Séance du
jeudi 30 mai 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
8e
session -
40e
séance
PL 8402-A
Premier débat
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Le rapport de majorité - comme celui de minorité - serait aujourd'hui incompréhensible si nous en restions aux conclusions de la commission.
En effet, mon rapport de majorité concluait au refus d'entrer en matière, parce que nos adversaires politiques n'avaient pas accepté de lier l'augmentation du taux de cotisation à l'augmentation des salaires du Conseil d'Etat.
Aujourd'hui, je viens devant vous en demandant de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi, de refuser l'amendement sur la hausse des cotisations pour les raisons qui sont expliquées dans le projet et que je vais reprendre, puisque nous n'avons pas pu nous mettre d'accord sur une hausse des traitements du Conseil d'Etat, alors même que vous voyez d'après les tableaux qui sont aux pages 6 et 7 de mon rapport que les émoluments du Conseil d'Etat genevois sont très raisonnables par rapport à ceux des Conseils d'Etat d'autres cantons, souvent plus petits que le nôtre.
En revanche, je viens également proposer un amendement qui confirme la position défendue par le groupe radical, à la page 4 de mon rapport, et qui modifie l'article 6, alinéa 1, de la loi sur les traitements des conseillers d'Etat. Cet amendement prévoit que le conseiller d'Etat quittant sa charge après quatre ans de magistrature a droit à une pension annuelle. Et comme le mode de calcul est tout à fait précis dans le reste des autres alinéas de l'article 6, cela veut dire qu'après quatre ans de magistrature, le conseiller d'Etat obtiendrait une pension équivalant à 24% de son traitement.
En effet, nous constatons aujourd'hui, conformément d'ailleurs à l'histoire genevoise, que le poste de conseiller d'Etat, sans être un siège éjectable, est un poste qui ne garantit nullement la pérennité de la fonction. Depuis 1847, ce sont près de trente conseillers d'Etat qui, à un moment ou à un autre de leur carrière, n'ont pas été réélus. Je vous rappelle pour mémoire qu'en 1994, M. le conseiller d'Etat Puidoux n'a pas été réélu dans le canton de Vaud: c'était la première fois que pareille mésaventure arrivait à un magistrat exécutif depuis 1803. Cela en dit d'ailleurs long sur les différences entre les Vaudois et les Genevois... (Rires.)...au point de vue de l'exécutif ! (Rires.)
Cela étant, pour rester à notre propos de ce soir, j'aimerais dire que l'argument qui va certainement vous être développé par le remplaçant de M. Bernard Clerc n'est, en réalité, pas valide. M. Bernard Clerc souhaitait qu'on augmente - et c'était la seule véritable différence - le taux de cotisation pour la caisse de pension - fictive - du Conseil d'Etat comme celle des juges de 4,5% à 6,5%. En effet, M. Clerc et son groupe estimaient qu'il fallait aligner les cotisations de retraite du Conseil d'Etat sur les cotisations de retraite des magistrats de l'ordre judiciaire.
Mais, en réalité, la situation est totalement différente, puisque - vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés: les récentes élections judiciaires l'ont montré - une fois élu juge, vous avez beaucoup plus de chances de le rester jusqu'à ce que vous décidiez volontairement de mettre un terme à votre carrière, que lorsque vous êtes élu conseiller d'Etat. Preuve en est qu'aucun magistrat de l'ordre judiciaire n'a échoué, lors de la dernière élection générale. D'autre part, les magistrats de l'ordre judiciaire reçoivent une pleine retraite après dix-huit ans d'activité, et on ne saurait les comparer aux conseillers d'Etat.
Pour le reste des arguments chiffrés, je vous renvoie à mon rapport. Je ne cherche pas ce soir à vous ennuyer... C'est une simple question de justice. Il y a une différence de traitement à faire entre les conseillers d'Etat et les magistrats de l'ordre judiciaire: il faut donc en rester au taux de 4,5% qui figure dans la loi, à moins que ce Grand Conseil n'accepte - mais ça n'est pas possible ce soir - d'augmenter le traitement des conseillers d'Etat. En revanche, il y a une autre injustice à corriger: c'est de décider qu'un magistrat, après quatre ans d'exercice, puisse avoir droit à une retraite, bien entendu proportionnelle aux années qu'il a passées au gouvernement. Cela se fait dans plusieurs cantons romands. Je tiens même, pour la bonne bouche, à signaler que dans le très progressiste canton de Neuchâtel, un magistrat qui n'a fait que quatre ans, que ce soit à l'exécutif des villes ou à l'exécutif cantonal, a droit à une pleine retraite, alors que mon projet ne propose que 24% du traitement - et non 68%. Une pleine retraite au bout de quatre ans: ce principe très progressiste est appliqué à Neuchâtel depuis 1935 ou 1936, sans que cela ait particulièrement, semble-t-il, choqué les Neuchâtelois.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de voter l'entrée en matière, de refuser l'amendement de M. Clerc, soutenu, semble-t-il, par M. Spielmann, et de dire oui - ce n'est que justice - à la modeste modification proposée. Celle-ci prévoit qu'un conseiller d'Etat qui n'est pas réélu après quatre ans - vous le savez bien, il peut avoir des difficultés de réinsertion professionnelle - puisse bénéficier d'une modeste pension annuelle.
Le président. Pour être bien au clair, Monsieur Lescaze, il ne s'agit pas d'un amendement mais d'une modification proposée par M. Clerc. Si j'ai bien compris, cela signifie que vous refuseriez l'article 11, ce qui impliquerait que l'on reviendrait au statu quo ante, c'est-à-dire à 4,5%...
