Il est donc important de voter d'abord, c'est la position du parti libéral, une solution simple, égalitaire, qui s'applique rapidement pour l'année 2001 et l'année 2002 à tous les contribuables sans exception, à toutes les familles, voire aux contribuables au bénéfice du barème A, parce que nous ne sommes pas convaincus, dans la mesure où les déclarations d'impôts ne sont pas encore rentrées, que les contribuables du barème A ne soient pas affectés. On pourrait avoir d'autres surprises. J'imagine la mine contrite de celui ou plutôt de celle qui devra ce jour-là confesser d'autres surprises !

Le président. Terminez, Monsieur ! Terminez !

M. Pierre Weiss. Une phrase pour terminer, Monsieur le président !

Le président. Une phrase, je vous l'accorde !

M. Pierre Weiss. Une fois que nous aurons corrigé, par cette solution simple, le problème pour 2001 et 2002, il nous faudra songer à une modification profonde de la LIPP. Là, je regrette de devoir diverger d'avis avec David Hiler. Cela passera à notre sens par une solution d'esprit confédéral. Et l'esprit confédéral en la matière ne connaît pas le rabais d'impôt. Une fois de plus, on veut faire de Genève un «unicum». Nous sommes contre ces solutions qui ne s'appliquent qu'à un canton et pas aux autres.

M. Claude Blanc (PDC). Sur l'insistance de M. Vanek, je me dois de répondre à sa demande d'exégèse sur la simplicité évangélique. Je me rappelle avoir lu quelque part, à l'intention de M. Halpérin et de ses amis, qu'il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume ! C'était le préambule ! (Applaudissements.)Chameau, parce que Mme Calmy-Rey a souvent fait allusion à ce genre de quadrupède pour parler des effets de la LIPP V ! (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)C'est vrai, c'est un dromadaire, mais chameau il y a quelque part... (Rires.)

Ceci étant, Mesdames et Messieurs les députés, redevenons sérieux. Il a été dit beaucoup de choses ce soir sur les causes et les effets de la LIPP, sur les conditions dans lesquelles elle a été votée, sur les choses qui ont été exprimées, celles qui ne l'ont pas été, sur celles que l'on a comprises, celles que l'on n'a pas comprises. Nous l'avons tous votée, cette LIPP, avec des éléments qui nous ont paru suffisants.

Je vous rappelle, en ce qui concerne l'Entente, qui était minoritaire à l'époque, que le but de ses députés en commission fiscale, lorsque nous avons discuté des différentes lois fiscales LIPP, c'était d'obtenir le mieux possible. Car nous ne pouvions pas obtenir de la majorité des choses qu'elle ne voulait pas nous donner. Nous sommes finalement tombés d'accord, avec mon excellent ancien collègue Nicolas Brunschwig qui était un peu le fer de lance de l'Entente en commission fiscale, pour reconnaître que nous avions obtenu le mieux que nous pouvions obtenir et qu'il fallait nous en contenter. On s'aperçoit aujourd'hui de certains effets inattendus de cette réforme fiscale. Le Conseil d'Etat nous présente un projet de loi qui tend à corriger ces effets inattendus. Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le parti démocrate-chrétien a accueilli avec satisfaction la teneur de ce projet de loi. Il s'est même dit que nous aurions pu le présenter nous-mêmes, tellement il colle à l'idée que nous nous faisons de la fiscalité familiale et tellement il est conforme à la doctrine que nous avons toujours défendue en ce qui concerne la fiscalité familiale.

Il est bien évident, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet n'est probablement pas parfait. Il ne répond peut-être pas à toutes les questions posées par l'application de la LIPP V. Il en apparaîtra peut-être d'autres ensuite, que nous n'avons pas encore analysées aujourd'hui. La commission fiscale a déjà accepté de se saisir de ces projets rapidement, puisqu'elle a d'ores et déjà programmé des séances pendant l'été - je remercie M. Hiler d'en avoir pris l'initiative - de façon à ce qu'elle puisse terminer ses travaux suffisamment tôt. Cela permettra au Grand Conseil de mettre ce projet de loi sous toit, tel qu'il est ou amendé, lors de notre séance spéciale agendée le 29 août. De toute manière, il sera voté ce jour-là, de façon à être soumis au peuple dans les plus brefs délais et de façon à ce qu'il puisse encore entrer en vigueur cette année. Ainsi, les gens qui auraient été frappés d'une manière trop forte par la loi précédente pourront trouver satisfaction dans cette nouvelle loi. C'est pourquoi nous nous efforcerons de travailler le plus vite possible.

