Séance du jeudi 2 mai 2002 à 10h
55e législature - 1re année - 7e session - 36e séance

PL 8644
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 85 millions de francs sur 11 ans (2002-2012) avec subvention pour les études et les mesures d'assainissement des nuisances sonores des routes cantonales et nationales

Préconsultation

M. Yvan Galeotto (UDC). Nous ne sommes pas contre le principe de ce crédit, mais la somme de 85 millions, soit 7 727 000 F sur onze ans, nous paraît toutefois exagérée. On ne sait pas la distance que requiert la pose de ces installations antibruit: il est donc impossible d'en établir le coût. Et, de plus, le problème de l'évolution constante des divers matériaux engendre également une différence des coûts. En effet, chaque année sortent de nouvelles technologies et il n'est pas possible d'établir le coût sur une période aussi longue - onze ans - surtout si on voulait rester au top des possibilités.

Le problème d'impact sur le paysage urbain et suburbain, joint à l'efficacité réelle de ces murs antibruit en rapport avec la hauteur des bâtiments jouxtant ces routes, n'est pas défini. Il nous faut donc des projets concrets et ponctuels.

En examinant également le budget déjà voté du pont de l'Ecu, on s'aperçoit que les frais d'insonorisation sont déjà compris dedans. Que de flou !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre votera non à ce projet.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Ce projet de loi est très explicite. Il reconnaît la gravité du problème du bruit. Il reconnaît qu'un habitant sur quatre supporte une charge sonore trop élevée. Il reconnaît que des milliards ont déjà été dépensés en Suisse pour lutter contre les nuisances sonores et il reconnaît qu'il faut d'abord prendre des mesures à la source. Mais, dans ce projet de loi, aucun montant n'est prévu pour ces mesures...

On doit cependant reconnaître que sur certains grands axes routiers comme la route du Pont-Butin, le pont de Lancy ou l'avenue de l'Ain, la circulation a atteint un tel seuil que ce n'est plus du tout vivable pour les habitants. Mais alors il faut être honnête et avouer que, sur ces routes, aucune mesure antibruit ne sera suffisante et qu'il faudra bien, soit cesser de construire des immeubles locatifs, soit les transformer en surfaces commerciales. Nous allons d'ailleurs déposer un projet de déclassement allant dans ce sens sur les bordures des grands axes routiers.

Mais, avant toute chose, le mieux pour les Verts serait de prendre les mesures en amont pour éviter d'enfermer les gens dans des bunkers et de concevoir tout l'aménagement selon la suprématie des transports routiers.

Pour nous, il y a donc trois premières mesures antibruit.

Premièrement, réduire le trafic en augmentant les prestations TPG. D'ailleurs, nous sommes saisis d'un projet de loi qui est le plan directeur des transports publics et qui coûtera dans les 20 millions, ce qui est quand même moins cher que 85 millions...

M. Claude Blanc. C'est le jour de la grève que cela allait le mieux !

Mme Sylvia Leuenberger. Il faudra inciter l'usage du vélo ou la marche à pied. Deuxième chose, il faudra réduire la vitesse, car on sait très bien que celle-ci est un facteur de bruit. Pour ce faire, il faut intensifier les contrôles soit policiers, soit au niveau des émissions sonores des moteurs... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

Mme Sylvia Leuenberger. Il faut pour cela également modifier le comportement des gens. C'est-à-dire qu'il faut former et informer les conducteurs qu'il y a des manières de conduire beaucoup plus écologiques, et la nouvelle loi sur la circulation routière va le permettre. Mais pour cela il faut de l'argent et ce projet de loi n'a prévu aucun montant à cet effet.

Nous souhaitons que ce Conseil soutienne nos projets qui iront dans le sens d'une limitation du bruit des voitures.

Nous acceptons le renvoi de ce projet de loi en commission, tout en pensant qu'il faut prendre d'autres mesures.

M. Gabriel Barrillier (R). Ce crédit doit permettre à notre canton de concrétiser la stratégie de lutte contre les nuisances du bruit routier prévue par la législation fédérale. Il est vrai qu'un habitant sur quatre supporte une charge sonore trop élevée. Les mesures dont il est question dans ce projet de loi concernent essentiellement les revêtements routiers dits «phono- absorbants».

L'industrie et les entreprises spécialisées ont fait d'énormes progrès pour offrir des revêtements qui réduisent considérablement le bruit de roulement des véhicules. Des enrobés nouveaux peuvent diminuer les bruits routiers de 8 décibels, soit environ 80% de moins. Ajoutée aux autres mesures à la source - et je suis très sensible à ce qui vient d'être dit à ce sujet - et sur l'environnement, la pose de nouveaux revêtements antibruit doit être réalisée sans tarder.

