Séance du
jeudi 13 juin 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
9e
session -
42e
séance
M 945-B
Débat
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, c'est triste à dire, mais après tout ce temps, ce Parlement ne saurait vraiment pas se montrer satisfait par ce rapport du Conseil d'Etat. Celui-ci ne répond tout simplement pas aux préoccupations exprimées par les motionnaires et il ne répond même pas à l'invite de la motion.
Que demandaient les motionnaires en 1994 ? Et que demandait ce Grand Conseil en 2000, lorsqu'il a envoyé cette motion au Conseil d'Etat ? Notre demande était que le Conseil d'Etat déclare, au sein de l'administration publique, le gel des acquisitions de matériel, appareils, véhicules, machines, mobilier, lorsque ces achats n'ont pour vertu que de remplacer des équipements soit disant technologiquement dépassés ou de remplacer des équipements pour lesquels, soit disant, on aurait de la peine à établir des contrats de maintenance.
Pourquoi cette demande ? Parce qu'en 1994, comme aujourd'hui, ces achats non indispensables, de confort, ne sont pas compatibles avec l'état de nos finances et surtout avec une saine gestion de l'Etat. Ils n'apportent rien au tissu économique local, puisqu'il s'agit en général d'achats effectués à l'étranger. Ces achats privent d'emploi et de travail les entreprises et les artisans locaux qui sont spécialisés dans la maintenance et la réparation de ces équipements. Le bon sens commanderait de faire durer les équipements, au lieu de quoi on préfère procéder à de nouvelles acquisitions.
La volonté du Grand Conseil était donc de réaliser des économies que l'on peut évaluer à quelques dizaines de millions chaque année sur les budgets d'investissement. Il promeut une politique volontariste de réduction des difficultés financières de l'Etat. A ces préoccupations, le Conseil d'Etat répond par un rapport qui aborde en vrac : l'importance de la norme concernant l'achat du mobilier, le besoin d'ergonomie des postes de travail, l'intérêt de la menuiserie de l'économat cantonal, le niveau amélioré des performances des photocopieuses, les nouvelles directives pour l'achat du papier, qui devrait diminuer de 10% en 2002.
Ces préoccupations sont toutes excellentes, bien sûr, mais elles n'intéressent pas vraiment ce Conseil qui, lui, est préoccupé par la dette. En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer le rapport en question au Conseil d'Etat et à exiger une réponse sérieuse à la motion 945.
En outre, Madame la présidente, nous voudrions savoir quand le gel demandé sera effectivement imposé, sous quelle forme il sera décrété et avec quelles mesures d'accompagnement. Enfin, nous voudrions savoir quels sont les objectifs budgétaires que vous pensez atteindre grâce à ces économies pour 2003, 2004 et 2005. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, de répondre à ces questions.
M. Christian Brunier (S). On ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi. Monsieur Kunz, si vous aviez mentionné les efforts consentis par le gouvernement, pour indiquer ensuite que des efforts supplémentaires étaient possibles, vous auriez été crédible. Mais prétendre ici - vous qui avez été député durant la législature du régime monocolore - qu'il n'y a pas eu d'amélioration au niveau de la gestion des finances publiques et au niveau de la gestion des achats... C'est parfaitement exagéré. Je crois que n'importe quel citoyen et n'importe quelle citoyenne, s'il ou elle ouvre les yeux, se rend compte des efforts consentis en la matière. Vous avez dérapé, Monsieur Kunz. C'est votre habitude, c'est ce qui vous distingue, peut-être, de temps en temps. En l'occurrence, c'est vraiment de la mauvaise foi.
La motion demande de faire des efforts en matière de gestion des achats. Ces efforts ont été, je crois, réalisés dans la plupart des services. En plus de faire des efforts pour mieux acheter - du point de vue des coûts - des efforts ont aussi été accomplis en ce qui concerne les critères environnementaux et sociaux. Il est important de le signaler.
J'ai noté quelques chiffres. Puisqu'il n'y a que ça qui vous intéresse, je vous parlerai exclusivement des coûts, et non pas de l'environnement ni du social. Pour les véhicules, les économies réalisées en 2001 sont comprises entre 300 000 et 500 000 F. Pour le mobilier, je vous rappelle, Monsieur Kunz, que les standards de mobilier qui étaient de plus de 5000 F pour le personnel de l'Etat - et bien plus pour les cadres supérieurs - sont passés à 3900 F, soit au total une économie de 1,7 million pour l'année 2001. Ce n'est pas rien pour les finances publiques ! Pour les photocopies, vous prétendez, Monsieur le député, qu'il s'agit d'un effort minable. C'est tout de même une économie de plus de 400 000 F. On pourrait multiplier les exemples, mais vous connaissez parfaitement ces chiffres.
S'agissant, enfin, des achats informatiques qui sont un domaine où l'on peut dépenser facilement de l'argent, je vous rappelle que le partenariat conclu entre différentes collectivités et entreprises publiques de Suisse romande a permis de réduire sensiblement le coût des achats informatiques, tout en conservant une qualité élevée. Bref, les dépenses générales de l'Etat sont en diminution. En 2001, cette diminution atteignait 3,4%.