Je voudrais ajouter qu'il n'est pas sûr, je vous l'ai d'ailleurs déjà dit, que cette loi résolve tous les problèmes. Aussi souhaitons-nous proposer, lors des travaux de la commission, que cette loi soit assortie de la clause de loi expérimentale, une loi que l'on avait appelée à l'époque loi Unger. C'est une loi qui s'éteint d'elle-même au bout de deux ans, c'est-à-dire qui oblige le parlement à en mettre une autre tout de suite en chantier, de façon à ce que l'on puisse arriver à une solution définitive au bout des deux ans. Si nous n'y arrivons pas, nous pourrons toujours renouveler cette loi-là au bout de deux ans, mais il faut que nous nous imposions de reprendre la LIPP à tête reposée, si j'ose dire, parce que nous allons maintenant travailler dans l'urgence. Il nous faut le faire en introduisant cette clause de caducité au terme d'une période de deux ans, si nous n'avons rien fait d'autre entre-temps.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je tenais à vous dire. Je crois que nous sommes maintenant sur la bonne voie. J'espère que la commission fiscale travaillera avec diligence et que nous arriverons à redresser la situation d'ici la fin de l'année.

M. Jean Spielmann (AdG). Beaucoup de choses ont été dites. Permettez-moi simplement d'apporter certaines corrections à des affirmations qui, à mon avis, ne correspondent tout simplement pas à la réalité.

Tout d'abord, il y a un certain nombre d'éléments qui engendrent des changements sur les bordereaux de cette année, changements qui ne sont pas la conséquence d'erreurs, mais d'une modification de fond de la fiscalité. Pourquoi ? Concernant par exemple le postnumerando, il est clair que certaines choses ont changé. Une brèche est intervenue dans les calculs et beaucoup de citoyens en ont probablement profité pour mettre un certain nombre de revenus de côté. Les citoyens n'ont pas été imposés en fonction de leurs gains de l'année en cours, mais en fonction des gains de l'année précédente. Et comme il est dans l'habitude de la plupart des citoyens de remplir leurs déclarations d'impôts année après année, beaucoup ont constaté, après l'introduction du postnumerando, des hausses sur leurs revenus, alors qu'ils n'avaient pas été sanctionnés par le fisc pendant une année. Deux ans de modifications dans la situation personnelle se sont additionnés sans intervention du fisc.

Autre élément: le passage au postnumerando ne provoque pas seulement la brèche de l'année de calcul, mais change aussi le moment de la prise en compte de la situation des contribuables. Cette situation n'est plus celle du 1er janvier, mais celle du 31 décembre. Il se peut donc que la situation fiscale d'un certain nombre de contribuables ne soit plus la même. C'est par exemple le cas pour des personnes avec des enfants aux études, qui étaient, d'après l'ancienne loi, déductibles au niveau fiscal: ces personnes doivent tout d'un coup faire face à deux années de suppression de déductions, les enfants étant sortis du régime de déductions. Ce sont des pénalisations qui ne sont pas dues à des erreurs de la loi, mais qui tiennent à la modification sur laquelle nous n'avons peut-être pas suffisamment réfléchi.

Sur la question des barèmes maintenant, il faut rappeler que nous avons tous demandé la mise en place d'un nouveau barème fiscal et procédé à des changements de fond, parce qu'il était nécessaire de corriger le barème fiscal en vigueur, avec des méthodes mathématiques forcément compliquées, ces barèmes résultant d'une série de dispositions fiscales extraordinairement complexes. A un certain moment, il y avait des centimes additionnels supplémentaires. Ils ont été insérés dans le barème de base. Il y avait aussi les barèmes-rabais. Aujourd'hui, on se trouve dans un système de rabais d'impôt. Ce sont donc des modifications considérables qui ont engendré un changement de la courbe, figée pendant deux ans. C'est ce que l'on a appelé la fameuse bosse. A un moment donné, certaines progressions s'avèrent un peu plus importantes que la norme ne le voudrait. Beaucoup de gens se trouvent dans ces situations-là. Les résultats d'impôt en sont la conséquence.