A cette occasion, j'aimerais lancer une idée à la commission des travaux qui va étudier ce projet de loi et qui pourrait s'interroger sur le problème général de l'entretien des routes qui sont en mauvais état dans notre canton et dans notre ville. Si vous passez, par exemple, à la place des Eaux-Vives, vous aurez l'impression - M. Ferrazino n'est plus là, je ne sais pas si c'est lui qui est responsable de ce secteur - de traverser un carrefour en Calabre en 1950... (Rires.)

Je souhaiterais donc que la commission des travaux se penche sur la meilleure façon d'entretenir à long terme le réseau routier, par exemple en octroyant des concessions d'entretien, sur dix ou vingt ans, sur tronçons, à des entreprises spécialisées mises en soumission.

Pour être bref, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie, au nom du groupe radical, de bien vouloir renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux.

M. Dominique Hausser (S). L'Ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit (OPB) est assez claire: la lutte contre le bruit commence par la lutte contre les sources de bruit et poursuit en traitant les effets du bruit.

Ce projet de loi, même si l'exposé des motifs parle des problèmes d'émission du bruit, ne traite finalement que des effets et essaye de les réduire. Cela a été dit, le transport individuel privé augmente, il est générateur de bruit, de pollution de l'air, et leurs coûts ne devraient pas être pris en charge par la collectivité - car, par ce crédit d'investissement prélevé sur les recettes fiscales, on fiscalise et on socialise les nuisances au profit des pollueurs.

Bien entendu, nous examinerons ce projet de loi en commission, mais nous nous demanderons si nous ne devons pas appliquer le principe du pollueur-payeur, et, finalement, proposer parallèlement une augmentation de l'impôt auto... (Exclamations.)...de manière à financer ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christian Ferrazino (AdG). Deux mots en réponse à votre observation, Monsieur Barrillier, observation au demeurant tout à fait pertinente. En effet, vous avez pris un exemple - ils sont nombreux en Ville de Genève, car c'est précisément la Ville de Genève qui subit le plus de nuisances dues au trafic automobile - mais vous auriez dû relever le paradoxe de cette situation: que la commune qui subit le plus de nuisances dues au trafic automobile ne touche pas un centime de participation de la part du canton pour tenter de remédier à ces nuisances !

Et le projet de loi - je m'empresse de le dire - qui est largement soutenu par l'Alliance de gauche devrait être complété, Monsieur Barrillier, par une participation en faveur de la Ville de Genève pour lui permettre, justement, de prendre des mesures visant à remédier à une situation qui - je vous l'accorde et je suis de cet avis - n'est pas tolérable. Et il n'y a pas que la place des Eaux-Vives ! Je peux vous dire que c'est en Ville de Genève que nous dénotons le plus de rues qui dépassent les valeurs limites et les valeurs d'alarme, et nous nous employons à trouver des solutions.

Je peux aussi vous dire, et vous le savez tout comme moi, que les différentes propositions qui sont visées dans ce projet de loi ne pourraient pas être plaquées ipso facto en Ville de Genève: on ne pourra pas faire des murs antibruit à l'intérieur de nos quartiers... (L'orateur est interpellé.)Vous savez qu'avec les procédés les plus développés techniquement on arrive à une amélioration de deux à trois décibels, en ce qui concerne le revêtement bitumineux.

M. Claude Blanc. C'est déjà pas mal !

M. Christian Ferrazino. C'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas suffisant pour bon nombre d'artères en Ville de Genève, et, bien évidemment, une des solutions les plus efficaces, c'est de diminuer la charge de trafic sur bon nombre de ces artères.

Simplement - et c'est le deuxième paradoxe que je voulais relever - si l'ensemble des aménagements sont aux frais de la municipalité, les décisions, elles, qui visent à prendre un certain nombre de mesures en amont, sont de la compétence du canton...

Voilà un paradoxe supplémentaire, qui vous montre la nécessité, en l'occurrence, non seulement de donner une suite favorable à ce projet de loi, mais de souhaiter qu'il puisse être suivi d'un complément en faveur, précisément, des mesures à prendre pour les voies de circulation qui dépassent les valeurs d'alarme et qui sont situées en Ville de Genève.

Le président. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes en débat de préconsultation. Je ne peux donc pas donner la parole ni à M. Desbaillets ni à M. Koechlin.

Monsieur Muller, vous avez la parole.

M. Mark Muller (L). Le groupe libéral acceptera bien entendu le renvoi en commission de ce projet de loi.

C'est l'occasion cependant, en préambule, de rappeler que nous ne sommes pas ici en présence d'une proposition qui vise à lutter contre le trafic automobile. Nous sommes en présence d'une proposition de crédit d'investissement pour assainir le réseau routier et pour lutter contre le bruit.

On nous dit, sur les bancs des Verts et sur les bancs des socialistes, que la lutte contre le bruit devrait en fait se concrétiser par une lutte contre les causes du bruit et non pas contre les effets du bruit. Eh bien, ce n'est ni l'un ni l'autre, Mesdames et Messieurs ! Nous sommes ici pour lutter contre le bruit, pas contre les causes du bruit ni contre les effets du bruit ! (Exclamations.)