M. Bernard Lescaze. Je le supprime ! Il n'existe pas...
Le président. Vous supprimez l'article 11 prévu dans le projet de loi qui nous préoccupe et vous introduisez un autre amendement, à l'article 6, alinéa 7...
M. Bernard Lescaze. Alinéa 1 !
Le président. ...qui modifie la loi B 1 20.
M. Bernard Lescaze. Oui, Monsieur le président !
Le président. J'ai bien compris !
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité ad interim. C'est effectivement important de revenir un peu au fait, parce que M. Lescaze a parlé de tout sauf du projet de loi dont nous discutons...
Monsieur Lescaze - relisez le rapport et les textes présentés - il y avait un problème au niveau des retraites, et nous avons considéré qu'il n'était pas juste que l'on continue sur le modèle qui avait été mis en place à partir de 1995. En 1995, un certain nombre de modifications ont été apportées pour l'ensemble des retraites de l'Etat, notamment des hausses de cotisations pour l'ensemble de la fonction publique de 6 à 8%. Nous avions modifié toute une série de lois et de dispositifs légaux, mais nous avions «oublié» les juges et les magistrats du Conseil d'Etat...
Ces oublis ont été corrigés. Les lois ont été modifiées et les magistrats du pouvoir judiciaire ont, eux aussi, vu récemment la loi changer et les cotisations augmenter de 4,5 à 6,5%.
Partant de là, nous avons considéré qu'il n'était pas juste que le Conseil d'Etat en place ne donne pas l'exemple et ne participe pas aussi, même si c'est de manière quasiment symbolique, à l'effort consenti par les magistrats. C'est pour cela que nous n'avons pas été jusqu'à 8, comme le Conseil d'Etat l'a imposé aux fonctionnaires, et que nous sommes restés à 6,5%...
Le Conseil d'Etat a des retraites tout de même substantielles au bout d'une certaine période d'activité - je ne vais pas revenir dans le détail des prestations offertes au cours des différentes législatures - et il n'y a aucune commune mesure entre ce que la population doit cotiser et les prestations qu'elle obtient par rapport à un conseiller d'Etat. Il nous semblait donc que le montant des cotisations - je le répète, même si c'est symbolique - devait au minimum atteindre le taux de 6,5%, pour correspondre au taux des montants payés par les magistrats, et qui est inférieur à celui appliqué aux fonctionnaires.
Pendant cette période, les fonctionnaires et les prestataires de l'Etat ont vu leur pouvoir d'achat diminuer de 12%, en raison de toute une série de décisions qui ont été prises ici - je ne vais pas y revenir... Mais alors qu'on constate cette réduction du pouvoir d'achat de 12%, l'adaptation de la cotisation aux caisses de pension de 6 à 8%, l'augmentation de la cotisation des magistrats, comment justifier que le Conseil d'Etat, lui, en soit préservé et que sa cotisation reste à 4,5% ?
En commission, vous avez fait des propositions, mais aucune ne tenait compte du taux de cotisation que nous avions fixé dans notre loi, et vous dites dans votre rapport, Monsieur Lescaze, que vous refusez d'entrer en matière sur ce projet de loi... Alors que vous êtes le rapporteur de majorité, vous nous proposez de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi et moi, qui suis le rapporteur de minorité, je propose l'entrée en matière ! Vous nous parlez d'un amendement proposé par M. Clerc, ou M. Spielmann... Non, nous ne proposons pas d'amendement ! Nous avons rédigé une loi cohérente. Si on entre en matière, on en discute et elle s'applique. On peut aussi renvoyer ce projet de loi en commission, mais vous ne pouvez pas prétendre que nous proposons un amendement: c'est vous, qui refusez d'entrer en matière !
Et vous, Monsieur Lescaze, vous proposez un amendement sur un projet de loi dont vous refusez l'entrée en matière ! Et en plus de cela, vous éliminez un article de loi et vous en proposez un autre sous forme d'amendement !
J'ai déjà vu faire beaucoup de contorsions, mais, comme cela, rarement ! D'autant plus que c'est peu compréhensible: comment pouvez-vous justifier de ne pas faire payer de cotisations au Conseil d'Etat et que leurs prestations soient déjà augmentées après quatre ans d'activité au gouvernement ? Moi, je ne suis pas opposé à ce que les conseillers d'Etat aient droit à une pension annuelle au bout de ce laps de temps, mais, alors, discutons aussi du financement d'une telle mesure, de sa mise en route et de la réponse à donner, en définitive, à cette demande !
Si le Grand Conseil était d'accord d'examiner cette solution, je proposerais de renvoyer le «paquet» en commission pour étudier son financement. En effet, l'argent jeté par la fenêtre, ça ne compte pas pour vous, quand il est distribué à vos petits collègues: je trouve cela choquant, et je crois que la population qui nous regarde ce soir doit également être assez choquée de voir que M. Lescaze considère qu'il n'est pas juste que les cotisations des conseillers d'Etat soient adaptées et fixées à 6,5% - avec les rentes qu'ils obtiennent - et qu'en plus il se permette de demander une amélioration de leurs prestations, à savoir qu'ils aient déjà droit à une pension annuelle après une période de quatre années, en ayant cotisé seulement à hauteur de 4,5% sur leur revenu ! Je trouve cela choquant, je le répète.