Les autres éléments dont nous aurions dû, et je me compte aussi parmi ceux-là, tenir compte, c'est la modification du système de réduction pour les familles. Il y avait 2 600 F de déduction pour un enfant, 2 400 F d'allocations familiales, 400 F pour les déplacements et 500 F pour le carnet d'épargne. Cela fait en tout, grosso modo, 6 000 F de réductions pour le premier enfant. Dans la loi, on a mis 4 500 F. Il est évident qu'en modifiant la loi et en passant d'un système de déductions basé sur le revenu, qui favorise effectivement les bas revenus et qui est à mon avis plus juste, à un système de déductions sur l'impôt, les familles avec un enfant ont été pénalisées. Il est donc logique et normal que le Conseil d'Etat fasse une proposition qui corrige la situation pour cette partie de la population.

Je voudrais simplement dire ici à ceux qui souhaitent la neutralité complète, parce que la neutralité globale permet à tout le monde de déduire, qu'il s'agit tout simplement d'une vision erronée, parce que la neutralité signifie qu'il n'y a pas d'influence de la loi fédérale sur la loi cantonale et que les modifications en question constituent la rectification des modifications intervenues dans la loi et non pas une déduction d'impôt pour tous. Le projet de loi libéral propose tout simplement, en ce qui concerne par exemple le barème B, de déduire, pour les revenus de 20 000 F, une somme d'environ 42 F et, pour des revenus plus importants, des revenus d'un million, plus de 7 000 F ! On modifie donc la loi, mais on ne respecte pas la neutralité.

Contrairement à ce que vous dites et même si les radicaux veulent fusionner les projets, ce serait une erreur politique et une erreur fiscale que de favoriser tout le monde et de ne pas utiliser l'argent qui a été versé en trop...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Jean Spielmann. ...pour favoriser ceux qui ont été pénalisés par les modifications. Il faut donc cibler les modifications et accepter les propositions que nous avons faites, ainsi que celles du Conseil d'Etat qui vont dans la bonne direction. J'entends bien contrôler cela de manière plus pointue cette fois que nous ne l'avons fait la dernière fois, parce que l'on ne peut pas se tromper encore une fois !

M. Claude Marcet (UDC). A vous entendre, Mesdames et Messieurs, je me demande si vous n'êtes pas en train de refaire un débat que vous auriez dû faire il y a deux ans déjà. J'ai entendu un certain nombre de choses sur ce qu'aurait dit Mme Calmy-Rey dernièrement. Pour ma part, je lis que le lundi 6 novembre 2000 - nous n'étions pas là - Micheline Calmy-Rey déclarait: «75% des contribuables verront leurs impôts baisser.» Si je pars du principe que vous vouliez une neutralité globale, cela équivaut à dire qu'à cette époque déjà vous auriez dû savoir que 25% des contribuables allaient voir leurs impôts augmenter. Actuellement, nous sommes en train de refaire le débat, peut-être suite à des augmentations un peu plus importantes que celles qui étaient espérées. Mais à cet égard, je vais tout à fait dans le sens de M. Spielmann, c'est-à-dire: augmentation des revenus, modification des situations et passage du praenumerando au postnumerando.

M. Pierre Froidevaux (R). Nous avons entendu, Monsieur le président, les avis de chacun. Je vous propose à présent une procédure de vote. Il est évident que tous les projets de lois iront en commission. Je suggère que les deux motions, la motion 1458 et la motion 1459, soient directement renvoyées au Conseil d'Etat pour que les invites aient un sens. Je souhaite donc, Monsieur le président, que vous passiez à ce vote et je recommande à notre Conseil de voter dans ce sens-là.

Le président. Sur cette question, je rappelle qu'il y a eu une demande de renvoi en commission. Vous savez que le renvoi en commission prime sur votre proposition.