Votre motion, Monsieur le député, demandait aussi une meilleure gestion des amortissements. Je crois que, dans ce domaine aussi, ce serait nier l'évidence que prétendre que les amortissements ne sont pas bien gérés. Je vous rappelle que grâce à la norme IAS - qui est un standard international - la politique d'amortissement n'est plus une politique d'artifice comptable, comme c'était le cas à une certaine époque. Aujourd'hui, la gestion des amortissements est basée sur la véritable durée de vie des biens et des prestations, et il s'agit d'une amélioration notable pour la gestion du patrimoine public.
La motion demande encore une limitation des investissements. Il faut, ici encore, relever que la gestion de ceux-ci s'est considérablement améliorée sous la majorité de gauche. Je reconnais volontiers que cela s'est poursuivi, notamment avec l'appui du PDC. Si les investissements ne sont pas gérés dans le cadre d'une politique anti-cyclique - ce serait trop dire - la gestion actuelle ne souligne pas les cycles économiques. Les investissements de l'Etat n'augmentent pas quand le privé diminue les siens et inversement. Les grands chantiers en cours le prouvent.
Bref, ce rapport répond dans les grandes lignes, avec des faits très concrets, aux demandes des motionnaires. Pour ma part, je n'ai qu'un regret, c'est la gestion des contrats de consulting. Je pense que les consultants facturent des prestations à des prix trop élevés, à l'Etat et aux entreprises publiques. Si un pôle romand, identique à celui créé pour l'informatique, pouvait être mis en place, on pourrait gérer bien mieux le recours aux consultants. Il y a peut-être d'autres efforts à faire dans certains petits domaines, mais de manière générale, la politique d'achat de l'Etat et sa politique d'investissement sont en nette amélioration. Il faut en féliciter le Conseil d'Etat et la présidente du département des finances. (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Je ne sais pas où M. Brunier est allé chercher les informations qu'il vous a données au sujet du discours que j'ai tenu tout à l'heure ! Je n'ai jamais critiqué Mme Calmy-Rey en ce qui concerne sa façon de gérer les achats ou la trésorerie de l'Etat. Vous me rendrez cette justice, Monsieur Brunier.
Par ailleurs, je vous signale, Monsieur le député, que c'est vous-même, à l'époque, qui aviez envoyé au Conseil d'Etat une motion modifiée dont une invite proposait de déclarer, avec effet immédiat, au sein des départements et des régies qui en dépendent, l'obligation de justifier par leur nécessité impérieuse toutes les acquisitions de matériel. Maintenant on constate que le Conseil d'Etat n'a pas répondu à cette invite et vous me dites que cela ne vous pose pas de problème. Soyez cohérent, Monsieur Brunier !
Ce que je demande, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à faire de même, c'est simplement que le Conseil d'Etat réponde à l'invite de la motion et aux trois questions que j'ai posées tout à l'heure.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Monsieur Kunz, nous avons répondu à cette motion, motion qui ne demandait pas un gel, mais la justification systématique d'une nécessité impérieuse.
Non seulement nous n'avons pas dépensé plus, mais nous avons dépensé moins. Les dépenses générales ont diminué dans les comptes 2001 par rapport à l'année précédente. Nous sommes donc allés plus loin que ce que vous demandiez. Comment avons-nous réussi cela ? En mettant sur pied une politique d'achat qui passe par l'adoption de directives du Conseil d'Etat. Ces directives fixent des normes de travail, des normes écologiques, des normes sociales et aussi des normes économiques. Nous avons pu ainsi réaliser de nombreuses économies, par exemple sur les achats et les locations de photocopieurs, sur les achats de véhicules, de matériel de bureau. Les économies se chiffrent à plusieurs millions de francs depuis que ces décisions ont été prises.
Je pense que cette politique est la bonne. Elle consiste à faire avaliser par le Conseil d'Etat la politique d'achat, à poser des normes financières et, ensuite, à veiller à leur application. La preuve que c'est une bonne politique, c'est que nous avons obtenu des résultats. Bien entendu, nous ne sommes pas au bout de nos peines, bien entendu cela demande à être continué - pas seulement en matière de service, mais aussi en matière d'autres équipements. C'est une procédure qui, dans la mesure où elle exige des décisions du Conseil d'Etat, demande du temps, mais soyez-en persuadés, nous continuerons. En ce qui me concerne, je suis convaincue que ce sont des domaines où, effectivement, des économies peuvent être faites.
Pour ce qui est des investissements, Monsieur Kunz, sachez qu'en 2001 ils ont été supérieurs à ceux qui avaient été budgétés. Cette situation était due à l'achat des terrains de Battelle qui n'avait pas été prévu. L'année précédente, par contre, nous nous étions tenus à l'enveloppe.
Bref, je considère que nous avons répondu sur le fond et que la démarche exposée dans notre réponse se poursuit. Alors de grâce, Mesdames et Messieurs les députés, ne nous renvoyez pas une motion obsolète, appuyez-nous plutôt dans la démarche que nous poursuivons. Je vous assure que ce n'est pas simple : le jour où nous avons adopté des directives pour l'achat de mobilier, qui fixaient pour tous les services de l'Etat et pour tous les fonctionnaires, quel que soit leur grade, la limite des dépenses à 3900 F par nouveau poste, j'ai reçu quantité de courrier pour me dire que ce n'était pas réaliste et que tel ou tel fonctionnaire ne pouvait pas se plier à cette norme, parce qu'une seule chaise dans tel magasin coûtait le total du forfait octroyé, etc. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai besoin de l'appui du Parlement pour continuer, merci de nous soutenir et ne renvoyez pas cette vieille motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est rejetée.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.