Je suis opposé à cette proposition. Je demande donc à ce Grand Conseil de voter l'entrée en matière de ce projet de loi et d'accepter l'adaptation du taux de cotisation du Conseil d'Etat, qui, je le répète, est une cotisation symbolique par rapport aux très bonnes prestations de retraite offertes au Conseil d'Etat.
Le président. Monsieur Spielmann, avez-vous fait une proposition formelle de renvoi en commission ?
M. Jean Spielmann. Je n'ai pas fait de demande formelle, mais, si M. Lescaze modifie les conclusions de son rapport et est d'accord avec ma proposition d'entrer en matière sur ce projet de loi, je proposerai alors qu'il soit renvoyé en commission.
Le président. Monsieur Hausser, vous avez la parole.
M. Dominique Hausser (S). L'éloquence de M. Lescaze ne saurait cacher la perfidie de son discours... (Exclamations.)Il change d'avis - bien sûr la majorité a changé, et il en profite.
Son rapport ne reflète que partiellement la réalité... Il est vrai que nous avons demandé à ce que le taux des cotisations des conseillers d'Etat à la caisse de pension soit adapté et équivalent à celui appliqué au personnel de l'Etat. Nous avons dit très clairement en commission que si nous avions une forme de gérontocratie, il y a quelques décennies, nos conseillers d'Etat sont aujourd'hui jeunes et dynamiques - il reste toujours quelques exceptions, c'est vrai ! - et cette fonction est donc souvent un passage dans leur parcours professionnel. Une majorité de ce Conseil d'Etat dit clairement qu'il faut apprendre à changer de métier au cours de sa carrière professionnelle et que, finalement, on accumule des cotisations jusqu'au moment de sa retraite. Les conseillers d'Etat doivent donc être conséquents avec eux-mêmes et cotiser à une caisse de pension. Il faut donc considérer cette activité comme un métier après le métier précédent et avant le métier suivant, et si par hasard c'est leur dernier métier, ils touchent une retraite. Dans ce sens-là, il est logique qu'ils aient une retraite et des cotisations qui entrent dans cette logique d'activité professionnelle. Sur ce point-là, nous sommes intransigeants.
Sur le deuxième point, nous avons dit que le revenu des conseillers d'Etat est certes un excellent revenu, mais qu'il est plutôt faible par rapport aux revenus des conseillers d'Etat des autres cantons actuellement. Nous n'avons donc aucun problème à envisager une réévaluation de leur salaire, correspondant à la réévaluation de la caisse de pension.
Sur ce point, l'article 11 de la proposition initiale doit être voté, à notre avis, tel quel, et faire passer la cotisation de 4,5 à 6,5%.
M. Lescaze vient de nous dire qu'il voulait ni plus ni moins supprimer l'article 11, c'est-à-dire qu'il n'y aurait même plus de cotisations pour le deuxième pilier pour les conseillers d'Etat, ce qui est évidemment totalement inacceptable ! Abroger l'article 11... (L'orateur est interpellé.)C'est ce que vous avez dit, Monsieur Lescaze, et vous le savez très bien ! (Exclamations.)Le fait de toucher une somme d'argent chaque année après seulement quatre ans d'activité n'est pas acceptable !
Au vu de la tournure de la discussion, je propose formellement, Monsieur le président, de renvoyer ce projet de loi en commission !
Le président. La demande formelle de renvoyer ce projet de loi en commission a été faite. Je considère que le parti socialiste s'est exprimé à ce sujet. Monsieur Spielmann, je crois que vous avez mal compris ce que M. Lescaze a dit et ce que j'ai confirmé, c'est-à-dire que si cet article 11 était supprimé, c'est le statu quo ante qui serait d'actualité. La loi existe donc ! (Le président est interpellé.)Elle existe ! Allez !
Monsieur Hiler, vous avez la parole.
M. David Hiler (Ve). Pour la clarté du débat, je pense qu'il serait bon de s'en tenir au projet de loi.
Ce projet de loi peut être refusé... C'est le jeu ! Mais, je trouve déjà que ce qui s'est passé en commission, où on a mêlé la question - légitime à vrai dire - d'une réévaluation des salaires du Conseil d'Etat à une question d'égalité des taux était déjà en tant que tel peu acceptable. La remarque du rapporteur de minorité, M. Bernard Clerc, est assez exacte: on ne va pas traiter de la rémunération des conseillers d'Etat au travers d'un projet de loi dont le but est de rétablir un relatif équilibre entre les taux de cotisations. Il en est de même pour l'amendement de M. Lescaze, dont on peut bien entendu discuter, aussitôt qu'il sera présenté sous la forme d'un projet de loi. De la même manière, un éventuel changement de l'échelle salariale - en tout cas de son niveau supérieur - devrait être présenté sous forme de projet de loi ou par une motion, si ce Conseil voulait encourager le Conseil d'Etat à aller dans ce sens.
Il est vrai que les dérapages populistes peuvent survenir assez rapidement sur ces questions... Je vous le dis franchement, j'estime, à titre personnel, que la fonction de conseiller d'Etat par rapport à ce qu'elle suppose de travail et de responsabilité est comparativement peu payée par rapport au secteur privé, même dans les branches les moins rémunératrices. Mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui, et il me semble qu'on devrait séparer les sujets.
Pour notre part, nous avons signé le projet de loi. Nous estimons que l'effort demandé à l'ensemble de la fonction publique, puis aux magistrats, doit être étendu aux conseillers d'Etat par simple souci de justice. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui: soit on suit le rapporteur de majorité, et on dit non, soit on suit le rapporteur de minorité et les auteurs du projet de loi, et on dit oui. Le reste n'est que pratiques parlementaires plus que «limites» !