M. Claude Blanc (PDC). Rapidement, car j'ai oublié de dire quelque chose à l'adresse de M. Iselin, qui faisait allusion aux rentes et aux rentiers. Il y a un principe qu'il faut que l'on se mette bien dans la tête. Toutes les sources de revenus, quelles qu'elles soient, qu'elles proviennent d'un salaire, d'une rente ou d'un capital, doivent être imposées de la même manière. Dès l'instant où les revenus sont des revenus, ils doivent être imposés comme tels. Autrement, on ne s'en sort pas. D'ailleurs, le droit fédéral le prévoit. C'est pour cela que le droit fédéral a aggravé la situation des rentiers. Mais il faut que l'on se fasse une raison. Moi-même qui suis retraité, je suis bien obligé d'admettre que ce que je gagne aujourd'hui, je le gagne de la même manière que je le gagnais il y a quelques années, en me fatiguant moins, mais je dois de toute manière payer des impôts sur ce que je gagne. Je ne crois pas que l'on puisse établir ici des situations privilégiées pour des revenus, quelles que soient leurs sources.

Le président. Voulez-vous encore la parole, Monsieur Iselin ? Sur les rentiers ? (Protestations.)Si, l'UDC a le droit de l'avoir !

M. Robert Iselin (UDC). J'ai le droit de réponse, n'est-ce pas ?

Les rentiers dont vous parlez, Monsieur Blanc, vous que j'apprécie pour beaucoup de choses... Entre parenthèses, lorsqu'on parle du chameau qui passe par le trou de l'aiguille, ce n'est pas le trou de l'aiguille, mais la petite porte de la grande porte de Jérusalem. Pour votre orientation...

Cela dit, je voulais préciser que les rentiers, eux, ont déjà payé sur les sommes qu'ils ont économisées et ils payent une deuxième fois.

Le président. Voilà, Mesdames et Messieurs, nous arrivons au terme de ce débat et Mme Calmy-Rey va le conclure.

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Très rapidement, je voudrais faire un certain nombre de remarques sur ce qui a été dit. La première remarque: j'ai immédiatement tiré la sonnette d'alarme lorsque j'ai vu rentrer les déclarations, parce que nous avons constaté qu'il y avait des hausses d'impôts importantes sur la quasi-totalité des déclarations. J'aurais pu me taire, mais je n'ai pas voulu le faire et je vous présente aujourd'hui des mesures de correction.

Ce que l'on voit sur ces déclarations, c'est que ces augmentations d'impôts sont dues premièrement au passage à la LIPP. M. Marcet vient de vous lire un passage de la «Tribune de Genève» à ce sujet. Nous avons effectivement fait des efforts considérables pour corriger l'adaptation du droit fédéral, afin d'éviter qu'elle ne conduise à des augmentations massives d'impôts. Ces corrections ont abouti aux résultats suivants: 75% des contribuables devaient avoir des diminutions et 25%, en moyenne, des augmentations. Cela signifie qu'un certain nombre de personnes devaient avoir des augmentations d'impôts et que ces faits-là étaient connus au moment du passage de l'ancienne à la nouvelle loi.

Le deuxième facteur d'augmentation, ce sont les changements de situations familiales et les augmentations de revenus. La nouvelle loi, c'est aussi le postnumerando. Le postnumerando, ce sont deux années d'écart entre la dernière déclaration que les contribuables ont reçue, c'est-à-dire la déclaration 2000 sur les revenus 1999, et celle qu'ils vont recevoir en fin d'année 2001 sur les revenus 2001. Deux années d'écart de revenus, c'est une croissance des revenus à Genève et, Dieu soit loué, c'est une bonne nouvelle, mais cela se traduit, en terme d'impôts, par des augmentations normales qui ne nécessitent pas de corrections de notre part.

Troisième constatation - c'était aussi un fait connu, mais peut-être pas dans tous ses effets - le barème B, c'est-à-dire celui qui s'applique aux couples mariés, corrige moins que le barème A. C'est sur ce point-là que j'ai réagi et c'est sur ce point-là que je voulais apporter des correctifs. A Genève, Mesdames et Messieurs, la situation des familles est difficile. Les frais de garde sont importants et le forfait que nous avions mis dans le rabais d'impôt n'allait pas assez loin. La première charge de famille n'était pas suffisante non plus. Nous n'avions pas adapté les revenus des enfants pour charge et demi-charge de famille. Il fallait encore faire un effort. C'est aujourd'hui ce que le Conseil d'Etat vous propose, en plus de la correction du barème B qui n'a pas été faite au moment de l'adaptation à la LIPP.

