Séance du jeudi 2 mai 2002 à 10h
55e législature - 1re année - 7e session - 36e séance

M 1427
Proposition de motion de MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz pour l'enseignement du développement durable

Débat

M. Alain Etienne (S). Bien évidemment le parti socialiste est favorable à l'enseignement du développement durable dans les écoles à tous les niveaux. Nous soutiendrons donc cette motion. Cependant, nous tenons à faire quelques remarques. On peut tout d'abord se demander si cet enseignement ne se fait pas déjà. Peut-être aurons-nous des éclaircissements dans la réponse du Conseil d'Etat...

Certaines initiatives existent pourtant. Le mois dernier, j'ai participé avec d'autres, dont mon collègue Christian Brunier, à une journée de réflexion sur ce thème au Collège Calvin. Cette initiative venait des étudiants eux-mêmes.

On peut aussi se demander si la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes ne pourrait pas entrer dans le cadre de cet enseignement et si ce n'est pas aussi un des aspects du développement durable.

Je tiens à signaler également que ce parlement a aussi voté une loi sur le développement durable et qu'il y a maintenant un service cantonal spécifique rattaché au DIAE. Je crois qu'il faut maintenant laisser un peu de temps pour voir les effets de cette volonté politique.

Alors, oui, on peut encore demander au Conseil d'Etat ceci ou cela, mais j'ai parfois l'impression que ces motions sont là pour faire bien dans le paysage...

En fait, et c'est tant mieux, les radicaux font aujourd'hui leur révolution écologique... (Rires.)

M. John Dupraz. Non, mais c'est n'importe quoi !

M. Alain Etienne. Les radicaux découvrent aujourd'hui...

Le président. Arrêtez la «provoc», s'il vous plaît !

M. Alain Etienne. ...qu'il faut faire quelque chose pour la planète...

M. John Dupraz. Ce sont des attaques insensées !

Une voix. Ecoute et prends des notes !

Une voix. Il vous félicite, je ne sais pas pourquoi tu te fâches, Dupraz ! (Le président agite la cloche.)

M. Alain Etienne. Les radicaux découvrent aujourd'hui qu'il faut faire quelque chose pour la planète, sinon nous allons vers l'irréparable...

Pour nous, socialistes, ce n'est pas nouveau, et l'Alternative a souvent tenté de sensibiliser les esprits de l'Entente dans ce parlement.

Vous posez les bonnes questions. Quelle solidarité entre les hommes et les peuples du monde ? Comment les pays industrialisés peuvent-ils se développer sans nuire ? Mais il faudrait mener la réflexion jusqu'à son terme et faire notre propre auto-critique sur le système dans lequel nous vivons. A voir les conditions dans lesquelles se passent les discussions au Forum de Davos ou lors des rencontres de l'OMC, on peut avoir quelques doutes sur les volontés de changement...

Pour ma part et pour le symbole, j'aurais préféré que ce genre de motion soit présentée par l'ensemble des groupes, afin de montrer encore plus fortement la volonté de ce parlement. Alors, encore une fois, nous allons vous suivre et nous voterons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, à moins qu'une proposition de renvoi en commission ne soit faite.

M. John Dupraz (R). C'est avec attention que j'ai écouté le préopinant.

Pour les radicaux, ce n'est pas une nouveauté que de s'engager en faveur d'un monde équilibré, et il est vrai que le développement durable est une thématique qui est traitée au niveau mondial. Et il est tout à fait évident que nous devons nous en préoccuper quotidiennement.

Le développement durable, je le rappelle, est une adéquation entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux de la société, et il s'agit d'arriver à concilier ces trois éléments, ce qui n'est pas toujours facile - c'est vrai.