En effet, il suffirait de prendre n'importe quel projet de loi, de mettre tout et son contraire dedans et de le voter en plénière. Je ne pense pas, d'ailleurs, que, de ce point de vue, le renvoi en commission soit la solution idéale... Finissons-en avec ce projet et discutons séparément les excellentes propositions que les uns ou les autres feront !
M. Claude Blanc (PDC). Ce projet est un vieux projet, puisqu'il a été déposé il y a bientôt deux ans. Il a fait l'objet de longues discussions en commission, parce qu'on a eu le sentiment qu'on voulait punir les conseillers d'Etat d'être conseillers d'Etat, compte tenu de tout ce qui s'était passé par rapport à la fonction publique pendant les années 90.
Alors, évidemment, on peut admettre que les conseillers d'Etat, comme les juges, payent une cotisation de retraite convenable. Je pourrais à la rigueur admettre que le taux de cette cotisation soit augmenté de 2%, mais ce que je ne peux pas admettre, c'est qu'on veuille punir les conseillers d'Etat en diminuant leur traitement, car c'est de cela qu'il s'agit ! En effet, si on augmente la cotisation sans toucher au traitement, on diminue le traitement des conseillers d'Etat: Mesdames et Messieurs les députés, je trouve cela de la dernière mesquinerie !
On peut aimer ou ne pas aimer les conseillers d'Etat, on peut approuver ou non ce qu'ils font, mais nous sommes bien placés, nous les députés, pour apprécier la somme de travail qu'ils sont obligés de consacrer à leur fonction. Ce n'est absolument pas comparable avec le travail fourni par les plus hauts fonctionnaires de la fonction publique ! Je sais bien, pour avoir été modestement dans un petit exécutif, que la fonction de magistrat occupe vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept... (Exclamations.)Toujours sur la brèche! Les conseillers d'Etat commencent leur journée souvent à 7 h du matin pour la terminer, comme ce soir, à des heures indues, et c'est comme cela tous les jours ! Et je pense qu'il est tout à fait mesquin et inacceptable de leur dire qu'ils doivent payer plus de cotisations sans être augmentés en même temps.
C'est pour cette raison que le groupe démocrate-chrétien s'était opposé à cette solution, mais si un projet devait être proposé, dans le but d'augmenter le traitement des conseillers d'Etat au moins à due concurrence de l'augmentation des cotisations, nous serions favorables à cette solution.
Je signale au passage que la comparaison avec les conseillers d'Etat d'autres cantons de même taille, comme l'a dit M. Lescaze, montre que nos conseillers d'Etat ne sont pas très payés: il faut bien le dire... Et si on compare avec les fonctionnaires de la classe la plus élevée, notamment la classe 33, c'est fifty-fifty... Il est absolument inadmissible, Mesdames et Messieurs les députés, qu'une fonction somme toute aléatoire, qui demande autant de disponibilité, autant de travail et autant de compétence, fasse l'objet de telles chinoiseries et pingreries !
Je serai donc assez d'accord pour que ce projet de loi soit renvoyé en commission, pour traiter le problème dans son ensemble: le taux de cotisation, la durée d'activité et le traitement des conseillers d'Etat. Ce dernier sujet doit être examiné avec soin, car nous ne pouvons pas nous contenter de ce projet de loi: nous devons avoir l'honnêteté d'aller jusqu'au bout et de dire que les conseillers d'Etat ont le droit d'être traités correctement, compte tenu de tout ce qu'on leur demande ! (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Ce qu'on vient d'entendre de la part du remplaçant du rapporteur de minorité est assez effarant. En effet, M. Spielmann, qui connaît parfaitement la musique parlementaire et qui a proposé, à de nombreuses reprises, des amendements et des modifications en cours de débat, ne veut pas voir ce que je propose en réalité.
Puisqu'il veut être formaliste, nous pouvons très bien entrer en matière sur le projet de loi et proposer un amendement à l'article 11 actuel du projet de loi et fixer le taux à 4,5% au lieu de 6,5%. C'est prendre le problème par l'autre bout, mais cela n'a aucune importance.
Il ne faut en effet pas mélanger les débats: M. Hiler a raison, mais seulement sur ce point ! Nous ne proposons pas d'augmentation de traitement, alors même que - et M. Hiler le souligne aussi - les traitements du Conseil d'Etat sont actuellement relativement modestes à Genève. Nous ne proposons pas de modification des retraites du Conseil d'Etat ! Nous enlevons ainsi aux extrémistes la possibilité de parler de retraites dorées, de traitements dorés, parce que c'est ce que cherche M. Spielmann: nous ne sommes pas dupes !
Non, nous laissons les choses en l'état, mais nous refusons que les traitements du Conseil d'Etat soient baissés de 2%, comme l'a très justement dit M. Blanc. Nous maintenons donc le taux de cotisation à 4,5%. La seule modification qui, d'ailleurs, n'entraîne pas de surplus financier, parce que le coût est prévu - M. Spielmann ne connaît sans doute pas bien la loi: l'alinéa 2, l'alinéa 3, l'alinéa 4, l'alinéa 5 et l'alinéa 6 de l'article 6 actuel restent inchangés - est que la pension des conseillers d'Etat commence après quatre ans de magistrature et non après huit ans, au prorata du temps passé. C'est simple, et, à mon avis, c'est à la portée de tout le monde. Vous savez très bien que lorsqu'un médecin quitte son cabinet pour devenir conseiller d'Etat, c'est beaucoup plus difficile pour lui de reprendre une activité professionnelle que dans d'autres domaines. Je ne comprends pas que le député Hausser qui est médecin - à moins qu'il n'ait pas de cabinet... - ne comprenne pas quelque chose d'aussi évident que cela !