Pour ce qui concerne les rentiers, Monsieur Iselin, ils ont été à l'origine du rabais d'impôt. Le canton de Genève était pratiquement le seul canton de toute la Suisse à connaître une déduction des rentes AVS/AI qui pouvait aller jusqu'à 50% de la rente en fonction des revenus. C'était une déduction très importante que l'harmonisation à la loi fédérale nous interdit désormais. Par conséquent, si nous n'avions pas adopté le rabais d'impôt, les rentiers auraient enregistré de très fortes augmentations d'impôts. Les membres de la commission fiscale le savent très bien, Mme Hagmann aussi. Nous avons en effet procédé à des simulations avec des déductions sur le revenu brut des rentiers, jusqu'à 18 000 F pour un couple, qui corrigeaient moins bien que le rabais d'impôt. C'est la raison pour laquelle le parti libéral s'est finalement rallié au rabais d'impôt. C'est bien pour protéger les retraités. Cela a été l'un de nos soucis.

Maintenant, concernant les propositions de motions et les projets de lois, le projet de loi du Conseil d'Etat cible les familles et les familles de catégorie moyenne. Il ne porte d'effet que sur le barème B et il est complété par des mesures familiales, à savoir frais de garde, première charge de famille, revenu des enfants. Le projet de loi libéral agit à la fois pour le barème A et pour le barème B et il ne cible pas. Il diffuse ses effets tout au long des deux barèmes. Il ne permet donc pas de corriger la situation des familles autant que le projet de loi du Conseil d'Etat.

Nous allons discuter de tous ces projets de lois en commission. Je pense que cela correspond au voeu du parlement, que tout soit renvoyé en commission et que s'engage une discussion. Si vous souhaitez renvoyer les motions au Conseil d'Etat, pourquoi pas ! Mais de toute façon, Mesdames et Messieurs, on ne pourra réellement évaluer les effets de la LIPP qu'après coup, c'est-à-dire une fois que toutes les déclarations seront rentrées et auront été examinées. Par conséquent, aussi bien pour les invites qui demandent un suivi de la LIPP, des commissions d'experts qui assurent le suivi, que pour ce qui concerne la proposition de M. Blanc qui demande une évaluation, tout cela devra intervenir après coup. Je n'y suis pas opposée, mais au contraire favorable.

Pour ce qui concerne l'imposition à la source, Monsieur Weiss, c'est vrai qu'elle pose des problèmes en termes de rétroactivité, je l'ai dit hier lors de la conférence de presse, je le répète aujourd'hui. L'administration fiscale a rencontré le Groupement des frontaliers. On est en train de travailler aux solutions d'entente avec eux, parce qu'il est effectivement inadmissible d'instaurer des inégalités de traitement entre un groupe de contribuables et les autres.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je voudrais simplement vous remercier de bien vouloir examiner ces projets en commission, de le faire avec célérité, afin que ces projets de lois puissent encore déployer leurs effets sur l'année fiscale 2001.

Le président. Madame Hagmann, vous maintenez votre proposition de renvoi en commission ? Monsieur Roulet ?

M. Jean Rémy Roulet (L). Il n'est pas d'usage d'intervenir après la conseillère d'Etat, mais si celle-ci est d'accord que l'on renvoie les deux motions au Conseil d'Etat, nous retirons, nous groupe libéral, notre proposition de tout renvoyer en commission fiscale.

Le président. Nous allons procéder de la manière suivante. Tout d'abord, renvoyer en commission fiscale les trois projets de lois 8752, 8753 et 8756. Nous passerons ensuite au vote des motions 1458 et 1459.

Les projets de lois 8752, 8753 et 8756 sont renvoyés à la commission fiscale.

Mise aux voix, la motion 1458 est adoptée.

Mise aux voix, la motion 1459 est adoptée.

Le président. Nous stoppons là nos travaux, Mesdames et Messieurs. Je vous donne rendez-vous demain à 14 h. Bonne fin de soirée !

La séance est levée à 23 h 20.