Alors, quand un éminent socialiste comme M. Etienne se permet de nous donner des leçons en disant que les socialistes se préoccupent de ce problème depuis longtemps, je lui fais simplement remarquer qu'en ce qui concerne les services publics et la Poste, les socialistes sont à la tête d'un monument de destruction dans ce pays ! Nous n'avons donc pas à recevoir de leçons de morale de la gauche. Et ce sont des dossiers beaucoup trop importants pour qu'ils soient négligés, même s'ils sont à la mode et que certains peuvent croire que ce n'est qu'une mode... Je peux vous dire que dans ma profession il y a fort longtemps que nous pratiquons le développement durable, parce que nous savons très bien que, si nous exploitons trop le sol, la nature se venge et qu'après la terre ne produit plus rien ! Et je prends à témoin un éminent viticulteur, M. Gros pour ne pas le nommer !

Il faudrait donc que les socialistes se montrent un peu plus modestes dans leurs propos, car ils n'ont pas l'exclusivité de l'écologie et du social ! C'est une préoccupation permanente pour les radicaux et pour d'autres. (Applaudissements.)

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Notre groupe est évidemment cent pour cent d'accord avec les motionnaires et votera ce projet. Mais alors, Mesdames et Messieurs les radicaux... (L'oratrice est interpellée.)Madame... Elle n'est pas là, mais cela ne fait rien, elle est certainement de coeur ici ! Lorsque la chaire d'enseignement du développement durable à l'université conclura que, si la planète veut survivre, il faudra diminuer drastiquement les émissions de CO2, ne plus produire d'aliments modifiés génétiquement, économiser l'énergie, renoncer au nucléaire, etc., etc., j'espère que vous serez d'accord de renoncer à votre chère voiture, d'isoler les bâtiments, d'acheter des aliments bio, non transportés en camions polluants ! Bref, de modifier votre comportement dans les faits concrets et de voter avec nous les projets écologiques que nous présentons ! Mais j'en doute quand même, parce que, lors d'une dernière séance, je me souviens que vous aviez déjà de la peine à accepter une journée sans voitures - une journée dans l'année !

Quoi qu'il en soit, nous acceptons cette motion, et nous nous réjouissons de travailler sur des projets de développement durable. (Applaudissements.)

M. René Desbaillets (L). Je trouve dommage que cette motion sur le développement durable dérape tout de suite au niveau politique et que l'on commence à donner des noms de partis ! (Exclamations.)

Pour moi, le développement durable concerne tous les citoyens qui sont aujourd'hui confrontés au problème de la pollution. Et nous nous apercevons que nous fonçons à grande vitesse - par TGV et gros camions interposés - droit dans le mur.

Pour moi, travailleur de la terre, le développement durable est inhérent à ma profession. On nous a transmis un sol de génération en génération, et nous espérons pouvoir transmettre ce sol à nos enfants et à nos petits-enfants, un sol qui puisse continuer à produire et à nourrir la population.

Ce qui me fait peur dans ce développement durable, c'est qu'on va en discuter dans les universités, dans des grands colloques, etc. Or, le développement durable s'apprend avec la pratique ! Et pour moi ce sont surtout les praticiens qui doivent discuter de ces problèmes et non des grands théoriciens qui n'ont jamais tenu un marteau ou un râble dans la main !

Je propose que cette motion soit renvoyée à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

M. Claude Aubert (L). J'ai une question à poser aux motionnaires à propos de leur demande d'instituer une chaire pour l'enseignement de cette problématique à l'université de Genève. Que devient, par rapport à cette chaire, l'Institut universitaire d'études du développement ? Est-ce un oubli de leur part ou est-ce un désaveu ?

M. Charles Beer (S). Il est vrai que cette motion s'inscrit dans la tradition d'un certain nombre de motions proposées par le groupe radical au Grand Conseil, dans une rubrique qu'on pourrait intituler «motions semestrielles sur l'enseignement»... La première du genre portait sur l'enseignement de l'instruction civique, suivie de l'enseignement de l'informatique et, maintenant, de l'enseignement du développement durable... Il y en a une à peu près une tous les six mois: j'ai vérifié le rythme et c'est un cycle d'activité qu'il faut relever !