Par ailleurs, M. Hausser propose d'appliquer le principe du pollueur-payeur... Eh bien, c'est exactement ce que vous suggère le Conseil d'Etat: en proposant d'utiliser les deniers publics pour lutter contre le bruit, nous appliquons le principe du pollueur-payeur, puisque c'est par le biais des impôts que nous allons financer ce crédit, impôts payés par ceux-là mêmes qui utilisent le réseau routier, c'est-à-dire vous et moi, c'est-à-dire le contribuable genevois ! Nous appliquons donc ici bel et bien le principe du pollueur-payeur.

M. Claude Blanc (PDC). Lutter contre le bruit, c'est lutter contre la source et contre les effets du bruit. En fait, on est obligé de lutter d'une manière globale contre le bruit.

Alors, je peux bien admettre que les Verts, notamment, essayent de lutter contre le bruit à la source, mais ce bruit à la source existera toujours, parce que vous ne pourrez pas, contrairement à ce que vous rêvez de faire, contraindre les Genevois, qui sont, je le rappelle, les plus motorisés du monde. On nous dit parfois qu'un très grand nombre de personnes sont au-dessous du seuil de pauvreté chez nous et, en même temps, nous serions les plus motorisés du monde... Je n'ai jamais réussi à comprendre ce paradoxe ! Mais cela est un détail.

Lutter contre le bruit à la source, c'est bien, mais il faut aussi lutter contre les effets du bruit, c'est-à-dire qu'il faut que les infrastructures participent à la lutte contre le bruit, car il est indéniable que, si l'infrastructure des routes est suffisamment améliorée, ce sera tout bénéfice sur l'émission de bruit, en tout cas sur la perception qu'en ont les habitants.

Maintenant, quant à savoir comment on va financer ces mesures, je rappellerai à M. Hausser que, pour ce qui est de l'impôt auto, on a déjà donné... On attend d'ailleurs toujours une réponse de Mme Spoerri pour savoir si la récente modification de l'impôt auto qui a été votée l'année dernière était vraiment neutre. Comme elle ne nous donne toujours pas cette information, j'imagine qu'elle a quelque chose à nous cacher... Je n'en sais rien ! Nous l'attendons...

Monsieur Ferrazino, j'aimerais vous dire que si la Ville de Genève doit supporter la plus grande partie de la circulation et, par conséquent, des frais importants pour entretenir ces voies de circulation, c'est aussi parce que la Ville de Genève concentre en son sein le plus grand nombre d'emplois et qu'elle encaisse une somme non négligeable des impôts des personnes qui habitent dans les autres communes. Il ne faut tout de même pas oublier que les impôts payés par tous ceux qui habitent dans les autres communes et qui travaillent en Ville servent précisément à cela, Monsieur Ferrazino, et non à payer un casino qui va être fermé parce que vous n'avez pas su le gérer ! Voilà ! (Rires et exclamations.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet de loi résulte simplement d'une obligation de droit fédéral: nous devons assainir la situation. Les règles du jeu sont d'ailleurs claires: il faut tout d'abord agir à titre préventif à la source, ensuite sur la voie de propagation du bruit et, en dernier lieu seulement, si les résultats ne sont pas satisfaisants, sur le lieu d'émission. C'est cette politique que nous entendons suivre, c'est celle qui est conforme au droit fédéral.

Ce crédit comporte d'ailleurs une subvention de la Confédération à hauteur de 49%, ce qui signifie qu'il reste à charge du canton 43 millions sur dix ans, à peu près, donc une dépense d'un peu plus de 4 millions par année.

Vous avez dit, Monsieur le représentant de l'UDC, que tout cela n'était pas très clair: je suis d'accord avec vous qu'un certain nombre de décisions doivent encore être prises quant à la possibilité, précisément, d'intervenir le plus possible à la source, ou alors, là où ce n'est malheureusement plus possible, d'intervenir par des murs antibruit, qui sont l'avant-dernière solution avant les mesures d'isolation des façades.

Mais nous n'oublions pas le programme amont. C'est évidemment par là qu'il faut commencer, mais comme cela n'est pas suffisant - plusieurs d'entre vous l'ont rappelé - des mesures constructives et d'infrastructure doivent être prises. Il s'agit aussi bien des revêtements phono-absorbants que des modifications de voies de circulation, qui ont un effet sur le niveau sonore, que de l'ensemble de la panoplie des mesures.

Je souhaite que votre non d'aujourd'hui se transforme en oui en commission, lorsque vous aurez pu constater que, si nous ne présentons pas un paquet totalement ficelé, c'est parce que nous essayons encore d'améliorer au maximum les propositions concrètes, tronçon par tronçon, précisément pour intervenir le plus en amont possible.

Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.