La procédure qui peut être utilisée, c'est à vous, Monsieur le président du Grand Conseil, qu'il appartient de la déterminer. Mais, effectivement, la majorité politique de ce Grand Conseil ayant changé depuis les dernières élections, nous sommes l'un et l'autre d'accord pour entrer en matière sur ce projet de loi. Et puis, nous souhaitons changer le moins possible: c'est-à-dire que nous voulons garder le taux actuel de retenue de 4,5%, parce que personne n'a voulu augmenter les traitements du Conseil d'Etat et que probablement, ce n'est pas opportun politiquement. Nous voulons simplement introduire un amendement qui, contrairement à ce que dit M. Hiler, a été débattu en commission. Je renvoie M. Hiler à la page 4 de mon rapport. Tout le premier alinéa mentionne la question de la retraite à partir de quatre ans, c'est-à-dire à partir d'une législature, et l'amendement est très simple sur ce point.
Voilà pourquoi, Monsieur le président, je ne pense pas qu'il faille renvoyer ce projet en commission. Nous pouvons très bien voter l'entrée en matière et je proposerai, à ce moment-là, après le vote de mon amendement à l'article 6, un amendement à l'article 11 pour contrer la position - que je n'hésite pas à trouver très démagogique - de M. Jean Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le président, si j'ai bien compris, le rapporteur de majorité qui propose de ne pas entrer en matière dans son rapport veut maintenant entrer en matière...
Monsieur Lescaze, je vous suggère de retourner à votre place pour jouer votre rôle de député, mais surtout ne jouez plus celui de rapporteur ! En effet, je ne vois pas comment vous pouvez faire un rapport dont le seul argument repose sur le fait de ne pas entrer en matière et venir maintenant nous dire que vous voulez entrer en matière, comme le rapport de minorité... (Exclamations.)
Deuxième point, vous prétendez que je ne connais pas la loi: en ce qui vous concerne, vous feriez bien de la relire et de comprendre son contenu. Parce qu'entre lire et comprendre, il y a une nuance, et j'ai l'impression que chez vous, il y a une différence... (Rires.)
M. Bernard Lescaze. C'est comme pour vous, alors !
M. Jean Spielmann. La loi précise que le droit à une pension commence après huit années d'activité... Pour quelle raison ? En effet, très souvent - malheureusement - lorsqu'un conseiller d'Etat doit se reconvertir et trouver une solution après quatre ans d'activité au gouvernement, c'est beaucoup plus difficile pour lui. Un dispositif avait alors été mis dans la loi, indiquant qu'après la première législature une indemnité était versée au Conseil d'Etat, indemnité qui pouvait dépasser le montant d'une pension annuelle, ce qui était une mesure plus favorable que celle que vous proposez...
En ce qui me concerne, je ne vais pas m'opposer à votre proposition, mais j'ai l'impression que vous pourriez rapidement avoir quelques petits problèmes, parce que vous n'avez simplement pas assez bien étudié la chose...
Nous ne sommes jamais intervenus sur les questions de salaire du Conseil d'Etat. Nous avons fait un projet de loi qui traite de leur retraite et des cotisations de cette retraite. Je suis content d'entendre vos arguments, Monsieur Blanc - je n'ai pas toujours entendu les mêmes dans ce parlement... - car quand le taux de cotisation du personnel des pouvoirs publics genevois a été augmenté de 6 à 8%, je ne vous ai jamais entendu dire qu'il s'agissait, au fond, d'une baisse de salaire et qu'il faudrait la compenser ! Personne ne l'a dit, au contraire: la cotisation des fonctionnaires a été augmentée de 2% et le pouvoir d'achat a été baissé de 12% ! Vous tenez un double discours !
Moi, je propose simplement que le taux de cotisation des conseillers d'Etat soit adapté. Je le répète, cela n'a rien à voir avec les retraites ou les indemnités qui sont versées. Monsieur Lescaze, puisque vous parlez de comparaisons intercantonales, en Valais ce taux est fixé à 9,4%, ailleurs c'est 9%... Ils sont tous largement au-dessus de 8% ! Nous, nous proposons de passer de 4,5 à 6,5%, pour que ce taux soit le même que celui des magistrats du pouvoir judiciaire. Et cela permet d'ouvrir des rentes sans aucune comparaison avec le montant de la retraite ! Alors ne mélangez pas tout: le salaire, la cotisation de la caisse de retraite et les indemnités de départ ! Ce n'est pas du travail sérieux! Je me permets de vous le redire: avoir gribouillé ce petit amendement en catimini, ce n'est pas du travail sérieux !
Mais si le Grand Conseil veut vous suivre et le voter, je vous fais le pari ici, Mesdames et Messieurs les députés, que vous viendrez corriger cette erreur dans quelques semaines. Ce ne sera en effet pas juste pour le conseiller d'Etat qui devra partir au bout de quatre ans, simplement parce qu'on ne pourra pas lui donner les indemnités qui ont été distribuées à vos amis qui sont partis après quatre ans.
Une voix. Mais non !