On peut d'un côté saluer cette volonté du groupe radical d'aviver la discussion sur l'enseignement et sur les programmes, mais, quelquefois, le calendrier joue des mauvais tours, Messieurs les radicaux... Pourquoi ? Parce que, comme vous avez un semestre de retard en raison, précisément, des retards dans nos travaux parlementaires, cette motion se télescope, au niveau de l'agenda, avec la motion que nous traiterons au point 38 qui demande un moratoire sur les réformes scolaires et pédagogiques... Alors, d'un côté, vous demandez qu'on revoie sans arrêt l'enseignement et, juste après - ou plutôt simultanément - vous demandez qu'on arrête les expériences pédagogiques... Merci pour la cohérence ! (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Je voulais m'exprimer seulement sur la proposition de renvoi en commission, puisque c'est bien de cela dont il s'agit...

Le président. Oui, vous avez raison !

M. Claude Blanc. Je voulais dire que je trouverais préférable que cette proposition de motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur, puisque la principale invite consiste à élaborer un projet académique visant à introduire l'enseignement du développement durable. Il me semble donc que c'est bien dans cette commission qu'il faut la renvoyer pour examiner s'il faut ou non introduire un tel enseignement sur ce sujet.

Le président. Vous avez raison, Monsieur Blanc ! D'ailleurs, les chefs de groupe ont aussi proposé de la renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur. Nous y reviendrons tout à l'heure. Monsieur Dupraz, vous avez la parole.

M. John Dupraz (R). Je réponds à la question qui a été posée par M. Aubert tout à l'heure.

Il ne s'agit pas de dénigrer ce qui a été fait par d'autres instituts. Mais nous estimons que c'est un thème et, entre guillemets, une nouvelle «science» qu'il faut développer et enseigner. Je pense dès lors que le Conseil d'Etat trouvera la formule pour ne pas détruire ce qui est en place et qu'il cherchera plutôt à le renforcer en trouvant des synergies dans cet institut.

Quant aux remarques de M. Beer, elles relèvent du charlatanisme primaire, polémiste, syndicaliste de petite envergure ! Nous avons l'habitude de ses propos, nous n'y prêtons plus attention !

Le président. Si vous ne voulez pas vous faire ramasser, arrêtez de provoquer ! Monsieur Unger, vous avez la parole.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur Dupraz, soyez toute ouïe, pour une fois que le Conseil d'Etat va vous proposer de recevoir directement une motion issue de vos rangs... Profitez de ce bonheur rare et de cette petite musique douce !

En effet, Mesdames et Messieurs, le problème du développement durable, chacun des groupes l'a dit, est un problème qui préoccupe notre parlement depuis longtemps et autour duquel se construit un consensus.

Evidemment, sur la manière, les uns ou les autres y voient des choses différentes. Au point même qu'on pourrait imaginer renvoyer cette motion à trois commissions: celle de l'enseignement, celle de l'enseignement supérieur ou celle de l'environnement...

En réalité, Mesdames et Messieurs, si cette motion peut être renvoyée dans trois commissions, c'est qu'elle doit être renvoyée directement au Conseil d'Etat pour que, de manière concertée, le département de l'instruction publique et le département de M. Cramer puissent vous répondre dans les meilleurs délais et de manière intégrée.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tout de même saisis d'une proposition de renvoi en commission, et je pense qi'effectivement il devrait s'agir de la commission de l'enseignement supérieur. Etes-vous d'accord ? Alors, je mets d'abord aux voix la première proposition qui a été faite par M. Desbaillet, soit de la renvoyer à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

M. René Desbaillets (L). Monsieur le président, je me rallie à la proposition du Conseil d'Etat. Les deux départements l'examineront.

Le président. Bien, nous allons alors voter sur le renvoi en commission de l'enseignement supérieur... (Le président est interpellé par M. Dupraz.)Monsieur Dupraz, il y a eu une autre propositions de faite ! Vous n'avez qu'à la refuser, c'est simple !

Mise aux voix, le renvoi de cette proposition de motion en commission est rejeté.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons maintenant sur la motion.

Mise aux voix, la motion 1427 est adoptée.