M. Jean Spielmann. Posez-leur la question, et vous vous rendrez compte que vous faites une discrimination à leur égard !
Le président. Pour l'Alliance de gauche, Monsieur Vanek vous avez la parole. N'oubliez pas que vous devez vous exprimer sur le renvoi en commission seulement !
M. Pierre Vanek (AdG). Par rapport à la procédure utilisée par M. Lescaze sur cet objet, je me rallie absolument à l'avis de M. David Hiler.
Si vous voulez faire une proposition pour accorder une pension annuelle à nos magistrats après quatre ans de magistrature, vous devez, Monsieur Lescaze - et vous le savez bien - déposer un projet de loi, et il serait raisonnable que cette proposition soit étudiée en commission : c'est bien évident !
Mais, en abrogeant l'article 11, vous videz ce projet de loi-ci de sa substance et vous le remplacez par autre chose, dont il n'a apparemment pas été question en commission - si l'on s'en tient aux rapports. (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)Monsieur Lescaze, si vous entendez aller dans ce sens, déposez un projet de loi !
J'ai entendu d'autres personnes ici s'exprimer sur l'opportunité de réévaluer les salaires de nos conseillers d'Etat... Je ferai deux remarques au passage, même si ce n'est pas le sujet du débat de ce soir.
Tout d'abord, comme je l'ai dit à l'instant à M. Lescaze, si un parti de ce parlement voulait faire une proposition dans ce sens, qu'il dépose un projet de loi ! Les citoyens apprécieront et nous en débattrons dans les formes qui s'appliquent à tout nouveau projet de loi déposé.
J'aimerais aussi dire qu'en matière de revendications salariales, pour ce qui est du marché de l'offre et de la demande, il y a bien assez de postulants lors des élections pour accéder à cette fonction... N'est-ce pas, Messieurs les radicaux, Monsieur Lescaze ? Et cela en toute connaissance de cause, car les salaires attachés à cette fonction sont connus ! Il ne semble donc pas absolument nécessaire de réévaluer ces salaires...
Et puis, si les membres du Conseil d'Etat estiment que leur travail mérite un meilleur salaire, eh bien, c'est évidemment à eux de nous le dire, comme n'importe quel salarié revendiquerait une augmentation de salaire ! Ils peuvent se mettre en grève: c'est un droit constitutionnel qu'ils ont et ils peuvent se battre avec l'aide de leurs organisations syndicales, le cas échéant, pour revendiquer des augmentations de salaires. C'est comme cela que cela se passe dans la fonction publique et il n'y a pas de raison, a priori, que les conseillers d'Etat échappent à cette règle...
Maintenant, il faut quand même dire que la position de M. Blanc tout à l'heure était tout à fait saugrenue... Il parlait de punition à l'égard des conseillers d'Etat, infligée par une Alliance de gauche vindicative qui voudrait leur «sucrer» 2% de leur traitement... Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un discours populiste ou démagogique que de dire dans cette enceinte que l'immense majorité de nos concitoyens ou des travailleurs de la fonction publique seraient heureux d'une telle punition: un salaire de 221 850 F par an ! (Exclamations.)
Une voix. Arrête !
M. Pierre Vanek. Je cite les chiffres du rapport ! Plus des indemnités qui ne sont pas citées dans le rapport mais sur lesquelles, le cas échéant, le Conseil d'Etat pourra nous renseigner... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...pour que ce dossier soit parfaitement transparent ! (L'orateur est interpellé par Mme Brunschwig Graf.)Ou alors, je l'ai mal lu, Madame la conseillère d'Etat ! Mais enfin, ne parlons pas des indemnités, mais du salaire brut... Le taux de cotisation pour la caisse de pension fixé dans le projet de loi est de 6,5%, soit évidemment inférieur à celui de la fonction publique, et, au bout de huit années d'activité, il donne droit à une pension à vie ! Franchement, Monsieur Blanc, ce n'est pas une punition infligée au Conseil d'Etat !
L'Alliance de gauche essaye certes de temps en temps de «punir» le Conseil d'Etat pour un certain nombre d'actions politiques qu'elle juge mauvaises, mais elle n'en est pas réduite à de telles mesquineries ni à exprimer ainsi ses rancoeurs.
Simplement, comme l'a dit d'ailleurs très justement mon préopinant, M. Hiler, il s'agit d'une question d'égalité de traitement avec les salariés du pouvoir judiciaire. Et encore, ceux-ci bénéficient d'un taux inférieur à celui appliqué aux autres salariés de la fonction publique ! C'est une question de justice élémentaire; c'est une question relativement symbolique, mais il est important que nos concitoyens sachent que les conseillers d'Etat ne bénéficient pas d'un régime tout à fait à part, même si, en réalité, leur salaire est déjà bien supérieur à celui de la majorité de nos concitoyens et à celui des salariés de la fonction publique. (Brouhaha.)
Pour ce qui est du renvoi en commission, je pense que nous renverrons en commission les projets de lois déposés pour examiner les salaires des conseillers d'Etat et une éventuelle pension annuelle au bout de quatre années d'activité, mais pour ce qui est de ce projet, il faut, Mesdames et Messieurs, avoir le courage de se prononcer en l'état. Il a été traité en commission... (L'orateur est interpellé par M. Lescaze.)Je n'en doute pas, Monsieur Lescaze ! Ce sera plus propre, plus transparent, plus clair que la manoeuvre que vous utilisez... (Exclamations.)Elle est certes parfaitement légale, mais elle ne correspond pas à la manière usuelle de traiter les objets !
Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission de ce projet de loi et à procéder à cette très modeste adaptation de la contribution de nos magistrats au paiement de leurs pensions qui ne sont pas si maigres que cela ! Ils ne sont pas à plaindre, par rapport à l'énorme majorité des travailleuses et des travailleurs de ce canton ! C'est quand même cela que nous devons avoir en tête comme point de référence: les conditions de vie de nos concitoyens... (Exclamations.)Et je vous jure, Monsieur Blanc... (Exclamations.)Vous avez dit qu'un magistrat commençait à travailler à 7h et qu'il finissait à point d'heure !
Le président. Monsieur le député, votre temps de parole est épuisé !
M. Pierre Vanek. Je vous assure qu'il y a aussi dans ce canton des travailleurs et des travailleuses qui supportent des conditions de vie bien plus pénibles... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Vanek, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...que celles des conseillers d'Etat, qui, outre ces questions financières... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Vanek, c'est terminé, je vous coupe la parole ! S'il vous plaît ! (L'orateur continue à s'exprimer, hors micro.) (Exclamations.)
Une voix. Le micro !
Le président. Mais c'est coupé ! Mesdames et Messieurs les députés, j'observe, je constate...
Je rappelle que le renvoi en commission a été demandé et que les députés qui ne se sont pas exprimés à ce sujet peuvent encore prendre la parole... M. Christian Luscher, pour les libéraux, M. Robert Iselin, pour l'UDC.
Monsieur Luscher, vous avez la parole.
M. Christian Luscher (L). Je vous remercie, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref et de vous expliquer en quelques secondes ce que M. Vanek vous a dit en sept minutes, à savoir que ce soir nous ne devons effectivement traiter qu'un seul sujet... C'est du moins l'avis du groupe libéral. Une question est posée: faut-il relever le taux de participation des conseillers d'Etat de 4,5 à 6,5% ? C'est la seule question qui nous est soumise.
D'autres sujets ont été abordés qui ne sont pas sans pertinence, à savoir l'augmentation de salaire des conseillers d'Etat. Je trouve les propos de M. Vanek tout à fait insultants pour notre gouvernement. Voilà des gens qui travaillent à surtemps, voire à double plein-temps et qui méritent très largement leur salaire, d'autant que ce sont des gens d'exception qui gagneraient beaucoup plus dans le privé et qui, en tout cas, s'ils ne se sont pas présentés par esprit de sacerdoce, n'ont pas soumis leur personne au choix du peuple genevois pour l'intérêt du salaire qu'ils reçoivent !
Et puis se pose aussi la question - M. Lescaze l'a évoquée - du droit à la retraite après quatre ans de travail au Conseil d'Etat. C'est un autre sujet, qui lui aussi mérite d'être analysé, et je pense que si vous le jugez utile ou si vous l'estimez fondé, Monsieur Lescaze, il faut déposer des projets de lois dans ce sens.
Monsieur le président, chers collègues, je suggère que nous votions sur la seule question qui nous est soumise, à savoir l'augmentation du taux de cotisation. Et comme vous l'aurez compris, le parti libéral - pour suivre la position de M. Blanc - ne veut pas «punir» le Conseil d'Etat, et vous propose de refuser sèchement le projet qui vous est soumis. (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC). Evidemment, nous débarquons un peu jeunes dans ce genre de débat... En résumé, le groupe UDC soutiendra la proposition libérale de ne pas entrer en matière sur ce projet.
Je voudrais simplement faire quelques brèves remarques. Apprenant la rémunération des conseillers d'Etat, j'ai été effaré de voir à quel point elle était faible... Il y a un problème de rémunération délicat dans tout l'appareil étatique. Il est clair que le fait d'augmenter les contributions à une caisse de pension engendre une réduction des salaires. Je souscris aux propos de M. Blanc: c'est vraiment de la mesquinerie !
Par ailleurs, il est probablement difficile de se recycler après avoir été conseiller d'Etat, parce qu'on perd le contact avec la réalité professionnelle... (Rires.)
Il est urgent, à mon avis, de refuser cette proposition.
Le président. La parole ne peut plus être accordée... Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer ce projet en commission.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Le président. Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Je voudrais réagir aux propos de M. Iselin et des autres préopinants.
Dans notre projet de loi, nous n'avons ni discuté, ni fait de proposition concernant le salaire du Conseil d'Etat. M. Iselin est choqué de la faible rémunération des conseillers d'Etat... Il faut tout de même donner les chiffres: il s'agit d'environ 250 000 F ! M. Iselin trouve que c'est un salaire extraordinairement faible... (Exclamations.)C'est peut-être extraordinairement faible pour lui...
Une voix. Rigolade !
M. Jean Spielmann. ...et une «rigolade», mais je pense que pour la plupart des citoyens, il s'agit tout de même d'un revenu important... (Exclamations.)Partant de là, la plupart des gens qui travaillent cotisent pour leur retraite à un taux très nettement supérieur à celui-ci. La particularité pour le Conseil d'Etat, c'est qu'on ne lui demande pas de libre-passage quand il arrive, on ne lui demande pas de constituer sa retraite avec des cotisations, on fixe, par principe, pour faire semblant de faire comme tout le monde, le taux de cotisation à 4,5%, ce qui n'a rien à voir évidemment avec les retraites qui leur sont ensuite attribuées.
Quand on avait élaboré ce projet, il n'y avait pas de problème à ce niveau-là, puisque les magistrats cotisaient à hauteur de 4,5% et c'était aussi le cas des salariés de la fonction publique. A partir du moment où la cotisation a été augmentée de 2%... (L'orateur est interpellé.)
Monsieur Iselin, quand, en 1995, on a augmenté de 2% les cotisations des salariés de la fonction publique, a-t-on aussi baissé leur salaire ? J'imagine que le raisonnement est le même, n'est-ce pas ? Etes-vous venus, les uns et les autres, pour proposer des compensations ? Non ! Qu'avez-vous proposé à la place ? Au lieu de proposer des compensations, vous avez réduit le pouvoir d'achat des fonctionnaires cantonaux de 12% en même temps que vous avez augmenté la cotisation à la CIA de 2% ! Alors ne jouez pas les hypocrites ! Nous demandons une simple adaptation de la cotisation des conseillers d'Etat - Monsieur Lescaze, il faut bien dire les choses - parce qu'on avait «oublié» d'adapter la cotisation des conseillers d'Etat ! On a corrigé ce taux pour les magistrats - 2% de plus - mais on a «oublié» de le faire pour les conseillers d'Etat... Je trouve cela vraiment tout à fait injuste sur le fond.
Ce n'est pas un exemple à donner à la population, qui voit que ceux qui sont chargés de gérer la société et qui doivent serrer les boulons pour tout le monde pour arriver à équilibrer le budget, ne payent même pas 6,5% de cotisation comme les autres magistrats !
A mon avis, une autre question mérite d'être posée: la situation du chancelier... Tout le monde a parlé de cette mesure comme si elle était normale pour tous, mais le chancelier n'est pas du tout dans la même situation que le Conseil d'Etat ! Pourquoi, tout d'un coup, le mettez-vous au même niveau et lui permettez-vous d'avoir les mêmes prestations, alors que ce n'est pas le cas dans la plupart des autres cantons ? Vous pouvez le constater dans les tableaux comparatifs. Nous avons soulevé une série de problèmes réels au niveau de la caisse de retraite, mais nous n'avons jamais été opposés à discuter du salaire des conseillers d'Etat: il s'agit d'un autre problème ! Je le répète, nous sommes prêts à entrer en matière sur ce sujet, mais alors faites des propositions concrètes et cohérentes !
Pour l'instant, il s'agit simplement d'être juste et équitable: c'est un minimum que les conseillers d'Etat payent 6,5% de cotisation à la caisse de retraite, car ils obtiennent des retraites tout de même relativement élevées. (Brouhaha.)Je ne veux pas donner de chiffres ici, Mesdames et Messieurs les députés, mais je vous assure que lorsque des propositions ont été faites au sujet des retraites des conseillers d'Etat... (Exclamations.)
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Spielmann !
Une voix. Motion d'ordre !
Le président. Il n'y a pas de motion d'ordre ! Laissez terminer l'orateur ! La motion d'ordre, ce sera pour tout à l'heure !
Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann. Les radicaux étaient venus avec un grand projet pour les retraites des conseillers d'Etat, que l'on appelait les «retraites dorées»... (Exclamations.)Ils avaient été d'une extraordinaire générosité pour faciliter le départ de trois des leurs... (Exclamations.)Ils sont d'ailleurs tous partis aujourd'hui sans que le canton ait été particulièrement généreux... Il y avait d'autres solutions, voyez-vous ! (Exclamations.)Quand ils sont partis, un référendum avait été lancé, qui avait recueilli plusieurs dizaines de signatures en quelques semaines, et les radicaux, courageux comme toujours, ont déposé un projet de loi annulant la loi qu'ils avaient prévue ! (Exclamations.)
Le président. Veuillez conclure, Monsieur Spielmann, s'il vous plaît !
M. Jean Spielmann. A ce niveau-là, sachez qu'il y a un écart considérable entre ce que pense la population et ce que vous êtes en train de vociférer depuis vos places ! Quand il faudra justifier vos projets devant la population, je suis sûr, Mesdames et Messieurs les députés, que vous perdrez beaucoup de votre arrogance et vous ferez comme la dernière fois: vous les retirerez, vous irez les cacher et vous vous tairez !
Pour le moment...
Le président. Vous avez utilisé votre temps de parole, Monsieur Spielmann !
M. Jean Spielmann. ...nous sommes face à un problème d'équité et de justice, et je demande à ce Grand Conseil de voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Monsieur Luscher, pour une motion d'ordre.
M. Christian Luscher (L). Je demande, Monsieur le président, qu'il soit fait application de l'article 79, alinéa 1, de la loi portant règlement du Grand Conseil, soit que nous interrompions immédiatement le débat et que nous passions au vote, pour une raison très simple que j'explique en trente secondes. C'est que, sous couvert du renvoi en commission, chacun a pu s'exprimer sur la position de son groupe, que nous avons tous compris les enjeux de cette loi, que nous savons tous déjà ce que nous allons voter et que toute parole supplémentaire n'a d'autre but que d'asphyxier ce parlement.
C'est la raison pour laquelle je propose que nous votions immédiatement ma motion d'ordre. (Applaudissements.)
Le président. Je vous rappelle qu'il faut que cette proposition soit soutenue par les deux tiers de ce parlement pour qu'elle soit acceptée. (Exclamations.)Non, non, non ! Nous allons procéder au vote au moyen du vote électronique. Ceux qui acceptent le vote immédiat d'entrée en matière sur ce projet de loi répondent oui, les autres votent non.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
(Résultat du vote électronique: 57 oui, 16 non et 1 abstention.)
Le président. La majorité des deux tiers étant atteinte, je fais voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.